On vous avait parlé, le mois dernier, de la série Netflix La Révolution, dont la bande-annonce était plus que prometteuse, il est maintenant temps de dresser le bilan de ces 8 épisodes.
Tout d'abord, il faut reconnaître que les points forts que l'on pouvait deviner en visionnant la bande-annonce sont bel et bien là. Les décors sont fort beaux, la photographie est très soignée, la bande-son est plutôt pas mal également. Bref, d'un point de vue formel, non seulement c'est réussi, mais c'est même d'une qualité rare pour une série française.
Les principales critiques, notamment de la presse, portent plus sur le scénario en lui-même. Qui n'est pas parfait mais possède tout de même quelques qualités. Mais voyons déjà plus en détail le pitch de cette saga fantastico-historique.
Quelques années avant la Révolution, le meurtre atroce d'une jeune femme déclenche, dans un lointain comté, l'ire de la populace et l'enquête d'un médecin, Joseph Guillotin. Ce dernier découvre bientôt l'existence d'une maladie encore inconnue, le "sang bleu", dont les effets sont ravageurs. Les personnes atteintes... décèdent, puis reviennent à la vie en bénéficiant d'une force accrue, de sens plus aiguisés, elles sont même plus ou moins immortelles, mais elles éprouvent aussi une faim insatiable (et difficilement contrôlable) de chair humaine. Seule manière d'éliminer ces morts-vivants : leur couper la tête.
Le virus se répand dans l'aristocratie locale, transformant les nobles en monstres assoiffés de sang. Monstres qui vont être combattus par la Fraternité, un petit groupe de résistants qui pourrait bien faire trembler les bases du royaume.
Voilà l'histoire dans les grandes lignes. La trame principale s'attache à une poignée de personnages, dont les Montargis, qui dissimulent pas mal de secrets, ou encore ce fameux médecin, un peu fadasse. Tout n'est pas totalement abouti dans le développement du récit. Certaines scènes sont très téléphonées et accumulent les clichés, et l'intrigue met du temps à décoller et se révèle même quelque peu obscure dans les premiers épisodes. On peut même parler parfois de légères incohérences, ce qui n'aide pas non plus. Mais, au-delà de ça, tout n'est pas à jeter, loin de là.
Tout d'abord, les critiques sur l'aspect purement historique n'ont pas lieu d'être, nous sommes ici dans une uchronie, pas une fiction qui s'attache à réellement représenter la réalité de cette époque [1]. Ensuite, les auteurs, Aurélien Molas, Gaïa Guasti, Sabine Dabadie et Hamid Hlioua, mettent en place une gigantesque métaphore zombiesque certes un peu facile mais pas totalement idiote. Les divers éléments, même s'ils renvoient grossièrement à des symboles bien connus (le sang bleu, la Fraternité, les décapitations ou encore le drapeau tricolore), permettent d'enraciner cette saga horrifique dans une Histoire fantasmée et familière.
Qu'il y ait des maladresses au niveau de l'écriture, des longueurs, des scènes ratées, c'est indéniable, mais l'ensemble se laisse voir et tient en haleine, notamment grâce à certains plans élégants, quelques envolées lyriques ou une violence relativement esthétisée.
Surtout, mine de rien, La Révolution invente un nouveau type de morts-vivants, entre le zombie classique et le contaminé à la 28 Jours plus tard. Les Sangs-Bleus ont un aspect physique à peu près normal, ils conservent leur intelligence (ou leur absence d'intelligence dans le cas de Donatien), mais ils s'avèrent bien monstrueux et inquiétants.
Enfin, la scène finale, dévoilant un roi sinistre et flippant, donne clairement envie de voir la suite, ces huit épisodes n'étant finalement qu'une longue introduction.
Dans tous les cas, on est devant un gigantesque bond en avant qualitatif pour la fiction française (au moins sur la forme, le fond restant à travailler sans pour autant être honteux). Du coup, l'on a du mal à comprendre les critiques souvent très vives qui ont plu sur cette série, parfois dès la bande-annonce. Il est clair qu'en France, tout ce qui est SF, fantastique, heroic-fantasy, épouvante, on ne sait pas faire. Il suffit pour s'en convaincre de voir les rares tentatives récentes au cinéma, de Seuls, blindé d'absurdités, à l'encore plus creux Grave. La Révolution n'a heureusement pas ce genre de défauts, ou en tout cas, ils ne sont pas aussi nombreux et prononcés. Il s'agit donc d'une évolution louable, que l'on peut encourager sans rougir. Quand on voit de quoi l'on part, entre un Camping Machin, une Joséphine, Ange-Gardien, ou les conneries de cet acabit, difficile de ne pas applaudir des deux mains quand des auteurs tentent de sortir la fiction françaises des ornières "comiques" ou "polar" (voire pire, "dramatiques" [2]), dans lesquelles elle est engluée jusqu'aux coudes depuis des décennies.
La Révolution est une série ambitieuse, au titre peut-être prophétique si elle parvient à encourager des projets innovants et originaux qui pourraient devenir le trait d'union manquant entre l'originalité, mais le manque de moyens criant, des projets issus du net et les productions plus professionnelles, qui ont perdu l'habitude, pourtant inhérente à leur activité, de prendre de réels risques.
[1] Les armes à feu de l'époque n'ont évidemment pas la précision d'un fusil de sniper moderne, comme on peut le voir dans certaines scènes, mais dans le contexte, ces étranges pétoires "upgradées" passent pour un élément uchronique de plus. On est loin des inepties de The Walking Dead, quand les personnages se protègent de tirs nourris de fusils d'assaut derrière de la tôle ondulée ou une portière de voiture.
[2] Entendre par là les films parisianistes et égocentrés (dits) d'auteurs, à l'intrigue inexistante et au casting dépressif.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
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