"Le berger avec ses moutons a l'air d'une église avec son village."
- Jules Renard
Ici, nul berger, pour les moutons imaginés par Crisse (Didier Chrispeels) et dessinés par Christian Paty, mais bien un curé.
Autant dire que la citation de Renard servant ici de chapeau n'en est que plus pertinente !
Autant dire que la citation de Renard servant ici de chapeau n'en est que plus pertinente !
Cette bande dessinée sort un peu de ce que je chronique habituellement pour UMAC mais il en va ainsi des coups de cœur : l'impérieux besoin de les partager au plus grand nombre s'impose à nous et on en vient à causer de boules de laine sur pattes sans trop savoir comment ça a bien pu arriver.
Notre histoire se déroule entièrement en Irlande, dans un hameau tranquille du comté de Kilkenny (oui, je sais : "Oh, my God, they killed Kenny !"... mais non, rien à voir !). Comme souvent dans les histoires campagnardes, le paysage y est pour ainsi dire un personnage essentiel. C'est pourquoi il va falloir tout d'abord vous poser le décor.
Visualisez la lande d'Irlande. Zoomez sur un petit village charmant et isolé. Centrez votre regard sur l'église et cherchez l'incongruité architecturale du bâtiment. Vous l'avez ? Oui, en effet, comme fusionné avec l'église de campagne, un petit pub blanc à porte rouge et singulièrement baptisé "Pink Clover" ne manquera pas d'attirer votre attention. Le mur du fond de l'estaminet, celui derrière le bar, n'est autre que le mur extérieur de la maison de Dieu... Si certains villageois goûtent avec amusement l'ironie de cet étrange arrangement entre la soutane du vin de messe et la robe rousse des bières locales, d'autres en ont assez de cette originalité quasi centenaire qui attise les guerres de clocher.
Visualisez la lande d'Irlande. Zoomez sur un petit village charmant et isolé. Centrez votre regard sur l'église et cherchez l'incongruité architecturale du bâtiment. Vous l'avez ? Oui, en effet, comme fusionné avec l'église de campagne, un petit pub blanc à porte rouge et singulièrement baptisé "Pink Clover" ne manquera pas d'attirer votre attention. Le mur du fond de l'estaminet, celui derrière le bar, n'est autre que le mur extérieur de la maison de Dieu... Si certains villageois goûtent avec amusement l'ironie de cet étrange arrangement entre la soutane du vin de messe et la robe rousse des bières locales, d'autres en ont assez de cette originalité quasi centenaire qui attise les guerres de clocher.
Mais ça, c'est l'affaire des humains. Or, dans cette BD, les humains font presque, eux aussi, partie du décor.
En effet, comme cela arrive parfois avec Crisse (je me souviens avec plaisir de son Les compagnons de la taïga, par exemple), ce seront ici les animaux qui tiendront les rôles principaux de cette comédie rurale aux allures de conte. Et comme nous sommes en Irlande, les protagonistes les plus notables seront tout simplement les moutons qui paissent derrière l'église sous la surveillance assoupie d'un chien de berger indolent. Leur histoire nous sera narrée par un petit écureuil résidant dans un chêne des environs en compagnie de Sir Doyle, le hibou insomniaque.
Bien sûr, les moutons ne captent pas la moindre bribe de ce que le vieil homme peut bien baragouiner mais, par contre, ils goûtent avec délice cette nourriture délivrée avec parcimonie mais avec générosité. C'est donc ainsi qu'ils ont fini par supposer que cet homme, généreux en attentions et en friandises, ne pouvait être que... Dieu !
Mais un jour, un grand malheur s'abat sur le troupeau : Dieu ne vient pas !
Déception, doute, peur... nos amis laineux se posent mille questions.
Au matin du deuxième jour de cette incompréhensible absence, le bélier du troupeau, Cornélius, décide néanmoins de continuer à croire et s'autoproclame "guide" du troupeau, prétendant avoir avec l'homme en noir un lien privilégié.
Tout cela donnera lieu à des dissensions dans le troupeau, à une grande méfiance envers les caprins occupant le même pré et vite considérés comme boucs émissaires (haha !), à une enquête improbable menée par notre bondissant narrateur et son ami hibou, à quelques révélations sur le village et à une multitude de clins d'œil, de gags et de jeux de mots à la lourdeur occasionnelle parfaitement assumée.
Qu'est-il advenu du curé ? Dieu serait-il mort ? Cornélius fera-t-il un bon guide ? Le chien de berger prévoit-il le temps qu'il fait ? La brebis Miranda est-elle vraiment aussi bête qu'elle semble l'être ? Autant de questions qui trouveront réponses dans cet album édité par Soleil dont l'histoire est aussi sympathique que cette maquette de couverture originale... Ben quoi ? J'aime bien cette idée d'inverser les traditionnelles positions du titre et de l'illustration, je trouve ça charmant. C'est bien mon droit, non ?
Autant ne pas vous mentir : j'adore le dessin de Crisse. Il a même marqué certaines étapes de ma vie.
Lors de mes premiers jours à l'université, je me suis offert l'intégrale de L'épée de Cristal, cycle de fantasy qui me fit découvrir que ce genre ne se limitait pas à Tolkien, loin s'en faut ! Avide de retrouver ce trait et de comprendre mieux comment il parvenait à si bien insuffler la vie aux pin-ups dont il fait souvent ses héroïnes, je me suis ensuite avidement jeté sur les spin-offs humoristique que sont les Lorette et Harpye du nom des deux sorcières de L'épée de cristal. S'ensuivit mon addiction à son trait : l'érotisme spatial de Cosmos Milady, les mystères de Griffin Dark, le space opera de Kookaburra, la poésie des Compagnons de la taïga, les mythes grecs façon Atalante, les sulfureuses danses égyptiennes d'Ishanti, voire l'action SF de Gunblast Girls... Si je vois Crisse au dessin, j'achète ! C'est parfois même totalement irrationnel : certains de ces albums ne me sont de toute évidence pas destinés mais peu importe... je les ai !
Lors de mes premiers jours à l'université, je me suis offert l'intégrale de L'épée de Cristal, cycle de fantasy qui me fit découvrir que ce genre ne se limitait pas à Tolkien, loin s'en faut ! Avide de retrouver ce trait et de comprendre mieux comment il parvenait à si bien insuffler la vie aux pin-ups dont il fait souvent ses héroïnes, je me suis ensuite avidement jeté sur les spin-offs humoristique que sont les Lorette et Harpye du nom des deux sorcières de L'épée de cristal. S'ensuivit mon addiction à son trait : l'érotisme spatial de Cosmos Milady, les mystères de Griffin Dark, le space opera de Kookaburra, la poésie des Compagnons de la taïga, les mythes grecs façon Atalante, les sulfureuses danses égyptiennes d'Ishanti, voire l'action SF de Gunblast Girls... Si je vois Crisse au dessin, j'achète ! C'est parfois même totalement irrationnel : certains de ces albums ne me sont de toute évidence pas destinés mais peu importe... je les ai !
Mais ici, le bonhomme est dans son autre rôle : il scénarise. Ça lui arrive souvent également... On retiendra entre autres titres le triptyque Petit d'homme, Les ailes du Paéton, la série sur la jeune amérindienne Luuna, les spin-offs de Kookaburra (dont il me manque malheureusement plusieurs tomes désormais hors de prix... je hais les spéculateurs, ils ternissent notre passion !) ou le si joli diptyque dans la savane qu'est Kalimbo. Il y en a d'autres, mais je n'ai pas tout lu...
Dans son rôle de scénariste, Crisse sait généralement plutôt bien s'entourer. Et c'est ici à Christian Paty qu'il confie le soin de donner vie à son histoire. Paty est un dessinateur que j'ai connu pour la première fois en 1996 avec son travail sur le spin-off de Gorn de Tiburce Oger (une autre bande dessinée que j'ai chérie lors de mon adolescence au point de faire de Gorn mon surnom sur le net, à l'époque... il me faudra en parler ici un jour) intitulé Dame Gorge. Plus tard, il travaillera sur Kookaburra Universe (et recroisera donc mes yeux de lecteur fan de Crisse) et je le retrouverai au dessin du tome 5 de La Geste des Chevaliers Dragons (une de ces séries de fantasy, publiée chez Soleil, qui est confiée, album après album, à des mains différentes et dont il faudra sans doute également un jour que je parle ici, arf !)...
Mais revenons à... nos moutons : Crisse, comme à son habitude, nous livre ici une histoire simple sans être simpliste, des personnages attachants, un univers agréable et de l'humour distillé par petites touches parfois subtiles et parfois... nettement moins.
Paty, en dessinateur-caméléon qu'il est, adapte son trait à cette fable animalière et, le moins qu'on puisse dire, c'est que le gaillard a un dessin autrement plus intéressant ici que dans d'autres albums ! On sent de sa part une grande affection pour chacun des animaux auquel il offre des traits d'une expressivité désarmante. Ce sont bien des animaux, ils ne sont pas anthropomorphes mais, à l'instar d'un Juanjo Guarnido pour Blacksad, il parvient néanmoins à donner à leurs faciès mille et une émotions terriblement bien restituées. L'écureuil est craquant-choupinou au possible, certains moutons ont l'air bête à manger du foin (euh... ouais, logique !), le chien dégage cette bonhommie et cette sympathie qui font de ses semblables les meilleurs amis de l'homme, le hibou insomniaque (déjà, j'adore cette idée !) affiche une tronche de "caféin'addict" en manque et le bouc est juste parfait ! Plus banals, les humains restent néanmoins bien dessinés et les décors bénéficient d'un soin particulier, ce qui est bien le moins, vu leur importance dans l'ambiance du récit.
A ce propos... le récit et son ambiance, on en pense quoi ?
A ce propos... le récit et son ambiance, on en pense quoi ?
Vous avez déjà empoigné quelques-unes de vos bandes dessinées juste dans le but de vous offrir un moment de calme dans votre canapé, une tasse de chocolat chaud à la main, face à un feu de bois, histoire de terminer une journée d'automne ou d'hiver avec un sourire aux lèvres ? Parce que c'est pile le genre d'album qui colle parfaitement à la situation.
Ah que j'aime cette BD. Pour sa poésie, pour sa simplicité, pour sa beauté, pour sa douceur, pour ses couleurs un peu estompée, pour sa maquette élégante, pour la combinaison si harmonieuse de ses deux papas... C'est une sorte d'agréable allégorie sur notre rapport au divin mêlant avec légèreté humour et réflexion.
J'ignore quelle promotion sera faite autour de cet album... mais si vous n'avez pas un bloc de granit à la place du cœur et que vous ne le voyez pas en rayon, commandez-le. Il vous fera du bien. C'est un bol d'air pur en ligne directe du Leinster !
Un deuxième tome semble d'ores et déjà prévu, au vu de la numérotation "1/2" du dossier de presse... c'est une bonne nouvelle. Mais j'adorerais que d'excellentes ventes incitent les auteurs à nous faire voir davantage encore de la vie dans ce petit pré derrière l'église.
Allez, en attendant, je me le relis une fois encore ; juste pour le plaisir !
Allez, en attendant, je me le relis une fois encore ; juste pour le plaisir !
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