Pépé le Putois, personnage de dessin animé en quête perpétuelle d'amour, vient de tomber sous les balles des SJW. [1]
En effet, ce putois, caricature en VO d'un... Français, est accusé par les grands penseurs de notre siècle de perpétuer la "culture du viol". Oui, le viol est une culture maintenant. La Warner Bros, pressée de plaire à une minorité de demeurés, a baissé son froc et supprimé le personnage de son dernier film.
Ce n'est bien entendu pas la première fois que des dessins animés, romans, BD ou films sont attaqués de la sorte (cf. cet article, où déjà l'on apprenait que le Club des Cinq, les Schtroumpfs, Astérix, Indiana Jones ou Crocodile Dundee étaient des œuvres "sexistes" ; ou encore cet article, revenant sur une pratique instaurant un véritable encadrement pour les romanciers, afin qu'il leur soit interdit d'aborder des sujets "qui ne les concernent pas"), aussi, on va aborder cette fois le problème différemment.
Admettons que ce pauvre putois imaginaire soit le chantre de la "culture du viol", tout ceci en prenant l'hypothèse, déjà fumeuse, qu'une telle "culture" puisse exister, ce qui voudrait dire que les criminels perpétrant des viols constituent un groupe social à part possédant des caractéristiques (langage, coutumes, croyances...) communes. C'est très con comme hypothèse, mais OK, admettons.
Que signifie exactement, pour le citoyen lambda et pour les auteurs, le fait d'interdire la représentation d'un tel personnage de fiction ?
Eh bien, tout d'abord, cela implique que le fait de voir un putois imaginaire harceler d'autres personnages imaginaires pourrait avoir une influence sur votre comportement. Car, c'est bien connu, quand on voit Le Silence des Agneaux (très bon film de Jonathan Demme), on a envie d'aller dépecer des gens dans la rue.
Imaginez l'extrême niaiserie de l'hypothèse. Si les gens étaient aussi facilement influençables, cela voudrait dire que la moindre fiction pourrait potentiellement être la source d'une hécatombe. Or, malheureusement, les salauds et autres détraqués n'ont pas besoin d'être incités pour passer à l'acte. Même s'ils s'inspirent parfois éventuellement d'une fiction (pour leur accoutrement par exemple), ce n'est évidemment pas un récit ou un personnage qui est en cause ou qui est l'élément déclencheur. Quelqu'un qui en vient à mettre de côté l'empathie, la compassion et la justice pour violer un autre être humain ne le fait pas parce qu'il a vu un dessin animé comique mais bien parce qu'il a déjà une représentation malsaine de la société et un Surmoi [2] atrophié.
L'art, dans son acceptation la plus large, n'y est évidemment pour rien. Ce n'est pas l'art qui transmet un patrimoine génétique, ce n'est pas l'art qui éduque, ce n'est pas l'art qui échoue à dissuader, ce n'est pas l'art qui fait d'un innocent un dangereux prédateur. Et c'est pourtant ce que les excités du moment tentent de nous vendre : la représentation fictive d'un personnage causerait, directement ou indirectement, des viols...
C'est d'une absurdité sans nom, mais là encore, admettons que ce soit vrai.
Pourquoi alors s'arrêter à Pépé le Putois ??
Nous sommes tous en danger, il est temps d'agir !
Il me semble même que les personnages qui tuent dans les fictions sont bien plus dangereux que l'autre mustélidé ! Puisque la représentation d'un harceleur conduit au harcèlement dans la réalité, alors il faut logiquement en déduire que la représentation d'un criminel conduit au crime. Il faut rapidement interdire les polars, qui font l'apologie de la culture du meurtre ! Évidemment, même chose pour les romans ou films d'épouvante. Et il serait temps de demander des comptes à Harlan Coben, Stephen King, Wes Craven ou Quentin Tarantino, ces salauds qui propagent les pires saloperies depuis des années, dans l'indifférence la plus totale.
Bien entendu, difficile, si l'on condamne les récits mettant en scène quelques meurtres, de ne pas se retourner contre les romans ou films de guerre, qui sont une ode à la sauvagerie. L'heroic fantasy, n'en parlons même pas ! Tolkien, Moorcock, Martin ou Abercrombie ne se contentent pas de représenter la violence, ils la glorifient et rendent les pires massacres épiques. À la poubelle donc !
Les westerns, ben c'est encore pire, là on peut aussi leur accoler l'étiquette "raciste" en prime. Hop, interdits.
Les westerns, ben c'est encore pire, là on peut aussi leur accoler l'étiquette "raciste" en prime. Hop, interdits.
On a déjà vu (cf. article cité plus haut) que la littérature pour enfants ne valait pas mieux, exit donc les Martine ou Club des Cinq, ces brûlots misogynes et réacs. Impossible de continuer également à produire des comics ou films de super-héros, qui sont eux aussi trop violents et offrent en prime une représentation hypersexualisée et dégradante de la femme. La science-fiction, ce n'est guère mieux. Dune, culture du meurtre et de la conspiration ; La Guerre des Mondes, culture du meurtre et de l'alienophobie ; La Planète des Singes, culture du meurtre, racisme et spécisme ; Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, culture du meurtre et robophobie...
Ouf, heureusement que des génies nous ont averti, parce qu'avec toutes ces saloperies qu'on lisait ou regardait sans se douter de rien, on allait droit dans le mur !
Bon, il reste quoi du coup ?
Ah ben, Christine Angot. Chouette.
Je n'aurais jamais cru, vraiment, qu'un jour viendrait où je serais dans l'obligation morale de défendre un putois de dessin animé. Ce monde est décidément sans limites... dommage que cet horizon, enivrant et infini, se ternisse sous l'impulsion des plus stupides et des plus sectaires.
Rien ne va aller mieux. Les dérives actuelles vont empirer. Des personnages vont être bannis, des livres et des films interdits. Dans le meilleur des cas, certaines fictions seront triturées (ça a déjà commencé avec les changements de titres) à un point tel qu'elles seront aussi méconnaissables qu'une actrice hollywoodienne accro au bistouri. Les auteurs seront harcelés. Ils le sont toujours, par tous les salopards. Un art plus terne, contrôlé par des commissaires politiques (que la fonction soit réelle ou qu'elle existe de fait), sera mis en place.
Les fanatiques gagneront, parce que personne ne se lèvera et ne risquera sa réputation, son job, sa liberté ou sa vie pour un putois, un Tintin, un Dark Vador ou un chasseur de crocodiles.
Alors viendront les Ténèbres. Non pas la nuit, qui a ses bons côtés, permet de se ressourcer, d'offrir à un monde trépidant un moment d'accalmie, mais les véritables Ténèbres, celles qui enferment, brisent, diminuent et sanctionnent, même en plein soleil. Puis, un jour, car rien ne dure vraiment, quelqu'un, quelque part, se réveillera. En tombant sur un roman interdit de Maurice Leblanc, peut-être. En (re)découvrant Le Horla ou l'intégrale de The Shield vendue sous le manteau. En frissonnant sur du Racine ou du Koontz. En riant devant Bugs Bunny ou Wile E. Coyote. En caressant les pages d'un vieux Buck Danny, aux pages jaunies et déchirées. Peu importe la nature du déclic. Il viendra. Les gens se souviendront d'un art plus sain, plus libre, plus enivrant. Ils auront le goût de renouer avec ce dont on les a spoliés. Alors se lèveront non les plus courageux, car cela n'arrive que dans les romans, mais les plus déterminés. Les plus intransigeants. Les plus violents, car lorsque l'on est persuadé d'être dans le "juste", la notion d'excès n'existe plus. Cette fois, ces nervis seront au service d'un autre idéal, qui se réclamera lui aussi du "Bien", de la "liberté" et du "progrès". Les meilleures causes engendrent les pires excès, on le sait bien, et admettre que celle-ci sera sans doute plus sensée ne la rendra pas moins criminogène.
L'Histoire de l'humanité est un long cycle répétitif, broyant et recrachant des os rougis par l'application des idées devenues idéaux. Il y aura donc un après. Il y a toujours un après. Un moment où on se relève, étourdi, comme après une mauvaise cuite. Mais en attendant, la chute peut être douloureuse...
Pépé le Putois
1945 - 2021
[1] SJW : machine à indignation ayant beaucoup de temps libre et très peu de neurones.
[2] Surmoi : instance psychologique "morale" permettant, selon Freud, de lutter efficacement contre les pulsions primaires.