Ce conte illustré est la troisième aventure de la princesse Coquillette, un attachant personnage à gros nez créé par Nicolas Rambaud.
La princesse visite en général une ville bien particulière (sa dernière escapade se déroulait dans l'envoûtante Édimbourg), découvre les coutumes locales, parfois un pan d'Histoire, tout en faisant de drôles de rencontres et en en tirant une leçon de vie. Une approche certes classique mais blindée de moult qualités et très travaillée.
L'écueil sur lequel certains s'écrasent parfois lourdement lorsqu'ils s'adressent aux enfants consiste à faire simple. Beaucoup trop simple. J'en veux pour preuve ces éditeurs frileux qui pensent qu'un livre est par nature rébarbatif et qu'il faut qu'il soit le plus bref possible, expurgé de tous les termes compliqués, et que tous ses verbes soient par exemple mis au présent. Une façon de faire qui ne convient à personne puisque l'enfant qui n'aime pas lire ne lit toujours pas, et celui qui aurait pu aimer ça se retrouve avec une littérature de seconde zone, qui n'est pas conçue pour lui. Et c'est là le drame. Si l'on prend un enfant pour un imbécile suffisamment tôt dans sa vie, il y a de grandes chances pour qu'il en devienne un. Et ne lui proposer que ce qu'il connaît déjà, c'est restreindre son horizon.
Mais fort heureusement, pas de ça avec Nicolas Rambaud (en ce moment, je suis très Rambo décidément...). L'auteur a compris qu'il fallait au contraire offrir à l'enfant du neuf, l'intriguer, lui proposer, avec habileté et humour, de trouver dans le conte des éléments lui permettant de se construire et d'assouvir sa curiosité naturelle.
Ainsi, dans ce livre très soigné jusque dans ses moindres détails (nous y reviendrons plus loin), la lectrice ou le lecteur pourra non seulement découvrir Metz, avec une partie de son passé, de son architecture, mais l'on apprendra également (certains adultes aussi), au détour d'une ruelle ou d'un défi, de petites choses en apparence anodines (comme le cri du Cygne) mais qui font, petit à petit, toute la différence entre un individu accompli, maîtrisant sa propre langue, et un benêt qui tourne avec 200 mots de vocabulaire.
Une réflexion, plutôt subtile mais profonde, sur l'amitié et les sentiments est également très bien amenée, par petites touches légères, comme un pinceau effleurant une toile pour recouvrir l'action au premier plan d'un vernis lui donnant plus d'éclat.
Les illustrations, quant à elles, sont très cartoony mais empreintes d'un style donnant un véritable cachet aux lieux, tout à fait reconnaissables. La colorisation vient ajouter une touche finale n'hésitant pas à jouer avec les ombres ou les teintes froides, ce qui est rare dans ce genre de livre. Les personnages, bien particuliers (des visages à gros nez, en somme), sont suffisamment universels et symboliques pour permettre une identification aisée et presque inconsciente. Ils parviennent à s'intégrer dans les décors avec la même facilité, tout en faisant passer des sentiments variés.
Contrairement à la majorité des œuvres auto-publiées, l'on sent ici une véritable maîtrise et une réflexion de tous les instants. L'auteur, on le constate, est un passionné des livres et du métier d'écrivain. Outre quelques références plus ou moins cachées, il mettra même en scène une boutique du coin et l'archétype de l'auteur en devenir (lui-même ?), face à ses doutes et à la réalité du terrain. Pas mal pour un bouquin "pour enfant", hmm ?
La présentation est également très soignée, avec un très joli effet papier au niveau des planches, et même un "jeu" permettant, à l'aide de divers instantanés, de s'amuser à retrouver certains lieux dans Metz. Les illustrations sont "punaisées" dans le livre, et les titres des chapitres intégrés avec un réel souci esthétique. L'ouvrage se termine sur un lexique mosellan bien fichu (avec parfois là encore de petites touches d'humour) et quelques contes "express".
Bien conçu, respectueux du jeune lectorat, intéressant et ambitieux, ce conte mérite largement de trouver sa place dans la bibliothèque de vos enfants. Mieux, il risque fort de vous apprendre deux ou trois trucs également.
Très vivement conseillé, car suffisamment riche, drôle et intelligent pour entraîner durablement les jeunes esprits sur la longue et belle Voie du Papier.
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