Na boga ! On avait oublié de parler de Monsieur Vadim à la sortie du tome 1.
Réparons ce tort à la sortie de ce tome 2 qui clôt un diptyque comme la BD en compte trop peu.
Dans le premier tome (Arthrose, crime & crustacés), on apprend à connaître Vadim, vétéran de la légion étrangère qu'il intégra en 1958 pour échapper au régime communiste polonais. Le vieil homme a récemment perdu Aleksandra, sa fille unique. À tort ou à raison, Vadim fait porter la responsabilité de ce décès au mari de sa fille, ce qui a fini de l'éloigner de son petit fils Sasha, seule famille qu'il lui reste... Pour faire un dernier geste envers cet unique héritier, Vadim a contracté une assurance-vie, malheureusement détournée par un escroc. Sans le sou, sans famille, le pauvre vieux se retrouve à la rue et dans l'obligation morale de recomposer un pactole pour mettre Sasha à l'abri du besoin. Pour ce faire, l'ancien soldat va renouer avec ses anciens savoir-faire et les mettre au service d'un restaurateur belge extrêmement louche installé à Cagnes-Sur-Mer.
Voilà. Dans les grandes lignes, la trame principale est posée. Et déjà, l'on apprend à aimer ce vieux dur à cuire qui avoue s'être fait berner par facilité, parce qu'il était trop occupé à "ne s'occuper de rien". On apprend à respecter son code d'honneur. On comprend son côté taciturne que l'on admet d'autant plus que son humanité est toujours à quelques millimètre de la surface et qu'un sourire n'est jamais loin de faire craqueler le vernis de sa morosité. Vadim est très bien écrit, très bien décrit et crédible. Il porte un fardeau d'erreurs passées trop lourd pour pouvoir être considéré comme un héros mais il fait ce qu'il a à faire. C'est un homme d'honneur. Et c'est un personnage touchant malgré sa colère et sa violence, malgré sa honte et ses remords.
Le tome 2 (Supplément frites et sulfateuse) reprend avec un Vadim dans la fâcheuse posture dans laquelle on l'a quitté en fin de tome 1. Les personnages et situations s'enchaînent, multipliant les marchandages, les trahisons, les coups tordus et les coups d'éclat. Je ne me permettrai pas de trop en dire ici car quand un scénario n'est pas cousu de fil blanc, il est inconvenant d'en dévoiler les ourlets. Surtout en ces temps où, trop souvent, les scénarios semblent cousus au fil électrique phosphorescent planté maladroitement dans un tissu noir mat de facture douteuse.
De plus en plus baladé par les événements, notre héros n'aura de cesse de vouloir enfin reprendre les choses en main et, confronté à cette pègre et à cette police qu'il ne connaît pas, il finira par imposer sa propre mesure, son propre faux rythme. À plusieurs reprises, on comprend qu'il ne renoncera pas, que rien ne l'arrêtera et que ni le crime ni la loi ne le pousseront à abandonner l'objectif qu'il s'est fixé : son jeu, ses règles !
Vadim, ses gros bras et son obstination de forcené nous offrent, malgré l'arthrose, l'image de ce vieil homme viril que l'on serait sans doute nombreux à vouloir devenir sur nos vieux jours : cette force tranquille, cette arme humaine insoupçonnée, cette tenace incarnation de la volonté.
Il n'avait rien demandé mais, puisque cette chienne de vie lui met quelques derniers obstacles en travers de sa route, il les surmontera. Malgré la douleur physique, malgré la souffrance émotionnelle, il respectera l'engagement qu'il a pris envers lui-même. C'est à ce prix seul qu'il pourra encore se sentir honorable.
Monsieur Vadim conclut ici un arc narratif de façon satisfaisante mais c'est une fin ouverte. Une nouvelle histoire pourrait arriver à ce vétéran de la légion. J'ignore si une suite est concevable pour les auteurs et les éditions Bamboo (collection Grand Angle) mais, si tel était le cas, je rempilerais avec plaisir à leurs côtés.
Les BD dont l'adaptation au cinéma deviennent un besoin quasi évident au sortir de leur lecture sont rares à mes yeux. Dans ce qui est paru ces derniers temps, je n'en connais que deux qui m'ont fait cet effet.
Il y a tout d'abord l'incontournable Il faut flinguer Ramirez (de Nicolas Petrimaux) qui joue tellement avec certains codes cinématographiques que les albums semblent vouloir d'eux-mêmes sauter de la bédéthèque pour se jeter dans le bac à DVD.
Puis il y a Monsieur Vadim qui elle, pourtant, est nettement plus ancrée dans le neuvième art.
Mais c'est par ses qualités intrinsèques qu'elle fait naître en nous cette envie de grand écran : action, humour, bons personnages, bon scénario... C'est typiquement de ce genre de cocktail que manque le cinéma populaire français actuel (excluons toutefois quelques rares bouffées d'air comme Kaamelott de cet amer jugement).
Mais c'est avant tout une BD. Une bonne BD aux manettes de laquelle on retrouve le scénariste Gihef dont j'avais déjà chroniqué avec plaisir la série Sirènes et Vikings et qui, à n'en pas douter, connaît son métier !
J'ai déjà exposé ici nombre des qualités d'écriture de ces deux albums mais, en BD, le dessin compte autant que l'écrit, et c'est ici Morgann Tanco qui s'y colle avec efficacité. Un trait semi-réaliste bien français pour ce récit bien français. L'expressivité des visages et des corps, le dynamisme, les décors lorsqu'ils sont utiles, la mise en page... tout fait mouche !
Les couleurs de Cerise sont elles aussi posées avec goût, et un soin particulier apporté aux ombrages dans la moindre case permet aux albums de ne pas générer cet effet trop fréquent en BD que l'on connaît tous... vous savez, le fameux : "Ouah, cette couverture, elle déchire ! Fais-voir, un peu les planch... ah. Ouais. Dommage."
Mais force est quand même de constater que... oui, les couvertures déchirent ! Je suis parfois un peu frustré par les couv's qui prennent des libertés avec l'histoire pour présenter une situation qui n'est pas présente dans la BD, sous prétexte d'évocation, de symbolisme, de métaphore ou que sais-je.
Mais ici, même si elles sont juste évocatrices et n'illustrent pas précisément les faits tels que narrés dans les albums, je le leur pardonne en un quart de nanoseconde tant elles sont efficaces. Il doit être malaisé d'aimer la bande dessinée et de croiser celles-ci sans être au moins interloqué. La seconde, pour moi, est juste parfaite : un appât à bédéphile !
Mais force est quand même de constater que... oui, les couvertures déchirent ! Je suis parfois un peu frustré par les couv's qui prennent des libertés avec l'histoire pour présenter une situation qui n'est pas présente dans la BD, sous prétexte d'évocation, de symbolisme, de métaphore ou que sais-je.
Mais ici, même si elles sont juste évocatrices et n'illustrent pas précisément les faits tels que narrés dans les albums, je le leur pardonne en un quart de nanoseconde tant elles sont efficaces. Il doit être malaisé d'aimer la bande dessinée et de croiser celles-ci sans être au moins interloqué. La seconde, pour moi, est juste parfaite : un appât à bédéphile !
Si vous êtes nostalgique des histoires policières françaises où le personnage central avait autant de modestie que de noblesse ; si vous aimiez les bastons où ne l'emportaient pas ceux qui couraient sur les murs mais, pragmatiquement, ceux qui cognaient sec, dur et en premier ; s'il n'est pour vous de meilleur dur à cuire qu'un sensible tanné par les chienneries de la vie ; si vous aimez les gueules, les vraies, les typiques ; si vous en avez assez des fictions qui présentent les policiers comme des incompétents ou des ripoux uniquement intéressés par l'appât du gain (comme si un gars que seule l'avidité motive pouvait ne serait-ce qu'un jour envisager une carrière dans les forces de l'ordre sans s'esclaffer !) ; si vous n'en pouvez plus des scénarios conventionnels et des héros interchangeables... alors venez serrer la louche de M'sieur Vadim : le gars va vous plaire !
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