SIRÈNES & VIKINGS #4 - La Vague invisible
Publié le
2.4.21
Par
GriZZly
Ce quatrième et dernier tome de la série Sirènes et Vikings délivre
une conclusion très féminine aux allures policières
finissant en forme d'union sacrée.
En guise de préambule, si vous ne connaissez pas cette intéressante collection cornaquée par Gihef, je vous invite à jeter un œil sur ces chroniques :
#1, Le fléau des abysses
#2, Écume de nacre
#3, La sorcière des mers du sud
#1, Le fléau des abysses
#2, Écume de nacre
#3, La sorcière des mers du sud
Alors, que raconte le petit dernier ?
Nous faisons dès le départ la connaissance de Lydveig, humble poissonnière d'un petit village du nord, alors qu'elle est en train de résoudre le casse-tête d'une boîte à énigmes pour sa fille Tova, faisant montre d'une habileté peu commune pour cette tâche.
Comme les Nordiques ne sont guère des gens que la finesse étouffe, c'est le moment que choisit un des hommes du roi Hardeknud pour lancer sur l'étal de la jeune femme la tête tranchée de son paternel. Voilà. On est à la deuxième planche, là. De tous les Sirènes & Vikings, La vague invisible est celui dont l'entrée en matière est la plus expéditive, pour le moins ! Mais Nicolas Mitric (ici au scénario) sait raconter une histoire et c'est par ses actes à venir que nous apprendrons à connaître la jeune femme. Ce qui ne tardera pas à arriver : elle va devoir agir bien vite!
On les emmène de force, sa fille et elle, chez le roi. Le père de son enfant aura bien tenté de s'interposer vaillamment mais il est arrêté dans son élan par un coup de lame l'empêchant de poursuivre le combat. Les hommes du roi sont déterminés !
Arrivés chez Hardeknud, la mère et l'enfant découvrent avec effroi que la grande halle royale est garnie de huit cadavres de sirènes empaillées, appartenant chacune à un clan distinct. Cruel et dévoré par la haine, le roi menace Lydveig de tuer sa fille si elle refuse de prendre la relève de son père, pisteur émérite, dans l'enquête qu'il menait au sujet du meurtre, par une sirène, de son fils aîné chéri.
Contrainte à retrouver l'insaisissable créature coupable de ce crime, toujours sous escorte plus menaçante que bienveillante et bientôt affublée du prince héritier, elle mènera l'enquête dans une course contre la montre dont dépend la survie de la petite Tova.
Fort heureusement, ce père dont elle ne garde aucun souvenir affectueux et qui a toujours été si dur avec elle lui a transmis tout son savoir et chaque bribe va lui en être utile... comme, par exemple, son habitude des boîtes aux mécanismes d'ouverture complexe...
Mais si Nicolas Mitric (que je connaissais pour ma part principalement en raison de ses collaborations nombreuses et variées avec Crisse, le scénariste du très bon Le pré derrière l'église ) sait user de ce genre de stratagème dramaturgique, il sait aussi que le procédé est éventé depuis longtemps et a donc l'intelligence de le rendre intradiégétique : ce n'est pas le narrateur qui installe ici les préparations/paiements mais bien l'un des personnages... en effet, le père de l'héroïne a formé intentionnellement sa fille à tout ce qui lui arrive. Le narrateur se cache ici derrière un personnage qui, en plus, a lui-même choisi de faire ça en raison d'un autre personnage encore : cela invisibilise le procédé et c'est très habile ; le meilleur marionnettiste est celui qui arrive à faire oublier les ficelles pour faire croire en l'existence de la marionnette.
Attention, je ne hurle pas au génie : d'autres ont déjà eu ce genre d'idée. C'est juste un processus narratif que je trouve assez élégant ; quand on s'y penche, ça sent le scénario qui a été réfléchi après maints retours en arrière et avancements... j'apprécie juste le travail bien fait.
Parlant du scénario justement, il est à noter que nous sommes ici dans un récit d'aventures fantastique (comme les précédents) teinté d'une bonne dose de récit policier plutôt inattendue (aucun des albums de cette quadrilogie ne se ressemble, scénaristiquement parlant, ce qui est une grande qualité, selon moi). La poissonnière viking enquêtrice, j'avoue que je ne l'avais pas vue venir !
Mais l'enquête tient la route, dévoilant ses astuces petit à petit, mettant sous les feux des projecteurs quelques fausses pistes, donnant lieu à des alliances et des trahisons inattendues. C'est classique mais très bien exécuté et vraiment agréable à suivre : assez complexe pour se laisser surprendre et assez simple pour tout comprendre à la première lecture : de la lecture-plaisir, en somme.
Mais l'enquête tient la route, dévoilant ses astuces petit à petit, mettant sous les feux des projecteurs quelques fausses pistes, donnant lieu à des alliances et des trahisons inattendues. C'est classique mais très bien exécuté et vraiment agréable à suivre : assez complexe pour se laisser surprendre et assez simple pour tout comprendre à la première lecture : de la lecture-plaisir, en somme.
Les personnages eux, sont suffisamment développés pour ne pas être des coquilles vides s'autocaricaturant à longueur de planches comme dans trop de bandes dessinées : on a ici des gens qui agissent parfois impulsivement, qui trahissent leurs intentions véritables par maladresse, qui mentent ou qui se mentent... en dehors des personnages secondaires, aucun ne se résume à une facette unique. En bref, tout est fait pour qu'on y croie !
Ajoutons, pour finir de parler du script, que les femmes y ont une importance immense. L'héroïne, sa fille et les sirènes sont les victimes d'un véritable patriarcat particulièrement oppressif, pour le coup ! Agressions, menaces, séquestration, viol... la thématique des violences faites aux femmes est omniprésente. Bien que résolument homme, j'ai immédiatement développé (grâce au talent du conteur, sans aucun doute) de l'empathie pour la gent féminine de ce tome et c'est avec plaisir que j'ai accueilli le point culminant final de ce livre qui prend des allures de catharsis bienvenue.
Le dessin, pour sa part, est assuré par Francesco Trifogli et Maria Francesca Perifano. Vous le constaterez grâce aux images de cet article : c'est d'une netteté irréprochable et d'une constance agréable avec les tomes précédents (malgré des artistes différents à chaque tome). Le trait le plus proche de celui-ci était également mon préféré de la série, celui de Livia Pastore (qui nous avait fait le plaisir de nous accorder un entretien sur le tome 3, d'ailleurs, nous prouvant que talent et sympathie peuvent fort bien aller de pair).
La mise en couleurs par Aretha Battistutta est soignée et conforme aux ambiances que la collection nous livre depuis le début.
Il est à noter que le duo qui est ici au dessin est friand des changements de plans et d'angles de vue et qu'aucun n'est jamais gratuit ; j'ai vraiment apprécié que, dans ces cases si sagement alignées à l'horizontale, si consensuellement européennes, ils n'hésitent aucunement à nous offrir des scènes très signifiantes avec des gros plans figeant une émotion, des plongées écrasantes et des contre-plongées magnifiant le sujet... C'est certes un langage de l'image désormais extrêmement codifié, celui des classiques du cinéma, mais c'est ici fait avec goût et intelligence, comme cette contre-plongée à la verticale dans une haute case étroite centrée sur des cavaliers perdus dans un paysage dont on nous suggère ainsi l'immensité, ou ce choix de parfois dessiner une action depuis le point de vue de celui qui la subit...
Si je ne devais retenir qu'un seul grief contre cet album, ce serait la façon dont est représentée une des dernières scènes. Elle devrait dégager à mon sens une impression de déchaînement cataclysmique, chaotique et furieux... mais cela reste pourtant très sage et trop peu grandiloquent, à mon goût. L'histoire amène un climax destructeur dont la représentation sous forme d'un torrent d'images impressionnantes aurait été parfaitement justifiable mais c'est là aussi de façon presque intimiste qu'on nous présente l'action... c'est un choix. Mais il m'a personnellement un peu surpris. Je le comprends : la saga est principalement l'histoire d'individus isolés se démenant avec leur univers, pas l'histoire de cet univers malmenant d'insignifiants personnages. Mais je garde un goût de trop peu. Ceux d'entre vous qui liront cette BD n'auront qu'à penser à moi, aux pages 52 et 53...
Néanmoins, comme dit plus tôt, ce choix a une explication logique en raison de la focalisation sur les destins individuels. Ma remarque est donc très subjective.
Néanmoins, comme dit plus tôt, ce choix a une explication logique en raison de la focalisation sur les destins individuels. Ma remarque est donc très subjective.
Les Humanoïdes Associés nous ont gratifiés là de quatre albums que je range désormais avec plaisir côte à côte dans ma bédéthèque avec la certitude d'y revenir parfois, avec l'envie de les faire lire à des membres de ma famille ou des amis passionnés d'histoires fantastiques, intéressés par certains thèmes développés ou seulement amateurs de bandes dessinées de qualité.
J'y reviendrai moi-même, en effet... ne serait-ce que pour relire le premier tome qui me semble étrangement plus anodin que les suivants. J'aimerais, à l'aune des trois autres, essayer de comprendre ce qui peut bien me faire penser cela. Peut-être me trompe-je, peut-être mes souvenirs me jouent-ils des tours...
J'y reviendrai moi-même, en effet... ne serait-ce que pour relire le premier tome qui me semble étrangement plus anodin que les suivants. J'aimerais, à l'aune des trois autres, essayer de comprendre ce qui peut bien me faire penser cela. Peut-être me trompe-je, peut-être mes souvenirs me jouent-ils des tours...
Toujours est-il que la collection vaut le détour. Alors si vous avez été gentils et que vous avez envie de vous faire un cadeau à vous-même : laissez toute l'équipe de ce projet vous raconter des histoires de Sirènes et de Vikings, vous ne devriez pas le regretter.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|