Astérix et le Griffon



Allez, un Astérix, c'est quoi que l'on en dise un événement, donc on va vous le chroniquer quand même...

Ce manque d'enthousiasme, nous allons le voir, est totalement justifié. Non seulement parce que les quatre derniers albums de l'ère Ferri/Conrad n'ont pas été convaincants, mais surtout parce que les défauts déjà cités dans nos précédents articles sont toujours présents et même rigoureusement identiques.
Voyons déjà un peu l'intrigue.
César, qui souhaite ramener un animal légendaire des profondeurs des terres barbares, envoie une expédition chez les Sarmates. Un groupe de légionnaires, auxquels se joignent un cartographe et un gladiateur spécialisé dans les combats contre les animaux, est donc mis sur pied. 
Pendant ce temps-là, qui débarque innocemment chez ces mêmes Sarmates ? Astérix, Obélix et le druide Panoramix, venu voir un pote à lui, chaman de son état.

Rien que ce petit résumé décrit fort bien le défaut principal de ce récit, écrit par Jean-Yves Ferri : encore une fois, il n'y a pas le moindre enjeu, donc aucune dramatisation, aucun suspense, aucune tension. Certes, les albums d'Astérix ne sont pas que des récits d'aventure, mais ils reposent tout de même en partie sur un enjeu "sérieux". Rappelons encore une fois que durant l'ère Goscinny (et même durant l'époque où Uderzo officiait seul), chaque album comportait un enjeu de taille : les Gaulois devaient délivrer leur ami barde (Astérix Gladiateur), sauver la vie de l'architecte de Cléopâtre (Astérix et Cléopâtre), soigner Panoramix et maintenir à son poste Abraracourcix (Le Combat des Chefs), ramener le fiancé de Falbala, alors qu'il est expédié en Afrique, et cela alors même qu'Obélix est amoureux de la jeune femme (Astérix Légionnaire), éduquer Goudurix (Astérix et les Normands), éviter les discordes et les manipulations (La Zizanie ou Le Domaine des Dieux), venir en aide aux Bretons menacés par les légions de César (Astérix chez les Bretons), sauver la vie d'un Romain (Astérix chez les Helvètes), ramener un prisonnier chez lui (Astérix en Corse)...



Ici, il n'y a rien de tout cela, Astérix et Obélix sont de simples spectateurs d'une action qui ne les concerne pas. Certes, ils filent un coup de main, mais s'ils échouent, cela n'aura aucune conséquence (tout comme lors de leur participation à la course transitalique dans l'avant-dernier album). L'on assiste plus à une suite de sketchs, parfois d'ailleurs réussis, qu'à une aventure au sens propre et classique du terme. 
Et ça, forcément, c'est un gros manque. Sans ce contexte un peu sérieux et tendu, il ne reste qu'une suite de gags et de péripéties fadasses, sans "liant" véritable.
C'est d'autant plus dommage que, comme pour les autres albums, tout le reste est réussi. Les gags sont bien trouvés, avec leur lot de jeux de mots (les Scythes spécialisés...), l'on retrouve également pas mal de références à l'actualité et aux problématiques dans l'air du temps, et l'aspect graphique est parfait.

Non seulement Didier Conrad colle au style "historique" de la BD, maîtrisant parfaitement les iconiques Gaulois, mais il livre en plus de forts jolies planches, magnifiées par des décors enneigés du plus bel effet, qui permettent en outre de faire ressortir une colorisation comme toujours très "clinquante". Certaines cases très contrastées sont proprement superbes.
Plus anecdotique, citons quelques soucis de ponctuation manquante ou d'espaces absents... franchement, vu le faible volume de texte et le côté "grosse production", c'est assez étonnant de voir ce genre d'erreurs. En parlant du lettrage, il reste un point à évoquer : la manière dont le langage des Sarmates est retranscrit. En fait, c'est tout simple, les E ont été inversés. Perso, ça ne m'a pas vraiment gêné (on est loin du texte illisible de Moore dans Crossed), mais à la rédac, ça a un peu ronchonné sur ça, du coup, je le signale.

Bref, on prend les mêmes et on recommence. Graphisme irréprochable, bonnes vannes, mais intrigue pétée et un final raté, sans climax ni résolution spectaculaire (en même temps, quelle situation résoudre quand rien n'est installé ?). 
Un album dispensable de plus, plombé par un scénariste qui, visiblement, est loin d'avoir assimilé les bases de son métier. 




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • D'excellents gags.
  • Un style graphique parfait.
  • Des décors enneigés vraiment réussis.
  • Un point de départ plutôt sympa.


  • Une intrigue minimaliste, n'exposant aucun enjeu véritable.
  • Une conclusion sans panache ni saveur.
  • L'inversion des E pour les Sarmates, qui peut agacer et gêner la lecture.