Astérix et la Transitalique
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Le nouvel album d'Astérix vient de sortir, il s'intitule Astérix et la Transitalique. Tout de suite, l'on passe à l'analyse de cette course, par Toutatis !

Tout commence par un incident sur une voie romaine, mal entretenue. Accusé de détourner des fonds pour financer ses orgies, le sénateur chargé de leur entretien a l'idée d'organiser une grande course, des Alpes jusqu'au Vésuve, afin de prouver leur bon état. Celle-ci sera ouverte à tous, même aux barbares.
César, lui, voit dans ce défi l'occasion de prouver la supériorité de Rome...
Quant à nos amis Gaulois, ils sautent sur l'occasion pour aller taquiner du Romain sur leurs terres.
Mais, dès le début de la course, d'étranges incidents s'accumulent. Prenant du retard, Astérix et Obélix vont devoir affronter de nombreux concurrents pendant une traversée de l'Italie plutôt mouvementée.

Troisième album de l'ère Jean-Yves Ferri (au scénario) et Didier Conrad (au dessin), cet Astérix est évidemment très attendu tant la BD est devenue une véritable institution. Après un Astérix chez les Pictes très décevant et Le Papyrus de César, un peu meilleur mais ayant surtout fait du bruit à cause d'une polémique idiote (cf. cet article), Ferri et Conrad persistent et semblent de plus en plus à l'aise avec leurs si illustres personnages.
Au niveau des dessins, aucun souci, c'est propre et tout à fait dans le style d'Uderzo. La colorisation, elle, est signée Thierry Mébarki, qui livre également un travail soigné. Mais évidemment, c'est surtout sur le scénario que se portent les attentes des fans.

Si cette Transitalique (faisant penser de loin au Tour de Gaule) possède un véritable point fort, c'est du côté de l'humour qu'il faut aller le chercher. Les gags sont souvent bien vus, avec les références habituelles et les différents niveaux de lecture. Les noms des personnages flirtent avec l'actualité (Ecotax par exemple), les particularités des différents peuples sont assez bien exploitées (même graphiquement, avec les hiéroglyphes koushites notamment), et l'une des scènes avec l'équipage anglais, enfin... breton, est hilarante tant le flegme britannique est parfaitement en contraste avec ce qui se déroule à bord du char. Et l'on s'amuse tout le long de l'album à tenter de deviner qui se cache sous le masque de l'aurige romain.
Là-dessus, pas de souci, c'est donc plutôt agréable à lire et l'on a souvent le sourire aux lèvres.


Pour le reste... ce n'est pas encore ça. L'idée de départ, cette course sur fond de détournement de... fonds publics, est très bonne. Par contre, la participation d'Astérix et Obélix n'est pas du tout justifiée dans le récit. Ils y vont parce qu'ils en ont entendu parler et qu'ils n'ont visiblement rien de mieux à faire. C'est un peu léger et ça manque d'enjeux : si les deux Gaulois perdent la course, cela n'engendrera aucune conséquence.
Contrairement à ce qui était constant dans la majorité des albums de la grande époque de Goscinny, les deux compères n'ont aucun but. Rappelons que lors de leurs aventures précédentes, ils devaient délivrer leur ami barde (Astérix Gladiateur), sauver la vie de l'architecte de Cléopâtre (Astérix et Cléopâtre), soigner Panoramix et maintenir à son poste Abraracourcix (Le Combat des Chefs), ramener le fiancé de Falbala, alors qu'il est expédié en Afrique, et cela alors même qu'Obélix est amoureux de la jeune femme (Astérix Légionnaire), éduquer Goudurix (Astérix et les Normands), éviter les discordes et les manipulations (La Zizanie ou Le Domaine des Dieux), venir en aide aux Bretons menacés par les légions de César (Astérix chez les Bretons), sauver la vie d'un Romain (Astérix chez les Helvètes), ramener un prisonnier chez lui (Astérix en Corse), bref, chaque album de l'ère Goscinny (et même en partie de l'ère Uderzo en solo), bien que drôle, reposait sur un véritable enjeu dramatique. Cet élément pourtant central étant ici absent, l'on ressent forcément un manque.
Le final, quant à lui, est non seulement plat et plus ou moins bâclé mais également invraisemblable. [1]

Tout comme pour les deux récits précédents, Astérix et la Transitalique ressemble plus à une suite de sketchs (certes souvent réussis) qu'à une véritable aventure. C'est ce côté épique, cette "profondeur" (toute relative), qui manque encore pour que l'on ait l'impression de lire un "vrai" Astérix.
Si Ferri parvient à trouver l'histoire idéale pour le prochain album, en ne négligeant pas l'aspect crucial de l'enjeu, voire en bousculant un peu les personnages, il y a gros à parier que les deux compères se mettent alors à produire à leur tour des albums mythiques tant ils maîtrisent déjà parfaitement le reste.

En bonne voie.     



[1] Attention, énorme spoiler dans ce qui suit.
Si le final est aussi raté, c'est non seulement parce qu'il n'y avait aucun enjeu véritable mais aussi parce que César n'est pas du tout bien utilisé, et ce pour deux raisons. D'une part, alors que le mec est ivre de rage quand il apprend que les manigances du sénateur ont échoué, et qu'il fait tout pour préserver l'image de Rome (et donc la sienne), il finit, sans raison, par s'en foutre et remettre la coupe le sourire aux lèvres. Scénaristiquement, rien ne justifie cela. D'autre part, que vient foutre César en remplaçant de l'aurige ? Cela n'a aucun sens.
Dans les précédents albums où César intervient, il peut être certes colérique ou magnanime, mais il conserve sa stature, son rôle de général, de dictateur et d'Imperator. On l'imagine mal faisant la vaisselle, aller traire les vaches ou essayant de remporter lui-même une course. Ce n'est pas parce que l'on est dans une BD humoristique que l'on peut se permettre n'importe quoi. Au contraire, le comique des situations repose normalement sur la vraisemblance du contexte.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Souvent amusant.
  • Bourré de références plutôt bien trouvées.
  • Un dessin irréprochable.

  • Le côté "aventure", toujours aussi mal exploité.
  • Aucune prise de risque quant aux personnages.
  • Un côté artificiel (et trop "respectueux"), généré par le manque d'enjeux.
  • L'assaisonnement de naguère devient l'essentiel, sans matière première. 
  • Une conclusion maladroite.