Deux clans ennemis constitués de gosses abandonnés sur une planète dévastée.
Un troisième qui se voudrait neutre et au service des deux.
Une d'entre eux disparue et qui laisse un grand vide...
Nous en étions là à la fin du tome 1 de Enemy, la nouvelle série d'Ange et Savarese aux éditions Soleil.
L'histoire va suivre son cours dans ce tome 2 en laissant quasiment tomber les flashbacks devenus inutiles : il est temps pour ces ados abandonnés aux confins de l'univers d'aller de l'avant !
Voulant sans doute nous éviter des frustrations inutiles, le récit se focalise désormais sur les réponses à apporter à nos questions légitimes. Quoi de plus logique puisqu'elles sont aussi celles des protagonistes ?
Qui sont-ils ?
Pourquoi les a-t-on abandonnés là ?
Quel était ce terrible conflit qui a éclaté à proximité et après lequel ils semblent avoir été laissés sur place ?
Y a-t-il moyen de reprendre contact avec l'Humanité ?
Mia est-elle vraiment morte ou est-elle encore en vie ?
Et, enfin, qui sont... les autres, ces étranges créatures anthropomorphes sans doute extraterrestres dont on ignore même encore si elles sont ou non hostiles ?
Sont-ce les descendants d'autres belligérants du combat qui a eu lieu il y a des années en bordure de la ville ?
Faut-il les craindre ou... le danger vient-il encore d'ailleurs ?
Qui sont-ils ?
Pourquoi les a-t-on abandonnés là ?
Quel était ce terrible conflit qui a éclaté à proximité et après lequel ils semblent avoir été laissés sur place ?
Y a-t-il moyen de reprendre contact avec l'Humanité ?
Mia est-elle vraiment morte ou est-elle encore en vie ?
Et, enfin, qui sont... les autres, ces étranges créatures anthropomorphes sans doute extraterrestres dont on ignore même encore si elles sont ou non hostiles ?
Sont-ce les descendants d'autres belligérants du combat qui a eu lieu il y a des années en bordure de la ville ?
Faut-il les craindre ou... le danger vient-il encore d'ailleurs ?
Bref, n'ayez aucun doute : le duo connaît son travail et sait distiller autant de réponses que nécessaire au fil de son récit pour que la lecture soit digne d'intérêt, tout en faisant poindre assez de nouvelles questions pour maintenir intacte l'envie de tourner les pages.
D'une forme de science-fiction intimiste, la série passe peu à peu à des thématiques plus larges mais n'en reste pas moins avant tout un éventail de portraits (où l'on apprend comment unetelle encaisse les chamboulements que le réel impose à sa foi ou l'homosexualité d'untel...).
Plus cela avance, plus le titre Enemy me semble inspiré de ce qui reste à mes yeux un classique de la science-fiction au cinéma : Enemy mine, avec Dennis Quaid.
Dans Enemy mine, un militaire humain engagé dans un conflit contre une mystérieuse race extraterrestre va être abattu en plein vol lors d'un combat aérien par un vaisseau ennemi qui va, lui aussi, s'écraser à la surface de la planète. Ennemis, ces deux rescapés vont peu à peu s'apprivoiser, jusqu'à un des dénouements les plus humanistes, à mes yeux, de l'histoire du cinéma.
Je sais que certains (parmi les rares personnes connaissant ce film) se gausseront de moi et de mes goûts étranges, d'aucuns voyant même en ce petit bijou des eighties une sorte de nanar... Mais j'irai jusqu'à affirmer que, s'il me fallait choisir entre le prétentieux, mal branlé et intentionnellement imbitable Interstellar (que je viens enfin de regarder en dépit de mes réticences totalement fondées) et le modeste, émouvant et interpelant Enemy mine, j'opterais pour l'ancêtre sans hésiter tant tout y est davantage sincère et pertinent, jusque dans ses maladresses.
Le travail d'Anne et Gérard Guéro serait-il inspiré de près ou de loin par ce film germano-américain de Wolfgang Petersen datant de 1985 ? Si tel était le cas, j'en serais ravi (et je les remercierais d'avoir l'honnêteté de ne même pas essayer de le cacher plus que ça, au vu du titre qu'ils choisirent pour leur série).
Enemy use de ce genre de science-fiction : la grande histoire d'un conflit intersidéral ne sert que de toile de fond à une fresque humaine autrement plus authentique que les "piou-piou" dans l'espace. Je ne doute pas qu'un lecteur ou un spectateur se sente plus diverti par un space opera grandiloquent mais l'implication émotionnelle, elle, y est bien plus éphémère.
Or, en cette période où tout peut être montré, où le dessin (en BD) et les images de synthèse (au cinéma) ont eu raison de toutes les barrières et de toutes les impossibilités techniques, j'en viens à regretter cette époque où l'on se concentrait davantage sur la qualité de narration et sur les relations entre les personnages. L'énorme majorité des films à succès actuels souffre de ce biais : tout y est visuellement tellement impressionnant qu'on finit par en être blasés et, le scénario et les dialogues étant souvent trop négligés, on finit par s'emmerder ferme !
Ici, on a une BD et la possibilité, donc, de dessiner n'importe quoi dans la plus titanesque des démesures... et ça viendra peut-être. Mais on prend son temps, on nous présente d'abord l'univers, les protagonistes, les potentiels antagonistes... et, forcément, cela augmentera notre implication. Et ça fait un bien fou de n'être pas simplement gavés de spectacle et de couleurs mais délicatement nourris d'un vrai scénario (fût-il estampillable "pour ados", ce qui est peu ou prou le cas ici) ! Quitte à ce que le récit gagne en ampleur par la suite, mais il reposera alors sur de solides bases construites sur la crédibilité de son univers et des relations interpersonnelles qui l'habitent.
Le dessin et la mise en couleurs de Savarese sont d'une qualité constante et les seules choses qui m'ont parfois un peu sorti de l'univers de la BD résident en une étrange maladresse dans certains lettrages faisant partie du dessin, comme certains mots apparaissant sur l'écran ventral des roboéducs qui semblent trop peu précis pour un affichage numérique ou, au contraire, certaines onomatopées si régulières qu'on les croirait tapées dans Wordart là où on attendrait plus de vie.
En dehors de ces détails tellement bénins qu'on a envie de leur jouxter le Niger, le Burkina-Faso, le Togo et le Nigéria, tout est très beau et bien pensé.
J'aime particulièrement, par exemple, l'idée très simple et élégante de tracer pour les flashbacks des cases aux angles arrondis. La colorisation reste la même, aucun bandeau n'annonce le retour en arrière... mais c'est immédiatement compréhensible. J'ignore si le procédé a déjà été employé ailleurs mais il est d'une telle efficacité que je préconise d'y faire appel aussi souvent que possible à l'avenir ! C'est la preuve d'une belle maîtrise de la grammaire bédéistique par cette jeune dessinatrice qui, d'ailleurs, prouve une fois de plus dans ce tome un talent indéniable pour le dessin mais aussi un sens certain de la mise en page.
Nous savons tous à quel point la sémantique de la mise en page gagne en importance dans les bandes dessinées depuis que les comics et les mangas ont débarqué en nos européennes contrées et se sont permis de mettre des coups de pieds énergiques à nos vieilles habitudes. La BD moderne ne se conçoit plus en strips et Ornella Savarese l'a bien compris : même si ses incursions dans le monde des cases scalènes et irrégulières sont encore timides, elles sont toujours porteuses de sens.
Nous savons tous à quel point la sémantique de la mise en page gagne en importance dans les bandes dessinées depuis que les comics et les mangas ont débarqué en nos européennes contrées et se sont permis de mettre des coups de pieds énergiques à nos vieilles habitudes. La BD moderne ne se conçoit plus en strips et Ornella Savarese l'a bien compris : même si ses incursions dans le monde des cases scalènes et irrégulières sont encore timides, elles sont toujours porteuses de sens.
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