Nous recevons aujourd’hui Jean-Philippe, créateur de la chaîne Knives and Steels, consacrée au couteau sous toutes ses formes, qu’il soit destiné au bushcraft, à la survie, à la randonnée, la pêche et bien d’autres activités encore.
UMAC : Jean Philippe, tu as donc une chaîne youtube consacrée au vaste domaine de la coutellerie, depuis quand existe-t-elle et comment t’es venue cette idée ?
Jean-Philippe : Bonjour, la première vidéo a été publiée le 7 mars 2021, il y a donc environ 9 mois. Je réalise des vidéos depuis 2011, d'abord en tant que simple amateur, puis je me suis lancé à mon compte. Entre les réalisations de vidéos pour des clients, j'ai continué à en réaliser par passion dans divers domaines tels que la pêche, la randonnée, les paysages. J'ai toujours apprécié les loisirs de pleine nature et donc je me suis équipé pour randonner, camper, observer. J'ai aussi toujours possédé au moins deux ou trois couteaux et, depuis quelques années, cet outil m'a de plus en plus intéressé. Je ne suis pas collectionneur, mais je m'intéresse aux différents types de couteaux. Comme j'aime me promener seul dans la nature et que j'y réalise souvent des vidéos, je n'avais pas forcément toujours de sujet à filmer, comme des animaux, et je me suis dit que ça pouvait être intéressant de mettre en scène un couteau avec quelques techniques de coupe. C'est comme ça que j'ai réalisé une première vidéo de couteau il y a environ 3 ans, puis j'ai réalisé des vidéos sur d'autres thèmes. Je continuais cependant à m'intéresser aux couteaux et j'ai vu qu'il existait sur ce sujet des chaînes YouTube mais presque toutes présentaient les couteaux de la même manière, couteau sur un coin de table avec commentaires en direct et sans forcément proposer de documentaires. Alors je me suis dit que ça pourrait être intéressant de présenter l'univers des couteaux au grand public de manière informative et esthétique, avec de belles vidéos mettant en valeur les couteaux dans différents environnements, différentes ambiances et aussi avec des animations graphiques. Et puis comme j'aime m'informer, cette chaîne est l'occasion de toujours continuer à en apprendre sur le sujet.
— Tu proposes notamment des sujets thématiques mais aussi des présentations très soignées de différents modèles, combien de temps faut-il pour réaliser ce genre de vidéos ?
— Il faut savoir que dans le domaine de la vidéo il y a d'infinies possibilités (rythme du montage, variété des plans, choix des musiques, titrages, animations graphiques, etc...). On peut réaliser une vidéo en prise directe sans changement de plan et ça ne prend donc pas beaucoup de temps pour produire une vidéo dans ce format. Pour ma part j'essaie de proposer une bonne diversité de plans sous différents angles, dans différentes situations, et il me faut au moins déjà 3 ou 4 heures pour filmer les multiples scènes. Je traite ensuite les images (colorimétrie, contraste, stabilisation de certains plans...). Ça me prend aussi au moins 3 ou 4 heures . Reste ensuite à effectuer le montage, sélectionner les séquences, choisir une musique, rédiger un texte, enregistrer une voix off, insérer des titres, créer des animations. Tout cela prend en moyenne deux jours de plus. Donc pour une simple réalisation de présentation de couteau, il faut y consacrer au moins une vingtaine d'heures de travail. Pour la réalisation d'un documentaire comme ceux que j'ai faits sur les aciers de coutellerie, il faut compter environ 10 jours de travail. Ça fait beaucoup de boulot mais quand on à l'habitude de bosser en tant que professionnel, on ne peut pas se résoudre à faire des vidéos « à l'arrache » même si c'est « seulement » pour YouTube. Et puis j'ai espoir que ces vidéos deviennent en quelque sorte une référence dans ce domaine.
— Quels sont les éléments qui font un « bon » couteau ?
— Il y a deux grands types de couteaux. Les couteaux à lame fixe et les couteaux pliants. Le principal élément à prendre en compte est la qualité de l'acier qui forme la lame. Il existe aussi deux grands types d'aciers. Les aciers dit « carbone » sensibles à l'oxydation, donc à la rouille, et les aciers inoxydables. Il y a plus d'une centaine d'aciers de coutellerie dont une vingtaine très répandus. Ces aciers ont des propriétés différentes sur le plan de leur résistance à l'oxydation, leur solidité, leur conservation du tranchant et leur facilité d'affûtage. Enfin il faut aussi prendre en compte la qualité des matériaux qui composent le manche (matériaux synthétiques tels que résines, plastiques, fibre de carbone, métaux comme l'aluminium, le titane et enfin le bois...). La qualité de fabrication et de finition est aussi importante.
— Existe-t-il encore de nos jours des évolutions technologiques qui améliorent ou révolutionnent le domaine du couteau ?
— On peut dire que si les chinois ont longtemps été sous-traitants, il existe désormais de nombreuses marques chinoises qui proposent des modèles de couteaux pliants d'un excellent rapport qualité/prix et qui innovent beaucoup en sortant d'innombrables modèles chaque année. On va dire que les principales innovations se font sur les formes de lames, le design. Il y a aussi quelques innovations dans le domaine des aciers avec l'apport d'éléments dans leur composition qui améliore résistance et conservation du tranchant, mais ce sont souvent des aciers très chers. On peut dire qu'actuellement il y a une impressionnante diversité de couteaux, des modèles pour tous les goûts à tous les prix, qu'ils soient industriels, ou fabriqués par des artisans. Le couteau, à lame fixe à base de fer, a finalement peu changé depuis sa création il y a environ 3000 ans. La fonction reste la même mais les designs ont évolué. Les couteaux pliants offrent une multitude de systèmes d'ouverture et de verrouillage de la lame. C'est surtout du côté des couteaux de poche qu'il y a donc des innovations techniques.
— L’un des éléments les plus importants demeure bien entendu la lame et sa composition. Y a-t-il des aciers recommandés pour des usages spécifiques ?
— Il y a les aciers inox pour les couteaux régulièrement au contact de l'eau, et les aciers dits « carbone » plutôt employés pour les couteaux de survie. Ces derniers sont moins chers, bien tranchants et faciles à affûter, mais ils nécessitent un peu plus d'entretien. Un des aciers les plus courants pour les couteaux de survie est le 1095. Les aciers inox les plus utilisés sont le 14C28N, le 12C27, le 440C. Enfin il existe des aciers très haut de gamme qui conservent longtemps leur tranchant comme par exemple les aciers inox appelés CPM-S35VN et le M390. Mais le mieux est de regarder les vidéos que j'ai réalisées si vous souhaitez bien comprendre ce sujet.
— Le marché est très vaste, avec des couteaux à plus de 200 euros, voire plus, d’autres à moins de 20… sur quoi se fait cette différence de prix ? Existe-t-il du matériel de bonne qualité abordable ?
— La différence de prix s'explique en grande partie par le type d'acier dont est formée la lame et les matériaux du manche. Par exemple, un couteau pliant composé d'un acier haut de gamme, et d'un manche en fibre de carbone ou titane, coûtera selon les marques entre 120 et plus de 300 euros.
Mais il existe de très bons couteaux pour moins de 60 euros. La qualité de fabrication est excellente et les aciers sont de bonne qualité. Par exemple on trouve des couteaux de poche en acier D2 ou 14C28N pour environ 60 euros avec plaquettes de manche en G10 (une sorte de résine très résistante) qui sont vraiment parfaits (beaux et performants). Par contre vous aurez l'embarras du choix car il existe des centaines de modèles...
— D’un point de vue légal, le port du couteau est interdit, le transport autorisé pour « raison légitime », tout cela est un peu flou, non ?
— En fait, il faut retenir qu'il ne faut pas porter de couteau dans les lieux publics, en ville, dans les magasins, dans les transports en commun, lors de manifestations ou événements. Si vous exercez une activité dans la nature qui justifie le port d'un couteau, alors en principe vous n'aurez pas de problème, et plus votre couteau sera petit, plus il sera toléré car moins assimilable à une arme.
— À la fois outil polyvalent et arme, l’usage du couteau est très démocratisé mais on a l’impression que malgré tout, mis à part les spécialistes, peu de gens connaissent véritablement bien ce domaine. Existe-t-il des idées reçues ou des légendes farfelues à ce sujet que tu voudrais dénoncer ou que tu trouves amusantes ?
— En fait le couteau est un outil ambivalent, c'est l'outil ancestral pratique utilisé à travers les âges mais qui au fil de l'histoire a aussi permis à certains hommes de commettre des crimes. C'est un objet qui peut permettre de survivre mais aussi d'ôter la vie. On a donc forcément un rapport particulier au couteau. On l'aime car il est utile, mais on l'appréhende aussi car on peut se blesser avec. On remarque que le couteau est très présent dans les films ou séries d'aventure, c'est à la fois un outil et une arme symbolique. Et c'est un des objets les plus utilisés que tout adulte possède au moins dans sa cuisine.
— Quelles sont les bases pour entretenir correctement un couteau ?
— Le meilleur moyen d'entretenir son couteau est d'en faire un usage approprié. Ne pas taper la lame sur de la roche par exemple, s'il est susceptible de rouiller, alors le sécher après utilisation avant de le ranger dans son étui. Il faut quand cela est nécessaire l'aiguiser pour que le tranchant redevienne efficace, et pour les aciers qui rouillent très facilement, on peut un peu graisser la lame. Je dirais aussi qu'il faut faire attention de ne pas se blesser avec car ça m'arrive encore et c'est bien aussi d'entretenir l'usage de ses doigts...
— Si tu avais un ou deux modèles à conseiller, en couteaux pliants et à lame fixe, quels seraient-ils ?
— Celui qui veut s'acheter un premier couteau de camp à lame fixe pourra commencer par un Mora Companion version lame carbone ou inox (acier 12C27), car pour une quinzaine d'euros c'est un très bon couteau, fiable. Celui qui veut mettre le prix dans un bon couteau à lame fixe peut regarder les modèles de la marque italienne Lionsteel. Mais si je devais conseiller un petit couteau à lame fixe, c'est celui que je viens de m'offrir pour le présenter prochainement sur la chaîne. Il s'agît du Brisa Trapper 95 version émouture scandinave en acier N690Co, un très bon acier inox. Le manche est en micarta et il est livré avec un bel étui en cuir pour 115 euros. Ça peut déjà paraître cher mais dites-vous qu'un couteau de qualité se conserve à vie contrairement à une paire de chaussures de sport...
Pour les couteaux pliants, les meilleurs rapports qualité/prix sont les modèles de marques chinoises comme Civivi, Kizer, Ruike, Bestech, Real Steel... On ne peut pas trouver mieux pour une soixantaine d'euros. Je conseillerai le Ruike Hussar P121 pour découvrir le plaisir d'utiliser un couteau pliant avec ouverture flipper et verrouillage de la lame par liner lock. Il ne coûte que 38 euros et il est top.
— Nous terminons toujours les entretiens sur UMAC avec la question traditionnelle : si tu pouvais choisir un super-pouvoir, quel serait-il et pourquoi ?
— Je pense que j'aimerais pouvoir me téléporter instantanément à n'importe quel endroit. Simplement parce que je suis fasciné par la diversité et la beauté des paysages de notre planète.