Catwoman - Le dernier braquage


Quand la monte-en-l'air de classe internationale la plus populaire de chez DC
met toutes ses économies pour voler une babiole en toc, il lui faut se refaire.
Retour à Gotham à contrecœur pour Sélina Kyle.


Dans la même logique que la sortie de Batman Ego au sein d'un recueil éponyme, Urban nous livre avec Catwoman - Le dernier braquage une des aventures ayant officiellement inspiré Matt Reeves pour son film à venir sur l'homme-pipistrelle. Et cette fois encore, il s'agit d'enrichir cette création de Darwyn Cooke d'autres histoires signées de sa main et mettant en scène l'insaisissable Selina Kyle.

Darwyn Cooke, co-responsable de la vie de Catwoman durant un temps avec Ed Brubaker et Doc Allred, est ici soucieux de nous offrir quelques pièces manquantes au puzzle de la vie de notre cambrioleuse de haut vol. En effet, avec ses complices, il l'a souvent mise en scène dans des actes de bravoure purement altruistes qui jurent un peu avec son image initiale de diamond girl. Pour ce faire, il va s'agir de faire reparaître une Selina Kyle et son alter ego dans le collimateur de la faune de Gotham. C'est ce que va entamer l'enquête de Slam Bradley dans Sur la piste de Catwoman (Detective Comics back-up #759 à 762).Cette histoire met en scène ledit Slam à qui le maire de Gotham charge de retrouver une Catwoman... pourtant déclarée morte. Il découvrira bien vite un lien entre elle et Selina Kyle, candidate à la mairie de New York récemment décédée.
 
Avec ce premier récit, on est de tout évidence plongé dans un polar classique où un détective hard boiled distribue autant de patates qu'il en reçoit et élucide une enquête davantage parce qu'il remue la merde que parce qu'il est un fin limier. Une lecture agréable si on aime le roman noir qui bénéficie d'un trait qui lui va étonnamment bien ; l'épaisseur des traits de Cooke s'adapte ici parfaitement à la noirceur du récit en assombrissant les cases.

Le dernier braquage
, quant à lui, est une fiction dans laquelle Selina refait surface à Gotham à la suite de l'échec d'un vol de grande envergure à l'étranger. Pour se remettre le pied à l'étrier, elle va monter une équipe de casseurs qui aura pour objectif de dévaliser un train affrété par la mafia pour transporter 24 millions de dollars vers Montréal. Son indic' est une jeune femme sexuellement exploitée par le parrain de l'organisation, ses alliés viennent de son passé lointain ou de rencontres plus récentes et le plan est on ne peut plus audacieux. C'est ici une aventure de Selina mettant son identité nocturne de côté et dévoilant quelques zones d'ombre de son passé, une aventure rythmée par la conception de ce casse mêlant de la technologie, du culot, des capacités physiques hors normes et une forme de courage confinant à la déraison. Selina y prouvera une fois de plus certains aspects de sa personnalité, comme le fait qu'elle n'appartiendra jamais à personne et que, tel le chat noir, elle porte poisse à qui l'entoure, qu'on la caresse dans le sens du poil ou non. Mais elle, forte de ses neuf vies, s'en sortira-t-elle indemne ? 
 
Une très plaisante lecture offrant plusieurs rythmes et plusieurs atmosphères et qui a le bon goût de changer un peu des sempiternels combats de super-héros. C'est plutôt habilement écrit et, comme pour Sur la piste de Catwoman, le trait de Cooke s'avère très approprié mais, cette fois, parce que son aspect cartoon permet d'atténuer un brin la perception du côté dramatique de certains événements, rendant le tout accessible à de jeunes adolescents. En effet, comme dit dans la chronique sur Batman Ego, même si le dessin de Darwyn Cooke peut sembler désuet ou inapproprié aux comics en raison de ce à quoi la majorité d'entre eux ressemblent de nos jours, il faut lui reconnaître la vertu de jeter des passerelles entre les âges et les genres ; il faut être vraiment allergique à cette patte graphique particulière pour que la magie n'opère pas. Même lorsque l'on y est de prime abord réticent, l'on parvient assez aisément à en comprendre la pertinence. Au moins, sous sa main, les comic books n'ont-ils pas cette gravité et cette maturité excessives dont se plaignent certains détracteurs au regard des productions actuelles de DC...

Vient ensuite Anonyme (Catwoman #1 à #4). Un titre doublement justifié parce qu'il marque le retour de Selina sous le masque et parce qu'elle y affronte une de ces horreurs dont Gotham a le secret auquel ce surnom convient parfaitement. Peu à peu, Selina y trouve un nouvel équilibre et un nouveau but à ses escapades nocturnes. Alertée par son amie prostituée Holly, Selina apprend qu'un homme s'en prend chaque nuit aux filles de la rue. Il est inacceptable, pour Selina, que cela reste impuni et, dans une Gotham où la police considère les péripatéticiennes comme des citoyennes de seconde zone indignes d'un travail de police sérieux, elle décide de prendre leur défense et se lance à la poursuite de celui qui les assassine. Une Selina s'ouvrant au bien et à l'altruisme, acceptant de faire la paix avec son alter ego au seul sacrifice de la queue de chat de son costume... Une fois encore, Cooke interroge la double personnalité de héros ayant une personnalité secrète. Et, comme pour Bruce dans Batman Ego, il offre à Selina un équilibre nouveau lui permettant l'harmonie entre ses deux facettes.

Le recueil se termine par une confrontation acrobatico-romantique entre la chatte et la chauve-souris s'étalant sur 11 planches : Chevalier servant (Solo #1). Dessinée par Tim Sale, cette historiette écrite par Darwyn Cooke est fraîche et amusante. Mieux dans sa peau et dans son latex, Selina se permet de faire tourner Batman en bourrique dans une course-poursuite où elle se montre aguicheuse et émancipée de la plupart de ses doutes.


Oui, on se refera des Catwoman écrits de cette façon bien volontiers. Voilà un album qui se lit avec plus d'enthousiasme encore que Batman Ego. Dans celui-ci, la progression de la personnalité du personnage principal n'est pas due à une sorte d'improbable hallucination l'exposant à son double mais tout simplement à une introspection résultant d'événements que l'on a suivis. Elle en est d'autant plus crédible. Rarement l'on avait aussi bien compris les motivations de Selina et l'on finit par être heureux de ce nouveau tour qu'elle donne à son existence, le sourire aux lèvres. Elle sera la justicière qui s'occupe de ceux qui restent à l'ombre du radar de Batman, celle qui sauvera ceux que personne ne voit et dont personne ne se soucie. Elle sera l'héroïne du quartier... ce qui justifie peut-être les dernières cases de ce recueil qui offrent un clin d'œil évident à un certain Peter Parker.

Slam Bradley avait vu un lien entre Selina et Catwoman... il a fallu un long moment à Selina avant de le retrouver en elle. Mais maintenant qu'elle est en paix avec elle-même, on se délectera de ses aventures nocturnes de justicière à taille humaine.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Trois récits (et un petit bonus) bien écrits et bien équilibrés.
  • La progression du personnage est réellement intéressante à suivre et cohérente.
  • Le dessin offre à ces aventures un mélange de noirceur et de second degré permettant une ouverture à un large public.
  • Selina a rarement été aussi sympathiquement exploitée : c'est ici un personnage attachant qui mélange faiblesses touchantes et forces admirables.
  • Certains n'aimeront pas ce type de dessin. C'est couru d'avance... mais ils passeront à côté de récits de bonne qualité.