Autant le dire dès le chapeau : non, je ne vous rappellerai pas ce que désigne le terme "ouroboros". Des centaines d'œuvres de la pop culture mentionnent ce symbole de dragon se bouffant la queue et invoquant en même temps les idées de mouvement, de continuité, d'autofécondation et d'éternel recommencement.
Du coup, non, je ne vous dirai pas ce que... eh merde !
Les éditions Soleil n'ont de cesse de lancer de nouvelles séries et si, parfois, l'on se demande ce qu'elles attendent de nous tant certaines sorties semblent dispensables, il arrive qu'une de ces nouvelles venues nous convainque assez pour que l'on lève un sourcil intrigué et l'on se permette un : "Hey, c'est pas mal, ça ! Ca mériterait quelques suites, histoire de voir où ça mène...".
Ouroboros est de celles-là. Cette BD à l'énigmatique couverture (assez éloignée des habitudes de la maison, qui plus est) s'ouvre sur un récit des origines nous exposant une vérité inattendue sur les prémices de l'univers impliquant une maman dragon sur le point de mettre bas. De cette opération seraient nés trois dragons incarnant respectivement la force, l'esprit et la magie. À la mort de leur mère, ces trois créatures surpuissantes et ivres de chagrin s'entredéchirèrent dans de titanesques combats qui mirent à mal le monde les environnant. Le jour où les hommes prirent les armes contre eux, ils optèrent pour une solution de repli consistant à se transformer en hommes et à se fondre parmi nous.
Nos femmes pouvaient, de cette façon, procréer avec eux et ils enfantèrent ainsi de nombreux sang-mêlés dont ne survivaient que de rares garçons. Bientôt, il y eut des clans entiers d'hommes unis par ce même sang draconique mais rivaux et en guerre perpétuelle. Ils influèrent sur la destinée de nations entières et sur l'histoire de l'Humanité. Notre vérité n'est que mensonges. Puis un jour naquit et survécut une jeune fille avec du sang de dragon : une nouvelle mère pour l'espèce !
La BD raconte ensuite les aventures physiques et psychiques d'Azram, un aventurier initié à nombre d'arts occultes. L'on fait sa connaissance alors qu'il vient de dérober l'énigmatique babiole qui donne son nom à cet album au nez et à la barbe de ses propriétaires. Il aura en effet besoin de cet artefact pour entrer dans l'esprit d'un enfant du nom de Xiao, de lignée draconique, et l'y aider à contenir le dragon qui sommeille en lui. La mission d'Azram est des plus primordiales car ce petit pourrait bien être l'unique et prophétique sang-mêlé capable de bientôt empêcher la ruine de notre monde...
Ce que l'on remarque de prime abord est l'originalité et l'efficacité de ce scénario qui ne se dévoile qu'assez peu dans ce tome 1 mais laisse entrevoir un univers étendu d'une grand richesse se permettant de convoquer sans avoir à en rougir quelques ressorts classiques des récits d'aventures et quelques figures imposées de récits fantastiques. L'histoire est plaisante et met en place des personnages charismatiques en diable, même si parfois caricaturaux à l'extrême. Ainsi, Azram est une sorte de gentleman-cambrioleur-précepteur-aventurier-sorcier infaillible à la classe et au flegme insolents. Mais il est plaisant de suivre ses aventures et le tome 2 déjà annoncé sera le bienvenu.
Ceyles et Olivier signent ici un scénario équilibré et intrigant laissant à Ceyles l'opportunité de s'exprimer dans de larges cases dynamiques que Lou colorise avec bonheur dans des teintes de bon goût, faisant de cet ouvrage une BD d'une lisibilité sans faille. Il est d'autant plus agréable de constater cela que l'on a déjà parlé du dessinateur d'Ouroboros puisque c'est à lui que l'on devait les dessins de l'unique tome des Archives d'Okrane. Or, à l'époque, l'on n'avait guère été convaincus par son appropriation hésitante de certaines caractéristiques propres aux mangas. Mais, aujourd'hui, son travail nous captive davantage et offre même certaines cases qui ont tout pour rester en mémoire.
Il est malaisé de deviner quelle série trouvera la voie du succès dans le catalogue pléthorique de cet éditeur mais, si Ouroboros venait à ne pas rencontrer un public suffisant, ce ne serait pas en raison d'un manque de qualités intrinsèques.
Il y a ici bien assez d'audace et d'élégance pour mériter la curiosité d'un assez large lectorat. Puisse cette humble chronique vous aider à franchir le pas, si vous hésitiez à vous lancer dans les traces d'Azram.
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