Après les sorties des poids lourds que sont Infinite Frontier, Batman, Superman et Wonder Woman (cf. notre article sur la phase 1), voici venir quelques poids plus légers mais néanmoins compétitifs : Nightwing, Joker, Harley Quinn et Robin.
NIGHTWING, tome 1 : Le saut dans la lumière
Commençons avec celui qui a l'honneur de l'image nous servant ici de titre : Nightwing ! Enfin de retour à Blüdhaven en pleine possession de ses souvenirs et de ses capacités, Dick Grayson va cette fois se lancer dans une enquête sur le nouveau maire de sa ville d'adoption, propulsé au pouvoir par le crime organisé. Ce maire est une femme et elle porte le lourd patronyme de Zucco, le même nom que celui de l'assassin des parents de Dick... Blüdhaven, c'est la Gotham de Nightwing : une ville violente aux élites corrompues. Mais Dick n'est pas Bruce et si la chauve-souris veut sauver ses concitoyens, Nightwing a l'espoir de les inspirer pour leur insuffler la force de se sauver eux-mêmes.
Nightwing est un personnage qui incarne ce que devrait toujours être un héros : un homme avec ses failles, qui commet des erreurs mais dont la pureté des intentions et la foi en l'Humanité sont incontestables. Ajoutez son humour on ne peut plus particulier et vous obtenez sans doute le héros le plus sympathique de l'écurie DC.
Ici, entre les mains très expertes de Tom Taylor au scénario (Les s7pt secrets, Injustice...) et Bruno Redondo au dessin, il va naviguer entre l'affaire de cette maire Zucco et une enquête sur des meurtres dont les victimes ont le cœur arraché. Il sera en cela aidé par Tim Drake, le "meilleur Robin" à ses yeux (alias Red Robinà. La relation telle que décrite ici entre les deux jeunes hommes est parfaitement caractérisée dans cette sorte de rivalité complice qu'ils déploient.
En parallèle de cela, il découvrira des mains de Barbara Gordon, qu'Alfred Pennyworth l'a cité dans son testament dans le but de lui léguer une fortune proprement insoupçonnable de la part d'un majordome (insoupçonnable mais suffisamment crédible, néanmoins). Désirant s’investir et investir pour améliorer la qualité de vie des plus précaires, Dick va se mettre en tête de créer un projet pouvant changer la face de sa ville et inspirer d'autres œuvres similaires partout où l'on en a besoin.
Ce tome se veut être un nouveau point d’entrée dans la vie du personnage en faisant quasiment table rase du passé et c'est une excellente chose car c'est fait avec une maestria d'écriture qui rend la lecture aussi fluide et agréable que les traits du dessinateur, d'une modernité et d'une simplicité qui confinent à l'évidence.
Chez DC Comics, Tom Taylor a bossé sur Earth 2, les séries Injustice (cité plus haut) et DCeased ou encore Suicide Squad . Mais surtout, il est à la barre de Superman : Son of Kal El où il narre les événements impliquant Jon Kent. DC a visiblement décidé de lui confier l'avenir des deux successeurs des héros emblématiques que sont Batman et Superman. Son Nightwing est lumineux, c'est un homme du jour heureux de partager la vie simple de la rue avec ses proches et ses voisins mais, la nuit, quand le besoin s'en fait sentir, il enfile le costume le plus moulant de toute la bat family pour amener toute sa lumière au cœur des ténèbres. Ce n'est pas anodin si, au lieu de demander des conseils à Bruce sur la façon d'utiliser la fortune d'Alfred pour changer durablement les choses, il échange à ce sujet avec Superman : ce que symbolise le Kryptonien est sans doute, à moindre échelle, ce que veut représenter Nightwing dans sa ville. La conversation entre eux consacre d'ailleurs Nightwing de belle façon tant il reçoit la validation de Clark Kent. Bruno Redondo, lui, offre à cet album une patte rare dans les comics contemporains. Efficace sans esbrouffe, elle souligne avec talent la justesse d'écriture de Taylor dans les rapports entre les personnages et sait tout autant se faire énergique et lisible dans les scènes d'action, par un découpage intuitif et astucieux.
Album accessible, aussi charmant que son héros et intéressant jusqu'à la dernière case, Le saut dans la lumière (titre rappelant les talents de voltigeur et le côté solaire du personnage) est une agréable descente dans Blüdhaven avec le meilleur des guides. Un album à recommander à tous ! Une absolue réussite qu'il est aussi agréable de lire que de relire.
JOKER, tome 1 : La chasse au clown
Poursuivons avec le tome qui, un peu filou, a choisi de s'intituler Joker. Disons-le d'emblée : ça a tout d'un moyen un peu facile de s'attirer un vaste lectorat. Parce que, objectivement, il devrait jusque là se nommer James Gordon. C'est en effet notre bon vieux commissaire retraité du Gotham City Police Department qui occupe ici le rôle central, c'est lui dont on entend la voix off dans des bandeaux qui fleurent bon l'ambiance de polar, c'est de sa famille que l'on parle et des conséquences désastreuses qu'a pu avoir pour elle le fait d'avoir croisé la route dudit Joker. Ici, le Joker est tel le Fantomas des films avec De Funès : c'est après lui qu'on court mais on le voit fort peu et, à dire vrai, il n'est guère aussi intéressant qu'il pourrait l'être (ouais, j'ai comparé le Joker à Fantomas... qu'est-ce que tu vas faire, hein ?). Par contre, Jim s'y montre, lui, extrêmement bien développé et sa relation avec sa fille Barbara (à qui il avoue enfin qu'il connaît ses identités secrètes) est touchante et bien posée.
James Tynion IV (j'ignore pourquoi mes parents n'ont pas foutu un chiffre dans mon blase, c'est trop stylé) développe ici un récit d'enquête narré au rythme des pensées intimes de James Gordon. C'est un procédé qui était déjà présent dans Batman - Année un et ça fonctionne ici à merveille dans la première partie très sombre du récit. Malheureusement et bizarrement, l'album cède ensuite à une vision très peu enthousiasmante du Joker, trop bouffon et trop peu criminel (dans son attitude, hein, pas dans les faits : il flingue du monde !). Protégé par une sorte d'organisation internationale offrant des lieux de villégiature à de super criminels en vacances, le Joker y montre un visage souvent trop ridicule. Il se reprend néanmoins par moments et son retour aux affaires en fin de tome le ramène à nous d'intelligente façon dans un questionnement intéressant : pourquoi n'élimine-t-il pas Gordon ? Pourquoi jouer avec lui au chat et à la souris alors qu'il a maintes fois le loisir de l'éliminer ? Voilà une narration qui, au final, aura peut-être encore une facette supplémentaire du clown à nous faire découvrir, après tout...
Le trait de Guillem March, quant à lui, montre une certaine parenté (parfois) avec le travail de Brian Bolland sur Killing Joke, qui constitue en quelque sorte l'origine de ce récit : c'est le comic emblématique dans lequel Gordon est la victime collatérale du duel entre le Joker et la chauve-souris. Un trait maîtrisé, parfois halluciné mais toujours lisible. (Thomas se permet un encart, lui aussi ayant beaucoup apprécié ce tome, cf. sa critique sur son site. Cette nouvelle série, revendiquant pleinement l'héritage du titre d'Alan Moore, complémente aussi à sa façon le très clivant Trois Jokers, qui, on le rappelle, avait été détesté par Grizzly là où Thomas lui trouvait une certaine audace et des qualités graphiques indéniables. Urban Comics a déjà annoncé que Joker Infinite serait achevé au terme de son troisième volume, prévu le 2 septembre prochain.)
Le plus étrange dans cet ouvrage reste sans doute le choix d'illustration de la couverture... On vous laissera vous faire votre avis, mais... hum...
Le trait de Guillem March, quant à lui, montre une certaine parenté (parfois) avec le travail de Brian Bolland sur Killing Joke, qui constitue en quelque sorte l'origine de ce récit : c'est le comic emblématique dans lequel Gordon est la victime collatérale du duel entre le Joker et la chauve-souris. Un trait maîtrisé, parfois halluciné mais toujours lisible. (Thomas se permet un encart, lui aussi ayant beaucoup apprécié ce tome, cf. sa critique sur son site. Cette nouvelle série, revendiquant pleinement l'héritage du titre d'Alan Moore, complémente aussi à sa façon le très clivant Trois Jokers, qui, on le rappelle, avait été détesté par Grizzly là où Thomas lui trouvait une certaine audace et des qualités graphiques indéniables. Urban Comics a déjà annoncé que Joker Infinite serait achevé au terme de son troisième volume, prévu le 2 septembre prochain.)
Le plus étrange dans cet ouvrage reste sans doute le choix d'illustration de la couverture... On vous laissera vous faire votre avis, mais... hum...
HARLEY QUINN, tome 1 : Bienvenue à la maison !
Puisque l'on a parlé du Joker, parlons maintenant de son ex : Harley Quinn. Monsieur J a certes plus ou moins remplacé l'extravagante arlequine par la très intéressante et ambitieuse Punchline, mais ça n'empêche nullement Harley de continuer à exister chez DC. Dans une logique mi-narrative, mi-marketing, la psy la plus timbrée de la BD s'efforce désormais de devenir une héroïne, histoire de donner à ses fans moins de remords à l'apprécier... euh... pardon ; histoire de se racheter une conduite, dirons-nous.
Pour l'occasion, on dit au revoir au tracé réaliste faisant d'elle une poupée humaine, objet de mille et un fantasmes de geeks en manque de sensations, au profit d'un trait bien plus cartoon et permettant à sa douce folie de continuer à transparaître malgré son envie de retour à une certaine normalité morale. Harley revient donc à Gotham avec l'intention de faire ses preuves en tant que psy borderline : elle veut en effet aider les anciens acolytes du Joker à se débarrasser de leurs problèmes psychologiques par des thérapies de groupe et autres méthodes relativement conventionnelles. Malheureusement, le maire Nakano décide, de son côté, de financer un programme d'Hugo Strange allant plus ou moins dans la même direction mais employant des méthodes autrement plus contestables et dangereuses.
Notre désormais brave Harley, en compagnie d'un nouveau comparse et de quelques anciens compères comme Grundy, va donc se battre contre le plan machiavélique de Strange pour rétablir l'équilibre mental des criminels clownesques de Gotham.
Le scénario de Stephanie Philips comme le dessin de Riley Rossmo confèrent à l'album une légèreté qui dénote, à Gotham, mais qui va bien avec l'inconscience de leur héroïne. Tout, pour elle, semble n'être qu'une farce et même ce qui lui tient à cœur est traité avec humour et second degré. L'ensemble a des airs de fête foraine criarde mais gagne par la même occasion, une identité unique dans le batverse.
L'histoire principale est suivie de trois autres plus anecdotiques mais réimplantant Harley dans l'univers de Batman. La première, Cat & Quinn, porte bien son nom et narre les retrouvailles entre Harley et Selina tout en approfondissant les rapports conflictuels entre les trois antagonistes Strange, l’Épouvantail et Keepsake. Le dessin plus réaliste de Laura Braga permet de ne pas ridiculiser Catwoman et c'est une bonne chose pour ce personnage. La deuxième est dessinée par David La Fuente dans un style rondouillard sympathique et une esthétique bubblegum ; elle présente le nouveau venu Keepsake comme une sorte de copycat des super-criminels de Gotham résolument fan d'Harley au point de vouloir en faire son associée. Mais Harley compte bien rester sur le chemin plus ou moins droit qu'elle s'est choisi et est résolue à décider, désormais, par elle-même de qui elle sera !L'ultime histoire, Nouvelles racines, nous narre, sous le coup de crayon réaliste de Laura Braga, des souvenirs que Harley chérit avec sa chère Ivy... Nul doute que cela annonce le retour de la plantureuse et redoutable rouquine dans Gotham tôt ou tard.
Varié mais cohérent, excentrique mais compréhensible, ce premier tome Bienvenue à la maison ! plaira autant aux gens aimant Harley qu'à à ceux qui reprochent parfois au batverse sa noirceur. Du comic book décomplexé, sympa, rigolard et néanmoins intéressant.
ROBIEN, tome 1 : Contre tout le monde !
Reste maintenant à revenir un peu plus près de Batman (puisqu'on parle ici de son fils biologique) mais bien plus loin de lui (puisque Damian Wayne s'est barré de Gotham pour mener sa barque loin de sa chauve-souris de papa). Suivons les aventures de ce dernier Robin en date !
Peut-être est-il utile de le rappeler : Damian est le fils turbulent de Bruce Wayne et de Talia al Ghul. Petit-fils de Ras al Ghul, Damian a un caractère plutôt farouche, pour un Robin... Formé au sein de la Ligue des Assassins jusqu'à ses dix ans, il revendique bientôt le rôle de Robin, aux dépends de Tim Drake. Il sera ensuite le Robin de Dick Grayson (Nightwing) tant que ce dernier devra porter le costume de Batman en l'absence de Bruce.
Dans cet album, le plus létal des Robin (celui que l'on nous annonce même prophétiquement comme fossoyeur de Gotham lorsqu'il endossera à son tour le costume de chauve-souris, jusqu'à ce que sa mort et sa résurrection annulent la possibilité de ce futur) va prendre son destin en mains en solitaire. Enfin décidé à faire le bien, il va faire face à ses démons et tenter de se montrer digne de la confiance de feu son parrain Alfred Pennyworth. Pour ce faire, il va se lancer sur les traces de la Ligue des Ombres et, qui sait, peut-être même sur celles de son terrible grand-père.
Damian va aussi intégrer un tournoi sur l'île de Lazare. Un tournoi à mort où l'on peut revenir à la vie deux fois... mais la troisième mort est définitive. La promotion autour du titre nous vend l'idée qu'il lui faudra s'allier pour parvenir à surmonter maints obstacles mais, même si des alliances sorties de son passé semblent en effet l'aider, notre Damian ne s'en montre pas moins farouchement autonome et terriblement efficace.
Le scénario de Joshua Williamson ne révolutionne pas le genre mais nous offre un background intéressant à cette sorte de Mortal Kombat à la sauce Batverse. Il se dégage de l'album une ambiance teenage pas déplaisante et une certaine légèreté vis-à-vis de la mort qui permet à notre jeune héros de nous rappeler à quel point son entraînement a fait de lui une machine à tuer. Les rapports entre les personnages sont parfois un rien trop superficiels et l'ambiance "cour de récré où l'on s'entretue" est étrange mais elle fonctionne. L'on a, en plus, le plaisir de retrouver tous les autres Robin réunis dans la recherche de Damian. Ce qui nous permet en quelques cases de nous remémorer les liens affectifs et/ou conflictuels entre eux.
Côté dessin, Gleb Melkinov nous délivre des cases aux traits dynamiques pouvant rappeler aux plus anciens le look de comics comme Crimson de Humberto Ramos. Très approprié pour cette petite teigne de Damian Wayne, ce type de dessin anguleux et vif est d'une efficacité égale lors des phases d'action ou des passages plus sereins, tant il permet une grande expressivité des corps comme des visages des personnages. Toutefois, on regrettera parfois des planches entières très pauvres en décors, ne nous donnant guère l'opportunité de saisir le contexte de cet environnement pourtant inhabituel.
Une lecture agréable, aussi énergique que son protagoniste.
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