"Un destin pire que la mort" et une science rock n'roll, c'est ce que semblait promettre la série Nowhere Men, dont seul le premier tome a été publié en France par Delcourt.
Dans un futur proche, les scientifiques ont remplacé les anciennes stars dans les journaux people. Le développement technologique a permis de grandes avancées dans certains domaines, notamment médicaux.
Et le progrès est encore en marche sous la forme d'une expérience se déroulant dans un laboratoire où une douzaine de spécialistes ont été regroupés pour participer à un projet ultra-secret. Mais lorsque ces derniers tombent malades et finissent par s'échapper en se téléportant, tout semble hors de contrôle...
Cette série, éditée aux États-Unis par Image Comics, est signée Eric Stephenson en ce qui concerne le scénario. Ce n'est pas anodin, puisqu'à l'époque, le patron d'Image, c'est Stephenson... En ce qui concerne les dessins, ils sont l'œuvre de Nate Bellegarde.
Au départ, le sujet peut éveiller la curiosité. Ces quatre scientifiques, devenus les "Beatles" de la science, semblent prometteurs et leur présentation, sous forme de questionnaires, de coupures de presse ou d'extraits de livres, ne manque pas d'intérêt, du moins dans un premier temps. Malheureusement, plus l'on avance dans le récit, plus l'on est plongé dans la perplexité quant à son but et sa cohérence.
Signalons que la série a été nommée dans plusieurs catégories des Eisner Awards (meilleure série, meilleur dessinateur/encreur, meilleur scénariste et meilleure colorisation) et n'a obtenu qu'un seul prix (celui de la colorisation). Quand on sait à quel point ces récompenses sont distribuées à la sulfateuse (il est difficile de trouver un auteur un peu connu qui n'en a pas au moins une), le fait de n'en obtenir qu'une, dans une catégorie secondaire, n'augure rien de bon.
La personnalité des personnages (très nombreux, aux quatre scientifiques précités il faut encore ajouter douze "cobayes" et quelques autres protagonistes secondaires) est très peu creusée, l'aspect éthique est à peine évoqué (de manière assez convenue en plus), les technologies - dont la plupart ne sont qu'à peine mentionnées - sont loin de faire rêver ou impressionner, et pour bien alourdir le tout, la narration qui se veut complexe n'est en fait que confuse.
Et pourtant, certaines scènes sont impressionnantes. Les transformations par exemple sont parfois choquantes et instillent un véritable malaise dont l'auteur aurait pu se servir s'il n'avait pas été occupé à nous entraîner dans un salmigondis d'intrigues soporifiques sur les luttes internes de l'entreprise World Corp ou dans des délires psychédéliques sur les "niveaux de perception".
Au final, un assemblage d'éléments disparates qui ne sont jamais approfondis et ne tiennent pas debout. Ce sont surtout la thématique scientifique (qui n'est soutenue par rien d'un peu vraisemblable ou intrigant) et la description des bouleversements sociaux (carrément absente) qui souffrent le plus de cette histoire aussi longue qu'ennuyeuse.
Si Stephenson voulait évoquer autre chose que le sujet principal qu'il met en avant, on se demande à quoi lui sert tout ce décor artificiel et creux. Et s'il s'agit simplement de nous montrer des mutants, on a déjà vu plus réussi dans le genre.
Il ne suffit pas de blinder une BD d'extraits d'ouvrages fictifs ou de fausses coupures de presse pour créer un background crédible. Il manque à Nowhere Men non seulement du fond mais le talent d'un véritable conteur. On comprend pourquoi le premier tome n'a jamais eu de suite en France.
Prétentieux et vain.
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