Les éditions Jean-Claude Lattès viennent de sortir une réédition du recueil Danse Macabre de Stephen King. Voyons cela en détail.
Son sous-titre l'annonce fièrement, ce livre est censé être "collector". Au niveau de l'aspect, déjà, on ne peut pas dire que ce soit d'un goût très sûr. Certes on a droit à une hardcover et un grand format (14,5 x 23 cm), mais les couleurs dégueulasses (vert bouteille et violet sur fond marron, c'est la bonne idée de l'année) et le lettrage criard lui donne un aspect très "bouquin des années 70". Il faut aimer. On est loin de l'illustration de Frank Frazetta de l'édition J'ai Lu des années 80. Certes, ça n'avait aucun rapport avec le contenu, mais au moins, ça faisait son petit effet.
Côté "plus", là, c'est le vide total. Pas d'illustrations, même pas un ruban signet histoire de faire un peu cossu, aucune valeur ajoutée. Parfois certaines éditions font un petit effort de présentation en ce qui concerne les pages intérieures, avec un travail typographique au niveau des titres ou des marges ornementales, mais là, rien de particulier. C'est du brut de chez brut. Pour du matériel ancien vendu à 26 euros, ça fait cher quand même. Attention donc à l'utilisation très abusive du terme "collector".
Au final, seule la nouvelle traduction présente un intérêt réel. Bien entendu, ce n'est pas toujours synonyme de modifications positives (cf. la trad ridicule du nouveau 1984), mais dans ce cas précis, l'adaptation est assurée par Jean Esch, qui avait déjà fait un boulot remarquable sur la série Lockwood et qui signe là encore des textes de qualité. Notons que les titres des nouvelles se rapprochent plus cette fois de leurs noms anglais. Par exemple Night Surf, autrefois traduit par Une Sale Grippe, devient Vagues Nocturnes. Dans le même ordre d'idée, I am the Doorway, précédemment appelée Comme une Passerelle, devient Je suis la Porte. Sometimes they come back passe de Cours, Jimmy, cours à Parfois ils reviennent. Ce n'est évidemment ni mieux ni moins bon, juste un choix différent et une question d'inclination personnelle.
Pour ceux qui ne connaissent pas du tout cet ancien recueil de notre brave ami du Maine, notons qu'il s'agit de nouvelles assez brèves (et non de novellas ou de mini-romans comme King en écrira par la suite dans des recueils comme dans Différentes Saisons). Les récits et ambiances sont donc variés. En tout, vingt nouvelles, pour la plupart très bonnes.
L'on peut citer l'épouvantable transformation de Matière Grise, la manière originale et bien flippante d'arrêter de fumer décrite dans Desintox S.A., le froid mordant et le suspense insoutenable de La Corniche, ou encore les "habitants" quelque peu effrayants de l'usine dépeinte dans Équipe de Nuit. Notons également que sont présentes les nouvelles Camions (anciennement Poids Lourds, adaptée de manière désastreuse à l'écran par King lui-même, sous le nom Maximum Overdrive) et Les Enfants du Maïs (qui a donné lieu carrément à toute une licence de produits cinématographiques ou télévisés de qualité médiocre). Les thèmes horrifiques abordés vont du très classique (les vampires), aux plus inattendus (une broyeuse, des petits soldats), en passant par des sujets plus réalistes voire prophétiques (une pandémie). De quoi passer un bon (ou épouvantable, selon votre façon de voir) moment et frissonner sous la couette.
Signalons enfin l'avant-propos (qui date de l'époque de sortie de la première version du recueil) de King, très intéressant. L'auteur y parle notamment de l'écriture et de son obsession (possédant selon ses propres termes une "valeur marchande") pour le macabre, de nos pulsions voyeuristes et surtout de la peur, sous toutes ses formes.
Une édition qui aurait pu être plus soignée et plus attractive mais qui a le mérite de contenir d'excellentes histoires, bien traduites. Un achat cependant nullement indispensable si vous avez déjà l'une des précédentes éditions.