The Substance : génial ou grotesque ?



Gros plan sur un film atypique : The Substance.

Le mieux est de commencer par le synopsis, aussi mystérieux qu'alléchant :
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The Substance.
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Avouez que c'est tout de même intrigant. Quand en plus on sait que Demi Moore est au générique (ainsi que Dennis Quaid d'ailleurs, dans un rôle moins important), ça donne envie. Maintenant, comment parler de ce film tout en évitant de vous dévoiler les surprises qu'il vous réserve... eh bien, ça semble compliqué. Nous allons donc procéder en deux temps, une critique de la forme, qui ne contiendra pas d'éléments de l'intrigue, et une critique du fond, qui révélera certaines informations. D'une manière générale, si vous avez prévu de voir ce film, n'essayez pas d'en savoir trop, évitez même les simples recherches sur google, certaines images bêtement publiées par certains en disent déjà trop.

Donc, la forme. C'est bien simple, c'est un film éclatant. La photographie est magnifique, les plans savamment étudiés, on se délecte de très belles (et très peu communes) images. Malgré quelques craintes au départ, générées par de longs plans fixes, la réalisatrice, Coralie Fargeat, ne se laisse pas aller à la facilité et dévoile sa maîtrise esthétique (très importante d'ailleurs vu le sujet). Bref, un vrai film de cinéma à ce niveau-là. On est loin des plans fixes d'un Algunas Bestias par exemple, qui avaient à l'époque fait hurler au génie certaines ganaches prêtes à s'enflammer dès qu'un manque de virtuosité et une terne austérité sentent un peu le "film d'auteur". 




Abordons maintenant le fond. On va tenter de ne pas trop en dire, mais considérez qu'à partir d'ici, il vaut mieux avoir vu le film. 
L'histoire est centrée sur Elisabeth Sparkle, star d'une émission télévisée d'aérobic, qui est mise sur la touche par son producteur en raison de son âge. Prête à tout pour contrer les effets du temps et conserver son statut de vedette sexy, elle finit par essayer une substance dont elle ignore tout et qui est censée la rendre plus jeune, plus belle, bref, meilleure.
À partir de là, le film verse dans une sorte de gore assez malaisant, qui va aller crescendo. Si la première moitié du film est suffisamment étonnante et tendue pour générer de l'intérêt, la seconde partie (et surtout le final, très long et versant dans le grand n'importe quoi) va s'avérer décevante et manquant de finesse.

Parlons-en de la finesse. Forgeat est connue pour avoir réalisé notamment Revenge, long-métrage considéré par certains comme "féministe". En fait, ce film d'action s'avérait plutôt sympathique malgré son côté bourrin tant que justement on ne lui prêtait pas d'ambitions philosophiques ou des revendications sociétales. Car il s'agit tout bonnement d'une nana sexy  - violée par un gros beauf, puis laissée pour morte par ce même gars et ses potes - qui se venge en dégommant tout le monde dans une grosse gerbasse de sang et de tripes. Dans le genre "fin", on repassera. 
Là, c'est exactement pareil. Certains qualifient ce film d'allégorie sur l'âgisme et la misogynie. J'espère sincèrement que non, car dans le cas contraire, c'est clairement raté. L'âgisme, certes est abordé, mais uniquement du côté féminin et hollywoodien. C'est quand même très particulier. Quant à la misogynie, elle est totalement absente du film. À moins qu'on ne considère que remplacer une tête de gondole vieillissante soit "misogyne". Ce milieu de la télé et du vedettariat est certes implacable, mais il répond à une logique commerciale bien autre que la simple supposée haine des femmes. Le discours s'avère donc très simpliste mais également infiniment trop appuyé.

Le final, déjà évoqué, n'en finit pas d'enfoncer des portes ouvertes dans une frénésie mégalomaniaque d'autosatisfaction gênante. Le film bascule dans la quasi-comédie, avant de verser dans le pathétique puis l'absurde, le tout en faisant défiler à coups de marteau un symbolisme grossier destiné à n'oublier personne, même le demeuré à QI négatif, tant tout est évident et surligné. Fargeat (qui est réalisatrice mais aussi scénariste et co-monteuse sur ce projet) se complet donc dans le caricatural et les gros sabots. Dommage, parce que le sujet méritait sans doute mieux et ses qualités de réalisatrice, indéniables, semblent au vu du résultat final bien mal exploitées.
C'est finalement le seul côté fantastique et "conte sanglant" qui permet d'éviter le ridicule, en offrant au spectateur un film original qui ne donne pas l'impression de voir la énième version des mêmes resucées. Le film manque malheureusement trop de qualité au niveau de l'écriture pour atteindre un statut culte et sublimer (ou simplement bien traiter) son sujet. 

On a l'impression que le "message", idiot mais bien dans l'air du temps, se résume à "les hommes de pouvoir sont méchants avec les femmes". Alors qu'en réalité, lorsque l'on base toute sa carrière et même sa propre estime sur l'apparence et un physique évidemment condamné à décliner, l'on ne peut qu'aller droit dans le gouffre si l'on ne prépare pas une transition (comme le font certains sportifs par exemple).
Bref, un cinéma impressionnant visuellement mais porteur d'un discours tordu et mensonger destiné à flatter les ahuris qui se délectent d'un statut de victime qu'ils sont loin de mériter, à moins de considérer qu'ils sont victimes de leur propre égarement et de leur manque de prévoyance.

Joli mais creux.
Et pour répondre à la question du titre, visuellement génial mais intellectuellement grotesque.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Visuellement sublime.
  • Intrigant dans la première partie.
  • Demi Moore, sous toutes les coutures.


  • Le final, trop long.
  • Le message, bien trop caricatural et surtout trop appuyé.
  • Le côté gore extrême, jusqu'au burlesque.