Écho #73 : Les Schtroumpfs - L'intégrale (édition exclusive)



Une bonne idée de cadeau pour Noël : un bon gros tome des Schtroumpfs, regroupant les 13 premiers albums !

Pour 45 euros, voilà donc une très bonne affaire. Ce pavé de plus de 750 pages (au format 20 x 26 cm, ce qui assure un confort de lecture suffisant) regroupe tous les albums de Peyo sortis entre 1963 et 1988. De quoi assurer quelques heures de lecture en compagnie des petits êtres bleus. 
Notons qu'il s'agit d'une exclusivité des espaces culturels Leclerc et que l'ouvrage bénéficie d'un très joli dos toilé "bleu Schtroumpf". Signalons que les couvertures originales des albums sont reproduites et que Dupuis a ajouté également une poigné de petits bonus, dont une leçon de maîtrise de la langue schtroumpf.

Très conseillé, autant pour le rapport albums/prix que pour le soin esthétique apporté à ce beau livre. 

Contenu :
• Tome 1 - Les Schtroumpfs noirs
• Tome 2 - Le Schtroumpfissime
• Tome 3 - La Schtroumpfette
• Tome 4 - L'Œuf et les Schtroumpfs
• Tome 5 - Les Schtroumpfs et le Cracoucass
• Tome 6 - Le Cosmoschtroumpf
• Tome 7 - L'Apprenti Schtroumpf
• Tome 8 - Histoires de Schtroumpfs
• Tome 9 - Schtroumpf vert et vert Schtroumpf
• Tome 10 - La Soupe aux Schtroumpfs
• Tome 11 - Les Schtroumpfs olympiques
• Tome 12 - Le Bébé Schtroumpf
• Tome 13 - Les P'tits Schtroumpfs





La Parenthèse de Virgul #48



Hello les Matous !
Ça ronronne dans les chaumières ? Aujourd'hui, on va aborder un sujet essentiel quand on parle de livres, et notamment de BD : le format. Et un format bien spécifique encore trop peu employé en France mais qui, pour certaines œuvres, peut donner des résultats saisissants.

À l'italienne
Si l'origine transalpine de ce format, dit à l'italienne, explique son nom, il faut savoir qu'il n'est en rien fixé par une taille précise mais désigne en réalité toute publication qui est plus large que haute. Que ce soit dans la BD franco-belge ou les comics, l'on a donc guère l'habitude de penser réellement un récit dans ce format. Et c'est bien regrettable car il permet de gommer certains défauts ou d'accentuer certaines qualités du format classique.

Il faut tout d'abord distinguer les œuvres pensées réellement (ou totalement redécoupées) pour ce format et les compilations de strips initialement prévus pour les journaux. Si l'on trouve des recueils de strips concernant des séries aussi connues que Tintin ou Amazing Spider-Man, cela reste avant tout des curiosités ou des éléments historiques, le format n'apporte alors pas grand-chose par rapport à celui d'une BD classique. Par contre, lorsqu'il s'agit d'histoires conçues spécifiquement pour se présenter ainsi, comme le 300 de Miller ou les rééditions à l'italienne de certains Blake et Mortimer, cela change tout et l'expérience de lecture en est radicalement changée.

Quels sont ces effets aussi fantastiques que mystérieux que tu sembles nous vanter depuis le début de cette parenthèse, me demanderez-vous avec la touchante fébrilité du lecteur aguiché par une féline et noble prose ? Eh bien, nous y venons !
L'un des effets évidents est ce que nous appellerons poétiquement la préservation de la brume du temps. En effet, lorsque nous ouvrons une BD classique, nous avons devant les yeux non seulement la scène "présente", que nous allons lire, mais aussi plusieurs scènes du futur, qui se dévoilent déjà, comme si le brouillard les recouvrant logiquement était dispersé par le simple fait de tourner la page. Dans le format à l'italienne, vous ne verrez qu'un tiers (voire un sixième) de ce que dévoile le format classique, ce qui permet de demeurer dans le présent et de maintenir un certain suspense.

Le deuxième effet, encore plus important, est l'immersion. En effet, avec des cases agrandies, bénéficiant de plus de détails, et un œil se concentrant sur une scène bien découpée et mise en valeur, le lecteur est littéralement "plongé" dans l'action, un peu comme un spectateur devant un grand écran, au cinéma. L'impact de chaque scène en est alors décuplé. 
Le troisième effet évident, très lié au précédent, est le travail de l'auteur sur l'ambiance du récit. Avec une concentration recentrée du lecteur, des cases plus grandes, des scènes mieux mises en valeur car isolées des autres, l'auteur peut à loisir travailler l'atmosphère de chaque partie de son récit. Une scène de nuit, par exemple, ne sera pas parasitée par la luminosité d'autres scènes à venir, qui se retrouveraient sur la même planche dans un format classique.

Bien entendu, ces subtilités ne conviennent pas forcément à tous les récits. Le format à l'italienne met presque naturellement en valeur les thrillers, les histoires sombres, feutrées et intimistes, les BD d'enquête ou d'épouvante, et globalement tout ce qui touche au mystère. Ce format sera donc moins efficace lorsqu'il s'agira de mettre en scène, par exemple, d'immenses et impressionnants paysages ou des combats aériens. Ce n'est pas impossible pour autant, juste moins pratique. Mais même s'il est toujours possible de s'adapter à une contrainte technique, il vaut mieux penser son format en fonction de ce que l'on raconte (et inversement, les deux étant inévitablement intriqués).
Voilà en tout cas une belle manière de mettre la contrainte du support au service de son art.

L'on trouve assez peu de BD dans ce format en France, même si l'on peut noter le Ruse du duo Waid/Guice, le Spirou de Chaland ou les Flash Gordon récemment réédités par Hachette (à ne pas confondre avec le Flash de DC Comics, cf. cette Parenthèse). Mais la grande réussite dans ce domaine demeure les Blake et Mortimer recomposés pour ce format (l'on peut citer par exemple Le Testament de William S, Signé Olric, Le Bâton de Plutarque ou encore Le Serment des Cinq Lords). Ces éditions spéciales (vraiment bien plus larges que hautes !) bénéficient de cases agrandies, d'un découpage repensé et d'un nouveau regard, plus immersif, sur chaque aventure. L'ambiance en est radicalement accentuée, et les élégants aplats propres à la série n'en sont que plus efficaces et esthétiques. Si vous voulez vous prendre une claque visuelle et découvrir la puissance du format à l'italienne, ce sont ces albums que l'on vous conseille. Attention cependant à ne pas confondre avec certaines éditions spéciales, comme Les Sarcophages d'Açoka, qui est en fait un demi-format qui condense (et résume) trois albums classiques.

Voilà les matous, on termine avec quelques exemples de planches et on espère vous avoir donné envie de (re)découvrir de bonnes BD. Miaw ! 

Ici une simple compilation de strips originaux (Les 7 Boules de Cristal).

L'album "maudit" de Chaland, une curiosité.

Le 300 de Miller, dense et violent.

Ruse, publié par Semic. De superbes dessins et un découpage très cinématographique.

Le format à l'italienne n'embellit pas forcément tous les genres de récit.

Blake et Mortimer, probablement l'une des séries qui exploitent le mieux ce format.

L'atmosphère sombre et angoissante, ainsi que les jeux de lumière, ne sont pas parasités par les autres scènes.

Le découpage resserré immerge le lecteur au cœur de l'action.

La brume du temps est préservée, chaque planche étant consacrée à une seule scène.

Frankenstein




Disponible depuis hier sur Netflix, le Frankenstein de Guillermo Del Toro est-il à la hauteur du célèbre roman ?

S'attaquer à un classique de la littérature tel que le roman de Mary Shelley, publié en 1818, est toujours relativement complexe. Outre les multiples références à la créature de Victor Frankenstein dont notre culture est aujourd'hui parsemée, ce qui a contribué à flouter quelque peu la profondeur du récit originel et fausser notre idée du monstre qui y est mis en scène, le réalisateur doit également s'attaquer à un roman à la fois précurseur et émouvant, bien plus humaniste que véritablement horrifique. Autant dire un véritable défi qui est pourtant relevé de belle manière.

Del Toro reprend dans son adaptation le principe, employé par Shelley, des récits multiples, imbriqués les uns dans les autres. L'on découvre tout d'abord une expédition polaire dont les membres vont porter secours à un inconnu, très mal en point. C'est alors l'occasion pour Victor Frankenstein de livrer son terrible récit, débutant par une enfance difficile, assombrie par la présence d'un père tyrannique et par la disparition de sa mère. Puis, c'est la créature elle-même qui pourra, après divers accès de rage, délivrer son histoire. Si des changements mineurs et bien compréhensibles sont apportés au contenu du roman, son essence par contre en est très largement respectée.




C'est bien une tragédie poignante que le réalisateur met en scène, en montrant une créature innocente, perdue, malmenée, qui va peu à peu prendre conscience de son peu enviable état et éprouver une sombre colère. S'il y a bien quelques menus défauts dans ce film, que ce soit une ou deux longueurs ou un casting pas toujours pertinent (Mia Goth, par exemple, qui n'a nullement le charisme et la qualité de jeu pour incarner cet idéal féminin dont tout le monde s'éprend), il faut reconnaître qu'il possède également d'immenses qualités, à commencer par la photographie somptueuse et des décors très réussis, bien qu'un peu artificiels. C'est beau, c'est vaste, c'est détaillé, l'immersion est totale. 

Cette adaptation parvient également à rendre compte de la richesse du récit originel, avec une approche dans un premier temps très gothique et flirtant avec l'épouvante pure, puis un basculement vers le conte philosophique. Les scènes intenses et bouleversantes sont nombreuses, essentiellement lorsque la créature découvre la nature et ses animaux, un début d'amitié avec un gentil vieillard, ou la cruauté des humains. Le propos peut paraître quelque peu naïf (c'est après tout celui d'une jeune fille de 19 ans vivant au début du XIXe siècle) mais sa sincérité et la beauté de la mise en scène lui permettent d'échapper à la mièvrerie. 

Un conte tragique, à la noire poésie, qui rend honneur au mythe fondé par Shelley. 





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Visuellement somptueux.
  • Fidèle à l'esprit du roman.
  • Poignant et profond.
  • Le côté violent et horrifique du début, très réussi.

  • Une horrible pintade sans âme dans le rôle féminin principal.
  • Un long métrage de 2h30 qui aurait sans doute gagné à être légèrement resserré.

Henri Vaillant : MAGISTRAL !




L'intégrale Henri Vaillant est disponible depuis début octobre, une bonne occasion de revenir sur cette préquelle magistrale !

On ne présente plus Michel Vaillant, célèbre pilote héros d'une première série de 70 albums, puis d'une saison 2 toujours en cours et comprenant 14 tomes à ce jour. Mais Michel Vaillant, c'est aussi une saga familiale avec à sa tête le patriarche, Henri Vaillant, passionné de courses, constructeur automobile et fondateur de l'écurie Vaillante. C'est à ses débuts que Marc Bourgne, au scénario, et Claudio Stassi, au dessin, ont choisi de s'intéresser dans Une Vie de Défis. Ce long récit de 168 pages avait déjà été publié en trois albums qui sont ici regroupés. Plutôt une bonne idée vu qu'il s'agit d'une seule et même histoire, découpée en trois chapitres. 

Nous découvrons donc dans ces planches la jeunesse de Henri Vaillant, son premier job chez Bugatti, sa rencontre avec la jeune Elisabeth, ses premières courses, au volant de bolides plutôt dangereux, mais aussi les remous de la Deuxième Guerre mondiale ou encore la naissance de ses deux enfants, Jean-Pierre et Michel. Et ce n'est pas sans une certaine émotion que l'on peut admirer, par exemple, les plans de la première Vaillante Le Mans (que l'on retrouve en grand format à la fin de l'album, accompagnés de quelques photos de famille), sortie tout droit de l'imagination de cet Henri encore vert et porté par son rêve. Tout s'enchaîne avec fluidité et l'on est bien vite transporté dans ce passé pourtant pas si lointain, où la course automobile avait un visage bien différent. 




Première constatation : les planches sont superbes et immersives. Tout commence en niveaux de gris, nuancés par d'élégants lavis. Puis, pour simuler le temps qui passe et le changement d'époque, le dessinateur va basculer sur une colorisation très douce, tout en légers pastel, pour terminer par une mise en couleurs plus classique. C'est aussi joli qu'intelligemment fait. Mais c'est surtout le scénario qui est ici d'une rare finesse (on est loin du poussif tome 1 de la série Légendes, chroniqué en 2023). En s'inspirant de nombreux récits courts écrits par Jean Graton, ainsi que de quelques albums, dont Le Grand Défi, Bourgne parvient à développer avec brio un Henri Vaillant familier qui prend subitement une tout autre ampleur.

Événements historiques ou familiaux, courses et complots, impairs et rencontres, tout s'entremêle habilement pour tisser un destin hors du commun avec comme toile de fond la naissance de l'empire Vaillant. L'histoire est prenante, les personnages crédibles, les effets bien amenés, bref, une pure réussite sur le plan de l'écriture (ce qui n'est pas si courant dans le domaine des reprises de grandes licences franco-belges). Notons que Michel a le temps de grandir dans cet album, et qu'il prendra une part active, vers la fin, au succès de l'entreprise Vaillante. Signalons enfin juste de menus problèmes de lettrage, comme dans cette case, où le texte vient percuter la limite de la bulle, ou encore celle-ci, où des i ont été laissés en majuscule. Rien de bien dramatique, on en convient, mais un peu dommage pour une réédition. 

Au final, voilà une belle BD, certes pleine de nostalgie, mais également passionnante et très bien réalisée. Un pur moment de jubilation pour cette plongée au cœur de la naissance du mythe Vaillant.






+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Très bien écrit.
  • De fort belles planches, magnifiées par d'élégants lavis.
  • Une manière très efficace et futée de dévoiler les débuts des Vaillant.

  • De légers problèmes de lettrage, rien de bien méchant pour autant.

L'Enchâssement

Image générée par IA


Poursuivons notre exploration du monde glorieux de la science-fiction. Aujourd'hui, nous allons évoquer un auteur rare, peu traduit en France, mais dont le premier roman avait fait sensation : Ian Watson. Avec L'Enchâssement, sorti en 1973, cet ancien enseignant a lâché une petite bombe dans le monde de la SF anglo-saxonne. Déroutant par son approche, moderne dans son développement, percutant par ses idées et novateur, cet ouvrage s'avère une œuvre hybride, entre hard-science et traité philologique, dont la portée dépasse le cadre de son histoire et de ses personnages.

Watson s'est intéressé à un thème relativement peu abordé dans le genre, généralement traité par dessus la jambe par les auteurs de l'Âge d'or, voire simplement négligé : le langage. On pourra citer Jack Vance tout de même (Les Langages de Pao, 1958) et surtout Samuel Delany avec son implacable Babel 17 (1966), et encore Robert Silverberg dans une moindre mesure (avec L'Homme dans le labyrinthe, 1968) mais les auteurs qui se sont penchés sur la communication entre les peuples ne sont pas légion avant le XXIe siècle. 

Toutefois, force est de reconnaître que L'Enchâssement demande nettement plus d'effort pour entrer dans l'histoire : sa narration éclatée, son contexte géopolitique instable et ses constantes références scientifiques ou littéraires peuvent éventuellement nuire au simple plaisir de suivre les pérégrinations des héros, qui en outre se montrent systématiquement désenchantés, écrasés par des révélations, le poids des responsabilités ou un avenir des plus sombres auquel ils ne voient aucune issue. 

Au départ, deux lignes d'intrigue se déroulent en parallèle, sur deux continents séparés, avant qu'un événement planétaire vienne créer les points d'intersection qui les feront se rejoindre.


Tout d'abord, nous suivons un linguiste anglais, Chris, engagé dans un projet aussi secret qu'ambitieux dans un centre d'études confidentiel : il travaille sur le développement d'un langage artificiel entre des enfants internés issus de l'immigration, en éliminant toute possibilité de contextualisation ou autres interférences culturelles. Il s'appuie sur des conclusions de travaux menés par une de ses connaissances, l'ethnologue français Pierre Darriand, lequel s'est inspiré du livre de Raymond Roussel, Nouvelles Impressions d'Afrique, rédigé d'une manière si révolutionnaire qu'il suscite encore des théories de nos jours [je vous laisse le soin de faire les recherches adéquates], notamment par son principe de vers qui s'enchâssent les uns dans les autres jusqu'à engendrer un méta-langage.

Justement, ce bon Pierre, qui a en outre été l'amant de la femme de Chris, se trouve en Amérique du Sud, sur le site d'un barrage en construction sur l'Amazone, lequel menace la survie de tout un écosystème dont le territoire des Xemahoa. Or ces derniers, lorsqu'ils sont sous l'emprise d'un puissant champignon hallucinogène, communiquent entre eux suivant un langage enchâssé qui est digne de toutes ses attentions, au point qu'il se met à sympathiser avec les révolutionnaires tentant de faire sauter le barrage, tout en cherchant à participer à l'une des cérémonies rituelles dans le but de pouvoir expérimenter ce fameux langage. Entre-temps, il envoie une lettre à Chris, espérant trouver en lui un appui pour sauver la civilisation xemahoa.

Image générée par IA

C'est alors que des officiels américains débarquent : ils ont un besoin urgent des compétences de Chris. En effet, ils viennent de découvrir que des extraterrestres tentent d'entrer en contact avec eux...

Je n'irai pas plus loin dans la description des prémisses. La quatrième de couverture ou les résumés chez l'éditeur sont un peu plus généreux, mais privent du coup le lecteur de certaines surprises dans le déroulement des opérations. L'on se doute bien que Chris et Pierre seront impliqués d'une manière ou d'une autre dans cette affaire d'une ampleur inégalée. 

C'est dans cette partie que l'auteur laisse libre cours à une certaine forme d'ironie presque absente des deux premières : l'intervention salvatrice de Chris entouré d'officiels de la NASA et de militaires US rappellera le ton mordant d'un Tim Burton dans Mars Attacks ! Et c'est tant mieux car auparavant l'on commençait un peu à se perdre dans les explications sur son projet de langage, nanties de nombreuses références assez abstruses. En outre, la situation volatile au Brésil souligne les préoccupations de l'époque, et l'auteur se montre assez habile pour renvoyer dos à dos les politiciens bornés, les militaires obtus et les révolutionnaires illuminés, tandis que les indigènes attendent leur sort avec une philosophie totalement détachée, se livrant à leurs rites sans se préoccuper le moins du monde de leur avenir.

Le ton grinçant envahit ensuite le roman pour ne plus le lâcher jusqu'à une fin qui vous prendra au dépourvu, aussi cruelle que malsaine, de laquelle l'humanité ne ressortira pas grandie. Mais le mérite-t-elle seulement ? Cynique et désabusée, la conclusion laisse un goût amer : aucun des personnages ne suscite la sympathie, malgré les efforts des deux scientifiques pour la raison et la vérité (oubliant au passage certains droits humains fondamentaux, tout de même). Le livre laisse dans l'esprit des traces tourbillonnantes où les interprétations s'entrechoquent : on n'est jamais loin des révélations d'un Altered States de Ken Russell, la métaphysique en moins, la politique en plus. Néanmoins, les spectateurs de Premier Contact de Denis Villeneuve y trouveront des points de convergence assez troublants.

Sans aucun doute une œuvre majeure, mais difficile d'accès, ardue à apprécier, volontairement confuse mais sachant faire mal et questionner bon nombre de principes. La frustration consécutive à la chute finale peut engendrer une certaine colère, cela dit. Mais si vous êtes parvenus jusqu'à la fin, vous saurez relativiser.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un roman dense et riche.
  • Des références de haut niveau, qui impliqueront sans doute d'effectuer quelques recherches.
  • Un écrivain rare.
  • Un sujet (la linguistique) peu fréquent en SF.
  • Une vision du monde d'une redoutable acuité.


  • Une écriture parfois hermétique.
  • Des personnages tous systématiquement désenchantés, davantage témoins qu'acteurs de cette histoire.
  • Des intrigues dont on ne trouve pas forcément le lien connecteur.
  • Une fin frustrante, voire provocatrice.

Écho #72 : Semainier 2026 Michel Vaillant



Sortie d'un semainier Michel Vaillant qui pourrait bien intéresser les collectionneurs !

Outre l'aspect pratique (c'est aussi un agenda traditionnel), ce semainier de belle dimension (17,9 x 24,7 cm) contient une cinquantaine d'illustrations issues des BD Michel Vaillant, une sélection qui couvre aussi bien les premiers albums que la saison 2.  

Pour 15 euros, même s'il ne s'agit pas d'un artbook à proprement parler, voilà donc une superbe compilation, certains dessins étant vraiment magnifiques. Ces derniers représentent bien entendu divers modèles historiques de la marque Vaillante, mais aussi des scènes de course, quelques personnages, des vues intérieures, un circuit, bref, des choix suffisamment variés pour rendre le tout agréable et surprenant.

Notons que chaque dessin est légendé, avec le nom de l'album dont il est issu et l'année de parution (plus quelques petites erreurs parfois, comme un déroutant "saison 4"), et que l'ouvrage propose aussi, à la fin, un pitch revenant sur le contexte de chaque illustration.

Vraiment soigné et intéressant, surtout pour le prix.











A House of Shit


Allô, Kathryn ? Il n'y a que trois pages de scénario dans ce que j'ai reçu. C'est normal pour un film de presque deux heures ?
Comment ? Tu m'expliqueras sur le tournage ? On va se marrer ? Ah, OK, ben du moment que j'ai mon chèque, moi, tu sais...


C'est le mois où décidément les réalisateurs repoussent les limites de la médiocrité. Un bel exemple avec A House of Dynamite.

Bon, on va dévoiler l'entièreté du film, mais au bout de 10 minutes, vous avez de toute façon l'intégralité de l'histoire. Ce n'est pas une blague ou une exagération, c'est vrai. Et au bout de 30 minutes, vous avez même la totalité des dialogues. Comment est-ce possible dans un film de 1h52, vous demandez-vous ? Ben on va voir ça, agrippez-vous bien à votre chaise, ça peut surprendre.
Alors, voilà le pitch : un missile nucléaire visant leur territoire est détecté par les forces militaires des États-Unis. Que ce soit dans la salle de crise de la Maison Blanche ou au QG du commandement stratégique de la défense, la tension s'installe. 
Voilà, vous avez toute l'histoire, à 100 %. Le pitch, c'est la totalité du récit. Première fois qu'on voit un truc pareil...

Ce "film" est réalisé par Kathryn Bigelow, qui tout de même n'a pas fait que de la merde jusqu'ici. On lui doit notamment Point Break, Strange Days, Démineurs, Le Poids de l'Eau, Zero Dark Thirty ou encore Aux Frontières de l'Aube. Des œuvres qui pour certaines avaient des défauts mais qui avaient pour point commun de toutes tenir la route.
Ici, ce n'est pas la même compote.

Pourtant, la première demi-heure est vraiment bien fichue. C'est tendu, efficace, on ressent le stress des personnages, le côté terrifiant de la situation, bref, ça part très bien. Et tout s'arrête sur un fondu au noir qui marque la fin de la première partie (et en réalité du film), alors que le président américain va prendre une décision cruciale (riposter ou non). Et là, on repart sur la même histoire, d'un point de vue légèrement différent. Bien entendu, rien de bien nouveau, ça s'est déjà vu, dans Jackie Brown par exemple. Sauf que, dans ce Tarantino, la scène qui est reprise trois fois dure 4 ou 5 minutes, pas 30. Et le spectateur n'est pas suspendu à un énorme cliffhanger. Toute la tension retombe donc peu à peu, puisque l'on a déjà assisté à tous les événements (les missiles anti-missiles qui ne fonctionnent pas, l'annonce de la ville qui est visée, etc.). Puis nouveau fondu au noir et troisième partie, qui raconte encore une fois strictement la même chose (sauf que là, on a une conversation en plus, dont on se fout totalement, entre le président et sa femme).

Bigelow a réussi l'exploit de faire un film de près de deux heures avec un court-métrage mal écrit de 30 minutes. Et on n'est pas au bout de nos peines. Car non seulement, l'on n'aura jamais la décision du président, on ne sait pas qui est l'ennemi qui a tiré ce missile, mais on n'assiste pas non plus à la scène spectaculaire que tout le monde attend (la destruction de Chicago). Le film n'a pas de fin. D'ailleurs, quand arrive le générique (un abominable tunnel de plus de 11 minutes), l'on est tellement décontenancé qu'on se dit qu'il doit y avoir une scène finale à venir, de quelques minutes, histoire d'avoir une quelconque conclusion. Bah non. C'est fini, il n'y avait rien à voir, vous avez perdu deux heures de votre temps. 

Les critiques presse concernant cette arnaque cinématographique sont incompréhensibles (ou alors, les mecs étaient allés voir Kaamelott 2, et ils étaient tellement soulagés de voir un début réellement bien monté qu'ils ont abandonné tout sens critique). On nous dit que c'est "rusé" et "maîtrisé", mais c'est quoi la "ruse" ? Raconter trois fois la putain de même chose ? Certains sortent que c'est "palpitant", oui, les 30 premières minutes, mais ensuite ? En quoi ce serait "palpitant" de voir trois fois de suite la même chose, alors que la réalisatrice laisse l'essentiel en suspension ? 
Et le pire, c'est que ces escrocs de journaleux s'extasient comme les blaireaux qu'ils sont sur le "message politique" du bazar. Ah, il y avait un "message" ? Lequel ? "Les missiles, ça fait peur" ? "C'est complexe de prendre une décision dans ces cas-là" ? Non mais, on s'adresse vraiment à des demeurés là.
Il y avait matière, bien entendu, à un discours politique, mais encore faut-il avoir l'intelligence d'en pondre un. Peut-être est-ce dû à l'âge, mais Bigelow n'affiche ici qu'un encéphalogramme désespérément plat. 

Au final, voilà un court-métrage banal, sans aucun conclusion ni aucun message sous-jacent, qui est présenté avec un sérieux et une prétention insupportables. Une absurdité parfaitement calibrée pour tous les ahuris qui pensent voir de l'intelligence dès qu'ils ont affaire à quelque chose d'incompréhensible et de plus con qu'eux. 

Si vous voulez voir un truc dans le genre, en mille fois mieux écrit et réalisé, il existe un téléfilm américain en deux parties (2 x 100 minutes), sorti en 1982 et intitulé La Troisième Guerre Mondiale (avec, entre autres, David Soul et Rock Hudson). Non seulement le récit est mieux structuré, la tension bien plus intense, mais il contient un vrai message politique et un final bien pensé et particulièrement impactant. 

Putain, je sais qu'on leur sert souvent de la soupe, mais là ça passera jamais. Ou alors, il nous faut le soutien de journalistes français.
Vu les merdes qu'ils se tapent, il y a moyen qu'on les embrouille.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Les premières trente minutes, tendues et intéressantes.


  • Il y a des limites au foutage de gueule.
  • Pas d'intrigue réelle, pas de conclusion, pas de personnage véritablement développé, pas de message (encore moins politique) et même pas une ou deux scènes spectaculaires ou émouvantes. De la branlette pour bobo décérébré.