Terra Formars : Asimov


Eh non, il ne s'agit pas d'une œuvre posthume d'un des plus grands écrivains de science-fiction (Isaac Asimov, auteur multi-récompensé du Cycle de Fondation et père des Trois Lois de la Robotique) mais d'un add-on à la série Terra Formars de Yu Sasuga & Ken-Ichi Tachibana, un manga qui en est à présent à son dix-huitième tome au Japon (déjà quinze ont été publiés en France par Kazé) et s'est vu adapté en OAV et en film live (réalisé par Takashi Miike, rien que ça !), en raison du succès rencontré. Les séries annexes n'ont donc pas tardé à fleurir, confiées à des équipes artistiques différentes et visant à toucher un public plus large ou à relancer l'intérêt.

Terra Formars est donc un seinen (manga destiné aux jeunes hommes, donc volontairement violent et/ou sexuellement explicite) fortement orienté SF puisqu'il raconte l'échec de la colonisation terrienne de la planète Mars au XXVIIe siècle. En effet, 500 ans auparavant, les Hommes ont tenté de la terraformer en en réchauffant l'atmosphère résiduelle (par le biais de l'implantation de plantes et insectes) mais n'avaient pas anticipé les mutations génétiques qui en résulteraient et la première expédition s'est vue massacrée par des cafards géants anthropomorphes. Les missions suivantes se sont donc préparées en conséquence avec des volontaires humains génétiquement modifiés afin de pouvoir combattre ces monstres sur leur propre terrain. Parallèlement, un virus est en train de se propager sur la Terre, nommé Alien Engine car on le soupçonne d'avoir été transmis par les mutants martiens. C'est donc une course contre la montre qui s'opère, les missions ayant pour but non seulement d'éradiquer les cafards mais aussi de trouver un remède contre le virus.
La troisième de ces missions est également la plus importante en effectif, qui se retrouve divisé en plusieurs équipes menées par des commandants surpuissants. Sylvester Asimov est l'un d'eux, doté d'une réputation sans égale due à son combat sur Terre au moment d'une guerre qui a opposé son pays à la Russie. Il a accepté d'être modifié par le procédé Mosaic Organ et de participer à la future mission Annex 1 car non seulement il n'adore rien tant que la confrontation physique mais il pense aussi à la survie de sa fille atteinte du virus A.E.


Les deux tomes de la mini-série Terra Formars : Asimov (disponibles aisément en coffret chez Kazé, annoncés à grand renfort de publicité lors de la récente Japan Expo de juillet) racontent comment, alors même qu'il rassemble une équipe destinée à l'opération Annex 1 (le vaisseau n'étant pas encore construit), Asimov est sommé par l'U-NASA d'arrêter les agissements d'un terroriste agissant vraisemblablement pour le compte d'une mafia locale. L'individu s'avère monstrueusement efficace et son modus operandi rappelle quelques souvenirs au commandant qu'on surnomme encore, avec un profond respect mêlé de crainte, le "Dieu de la Guerre'". L'équipe d'Asimov devra en outre procéder avec la plus grande prudence lorsqu'elle apprend qu'un trafic d'œufs de cafards cosmiques est sur le point d'être finalisé.
Précisons qu'il n'est nul besoin de connaître la (longue) série de base pour comprendre les tenants et aboutissants de ces deux volumes : les résumés, sans être répétitifs, sont parfaitement explicites et l'auteur s'amuse en outre à insérer quelques éléments de la culture russe (la littérature classique comme l'alimentation) afin de densifier son propos. Lequel s'avère une histoire vraiment très banale articulée sur d'anciennes amitiés, des trahisons et le sens du devoir, ménageant des choix cornéliens (la patrie ou la famille) et son lot de bastons dantesques : si Sylvester Asimov est à la base un redoutable combattant (n'ayant jamais perdu le moindre duel), sous sa forme transformée (son ADN étant boosté avec celui d'un crabe géant) il s'avère dévastateur. Sauf qu'en face, le monstre est encore plus terrifiant et Asimov aura donc fort à faire, tandis qu'il charge sa jeune équipe de faire le ménage parmi les opposants, tout en devant à tout prix se préserver (la mission Annex 1 ne devant pas être compromise par la mort de l'un d'entre eux). Très peu de surprises au final, avec des retournements de situations tellement vus que ça en devient un peu ridicule, d'autant que l'auteur ne se prive pas d'en rajouter avec les exclamations de circonstance.


La mini-série n'aurait donc été qu'une annexe essentiellement destinée aux amateurs de Terra Formars s'il n'y avait un certain Boichi au dessin. Ce mangaka Sud-Coréen commence à se faire un nom dans notre pays avec sa série Sun-Ken Rock et le moins qu'on puisse dire c'est qu'il dispose d'arguments frappants. S'il se débrouille honnêtement dans les combats, parfois un peu brouillons dès lors que les protagonistes sont nombreux (avec une gestion de l'action déjà floue rendue encore plus complexe par le sens de lecture inversé), il fait montre d'un réel dynamisme dans son découpage avec une recherche graphique impressionnante. Ses personnages masculins sont musculeux et imposants, ses femmes sont immanquablement séduisantes avec des silhouettes ostensiblement fantasmatiques. Quelques recherches suffisent à vérifier que le dessinateur a souvent donné dans le hentai, avec une prédilection pour les nymphettes, mais c'est avant tout le personnage de l'agent Elena qui frappe les esprits avec ses formes parfaites systématiquement mises en avant, d'autant que Boichi n'aime rien tant que les contre-plongées accentuées (on ne comptera plus le nombre de fois où la case est centrée sur l'entrejambe de l'une des femmes de l'équipe). Ce qui donne un résultat assez déstabilisant, avec les petites facéties coutumières des mangas qui viennent entrecouper les batailles d'une violence sismique et les dialogues terriblement niais.
Mine de rien, une excellente entrée en matière pour qui voudrait entamer la série principale.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une mini-série courte et dynamique.
  • Des personnages assez fascinants, quoique très archétypaux (le colosse invincible et inflexible, le jeune mal dégrossi, la bombe anatomique).
  • Un graphisme réussi.
  • Quelques notions de culture russe assez surprenantes.

  • Des dialogues indigents et des situations éculées.
  • Des combats parfois peu intelligibles.
  • Une fâcheuse tendance à se focaliser sur les petites culottes (mais certains peuvent y voir un atout).