Gros Plan sur les Runaways



Retour sur le parcours éditorial et fictif de l'une des équipes de jeunes super-héros les plus charismatiques de l'univers Marvel : les Runaways.

Six adolescents s'ennuient ferme lors de la sempiternelle réunion de leurs parents. Ils décident, pour passer le temps, de les espionner et assistent par hasard à... un meurtre ! Leurs géniteurs sont en fait des criminels appartenant à une organisation nommée le Cercle. Les jeunes gens tentent dans un premier temps de dénoncer le crime dont ils ont été témoin, mais la police ne les croit pas. Ils décident alors de s'enfuir pour échapper à leurs parents. Alors qu'ils tentent d'en apprendre plus sur le Cercle, ils vont se découvrir, peu à peu, d'étranges et insoupçonnés pouvoirs...

Voilà le pitch de départ de la série créée en 2003 par Brian K. Vaughan (Y, the last man) au scénario, et Adrian Alphona aux dessins. Bien que d'une qualité évidente, le titre n'a pas connu un grand succès outre-Atlantique, ce qui a conduit à une publication quelque peu chaotique. Publication encore plus problématique en France puisque les Runaways seront ballottés, par Panini, dans diverses collections, sans aucun souci de cohérence (en même temps, quand tu es publié par des vendeurs d'autocollants...). La série commence en Mini Monster, continue en Marvel Deluxe avant de se poursuivre en 100% Marvel. Ah si vous aimez les collections dépareillées, c'est le truc qu'il vous faut !

Outre les tie-ins liés à différents évènements (Civil War, Secret Invasion...), les aventures des Fugitifs (nom VF du groupe) sont déclinées en plusieurs volumes (la série ayant été annulée puis relancée à plusieurs reprises). Le volume 1 est entièrement écrit par Vaughan et comprend 18 épisodes. Le volume 2, plus long puisqu'il contient 30 épisodes, est également essentiellement écrit par Vaughan, bien que le dernier arc soit de Joss Whedon. Le volume 3 et ses 14 épisodes sont l'œuvre de Terry Moore (Strangers in Paradise), qui cèdera ensuite la place à Kathryn Immonen. Il existe également un très bref volume 4 (4 épisodes) et un volume 5, commencé fin 2017 et toujours en cours.


C'est surtout le run de Vaughan qui est à conseiller, même si Moore aura de bonnes idées pour la suite. Immonen, elle, s'en sortira beaucoup moins bien, avec une narration embrouillée, des dialogues parfois incompréhensibles et des transitions hasardeuses.
Si l'on retient surtout Vaughan, créateur de ces personnages, c'est parce qu'il aura réussi à donner un ton très particulier à ce titre et à rendre ses protagonistes attachants. Voyons comment.

Vaughan installe dès le début une ambiance douce-amère qui va durablement imprégner son récit, parfaitement construit à coups d'intrigues amoureuses, de relations parfois difficiles et de pointes d'humour venant contrebalancer les jugements très durs - mais peut-être pas si faux - que les jeunes ados réservent au monde adulte. La rondeur du graphisme permet d'adoucir une aigreur douloureuse que l'on sent présente mais qui a la politesse de ne jamais virer à la noirceur totale. Les personnages n'en paraissent que plus touchants.
Ces personnages sont justement la grande force de la saga. Là où des Young Avengers cherchent à singer leurs aînés, les Runaways, eux, se méfient des adultes. Livrés à eux-mêmes, ils conservent une certaine innocence, une fragilité que les jeunes Vengeurs n'ont pas. Ils ne sont pas pressés de grandir, le vrai monde les a déjà trop déçus. Sans ce rattachement au monde adulte et ses contraintes, ils deviennent ainsi presque l'incarnation de cet espoir naïf, éprouvés par bien de jeunes enfants, qui consiste à croire que l'on peut échapper au pire en y croyant suffisamment fort ou en étant soudés ou en inventant je ne sais quelle supercherie pour tenter d'arrêter le temps. Mais nous, hélas, savons que ce combat est perdu d'avance. Les adultes gagnent toujours à la fin. Cette lutte est la plus inégale et pathétique qui soit car, quoi que vous fassiez, vous êtes condamnés à rejoindre l'autre camp. Et tôt ou tard, que l'on soit un fugitif ou que l'on attende bien tranquillement le moment funeste, un jour le reflet dans le miroir vous sourit et, avec une voix cassée et un regard dur, l'adulte que vous êtes devenu murmure à l'enfant que vous étiez "je t'ai eu... j'ai pris ta place. Pour toujours."
Enfin, la série aborde, à travers ce groupe atypique, des thèmes parfois très sérieux (le pardon, le sacrifice, l'homosexualité...) qui contrastent avec l'âge et l'aspect des protagonistes. Vaughan va ainsi rendre la série relativement réaliste et surtout émotionnellement forte.

Et puis, on le sait bien, les auteurs sont considérablement plus libres sur une série secondaire que lorsqu'ils sont à la barre de titres phare de la Maison des Idées. Cette latitude dans l'écriture explique sans doute le côté parfois osé, original voire dramatique de la série.
À découvrir d'urgence donc, si ce n'est déjà fait.
Et pour vous aider à aborder ce groupe, nous terminons avec une petite présentation de ses premiers membres.



Nico Minoru
Lorsque l'on a des parents sorciers, criminels de surcroît, il n'est pas étonnant de broyer du noir, voire même de finir par faire une fugue. C'est ce qui est arrivé à Nico, alias Sister Grimm, la magicienne au look gothique du groupe. Elle tire ses pouvoirs d'un sceptre qui apparaît quand elle saigne. Ah, déjà, ce n'est pas ce qu'il y a de plus pratique. Mais il y a pire : elle ne peut utiliser chaque sort qu'une seule fois ! Si au début, le choix est vaste et permet de ne pas trop s'en faire, Nico se rend vite compte que dans le feu de l'action, il est parfois difficile de trouver de nouvelles formules.

Alex Wilder
Alex a le profil type du "geek" accro aux jeux en ligne et fan de super-héros. Introverti, ayant peu d'amis, il parvient néanmoins rapidement à s'imposer comme le leader du groupe, un exploit d'autant plus étonnant qu'il est le seul à ne pas avoir de pouvoirs. C'est lui également qui va découvrir en premier les secrets du Cercle (l'organisation de leurs parents, aussi appelée The Pride en VO). Intelligent, manipulateur, Wilder se révélera être particulièrement machiavélique. Notons pour l'anecdote que c'est le seul à ne pas utiliser de pseudo.

Karolina Dean
La jolie blonde de service est en fait une alien (ah c'est sûr, un peu plus sexy que E.T.) qui peut manipuler l'énergie qu'elle tire de la lumière du soleil. Elle peut donc créer des champs de force, voler ou encore balancer quelques rafales lorsqu'on la cherche un peu trop. Elle utilise le nom de code de Lucy in the Sky. Ayant du mal à assumer son homosexualité, elle se sent parfois seule au sein du groupe et est secrètement amoureuse de Nico.

Chase Stein
L'adolescent rebelle par excellence, impertinent et dragueur, doit en fait faire face à la violence de son père qui n'hésite pas à porter la main sur lui. Son surnom, Talkback, en dit long sur la personnalité du jeune homme. Il n'a pas de pouvoirs à proprement parler mais utilise un équipement spécial, dérobé à ses parents, comprenant des gants de combat permettant de manipuler le feu et des lunettes multi-spectres. C'est également le pilote attitré de l'équipe.

Gertrude Yorkes
Ses parents sont des voyageurs temporels qui ont fini par s'établir au XXème siècle. Ils lui destinaient un dinosaure de compagnie pour sa majorité (voilà un cadeau original) avec qui elle entretient un lien télépathique. Le pseudo de Gert, Arsenic, est bien évidemment lié au nom du petit dino : Old Lace (Vieille Dentelle). Gert est plutôt mure pour son âge, très cultivée mais mal à l'aise dans les relations sociales. Elle va vite se rendre compte qu'elle éprouve des sentiments pour Chase.

Molly Hayes
C'est la benjamine du groupe. Adorable, sensible et encore très jeune de caractère, la petite fille est en fait une mutante très puissante dotée d'une force exceptionnelle. Petit bémol, l'utilisation de ses pouvoirs entraîne chez elle une grande fatigue, ce qui l'oblige souvent à dormir après un combat. Bruiser, bien que considérée parfois comme un bébé par les autres, est sans doute le membre le plus invulnérable des Runaways.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un Vaughan en très grande forme.
  • Des personnages attachants, fort bien écrits.
  • Des thématiques intéressantes et très matures malgré le jeune âge des protagonistes.
  • Un mélange action/humour/émotion parfaitement dosé.
  • Les dessins d'Alphona.

  • Certains arcs inégaux dans les volumes qui ont suivi ceux de Vaughan.
  • Une publication en France très chaotique.