Strangers in Paradise : Amours, Flingues et Petites Culottes
Publié le
15.10.17
Par
Nolt
Habile mélange de romance, comédie et polar, Strangers in Paradise est l'une des grandes réussites de la bande dessinée indépendante US.
Francine Peters et Katina Choovanski, alias "Katchoo", sont amies depuis très longtemps et partagent le même appartement. La brune est douce, romantique et court après une hypothétique relation amoureuse idéale. La blonde est une artiste vive, violente même parfois, qui se verrait bien partager le lit de Francine et qui n'hésitera pas à la venger d'un rustre particulièrement odieux.
Au milieu de ce duo arrive David, subjugué par la personnalité de la jolie Katchoo qui, elle, aime plutôt les femmes.
Passé mystérieux, ennuis avec la police, accointances mafieuses et autres moments joyeux ou douloureux se succèdent pour ces trois personnages attachants qui, sans amour, se sentent comme des étrangers au paradis...
Attention, ne vous laissez pas abuser par ce résumé qui peut paraître sirupeux, car nous sommes ici devant un comic particulièrement brillant, sorte de soap expurgé de toute niaiserie. Mais commençons par le début. SiP est une - longue - série de Terry Moore (Echo), qui signe dessins et scénario. Elle est divisée en trois "volumes" (un genre de "saisons" en fait) qui contiennent respectivement 3, 14 et 90 épisodes.
En France, le parcours éditorial de Strangers in Paradise va se révéler pour le moins chaotique. Les premiers épisodes sont publiés chez Le Téméraire, c'est ensuite Bulle Dog qui reprend le titre qui échouera, enfin, chez Kymera (un petit éditeur qui abrite quelques perles comme Luther Arkwright). Pour compliquer le tout, les premiers tomes, présents au catalogue de ces trois maisons d'édition, ne possèdent pas les mêmes titres (et apparemment pas le même découpage pour les deux premières versions). Enfin, plus récemment, c'est Delcourt qui a repris le flambeau en sortant une intégrale en quatre tomes (600, 830, 710 et 520 pages, pour 40 à 45 euros par tome).
L'histoire en elle-même se révèle difficile à résumer. Ou plutôt, en la résumant, on ne lui rend pas service. Notamment parce que Terry Moore la sert avec un traitement narratif particulièrement intelligent qui lui donne toute sa saveur. Dès la première planche d'ailleurs, le lecteur est tout de suite accroché par un style direct et inspiré. Sa grande force réside surtout dans le mariage d'un humour efficace et d'une poésie touchante, ce qui constitue un sacré tour de force tant il n'était pas évident de parvenir à des moments de vraie émotion entre deux rires. Le but est pourtant parfaitement atteint.
Les dessins sont en Noir & Blanc, le trait est économe et, là encore, une facilité et une grande élégance se dégagent des planches. Les visages notamment sont particulièrement expressifs et bien réalisés. Katchoo, loin des caricatures habituelles et des formes très exagérées des super-héroïnes, est une pure merveille de charme et de sensualité. Rarement une fille de papier aura été aussi séduisante et charismatique !
Les thèmes abordés vont du plus courant (la recherche de l'âme sœur) au plus dramatique (le viol) et sont enrobés de scènes plus anecdotiques mais souvent très acides (un voisin voyeur par exemple). Rien n'est jamais vulgaire ou raté, tout tombe juste et finit par avoir l'effet voulu, que ce soit un sourire ou un sentiment plus poignant qui soient recherchés. Et si les personnages se construisent sur la durée, avec fort peu d'informations sur eux dans un premier temps, ils possèdent tout de suite une réelle consistance, un caractère, un côté réaliste qui les rend, sinon proches, du moins infiniment sympathiques (pour ceux qui sont censés l'être bien sûr), à un point qu'une fois commencée, il serait étonnant que vous abandonniez cette série en route, son pouvoir addictif étant peut-être le seul reproche que l'on puisse lui faire.
Une série drôle, sensible et intelligente. Du grand art. Elle a, paraît-il, un grand succès parmi la gent féminine. Mais ne vous inquiétez pas messieurs, les bonnes histoires sont, par nature, destinées à tout le monde.
— C'est sans doute son vibro qui a encore explosé. Je te dis que cette nana devrait sortir plus.
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