De la retcon à base de sexe et de scandale, c'est ce que propose Trouble, une mini-série pour le moins étonnante et... sulfureuse.
May et Mary sont deux jeunes étudiantes. Pour passer l'été et se faire un peu d'argent de poche, elles vont travailler à East Hampton en tant qu'employées dans un club de vacances plutôt select. Les voilà chargées de servir, faire le ménage et la plonge... mais heureusement les deux filles ont d'autres projets : s'éclater et draguer un maximum pendant leur temps libre.
Elles font alors la rencontre de deux frères, séduisants et sympathiques. L'un s'appelle Richard Parker. L'autre Ben Parker. Rich est sûr de lui, brillant, fêtard. Ben est plus réservé. Pourtant, c'est lui qui parvient à séduire May, la plus délurée du groupe.
Bientôt, un incroyable chassé-croisé amoureux va décider du destin des quatre jeunes gens. Entre les tromperies, les rêves brisés et les drames, un enfant non désiré va naître.
Il s'appelle Peter.
Il deviendra Spider-Man.
Nous voici donc au cœur de l'une des plus stupéfiantes révélations sur la famille Parker. C'est Mark Millar (cf. notre dossier sur l'auteur) qui se charge du scénario, Terry Dodson est au dessin.
Lorsque le récit sort en France, un malentendu intervient dès le départ. En effet, les cinq épisodes sont publiés dans la collection Max, qui existe aussi en VO et qui est réputée pour accueillir des histoires plutôt hors continuité (encore qu'il existe des exceptions, Alias par exemple est tout à fait intégré à l'univers 616, l'on y voit même Jessica Jones jouer les gardes du corps pour Matt Murdock à l'époque où les médias dévoilent qu'il est Daredevil). Pourtant, aux États-Unis, la mini-série est en fait publiée non dans la gamme Max mais Epic. En clair, à l'origine, les évènements contés dans Trouble sont considérés par Marvel comme faisant partie intégrante de la continuité.
L'éditeur, devant l'accueil pour le moins réservé que feront certains fans à la série, fera (encore !) machine arrière.
Attention, voici les spoilers et la partie la plus croustillante.
Quand May était adolescente, elle était plutôt... chaudasse dirons-nous. Ainsi, bien qu'elle sorte dans un premier temps avec Ben Parker, elle va le tromper avec son propre frère Richard (qui sort, lui, avec sa meilleure amie). La situation est déjà délicate mais elle va vite empirer quand May va tomber enceinte. Au moment de l'annoncer à Ben, celui-ci lui dit qu'il a aussi une révélation à lui faire. Après quelques "toi d'abord !", "non toi !", c'est May qui parle la première et annonce qu'elle attend un enfant. Quant à Ben, ce qu'il voulait lui dire avant que leur relation n'aille plus loin, c'est qu'il est... stérile !
L'enfant est donc d'un autre, en l'occurrence de Richard.
Désespérée, terrifiée même (son père est très religieux et pas très accommodant sur les coucheries et les enfants hors mariage), May s'enfuit. Elle tombe sous la coupe d'un type qui la maltraite, déprime de plus en plus, avant de finalement revenir vers Mary. Celle-ci l'accueille évidemment froidement, étant donné qu'elle a rompu avec Richard à cause d'elle. Mais au bout d'un moment, les deux amies trouvent une solution à leurs problèmes respectifs. Elles partent ensemble et, à leur retour, Mary présente le petit Peter comme s'il était son fils. Cela permet à May de rentrer chez elle et de reprendre le cours de sa vie, alors que Mary peut, du même coup, tester le sérieux de Richard en le mettant face à ses responsabilités (l'enfant étant de toute façon bien de lui).
C'est assez vicieux, non ? Nous, on adore !
Cette mini-série, datant de 2003, fait incontestablement partie des réussites de Millar. Non seulement les révélations sont très bien amenées mais, surtout, elles donnent un sens nouveau à la relation Peter/May que l'on sait pour le moins très fusionnelle. L'on comprend ainsi le côté surprotecteur d'une mère qui, en fait, a abandonné son enfant pour le regarder vivre loin d'elle dans un premier temps.
Le personnage de Ben est également très bien écrit, l'auteur parvenant à nous montrer à quel point ce type est droit, sensible et touchant. Évidemment, May ne sort pas grandie du récit (Mary non plus d'une certaine façon), mais on nous l'impose en vieille tantine souffreteuse depuis si longtemps que c'est un bonheur de la voir exploser ainsi toutes les idées reçues que l'on pouvait nourrir à son égard. Mieux encore, c'est la première fois que Millar ose dérouter les lecteurs en tentant d'imposer un regard neuf et humain sur un personnage qui avait, avant cela, autant de charisme qu'une momie.
Bref, c'est excellent, et comme souvent avec ce qui sort un peu des sentiers battus, ça n'a pas plu à tout le monde. Marvel, avec le courage qui caractérise ses pontes, a alors annoncé que "houlala, non, en fait, attendez, on s'est un peu avancé, ça ne s'est pas du tout passé comme ça, on déconnait les mecs, oh".
Dommage.
Un excellent récit, surprenant, habile, émouvant même, malheureusement mis au placard par des gens trop respectueux des conventions et d'un lectorat qui se révèle bien frileux. Attention cependant, pas de super-héros ici, nous sommes plutôt dans un trip "flirts & problèmes d'ados".
Une lecture à conseiller en tout cas, surtout si vous ne voulez plus jamais considérer May de la même façon.
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