Sur UMAC, vous savez que la BD, c'est plutôt un domaine que l'on connaît bien et que l'on apprécie. Mais ça ne nous empêche pas de nous en moquer parfois, en prenant un peu de recul sur certains titres très connus. Cet article nous donne l'occasion de nous amuser aux dépens de quelques séries issues de la BD franco-belge, des manga et des comics.
Team Premier Degré s'abstenir.
On commence par le "king", Tintin, gentil reporter à la houppette mondialement connue. Enfin, quand je dis "reporter"... vous avez remarqué que le mec travaille tout de même très rarement. Il fait bien quelques reportages à ses débuts (en URSS, au Congo...) mais, très rapidement, on sent que son rédac-chef lui a lâché la bride. Il a le temps de partir au Pérou pour sauver son ami Tournesol (dans Le Temple du Soleil) ; quand il apprend l'accident de Tchang (dans Tintin au Tibet), il est déjà en vacances en train de se la couler douce ; on l'embarque dans une expédition sur la Lune (ce qui prend un peu de temps quand même) sans que cela pose le moindre problème, bref, le personnage a inventé les RTT avant l'heure. S'il écrit peu, il lit tout de même la presse (pour voir les papiers des potes ?). C'est notamment en lisant un article qu'il décide, sans rien demander à personne, de retrouver une statuette volée (dans L'Oreille Cassée). Il ne sait vraiment pas quoi foutre en fait...
Certains ont spéculé sur son homosexualité, sans doute à cause d'une méconnaissance totale du principe de personnage asexué. Il est donc temps de rétablir la vérité à ce sujet. D'ailleurs, un jeune homme qui se désintéresse des femmes, vit sous le même toit qu'un marin barbu et participe à des aventures intitulées Les 7 Boules de Cristal, ne peut être soupçonné d'une quelconque tendance homosexuelle.
Il prend très vite du galon au fil des albums mais stagne depuis longtemps au grade de colonel. Savez-vous pourquoi ? Parce que les généraux ne pilotent pas (véridique).
Imaginez un album Buck Danny dans lequel il serait général : arrivée au bureau à 9h00, paperasse, un petit café, quelques coups de fil, pause déjeuner, petite réunion de travail dans l'après-midi, un dîner mondain en soirée, une tisane et au lit... ça limite tout de même les péripéties.
Tiens, en parlant de péripéties, vous connaissez le Club des Cinq (cf. cet article pour en découvrir une version moderne) ? Bon, à l'origine, il s'agit de romans, mais ils ont donné lieu à des adaptations en BD et même à des machins hybrides, mi-roman mi-BD, avec une page écrite, la suivante dessinée, et ainsi de suite (l'une des grandes idées à la con du monde de l'édition).
Voilà quand même des jeunes qui n'ont pas de bol. Il suffit qu'ils mettent un pied dehors pour tomber sur des voleurs, des faussaires ou des trafiquants en tout genre. De vrais aimants à emmerdes ! Mais le pire dans tout ça, ce sont les parents.
Ils sont totalement inconscients !
Leurs rejetons, ça fait quand même je-ne-sais-combien d'années qu'ils se coltinent malandrins et mecs louches en pagaille dès qu'ils font mine d'aller prendre l'air cinq minutes dans le jardin, mais c'est pas grave, ils leur autorisent tout.
Vous voulez partir seuls en camping dans une région isolée dont on ne sait rien ? Bien sûr, allez-y !
Quoi ? Vous voulez traverser seuls tout le pays en stop ? Chacun de votre côté en plus, histoire de faire une course ? Ben, ouais, pourquoi pas ? Je pense que c'est une bonne idée. Allez-y !
Attendez, il n'y a jamais une assistante sociale qui s'est inquiétée, là ? La plus jeune, Annie, n'a même pas 10 ans !
Bon, c'est vrai, c'était une autre époque. Dans le temps, t'avais le droit de t'écorcher les genoux, de te perdre en forêt, de manger des insectes ou de te faire enlever par un pédophile, c'était considéré comme plus ou moins formateur.
Dans le genre "autre époque", l'on peut aussi citer Les Tuniques Bleues, avec ces bons vieux Blutch et Chesterfield. La série se déroule pendant la guerre de sécession et oppose un petit caporal flemmard et antimilitariste à un sergent maladroit et bourré de principes. Elle a un côté très réaliste puisque les deux s'engagent en fait dans l'armée suite à une mémorable cuite (cf. l'album Blue Retro). Et, en effet, si vous avez déjà pris une bonne murge, vous avez dû vous rendre compte que l'alcool, outre un puissant effet désinhibant, possède la particularité de vous faire passer la pire débilité proférée comme l'idée du siècle.
Du genre "tiens, si on s'engageait dans l'armée" (en pleine guerre en plus) ou "tiens, si j'allais faire le tour de la gendarmerie tout nu en chantant Étoile des Neiges" ou encore "je vais écrire un texto à mon enculé de patron histoire de lui sortir ses quatre vérités".
En général, le lendemain matin, la pertinence de l'idée apparaît tout de suite beaucoup moins évidente. C'est un coup à se réveiller dans une tranchée, une cellule ou au Pôle Emploi.
Mais, parfois, certains mecs n'ont pas besoin d'être bourrés pour devenir un peu... "lents" d'esprit. Dans Saint Seiya (cf. ce film si vous voulez voir un Deathmask partir dans un trip "comédie musicale" absurde) par exemple, c'est un festival. Alors, en gros, pour ceux qui ne connaissent pas, Seiya, Shiryu, Hyoga et toute la bande sont des guerriers au service d'Athéna. Ils disposent notamment d'une force incommensurable provenant en fait de leur "cosmos" (un peu le Ki des arts martiaux, en plus cool). Suivant la spécialité de chacun, ils sont capables de porter des coups à une vitesse phénoménale (dépassant celle du son ou de la lumière même !), d'atteindre le zéro absolu (-273,15 °C, pratique en cas de canicule) ou d'inverser le sens d'écoulement d'une cascade !
Bon, a priori, quand vous baignez dans ce genre d'univers et que vous êtes au service d'une déesse, vous devriez être un poil blasé. Ben eux, non. Les mecs passent leur vie à s'étonner de tout. La réplique qu'ils utilisent le plus souvent, c'est : "c'est impossible !"
Deathmask envoie l'âme de l'un d'eux dans une autre dimension : c'est impossible !
Saga est en fait le Grand Pope : c'est impossible !
Shaka n'a même pas besoin d'ouvrir les yeux pour nous botter le cul : c'est impossible !
Le P'tit Wrap est maintenant disponible en trois versions : c'est impossible !
Aphrodite, chevalier d'or des Poissons, est bien un mec : c'est impossible ! (heu, j'avoue, là j'étais étonné aussi)
C'est simple, dès qu'ils entendent un chat miauler, ils choppent la chiasse. D'étonnement hein.
Finalement, on finit par se dire que c'est Dragon Ball qui présente l'univers le plus réaliste. Un petit vieux (Tortue Géniale) avec un bouc, qui s'habille mal, se la pète un peu et lorgne sur des jeunes filles qui ont quarante ans de moins que lui, là je dis OK, on est raccord. On avait d'ailleurs le même en France. Et il utilisait aussi un pseudo. Mais si, un chanteur bien connu, fan de whisky et de rock.
Non, pas Dick Rivers. L'autre.
Bon, il est temps d'attaquer la partie consacrée aux comics. Il y a pas mal de choses à dire.
On commence avec Peter Parker. Je sais, personne ne va faire un arrêt cardiaque d’étonnement sur l'originalité du sujet, mais d’une part, bien moins de gens connaissent Luther Arkwright, d’autre part, il y a tout de même de quoi s’interroger avec ce brave Pete.
D'abord, c'est quoi ce délire avec sa tante ? OK, elle fait office de mère de substitution pour Peter (voire de mère naturelle, cf. cette saga), mais de là à être tout le temps fourré dans ses jupes tout en la complimentant sans cesse sur son physique... c'est très œdipien quand même.
Et puis, qu’est-ce que c’est que cette façon d’acquérir des pouvoirs ? Monsieur se fait mordre par une araignée radioactive et hop, je marche sur les murs, je deviens balèze… déjà une morsure d’araignée à la base, on en ressort au mieux avec une boursouflure douloureuse dans la plupart des cas, mais si en plus elle est radioactive, il y a de grandes chances pour que ça n’arrange rien. Si vous avez les dents qui deviennent fluorescentes par exemple, ce n’est pas bon signe.
Ah ben les exemples ne manquent pas, Marie Curie - pour se rattacher à un exemple scientifique - qui s’est bien éclatée pendant des années à manipuler du radium, elle n’en a pas retiré des pouvoirs. Bon, on remarquera qu’elle a eu plus de chance que Pierre, son mari, qui lui est décédé bien avant elle en se faisant renverser par une voiture à cheval (véridique). Bon ben là, pareil, le mec est scientifique de formation, il se fait piétiner par un canasson, il a le bon sens de mourir, il ne se relève pas en proclamant qu’il peut maintenant battre un poney à la course ou qu’il peut déféquer en marchant.
Pour rester dans la science, prenons le cas de Reed Richards. C’est LE cerveau du marvelverse, le mec est capable de tout : voyager dans des univers parallèles, botter le cul d'entités métaphysiques, résoudre des équations qui pourraient causer des saignements de nez à Einstein, bref, lui, on l’a compris, il faisait ses devoirs quand il était à l’école. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’échouer dans le seul domaine qui le touche de près : rendre son aspect humain à son pote Ben Grimm, alias la Chose.
— Heu, Reed, comment on fait, là, pour mon problème d’apparence ?
— Oui ben cinq minutes, merde, je suis génie élastique moi, pas dermatologue !
Le mec n’y met pas du sien, ça se voit.
Un truc positif avec les comics par contre, c’est qu’ils ont résolu le problème de la mort. On pourrait penser que mourir a quelque chose de définitif, or non, pas du tout, dans le DCU ou chez Marvel, c’est plus ou moins l’équivalent d’un gros rhume. Tout le monde finit par revenir. Imaginez si l’on transposait ça dans le monde réel, au boulot.
— Il est où Patrick, encore en retard ?
— Non, il est mort ce week-end, il s’est fait renverser par une voiture à cheval.
— Tiens ? Comme Pierre Curie ?
— Comme qui ?
— Non, rien. En 2019, comment on peut se faire renverser par une voiture à cheval bordel !? J’espère qu’il sera là la semaine prochaine, putain, je lui avais confié un dossier super important !
Et même les personnages ultra-secondaires ne peuvent pas rester tranquillement ad patres. S'ils sont apparu une fois dans une case au sein d'une série pourrie dans les années 70, vous pouvez être sûr qu'ils reviendront.
Un aspect bien connu des comics tient également à la manière de dessiner et habiller les personnages féminins. Emma Frost, Power Girl ou Wonder Woman sont plutôt adeptes du petit short ras des fondations et du décolleté tendance vertigineux. Quoi de plus normal ? La nana se choppe des pouvoirs, elle se dit qu’elle va se castagner avec des super-vilains et, du coup, la première idée qui lui passe par la tête, c’est de se foutre presque à poil.
Ah ben je ferais pareil si j’étais une gonzesse.
Soyons francs, elles le disent parfois elles-mêmes, ça permet de déconcentrer l’adversaire. M’enfin, du point de vue de l’éditeur, des nibards sur une cover, ça permet aussi de ratisser large, du gamin prépubère qui n’a pas d’accès internet au vrai pervers qui s’excite uniquement sur du crayon gras.
Extrait issu de l'album parodique The Gutter. |
Et en ce qui concerne les costumes des mecs, ce n'est guère mieux. Tout de suite, on a envie de dire "pourquoi ?". Pourquoi des couleurs que même Desigual refuse ? Pourquoi des trucs moulants ? Pourquoi le slip par-dessus le pantalon ? Et surtout, à quoi ça sert une cape ?
On est d’accord, quand c’est bien dessiné, une cape, ça en jette. Par contre, ça en jette uniquement sur "image arrêtée". En dessin quoi. Parce que sinon, avec les capes, vous avez deux choix : la "capounette", un truc ridicule qui n'a aucun intérêt si ce n'est de servir éventuellement de mouchoir improvisé, ou la "vraie" cape. Longue et classe. Essayez simplement de courir ou faire vos courses avec une cape de ce type. Imaginez ensuite ce que ça doit être quand il faut se battre avec, voire sauter d’un immeuble à l’autre… c'est comme si vous étiez obligé de vous trimballer une couette attachée à votre veste.
Donc, évidemment, c’est n’importe quoi ! Sinon les pompiers auraient des capes, les policiers auraient des capes, les légionnaires auraient des capes. S’ils n’en ont pas, c’est pour une bonne raison : une cape, c’est chiant !
Les comics ne sont heureusement pas limités au seul genre super-héroïque.
Commençons avec Girls, la série des frères Luna. Vous ne trouvez pas le début pour le moins... peu vraisemblable ? Le mec vit dans un trou paumé, il se tape une soirée de merde dans un bar miteux, il rentre chez lui la queue entre les jambes et, au final, en plein milieu de la forêt, il tombe sur quoi ? Une fille ultra sexy qui fait du stop. Entièrement nue en plus. Ce n'est pas un rebondissement narratif ça, ça s'appelle un fantasme d'auteur. Ouaip, quand on passe beaucoup de temps à écrire enfermé dans un bureau, on finit par s'imaginer que les forêts sont remplies de petits lutins et de nanas à poil attendant patiemment sur le bord de la route.
Prenons ensuite Preacher. Ce n’est pas une série, c’est un catalogue de tout ce qu’il est possible de faire, dire et dessiner pour se mettre des communautés à dos et se faire censurer ! Je vous rappelle le pitch dans les grandes lignes ? Un révérend, dont la copine se fait sauter par son pote vampire, veut botter le cul de Dieu, parce que c’est un gros connard, et il rencontre, sur sa route, une avocate sado-maso et néonazi et différents chefs d’entreprise ou péquenots dégénérés. Mais… mais enfin ! L’auteur cherche les ennuis ! Où est passé le bon temps où l’on respectait les conventions, avec des gentils "gentils" et des méchants soft et identifiables ? C’est bien simple, avec Ennis, on ne sait pas qui est Tintin, qui est Rastapopoulos, tout cela est très perturbant, surtout pour la "jeunesse", cible apparemment éternelle – selon les médias en tout cas – des comics en particulier et de la BD en général.
— Alors ?
— Soirée de merde.
— Quoi, ça s’est mal passé ?
— Il est à peine vingt-deux heures, je rentre seul en tirant la tronche, je te laisse déduire.
— T’es le seul mec… comment t’as pu faire foirer ce rencard ? La nana n’a pas le choix normalement !
— Ben…
— Non ? Ne me dis pas que tu as ressorti ta cape à la con ?
— Mais comme tu le dis, je suis le dernier mec, je pensais que je pouvais m’habiller comme je le voulais. Ça se serait bien passé, putain, s’il n’y avait pas eu ce connard avec sa putain de calèche !
— Une calèche ?
— Une sorte de voiture à cheval, un truc pour touristes, je ne sais pas. La cape s’est prise dans une des roues quand on quittait le resto, j’ai été traîné sur plus de 50 mètres. Regarde mes genoux, dans quel état ils sont... je m'en fous, je ne vais pas au boulot lundi, je dirai que je suis mort.
Tiré de l'album The Gutter. |
Imaginez la réaction de l’éditeur quand le mec se pointe pour lui proposer ça le lundi matin.
— J’ai une super idée pour un nouveau personnage !
— Vas-y, balance !
— La Lanterne Verte.
— La… la quoi ?
— La Lanterne Verte. C’est un mec qui…
— Attends, attends, c’est quoi ce nom à la con ?
— C’est super original, ça va cartonner.
— Tu délires ou quoi mon pauvre Bill ? Pourquoi pas l’Abat-jour Mauve aussi ? Ou bien la Théière Ocre ? Oh ! Copain ! On publie des séries avec des super-héros, pas des catalogues de décoration. Tu fumes tes poils de cul ou bien ? On va revoir le nom hein, c’est pas possible ça. Bon, il obtient comment ses pouvoirs ton connard vert ?
— Heu… j’avais pensé… à… un anneau de pouvoir…
— Tu me charries ? Une putain de bague ? C'est super ringard, pourquoi pas une gourmette tant que tu y es ?
— Non, pas une bague, c'est plus dans le genre… anneau, comme dans Le Seigneur des Anneaux.
— Mais en vert ?
— Heu, oui… en vert. Et il se recharge avec une… une lanterne, quoi.
— OK. T’es viré.
Dans les faits, le mec ne se fait pas virer car, au final, une idée n’est jamais bonne ou mauvaise en soi, seule la manière de raconter l’histoire fera qu’elle fonctionnera ou pas.
Beaucoup de choses sont absurdes ou mal faites dans les comics, et c’est une source d’inspiration sans fin pour qui voudrait se moquer un peu de la BD. Mais on sait tous que cela nous apporte plus qu'un vague sourire moqueur. Cela peut même donner naissance à des œuvres extraordinaires et à de très longues heures de plaisir extatique (j'en rajoute un peu), à tourner les pages en contemplant les héros que l'on suit parfois depuis nos plus jeunes années.
Je ne piétine pas ces monuments avec méchanceté, mais avec le regard que permet un sentiment sans doute proche de la tendresse, pour ne pas dire plus.
Oh, et au cas où ce ne serait pas très clair, j'ai lu toutes les BD dont je parle, je les apprécie et j'en garde un excellent souvenir.
Si vous vous habillez exclusivement en vert, orange et violet, ce n'est pas parce que vous êtes daltonien ou que vous avez un goût de chiottes. Vous êtes simplement un super-vilain. |