Le Survivalisme expliqué à mon Chat

Mon groupe idéal en cas de rupture de la normalité. Un poil trop bourrin peut-être... par contre, moi, je reste en calbut. Question d'habitude.

À la base, cet article devait être une simple "sélection UMAC" sur des livres portant sur la survie en général. Mais le sujet est tellement mal présenté par les médias traditionnels quand ils l’abordent (et donc mal compris par le grand public) qu’un article plus didactique a semblé être un meilleur choix.
Nous allons donc aborder le survivalisme (ou le fait d’être un "prepper"), ce que cela recouvre comme domaines, ce à quoi cela permet de faire face, et comment cela s’intègre dans une vie de tous les jours normale, voire même dans une optique écologique.

— Donc, ça y est, c’est officiel, tu fais ton coming-out, tu es une espèce de taré paranoïaque qui vit en autarcie complète au fond des bois en attendant la troisième guerre mondiale ?
— Tu sais bien que non, Virgul. Mais effectivement, c’est un peu l’idée reçue que tout le monde se trimballe quand on aborde le sujet.

Chacun est libre de sa propre réflexion et de ses propres choix, mais personnellement, j’estime que pouvoir faire face à une "rupture de la normalité" pendant quelques semaines ou quelques mois n’est pas une mauvaise idée. Sans tomber bien sûr dans des extrêmes. Tout le monde a déjà vu par exemple des reportages sur des survivalistes qui ont leur propre bunker et de quoi tenir dedans pendant cinq ans… c’est un peu exagéré à mon sens. Entre quelqu’un qui va subir à fond le moindre pépin imprévu parce qu’il se fout de tout et un type qui va se ruiner pour avoir les moyens de vivre enterré vivant pendant des années, il y a sans doute un juste milieu à trouver.

Voyons déjà à quoi il est question de faire face. Contrairement à ce que l’on peut penser, les éventuels évènements pouvant durablement impacter la société et la vie de tous les jours sont nombreux : accident industriel, catastrophe naturelle, émeutes durables, guerre, même un simple hiver un peu rigoureux peut amener à devoir rester retranché chez soi, sans électricité, sans possibilité de prendre la route pour aller faire des courses (surtout dans un pays où tout s’arrête dès qu’il tombe trois flocons).
L’idée, c’est donc d’être prévoyant, de faire preuve de bon sens, sans pour autant se ruiner ou ne penser qu’à ça, et pouvoir ainsi assurer l’autonomie complète (eau, nourriture, défense, santé, énergie…) de sa famille pendant un temps que chacun calculera comme optimal. Une telle préparation s’intègre en outre dans la vie quotidienne (et permet même d’avoir un comportement écologique en privilégiant par exemple énergie solaire et permaculture).

— OK, ça n’a pas l’air idiot tout compte fait… mais, comment en es-tu arrivé à t’intéresser à tout ça ?
— J’en suis venu à m’intéresser au domaine de la survie il y a quelques années, quand j’ai dû faire face à un accident nucléaire majeur (qui s’est révélé être faux, mais qui nous a fait passer un bien mauvais moment [1]). J’ai dû improviser, dans l’urgence et le stress, tenter de calfeutrer ma maison, rassembler le matériel minimum au cas où il faudrait évacuer, prévenir mes proches, ne pas paniquer mes enfants, dénicher des bribes d'information à droite à gauche… je me suis rendu compte, par la suite, que je n’avais jamais réfléchi posément à une telle situation et que c’était une erreur. J’ai pris alors une résolution, celle de ne plus jamais avoir à faire face à une situation de crise sans préparation minimum. Être surpris une fois par un évènement, c’est de la malchance, ça peut arriver. Se faire surprendre une seconde fois, ce serait de l’imbécilité.

En gros, une préparation efficace va tenir compte de cinq domaines. La plupart ne demandent pas énormément d’argent ou de temps, beaucoup de gens disposent d’ailleurs déjà d’une partie du matériel de base.
Voyons rapidement ces différents domaines.

1. L’eau
L’importance vitale de l’eau se passe presque d’explications. Autant l’on peut se passer de nourriture pendant quelques jours, autant il ne sera pas possible de se priver d’eau. En moyenne, en situation de survie, il faudra compter 5 litres par jour et par personne. Ça peut sembler beaucoup, mais en plus du simple fait de boire (plus ou moins selon la saison), il faudra aussi préparer à manger et assurer une hygiène minimale.
Tout dépend de l’endroit où vous habitez, mais en général, ce n’est pas le fait de trouver de l’eau qui posera problème, mais plutôt d’avoir accès à de l’eau propre et potable.
L’on peut commencer tout bonnement par avoir quelques packs d’avance chez soi, mais si l’eau courante est coupée et/ou polluée, ils vont vite s’épuiser. Il faut alors avoir recours à un système de purification d’eau à gravité, du genre British Berkefeld. Cela permet de filtrer les métaux lourds, d’éliminer les bactéries, le chlore, les particules en suspension, les parasites, les produits chimiques…
C’est un peu cher (comptez 250 euros avec 4 filtres), mais avec un tel équipement, l’on peut traiter 6000 litres d’eau, soit couvrir les besoins d’une famille de quatre personnes pendant pratiquement un an. Pour le prix, c’est loin d’être un investissement idiot.
On complètera tout cela avec quelques bidons (il faut bien aller la chercher, cette eau sale) voire, si vous avez la place, avec une cuve de récupération d’eau de pluie.
Vous voilà tranquille en ce qui concerne la flotte.

2. La nourriture
Plus simple à gérer, car préparation constituée d’un stock durable et de divers moyens d’approvisionnement (potager, chasse, pêche, cueillette, troc…).
Pas besoin, selon la croyance populaire, de rations de l’armée ou de nourriture en poudre. Du riz, des pâtes et quelques conserves feront bien l’affaire. Ce sont des produits peu onéreux et qui ont l’avantage de se conserver presque indéfiniment si l’on est précautionneux. Évidemment, il faudra organiser un "roulement" afin de consommer vos plus vieux produits et de toujours maintenir votre stock à niveau.
Si l’on s’y prend bien, la constitution d’un stock de nourriture n’a pratiquement pas d’impact financier (on peut l’étaler sur des mois).

3. L’armement
Dans une situation de crise, il peut être nécessaire de se défendre et, surtout, de protéger sa famille. Même dans un pays industrialisé et moderne, certains évènements peuvent occasionner une rupture totale de la normalité et empêcher un temps l’organisation de secours et le rétablissement de la sécurité.
Regardez les pillages aux États-Unis après le passage de l’ouragan Katrina par exemple. Le chef de la police de la Louisiane avait d’ailleurs utilisé une expression limpide à l’époque pour résumer les faits :
"C’est le chaos total là-bas !"
Si pour des raisons qui vous regardent, vous ne souhaitez pas détenir d’armes, eh bien… ça me va très bien. La plupart des gens n’ont pas la rigueur nécessaire pour conduire correctement un véhicule, alors utiliser un flingue…
Dans le cas contraire, optez pour une solution légale, polyvalente, efficace, facile d’entretien et peu coûteuse. Idéalement, le bon vieux "fusil de pépé" en calibre 12. Ce n’est pas suffisant, mais c’est un bon début.
Complétez avec quelques armes blanches solides et vous aurez de quoi vous débrouiller.
L’idée n’est pas de toute façon de soutenir un siège ou de tenir tête à une armée, mais de pouvoir se défendre en cas d’intrusion et de menace sérieuse.

4. Hygiène et bobologie
Là aussi, vous avez déjà a priori la plupart des produits chez vous. Une trousse de secours, du désinfectant, des compresses, des anti-douleurs… à vous de voir ce qui vous paraît indispensable.
Pour l’hygiène, il est intéressant d’avoir un petit stock de savon de Marseille par exemple. On peut s’en servir aussi pour se laver les cheveux, et même les dents (pas génial mais mieux que la cendre). Ça peut même servir pour laver son linge.
Sur le long terme, il faudra également penser à un système de toilettes sèches, qui ne demandent pas d'apport en eau.

5. Outils et matériel divers
En plus des outils de base que vous devriez avoir chez vous, l’on va surtout se concentrer ici sur l'éclairage (bougies, lampes solaires…), la capacité à faire chauffer de l’eau (réchaud) et une source d’énergie pour recharger son portable ou écouter la radio (pour se tenir au courant de ce qu’il se passe, pas pour écouter le dernier Matt Pokora).
Il existe des éléments compacts multi-usages (une radio solaire et à manivelle, avec lampe intégrée et permettant de recharger son portable par exemple) qui ne sont pas très chers (aux environs de 30 euros).

En tenant compte de ces cinq domaines, vous voilà prêt pour passer en mode "autonome" si besoin est. L’investissement reste minime (le plus cher sera le fusil si vous ne le possédez pas déjà, ainsi que le filtre à eau) et vos stocks de nourriture vont s’intégrer dans votre alimentation de base.
L’on peut rajouter à cela un sac avec du matériel de base et de couchage en cas d’évacuation (rares seront tout de même les cas où vous aurez à vivre en autarcie complète au milieu de la forêt, mieux vaut avoir un domicile préparé que des connaissances approfondies en bushcraft).

— Ça n’a pas l’air si complexe que ça finalement… mais, pourquoi en parler librement, au risque de passer pour un fou ?
— Parce que la résilience est l’affaire de chacun, et que plus de gens sont prêts, plus la sécurité globale s’améliore.
— Comment ça ?
— Plus de gens autonomes, c’est moins de gens à secourir, moins de pillards, moins d’urgences à traiter. C’est plus de sécurité et de capacité à s’organiser, que ce soit à un niveau très localisé (quartier, village) ou régional.

Bien entendu, nous n’avons ici que survolé le sujet, certains points n’ont même pas été abordés, mais il existe tellement de cas particuliers, d’astuces, d’éléments à prendre en compte selon la région, la saison, la composition du foyer, etc., qu’il serait vain de tenter d’aborder tous les cas en un si bref article. Il ne s’agit ici que de présenter le survivalisme (l’un de ses aspects en tout cas, une préparation personnelle restant par nature adaptée aux besoins et aux priorités spécifiques de chacun) de manière dépassionnée et pratique.
Et surtout, d’en faire comprendre l’importance.

La politique de l'autruche ne règle jamais rien.
Prenons un exemple simple. Vous avez rarement des accidents avec votre véhicule. Ou rarement autre chose que de petits accrochages disons. Pourtant, votre voiture (si elle ne date pas des années 70) embarque une foultitude de systèmes de sécurité. Des ceintures, des airbags, l’ABS, l’ESP (correction de trajectoire)… et cela est obligatoire sur tous les véhicules, même bas de gamme. Or, cela a un coût. Mais l’on estime que l’investissement en vaut la peine. Même si  l’on ne s’en sert jamais.
Dans le cas d’une préparation d’un domicile, non seulement le coût ne sera pas très élevé, mais la plupart des équipements et stocks vous serviront (dans le cadre de la vie de tous les jours, en randonnée, pour faire des économies ponctuelles…).

Une préparation est toujours supérieure à l’improvisation. Réfléchir en amont, à tête reposée, à une situation délicate qui pourrait survenir et aux moyens d’y faire face efficacement fait partie des responsabilités d’un individu éclairé, souhaitant protéger les siens et être autonome.
Si maintenant vous êtes certain que rien de fâcheux ne peut arriver… eh bien, ça tient sans doute plus d’une tentative d’autosuggestion que d’une analyse réaliste, mais après tout, c’est à vous de voir.

— Et ces fameux bouquins, tu les conseilles finalement ?
— Ah, oui, venons-en à la littérature pratique et de survie. J’utilise aussi le terme "pratique" parce que certains livres, comme on va le voir, permettront de jardiner par exemple, et donc d’avoir des produits sains, frais et à bas coût chez soi, et ce même dans une situation normale.
— Et mes croquettes ?
— On en a aussi un stock, t’inquiète.

Alors, premier ouvrage, Mon premier potager en permaculture, par Serge Schall. Voilà qui vous permettra, avec un minimum d’efforts, de disposer à l’année d’un peu de bouffe saine et bon marché. Avoir quelques bases en matière de culture semble nécessaire en cas de problème durable. Cela vous apportera des compléments frais indispensables (vous n’allez pas vous nourrir que de conserves !).
Dans le même ordre d’idée, le guide Delachaux sur les Plantes sauvages, comestibles et toxiques, est un bon complément. L’ouvrage détaille notamment les propriétés nutritives et médicinales de chaque plante. Là encore utile en cas de pénurie prolongée (même si quelques séances sur le terrain seront indispensables pour bien identifier chaque plante).
Dans un registre plus généraliste, Aventure & Survie, de John Wiseman, aborde les bases indispensables (s’orienter, trouver de l’eau, construire un abri, faire du feu…) dans différents milieux.
Moins aventureux mais plus utile sur certains domaines, Le Guide de la Survie Douce, de François Couplan, apprend à se débrouiller avec les moyens du bord pour bivouaquer, se laver, se procurer et stocker de l’eau, etc.
Plus orienté défense, le Protegor de Guillaume Morel et Frédéric Bouamache est devenu un classique. Les domaines abordés sont très vastes, donc parfois quelque peu survolés, mais rien n’interdit par la suite de creuser ce qui vous semble intéressant par rapport à votre situation.

Prêt à tout et détendu.
Cette sélection est une base permettant d’acquérir des connaissances dans divers domaines et de commencer à bâtir une stratégie raisonnée, elle n’est évidemment pas exhaustive et demande d’être complétée et personnalisée selon les projets et analyses de chacun. Partir en forêt avec "sa bite et son couteau", c’est différent de simplement prévoir une autonomie de quelques mois chez soi, et ça n’a également rien à voir avec la construction d’une base autonome durable permettant de vivre indéfiniment en autarcie.
Chacun aura sa définition plus ou moins précise du survivalisme ou des preppers, dans cet article, nous avons opté pour une approche permettant de pouvoir faire face relativement longtemps à des situations diverses et fortement dégradées, dans un milieu semi-rural (si vous êtes en appartement dans un grand centre urbain, d’autres problèmes se posent).

Enfin, au niveau des conseils de lecture, nous avons mis en avant majoritairement des ouvrages prenant en compte l’environnement et prônant le respect et la compréhension de la nature. Le premier acte de résilience est d’ailleurs sans doute celui qui consiste à exploiter son milieu naturel sans pour autant le saccager et le menacer.
C’est dire si ce n’est pas gagné.
Les preppers ne sont ni des tarés ni des complotistes repliés sur eux-mêmes. Ce sont des gens (en majorité, comme partout, on peut tomber sur un demeuré) raisonnables, instruits et soucieux de leur destin et de celui du monde qui les entoure.
Se préparer au pire n’est pas le souhaiter, encore moins l’encourager, mais bien souvent l’éviter, ou en tout cas gérer la situation en évitant ses plus graves conséquences. Néanmoins, dans une société où l'assistanat et la dépendance à un système inefficace en cas de crise sont devenus une norme, une telle rupture sera toujours compliquée au départ, voire sujette à fantasmes ou railleries. Mais elle n'est en rien impossible. Il suffit pour cela de faire preuve d'un peu de volonté et de réflexion, ce qui n'est somme toute pas cher payé pour retrouver un peu de sérénité et garantir la survie des gens que l'on aime.


L’habituel défaut de l’Homme est de ne pas prévoir l’orage par beau temps.
Nicolas Machiavel

Satisfaire soi-même autant que possible ses besoins les plus impérieux, fût-ce même d’une façon imparfaite, est la meilleure façon pour arriver à la liberté de l’esprit et de la personne.
Friedrich Nietzsche


[1] Voici le compte-rendu des évènements en question, pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus.

Difficile de faire face à ce que l'on n'a jamais envisagé et que l'on découvre au dernier moment,
dans le stress et la panique.