Avant-Première : Saint Seiya Time Odyssey




Une aventure inédite et en couleurs des Chevaliers du Zodiaque, voilà ce que propose Kana pour la rentrée. Tout de suite, on analyse la bestiole.

J'éprouve une tendresse infinie pour Saint Seiya, malgré les maladresses récurrentes d'un Kurumada qui a été très vite dépassé par l'univers qu'il a mis en place, un peu en improvisant et, par la suite, en se répétant quand même pas mal. Je me souviens avoir découvert ça alors que, cloué au lit par la varicelle et une fièvre de canasson, je comatais à moitié dans mon lit, regrettant même pour une fois de pouvoir rater le lycée. Et puis, traversant le brouillard moite et épais qui m'entourait, ils sont apparus sur un écran tremblotant et encore cathodique... Hyoga, Shiryu, Seiya(r)... C'était épique, beau, émouvant parfois, et les armures alliées au cosmos et à la mythologie donnaient à cet univers une fascinante aura. Par la suite, j'en profitai pour plonger dans le manga, à température corporelle normale cette fois. N'étant toujours pas fan du noir & blanc et encore moins de la mode grotesque permettant aux éditeurs de publier des livres en français dans le sens de lecture japonais (cf. cet article pour les plus demeurés qui ne comprennent pas à quel point c'est une arnaque), je garde un bien meilleur souvenir de l'anime. Et j'ai toujours rêvé d'une belle édition grand format et en couleurs (en mieux que ça hein, coloriser une œuvre, ce n'est pas la "colorier", ça demande un véritable savoir-faire). D'où mon hurlement de joie (j'exagère, disons que c'était un borborygme de joie) lorsque j'ai appris que deux auteurs français allaient nous proposer une aventure inédite des fameux Chevaliers (un peu comme le récent Goldorak). Et le plaisir est au rendez-vous, même s'il me faudra évoquer un gros point noir.

Commençons logiquement par l'histoire, une saga prévue en 5 tomes et intitulée Time Odyssey. Après quelques pages présentant un peu le contexte, le récit (qui se déroule après l'affrontement contre les Chevaliers d'Argent et avant la mythique Bataille du Sanctuaire) commence par une attaque de chevaliers inconnus cherchant à mettre la main sur Ikki du Phénix. Seiya et ses potes s'interposent et l'on découvre alors rapidement qu'un nouvel ennemi se dresse sur leur route : Chronos.
Pour ce qui est du résumé succinct du début, il semblait difficile d'en faire l'économie. Cependant, si vous connaissez la saga, il est inutile, et si vous ne la connaissez pas, il s'avèrera insuffisant. En ce qui concerne la thématique du temps et le Dieu choisi pour incarner ce nouvel adversaire, tout cela est suffisamment riche en possibilités pour permettre de futurs développements potentiellement intéressants. Difficile néanmoins de se faire une idée avec ce premier tome qui n'est finalement qu'une belle introduction. 
Notons une curiosité : les noms de la plupart des techniques sont logiquement en français (l'illusion du phénix, les météores de Pégase...) mais d'autres sont en anglais (infernal spinning wheel, balance of fate...). J'avoue avoir du mal à saisir la logique.


Niveau dessin, c'est quasiment parfait. On reconnaît sans problème les personnages, c'est joliment colorisé, dans des ambiances assez variées, et on assiste à de jolis jeux de lumière. Peut-être peut-on reprocher un côté un peu "lisse", les personnages et décors étant assez "proprets". Il aurait été possible d'explorer une autre voie, un peu plus "rugueuse", mais bon, tout cela est très subjectif et il serait malhonnête d'ergoter plus avant sur ce travail plus que réussi.

Reste un aspect qui m'a bien cassé les couilles. Je pourrais dire "ennuyé" pour être poli, mais vu le niveau de je-m'en-foutisme affiché, j'estime que l'on a dépassé le stade des convenances. Qu'est-ce que c'est que ce texte de merde ? C'est blindé de conneries ! Problèmes d'espaces, de ligatures, de concordance des temps, fautes d'inattention, coquilles en tout genre ("le sort qui a été la sien", pour prendre juste un exemple)... et tout ça dans une pauvre BD ? Ce serait dans un roman de 500 000 caractères que ce serait déjà honteux, mais là, c'est incompréhensible. Comment se fait-il qu'aucun correcteur sérieux ne relise un truc pareil ? Et même mieux, comment se fait-il qu'un auteur puisse rendre un texte pareil ? On n'est pas encore à un niveau Panini (qu'il sera de toute façon pratiquement impossible d'atteindre, cf. cet article), mais on est loin du truc propre et travaillé. Et ça, c'est inacceptable. Un peu comme si on vous refilait des assiettes sales au resto, peu importe la qualité ensuite des aliments et de leur cuisson, ça ne donne pas envie. Là c'est pareil, si des ingrédients aussi basiques ne sont pas maîtrisés, comment imaginer que la narration, les personnages, les effets et autres éléments bien plus complexes que la simple grammaire seront traités avec soin ? Il ne s'agit pas, bien entendu, de pointer du doigt un manque de rigueur pour le simple plaisir. Les fautes, surtout aussi nombreuses, sont du "bruit". Et plus il y a de bruit, moins l'essentiel (c'est-à-dire l'histoire) est audible. Je ne parle même pas du côté éducatif et presque sacré de la forme écrite, censée formée les bataillons de futurs lecteurs et auteurs. Quand toutes les sources auxquelles s'abreuver sont viciées [1], impossible de simplement apprendre...

Bref, une bonne idée de départ, un traitement graphique élégant et esthétique, mais un texte pour le moins perfectible qui vient gêner l'immersion et nourrir de sérieuses inquiétudes quant à la suite.

De Jérôme Alquié et Arnaud Dollen.
Kana Éditions - 64 pages
Sortie le 30 septembre.



[1] Et c'est malheureusement le cas : sous-titres de films, livres scolaires, BD, romans... les textes "propres" sont de plus en plus rares. Ce qui est somme toute parfaitement logique, l'éducation nationale étant un vaste champ de ruines et la plupart des éditeurs n'étant plus capables de trouver des intervenants techniques compétents, la langue est condamnée à non plus évoluer grâce à l'usage littéraire, comme par le passé, mais à dégénérer suivant l'usage (donc les fautes) de la masse. 


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Fidèle à l'ambiance de la série.
  • Un nouvel ennemi prometteur.
  • De fort jolies planches.


  • Un texte indigne d'un simple "premier jet".