L'élixir de Dieu #1 - Spiritus Sancti


In nomine Patris et Filii aussi, hein...
Mais au nom des spiritueux, surtout !


Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs, accueillons parmi nous en ce jour béni le fidèle Gihef, scénariste de son état, et sa coreligionnaire assignée aux enluminures, Christelle Galland.
Notre frère Gihef eut déjà droit à être cité récemment en ces lignes pour d'autres ouvrages tels que Monsieur Vadim ou la saga Sirènes & Vikings. C'est ici avec une histoire de femmes à cornette qu'il compte décrocher pour la troisième fois la bénédiction de notre équipe et force est de constater que, si les voies de notre Seigneur sont impénétrables, celles des faveurs de notre page semblent être grandes ouvertes à ce Monsieur.

L'élixir de Dieu est une toute nouvelle série de bandes dessinées dont le tome 1, intitulé Spiritus sancti, nous narre les péripéties des occupantes d'un couvent confrontées à la brutalité du crime organisé durant la prohibition. Il y sera question de religieuses, d'alcool de contrebande et de gangstérisme, comme le sous-entend de façon évidente la couverture de l'album avec sa nonne en clair obscur (oui, partagée en ombre et lumière, c'est symbolique, Jean-Kévin, tout le monde avait compris !) brandissant une bouteille de tord-boyaux et une Thompson M1928.

1929, le couvent Saint-Patrick (au Massachusetts) a des problèmes de liquidités et, visiblement, Dieu n'y pourvoira pas de sitôt. C'est ce moment que choisit un jeune transporteur d'alcool de contrebande noir pour se réfugier entre ses murs après avoir essuyé les tirs de membres du Ku Klux Klan. Va s'ensuivre nombre de péripéties nous donnant à connaître le trafiquant local, les nonnes (et plus particulièrement Holly, une novice au passé rappelant le personnage de Whoopy Goldberg dans Sister Act, et une autre, Bethany, qui a quant à elle le physique de Whoopy Goldberg dans le même Sister Act) et quelques personnages truculents.
La découverte dans l'enceinte du couvent d'un vieil alambic ayant servi à la distillation du rhum va amener les filles chéries de Dieu à conclure un marché risqué avec l'odieux bootlegger : fabriquer pour lui un alcool savoureux mais qui tabasse en échange de la somme nécessaire à satisfaire la banque.


Comme toujours avec ce scénariste, l'histoire tient la route et compte son lot de rebondissements et de traits d'humour. On imagine sans peine cette BD adaptée à l'écran sous forme de film populaire familial.

Les personnages sont bien caractérisés ; chose essentielle lorsque la majorité d'entre eux sont affublés de robes-chasubles identiques. Jusque-là, quelques événements semblent n'être présents que pour faire "couleur locale", comme les deux allusions à cette saloperie de KKK, par exemple (mais cela prendra sans doute une toute autre importance par la suite) et l'on trouve de minuscules facilités scénaristiques qui passent inaperçues lorsque l'on s'en tient à une lecture récréative. L'ouvrage est plaisant, les personnages sont attachants et l'intrigue est juste assez blasphématoire pour être originale. Notons que l'album se termine sur un retournement de situation donnant très envie de tenir le tome 2 entre les mains.

Le dessin, quant à lui, est joliment expressif mais souffre un peu de cette qualité en ce qu'il lui arrive parfois de rendre l'un ou l'autre visage un rien trop grimaçant. Ceci n'est dit que pour le plaisir de chicaner, tant le trait est agréable et sert bien le propos. La mise en couleurs est relativement basique mais restitue clairement les ambiances diurnes, nocturnes, froides, chaudes, intérieures et extérieures, se faisant la plupart du temps plus efficace que réellement esthétique. Ajoutez à cela un découpage d'un tel classicisme qu'il pourrait remporter le "grand prix 2023 de la mise en page traditionnelle à la façon des anciens" et vous aurez un album ouvert à tous et apte à plaire au plus grand nombre qui, malgré son accessibilité, n'hésite pas à gratter la croûte de quelques vieilles blessures de l'Amérique et de l'Église catholique. 

Encore une série à tenir à l'œil dans la collection Grand Angle des éditions Bamboo... un éditeur qui signe décidément nombre de projets séduisants, depuis quelques années !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un scénario plaisant au concept original.
  • Un peu d'humour.
  • Pas mal de péripéties.
  • De la complicité au sein d'une sororité.
  • Un rien de sacrilège.
  • Un dessin à la hauteur.

  • Quelques coïncidences un rien faciles, mais rien que la vie elle-même ne puisse parfois offrir.
  • Une mise en couleurs fonctionnelle ne rendant pas toujours grâce au dessin.