On apprend dès l'édito que ce numéro de Science & Vie Junior (qui, comme son nom ne l'indique pas, peut très bien être lu par un public adulte) est centré sur ce qui, dans l'univers, dépasse l'entendement. Trous noirs, pulsars, sursauts gamma, planètes océaniques, matière noire, collision de galaxies, le sommaire est suffisamment riche et éclectique pour titiller la curiosité de tous ceux que le ciel intrigue et fait rêver.
On commence "léger", si j'ose dire, avec quelques petites comparaisons entre divers curiosités cosmiques et nos références terriennes. La tempête de Jupiter (la fameuse tache rouge/ocre), grande comme la Terre ; un cratère grand comme la France à la surface de Mercure ; le mont Olympus sur Mars, qui fait passer notre Everest pour une chiure de moineau... il y a déjà de quoi relativiser, bien que l'on n'en soit encore qu'aux hors-d'œuvre.
Les véritables festivités commencent avec une extrapolation sur une hypothétique planète Mer constituée à 50% d'eau liquide (les océans de notre planète constituent à peine 0,023% de la masse terrestre) : le monde obtenu est ahurissant, des océans profonds de 7000 km abritent des monstres marins à la taille virtuellement sans limite. Bien entendu, l'article en profite pour aborder certains astres bien réels (Pluton, Europe...) qui contiennent une immense quantité d'eau sous forme de glace.
Valles Marineris, sur Mars, est un canyon qui pourrait relier New York à Los Angeles. |
L'on a droit également à un portrait complet du Soleil, étoile si essentielle pour nous et pourtant dangereuse également. Outre quelques notions fondamentales sans doute connues, l'article décrit, à l'aide d'un schéma très simple, le trajet d'un photon, du cœur du Soleil à sa surface. L'on apprend ainsi que pour traverser l'enveloppe radiative, un photon va mettre environ... 10 000 ans (résultat d'une progression en zigzags, freinée par un plasma d'atomes qui conservent parfois leur électron, ce qui contribue à "capturer" puis relâcher un peu n'importe comment les fameux photons) !
L'on aborde ensuite des étoiles différente de notre Soleil, comme Rigel, une supergéante bleue, Nova Delphini 2013, une naine blanche, ou encore W. Ursae Majoris, une étoile variable binaire à éclipses (en réalité un système composé de deux étoiles si proches qu'elles partagent une partie de leur matière).
Le chapitre sur les supernovae nous dévoile tous les éléments dont nous devrions nous passer si ces astres explosifs et ultra-violents n'existaient pas : calcium, cuivre, fer, aluminium, néon, mercure, sodium, souffre, carbone... tout cela et bien plus est fourni par la fée supernovae. En réalité, le Big Bang a produit relativement peu d'atomes différents : hydrogène 1, deutérium, tritium, hélium 3, hélium 4, une pincée de lithium 7 et... rideau, on remballe les gaules, c'est fini, démerdez-vous avec ça ! En effet, après une quinzaine de minutes, l'univers s'était si étendu et si refroidi qu'il ne pouvait plus poursuivre ses petites expériences d'alchimiste ivre. Il passa donc le relai.
Le Soleil, immense à notre échelle, est un nain insignifiant à l'échelle cosmique. |
Bien que l'on ait déjà vu cela dans de nombreux ouvrages, l'on dispose également ici d'un comparatif entre le soleil et des astres bien plus volumineux. Pour cela, une technique simple mais très efficace : on compare la Terre et le Soleil, puis on réduit le Soleil à un minuscule cercle et on l'entoure, sur deux belles grandes pages, d'immenses étoiles. Arcturus ou Aldébaran font déjà passer notre étoile pour un gringalet ridicule, mais d'autres, comme Deneb ou NML Cygni, défient l'imagination et ne tiennent même pas sur cette double-page. Cette dernière étoile est 4,5 milliards de fois plus volumineuse que le Soleil...
On arrive ensuite à un match entre super-étoiles et super-héros. L'on pourrait croire que, comme Roland Lehoucq (cf. cet article) se plait à le faire parfois, les journalistes scientifiques se sont amusés à faire des comparaisons "sérieuses", en extrapolant sur les pouvoirs des fameux super-héros, en fait il n'en est rien, ils servent juste d'illustration. Nous reviendrons plus tard sur cet aspect.
En tout cas, les super-étoiles méritent bien leur nom. Entre R136A1, si lourde qu'elle ne devrait pas exister, l'étoile à neutrons, dont une cuillère à café de son cœur pèse un milliard de tonnes ou encore le magnétar (moins connu que le pulsar), dont le champ magnétique pourrait vous buter à 15 000 km de distance, là encore il y a de quoi être stupéfait.
Un peu de matière de PSRJ1614-2230 dans une cuillère et même Hulk peut aller se rhabiller. Ce "carré de sucre" pèse un milliard de tonnes ! |
Et l'on monte encore en puissance avec la suite !
Les terrifiants sursauts gamma sont parfaitement décrits, avec notamment une sorte de schéma/fresque qui explique les effets désastreux d'un sursaut gamma touchant la Terre. Et je vous assure que le "moins" pire sera les communications radio brouillées et les satellites hors service. Entre la destruction de la couche d'ozone, les pluies acides, la destruction du plancton qui aboutit au bouleversement de tout l'écosystème et autres joyeusetés, ça ne donne pas envie de découvrir le phénomène en vrai.
Cap ensuite sur un trou noir, aux propriétés tout bonnement presque "magiques". Là encore, de nombreux dessins et schémas expliquent parfaitement le principe de la déformation du tissu de l'espace-temps. On nous rassure aussi en nous expliquant que si un trou noir possède un appétit certes vorace, il doit être relativement "proche" pour réellement constituer une menace (41 millions de km, en comparaison, si le trou noir au centre de notre galaxie occupait la place du Soleil, il ne représenterait pas un danger pour la Terre qui se trouve à 150 millions de km).
Le magazine se penche ensuite sur la collision future entre notre galaxie et celle d'Andromède, sur la théorie de la matière noire, et cette incroyable épopée se conclut par quelques conseils de lecture pour approfondir le sujet.
Le sursaut gamma : l'une des plus terrifiantes menaces venues de l'espace. |
Sur le fond, c'est tout simplement passionnant. C'est de la très bonne vulgarisation, autrement dit, une maîtrise parfaite de l'art qui consiste à mettre l'ahurissant à la portée de tous. La magie sans les équations rébarbatives disons.
Sur la forme, je suis un peu plus réservé. En effet, Science & Vie a opté pour des mises en scène parfois un peu lourdes. Par exemple, l'article sur le Soleil utilise la première personne, comme si l'astre s'adressait à nous et livrait ses états d'âme. Pour la partie sur les étoiles pas "ordinaires", l'auteur de l'article tente de nous plonger dans une fiction ayant pour point de départ la recherche d'une planète habitable. Même chose pour le sujet sur les trous noirs, qui met en scène une expédition fictive et le récit d'un adolescent qui y prend part suite à une petite annonce lue dans l'astroport de Nouvelle Brest, avec une ambiance qui se veut un peu "pirate de l'espace".
Je suppose que tout cela est lié à l'aspect "junior" (un peu comme les dessins de super-héros, qui sont finalement sans rapport avec le contenu). Ce n'est pas tellement gênant mais ça reste tout de même de la mauvaise fiction qui me semble alourdir le propos. On se fiche pas mal du délire des rédacteurs et l'on a plutôt envie de rentrer tout de suite dans le vif du sujet (ce qui n'empêche pas le côté didactique et accessible, voire l'humour, cf. les ouvrages de Brian Greene).
Enfin, bon, ça reste tout à fait lisible et ça amusera peut-être les plus jeunes.
La lumière d'une naine rouge comme l'étoile de Barnard teinterait le ciel d'une planète dotée d'une atmosphère d'un magnifique rose. |
Voilà donc un excellent magazine, richement illustré et regorgeant d'informations fascinantes. Pour 5,50 euros, prix modique en regard de la somme de travail, il serait dommage de s'en priver.
Les adultes ne doivent pas se sentir freinés par le "junior", le contenu est suffisamment riche, varié, dense et hallucinant pour convenir à tous les âges.
Totalement conseillé.
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