Souvenez-vous, on vous avait déjà parlé de Wanch à l'occasion de la sortie de son excellent In Bloom. On replonge dans l'univers de l'auteur avec un album auto-produit de qualité, qui raconte une histoire en apparence simple mais poignante.
Tout commence avec la libération d'un vieux détenu. Un détenu au visage dur, fermé, aux réactions parfois violentes. Un détenu qui tente de reprendre contact avec la famille qu'il a détruite. Notamment son petit-fils, qui se débat avec les conséquences d'un passé chargé.
Greg, le petit-fils en question, n'a pas d'emploi. Il n'a plus de compagne. Mais il a une fille qu'il aime. Et pour elle, il ferait tout.
Seulement voilà, quand le destin vous colle aux semelles comme un vieux chewing-gum rance, il est difficile de s'en débarrasser. De ne pas retomber dans les mêmes schémas. De retrouver la lumière lorsque l'on a passé une vie entière dans les ténèbres.
La frontière entre fantasme et réalité est tellement mince qu'il suffirait d'un rien, d'un mot de travers, pour la franchir...
Eh bien... cet auteur est décidément à suivre de près, parce que lorsqu'il se décide à vous raconter une histoire, c'est du genre à vous faire gamberger longtemps après la dernière page tournée.
Encore une fois, comme pour In Bloom, on est dans de l'intime mais qui n'est pas égocentré, dans du réel mais qui est magnifié par l'écriture, dans de la leçon de vie mais qui n'est jamais pédante ou trop démonstrative. Un exploit déjà en tant que tel.
Difficile d'évoquer les qualités de cet album sans trop en dévoiler. L'on va donc rester vague sur les faits, très bien amenés, par petites touches, et se concentrer sur ce qu'ils évoquent chez le lecteur.
Ce qui est au centre de ce récit, c'est non seulement les actes et le poids des mots, mais plus encore les actes manqués et les non-dits. Ce qui n'est pas dit, ce qui n'est pas fait, ce que l'on ne voit pas, ces gens qui sont transparents et souffrent de ces regards vides ou rares, vont faire basculer des destins et entraîner les pires errances.
D'un point de vue graphique, c'est très bien réalisé, à partir de vues réelles évoquant Mons, en Belgique, d'où est originaire l'auteur. Cela a l'avantage d'ancrer le récit dans le quotidien et le "vrai", tout en permettant, notamment grâce à une colorisation qui fait sens et des angles de vue très efficaces, de bénéficier d'effets quasiment cinématographiques (le zoom arrière sur Marie, attendant "son" Eugène, est un exemple de cette maîtrise narrative qui fait le lien entre chaque scène et prend aux tripes).
En ce qui concerne les personnages, on les découvre par bribes presque négligeables, avant que, comme dans la résolution d'un puzzle, une vue plus large nous fasse réaliser à quel point nous, lecteurs, sommes aussi les jouets de nos préjugés et les victimes passives et malléables du drame qui se déroule, pourtant, devant nos yeux, alors que nous ignorons des indices évidents, aussi voyants que la typographie du titre.
Transparent évoque non seulement la force dévastatrice du manque, mais aussi ces blessures reçues trop tôt, qui jamais ne se refermeront et feront place à des réactions trop dures, trop folles, aux conséquences non voulues, et donc non assumées. Cette belle histoire évoque aussi ces monstres qui salissent tout et rendent suspects même les plus innocents baisers. Elle évoque le pouvoir des Mots, le pouvoir du Jugement, rapide et sans nuances, le pouvoir de l'a priori, le pouvoir d'un système prompt à écraser, conclure et festoyer sur les ruines de vies dévastées en un clin d’œil, ou presque. Elle évoque aussi, avec retenue et gravité, ces chemins définitifs que certains empruntent pour se libérer de l'inacceptable.
Voilà, donc, que ce soit clair, c'est pas joyeux, mais, bordel, que c'est fichtrement bon, tant sur le fond que la forme !
Qu'un album d'une telle qualité soit auto-édité devrait faire honte aux éditeurs.
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