Batman Arkham est une série d'anthologie se concentrant sur les nemesis de l'homme-pipistrelle.
Le premier tome était consacré à Double-Face, le deuxième se concentre sur Poison Ivy...
À dire vrai, c'est ne pas se concentrer sur Poison Ivy qui est plus compliqué !
Derrière cette très angoissante mais néanmoins fascinante couverture issue du tome 6 de DCeased se dissimule quelques-unes des étapes les plus marquantes de la vie mouvementée de Pamela Lillian Isley, mieux connue sous le vénéneux sobriquet de Poison Ivy.
Tout l'intérêt de ce genre d'ouvrage est à mon sens de comprendre son évolution dans l'univers de Batman et même, plus précisément, l'évolution de son traitement. Les scénaristes de 1966 n'avaient de toute évidence pour elle ni les mêmes aspirations ni la même estime que ceux de notre époque. Et comme l'époque, justement, est très différente elle aussi, vous imaginerez aisément qu'une aussi sulfureuse créature qu'Ivy ne nourrissait alors pas les mêmes ambitions que de nos jours.
Le personnage de Poison Ivy a débuté à une époque où Batman passait à la télévision sous les traits d'Adam West et faisait sauter à l'écran de grandes onomatopées quand, accompagné d'un Burt Ward en Robin inoubliable de niaiserie, il tabassait des méchants au rythme d'une musique disco du meilleur goût... je caricature à peine.
Vous imaginez aisément que l'époque n'était pas au "dark" Batman torturé que l'on connaît de nos jours et, par conséquent, on lui offrait des ennemis en adéquation avec son univers. Ivy y était donc une bougresse de femme en justaucorps feuillu qui faisait un concours de popularité criminelle avec trois autres méchantes tout aussi caricaturales. Le "duo dynamique" l'affrontera sans que l'on sache trop en quoi c'est une criminelle si ce n'est qu'elle l'affirme et Batman, comme un dadais encore puceau à l'âge où d'autres en sont à leur troisième mariage, tombera sous son charme et lui fera des bisous-bisous...
Oui, c'est quelque peu navrant. Mais ça devait plaire, je suppose.
Le personnage de la belle plante est né et va servir au sein de quelques gangs de super-vilains et parfois, au détour d'un comic ou l'autre, rappeler qu'elle en pince à la fois pour Bruce Wayne et son mystérieux alter ego. Jusque-là, en dehors d'un tempérament qui devait alors sembler chaud comme du lait sur le feu et d'un "stimulateur de plantes", elle n'avait guère de fonction autre que celle d'être une agréable présence féminine en ces pages.
Oui, c'est quelque peu navrant. Mais ça devait plaire, je suppose.
Le personnage de la belle plante est né et va servir au sein de quelques gangs de super-vilains et parfois, au détour d'un comic ou l'autre, rappeler qu'elle en pince à la fois pour Bruce Wayne et son mystérieux alter ego. Jusque-là, en dehors d'un tempérament qui devait alors sembler chaud comme du lait sur le feu et d'un "stimulateur de plantes", elle n'avait guère de fonction autre que celle d'être une agréable présence féminine en ces pages.
C'est en 1978 que Gerry Conway lui imagine un passé et fait d'elle une étudiante que son prof de botanique a empoisonnée (il ne faut jamais soutenir le regard d'un de ses professeurs, les enfants, tenez-vous-le pour dit !). Comme une mauvaise plante ne meurt jamais, la petite Pamela Lillian Isley survit et développe la capacité inédite de résister à tous les poisons. Bon, ce n'est pas utile tous les jours mais au moins ne doit-elle pas être la plus angoissée à l'idée de recevoir une dose de vaccin contre le Covid...
Peu à peu, Ivy commence à gagner en importance au sein du bestiaire de Gotham : elle devient une séductrice fatale. Malheureusement, lors de Crisis on infinite earth, elle est de celles qui vont pas mal souffrir des modifications de leurs rôles au sein de l'écurie DC. Ça commence pourtant bien quand Neil Gaiman (tout ce que fait cet homme est saint, je bénis la moindre boucle sauvage de son auguste tête) l'enrichit de pouvoirs bien plus énigmatiques sous forme de phéromones végétales qui viennent s'ajouter à son immunité totale. Mais par la suite, John Ostrander la fait rejoindre Suicide Squad et lui fait même préciser qu'elle déteste la jungle... Pardon ? Elle prendra même le contrôle d'un petit État d'Amérique du Sud. Pourquoi ? Haha... ben... parce qu'elle peut le faire, j'imagine !
Comme souvent avec le batverse, c'est la série animée de Bruce W. Timm qui va flanquer trois paires de claques de forain à la petite Ivy et lui donner la gnaque. Adios le rôle de second plan, welcome Ivy, l'écoterroriste misanthrope perverse et sociopathe. Elle séduit pour tuer. Si elle est plante, elle est carnivore ! La série animée influencera le comic au point d'y changer son look, sa personnalité et la couleur de sa peau... Non, on se calme, les guerriers de rien : elle ne fait pas de blackface ! Elle acquière juste une jolie peau un peu verdâtre en mode chewing-gum à la chlorophylle !
Au fil des années, le personnage se fera de plus en plus ambigu et au fil de ses confrontations avec le chevalier masqué, elle laissera même paraître des aspects de sa personnalité très positifs, voire protecteurs (envers les enfants, entre autres)... Mais en bonne schyzo, elle n'oubliera pas, parfois presque simultanément, d'ourdir des machinations de grande envergure ou de s'allier avec les pires des crapules qu'elle ira souvent jusqu'à manipuler.
Paul Dini, sans doute intéressé par l'ambivalence de ce diable de femme, va bientôt la faire rejoindre Harley Quinn et Catwoman au sein des Sirènes de Gotham... ce qui inaugurera une relation entre elle et Harley qui font d'elles encore maintenant des égéries geek de la communauté lesbienne.
En 2011, les événements du Flashpoint vont bousculer le passé de la miss et lui offrir ce qui, à mon sens, constitue une bonne partie de l'intérêt actuel du personnage : un lien direct entre ses pouvoirs et la Sève (cf. cet article), qui régit la flore et que protège Swamp Thing. Elle est désormais comme l'ambassadrice d'une force végétale qui parfois la domine et lui impose une logique qui n'est plus celle de la chaudasse des débuts ni de l'écologiste militante excitée, mais bien celle d'une sorte de déesse végétale. Conscients que le duo fonctionne pour mille raisons, les scénaristes ne tarderont pas à remettre Harley sur son chemin et l'on assite encore maintenant à des épisodes où les deux femmes sont très complices, seule l'ex du Joker étant sans doute apte (la folie, ça aide) à se sentir à l'aise en compagnie de Pamela.
D'allumeuse à sorte d'incarnation de Gaïa, Ivy a parcouru du chemin, en quelques décennies et elle s'est imposée parmi les figures emblématiques de Gotham. Ce qui lui vaut cette anthologie qui en plus se permet le luxe de terminer par un petit bonbon à la menthe avec quelques pages dessinées par Stjepan Sejic (que plus personne ne peut plus ignorer depuis le somptueux Harleen sorti il y a quelques mois), suivies de deux planches du talentueux français Stéphane Roux auquel on doit les actuels Birds of Prey.
À titre d'information, voici les couvertures des histoires compilées dans les 344 pages du très gros bouquin édité par Urban Comics.
Plus qu'une simple suite d'histoires mettant en scène un ficus gaulé comme un camion, Batman Arkham - Poison Ivy a bien des vertus. Ce peut être un excellent aphrodisiaque, certes, mais plus encore un élixir de jouvence, pour ceux qui connurent les débuts de la belle. C'est bien entendu, pour les autres, une source d'informations intéressantes à son sujet. Mais c'est aussi un rétroviseur offrant à nos contemporains une photographie surprenante de ce que furent les comics, de ce que fut le traitement graphique, de ce que fut le traitement de la femme fatale dans les médias mainstream entre 1966 et 2020. On ressort de cette lecture un peu abasourdi par le grand écart artistique comme sociétal entre la première et la dernière page. L'expérience s'avère franchement intéressante.
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