Swamp Thing version New 52
Publié le
6.1.19
Par
Nolt
Rencontre avec un personnage hors du commun dans le premier tome de Swamp Thing, intitulé De Sève et de Cendres.
Alec Holland n'est pas un botaniste comme les autres. Non seulement il a inventé un sérum de régénération permettant de faire pousser des plantes en milieu très aride, mais il est aussi le champion du règne végétal. Car sur Terre, trois puissances fondamentales s'affrontent : la Sève, puisant ses forces dans la flore, le Sang, lié au monde animal, et la Nécrose, une saloperie œuvrant dans le but de détruire toute forme de vie.
La Nécrose est déjà en marche, son représentant, William, un petit garçon allergique à la chlorophylle, étant occupé à lever une armée. Sous son influence, la moindre dent cariée, le moindre bout de peau morte, peut prospérer et devenir un véritable cauchemar.
Le Parlement des Arbres s'est donc tourné vers Alec afin qu'il accomplisse sa destinée. Pour cela, il devra cependant renoncer à son humanité et devenir une créature des marais...
Après Catwoman, Aquaman ou encore Batwoman, ce fut au tour de Swamp Thing de repartir sur de nouvelles bases en 2012, comme l'essentiel de l'univers DC Comics. Pour cela, l'éditeur fit appel à Scott Snyder (American Vampire, Batman) pour le scénario et à Yanick Paquette pour les dessins.
Le pari était cependant loin d'être gagné d'avance. Une entité faite de verdure et pataugeant dans de la flotte dégueulasse, on a fait mieux niveau charisme ! D'ailleurs, peut-on vraiment parler ici de "pouvoirs" ou de "super-héros" ? Il est évident que la transformation de Holland a quelque chose de monstrueux, qui flirte avec l'épouvante.
Et c'est bien vers ce genre, l'horreur, que l'auteur a choisi d'orienter son récit.
La mythologie, introduite à l'époque par Alan Moore, est conservée mais la Sève et son Parlement ne sont plus vus uniquement d'un œil bienveillant, comme une douce force naturelle et positive. Snyder choisit en effet le contre-pied du discours écolo-psychédélique pour montrer les dérives du Parlement et la puissance, parfois destructrice, des plantes. Ce monde vert est en effet violent, mais cette violence étant plus lente, plus cachée, elle en devient moins évidente, plus perverse presque.
Loin du manichéisme moderne, qui veut que l'Homme soit la cause de toutes les saloperies sur Terre (on lui en doit quelques-unes tout de même, avouons-le), il est ici l'élément clé qui permet au pouvoir de la Sève d'acquérir ce qui lui fait défaut : la modération.
Brillant et inattendu, pour le moins !
Outre cet angle d'attaque original, Snyder emprunte également la voie du "gore métaphysique" en mettant en scène un affrontement sanglant dans lequel la Nécrose notamment se révèle particulièrement impressionnante et inquiétante. Pouvant se développer à partir de presque rien, prendre le contrôle d'individus bien vivants ou se servir d'animaux morts, elle est également à l'origine des épidémies de peste qu'a pu connaître l'humanité.
Paquette parvient ici à sublimer totalement le propos, en jouant sur la composition des planches ou en montrant les agents des différents camps en présence sous un jour plus qu'effrayant.
Peu à peu, c'est donc à une véritable épopée horrifique que l'on assiste, dans une ambiance volontairement malsaine, orchestrée de main de maître. Même si de grosses bestioles ou des coups de hache sont présents, la pire des craintes provient de quelque chose de plus fondamental, de plus sale. Une simple mouche dans une oreille (l'idée n'est déjà pas agréable lorsque l'on a la phobie des insectes !) peut conduire au pire, non à la mort, mais à l'aliénation, à la perte de ce qui fait la particularité d'un individu, au viol de la plus précieuse des intimités.
Cette thématique fait écho au destin de Alec Holland, mort une première fois, dépossédé de ses caractéristiques humaines, pour ensuite renaître avec les vagues souvenirs d'une créature aussi étrange qu'étrangère. Chaque personnage est ici au service d'une force qui le manipule et qui tend à le transformer aussi bien physiquement que moralement (Abigail Arcane lutte contre l'Appel de la Nécrose, comme Alec refuse au départ de céder aux exigences du Parlement).
Très habilement, le même principe est appliqué à l'acte héroïque, qui ne réside pas dans l'abandon mais dans la transformation, en retour, de la force manipulatrice (Alec lui apportant, en plus de son sérum, une vision humaine et une modération tempérant sa violence).
Ainsi, bien qu'il y ait dans ce premier tome (de sept épisodes) une bonne dose de tripes et de barbaque, c'est bien l'horreur de la perte de soi, de l'anéantissement du Moi, qui donne à l'ouvrage son ton si noir et angoissant.
Quelques études de covers, ainsi qu'une introduction fort pertinente du traducteur, complètent l'ouvrage.
Une excellente saga horrifique, bien pensée et sortant des thématiques habituelles de l'univers DC.
À noter : le premier tome d'Animal Man, publié également chez Urban Comics, est très étroitement lié à ce récit et aussi vivement conseillé de par sa qualité.
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