"C'est pas beau de vieillir" disaient nos anciens...
Mais qu'est-ce que ça donne, le vieillissement d'un "super" du genre d'Iron Man ?
L'amure est encore au top mais si le bonhomme dedans sucre les fraises, qu'est-ce que ça donne ?
Mais si cette surabondance actuelle de mecs volants en collants et de nana en bustier, d'encapés, d'encapuchonnés et d'autres gusses engoncés dans des exo-armures a parfois des allures de déversement de trop-plein de bidet, force est de constater que cela a au moins un autre mérite évident : la quantité amène avec elle un peu de variété, parmi laquelle on trouve aussi de la qualité !
Au nombre de ces comics différents des autres, j'ai personnellement beaucoup apprécié ce Furtif scénarisé par Mike Costa et dessiné par Nate Bellegarde, essentiellement parce que le super-héroïsme n'est ici qu'un contexte connu du lectorat et utilisé pour mettre en scène des sujets tout autres et, à mes yeux, autrement plus intéressants.
Furtif illustre à merveille l'adage "On a les héros qu'on mérite" en octroyant à la ville de Detroit un super-héros noir issu du corps des pompiers de la ville. Un super-héros qui, comme sa ville, porte en lui les germes de sa propre déchéance.
Afro-américain courageux et intègre, Daniel Barber a reçu son armure (véritable condensé de technologies de pointe) dans les années 70. Impossible de vous révéler d'où elle vient, ce serait divulguer un final qui, pour le coup, mérite d'être découvert à la lecture de l'ouvrage (oui, pour une fois, on a une vraie bonne conclusion).
Mais l'action a lieu à notre époque et, quel que soit le mal qui le ronge (et que l'on apparente longtemps à Alzheimer), Daniel est de plus en plus souvent en proie à des absences : il s'imagine plusieurs décennies plus jeune, à l'époque où son frère policier, au courant de ses activités de super-héros, l'aidait dans sa lutte contre le crime à Motor Town.
C'est avec son fils Tony qu'il vit désormais ; Tony ne sait rien de l'identité secrète de son père mais, lorsque celui-ci va commencer à perdre peu à peu l'esprit, l'instinct de journaliste de Tony ne tardera pas à éveiller ses soupçons, et c'est avec la double découverte des troubles mentaux et de la double vie de son père que débute le récit.
Furtif fut à la hauteur de cette Detroit d'un temps révolu et n'est désormais plus qu'un fantôme de ce qu'il fut, précisément à l'image de la ville qu'il défend et qui est déclarée en faillite depuis 2013, avec sa dette de 18,5 milliards de dollars !
Le parallèle entre lui et cette présomptueuse capitale de l'automobile US qu'il se donna pour mission de protéger est présent en filigrane tout au long des 126 pages. En plus de confirmer là le lien étroit entre certains super-"domestiques" et leur environnement (comme celui entre Spidey et New York, par exemple), cette relation a ici un aspect profondément métaphorique.
Le parallèle entre lui et cette présomptueuse capitale de l'automobile US qu'il se donna pour mission de protéger est présent en filigrane tout au long des 126 pages. En plus de confirmer là le lien étroit entre certains super-"domestiques" et leur environnement (comme celui entre Spidey et New York, par exemple), cette relation a ici un aspect profondément métaphorique.
Riche en questionnements, ce one-shot est plaisant pour maintes raisons : il interroge tout autant la faillibilité de nos élites, les frontières imprécises séparant le bien du mal, l'image du sauveur que l'on pense éternel et infaillible, le vieillissement de la figure paternelle, que le caractère inéluctable du destin. Eh ouais, rien que ça !
Ce dont Batman a pris conscience depuis des années chez DC, et qui l'a amené à constituer ses propres stocks de kryptonite, pousse ici Tony à rencontrer nul autre que l'ennemi juré de son père et, peu ou prou, autant sous la menace que par fatalisme, à collaborer avec cet ignoble personnage semblant résulter d'un mélange inavouable entre Double-Face et le Joker.
Volontiers pessimiste, l'album va donc jusqu'à suggérer que seul le Mal incarné, la Némésis d'un héros le connaissant si bien, serait à même de stopper ledit héros s'il lui arrivait un jour de devenir une menace.
Volontiers pessimiste, l'album va donc jusqu'à suggérer que seul le Mal incarné, la Némésis d'un héros le connaissant si bien, serait à même de stopper ledit héros s'il lui arrivait un jour de devenir une menace.
Après tout, mieux vaut-il un méchant à taille humaine connu de tous et dont on sait pertinemment que l'âme noire, froide et insensible le destine aux pires des exactions jusqu'à ce que l'on parvienne à se débarrasser de lui ou un parangon de vertu surpuissant hors de contrôle et déboussolé frappant aléatoirement ennemis comme alliés au gré de ses divagations ?
Même la conclusion de l'album oscille entre l'espoir d'un renouveau et le cynisme le plus absolu. Car à la fin du récit, une page se tourne sur une promesse de jours meilleurs, certes... mais comme le fit chaque autre page tournée avant elle, non ? "Speramus Meliora ; Resurget Cineribus" ("Nous espérons des temps meilleurs ; elle renaîtra de ses cendres") nous dit la devise de Detroit. Mais puisque le héraut de cet espoir a récemment failli... pourquoi croirions-nous en la nouvelle bonne parole ? En quoi pourrait-elle être si différente de la précédente ?
Même la conclusion de l'album oscille entre l'espoir d'un renouveau et le cynisme le plus absolu. Car à la fin du récit, une page se tourne sur une promesse de jours meilleurs, certes... mais comme le fit chaque autre page tournée avant elle, non ? "Speramus Meliora ; Resurget Cineribus" ("Nous espérons des temps meilleurs ; elle renaîtra de ses cendres") nous dit la devise de Detroit. Mais puisque le héraut de cet espoir a récemment failli... pourquoi croirions-nous en la nouvelle bonne parole ? En quoi pourrait-elle être si différente de la précédente ?
Et si, malgré toute la bonne volonté du monde, de ces cendres mille fois ressuscitées ne pouvait resurgir en boucle que le même, faillible, imparfait et corrompu phœnix ?
Furtif donne envie de s'intéresser aux autres textes de Mike Costa tant le propos est intelligent et pertinemment dilué. Le trait de Nate Bellegarde, quant a lui, quoique assez générique, sert le propos sans faire d'esbrouffe et, en cela, joue parfaitement son rôle. Il eut été maladroit que le dessin tente de tirer à lui la couverture. Ici, il est juste assez percutant pour attirer le regard des amateurs de comics et flatter leur envie de découvrir un autre surhomme... pour les amener à réfléchir à des sujets autrement plus ambitieux que ceux que traitent souvent ces parutions.
En un peu plus de cent pages, on apprend les origines d'un super, on constate l'étendue de ses pouvoirs, on est témoin de sa déchéance, on prend connaissance de l'existence et de la genèse de son principal ennemi et l'on assiste au résultat de leur ultime confrontation sous le regard du jeune fils du héros, incarnation de la génération suivante qui hérite de tout cela.
C'est un condensé assez magistral du genre.
Et dire qu'après ça, certains prétendront encore qu'il est légitime qu'il faille au moins quatre heures à un réalisateur bidon pour nous narrer une réunion de super-boyscouts et leur faire renvoyer un méchant générique entre les pattes de son boss ; au prix, d'ailleurs, d'une décapitation gratuite foutant en l'air tous les principes des héros concernés et hurlant à la face du monde le mépris total du cinéma pour la moindre cohérence dès que cela touche à une adaptation de comics... Oui, j'ai regardé la Zack Snyder's Justice League. Et comme vous venez de le comprendre, j'ai bien entendu a-do-ré ce que j'y ai vu. Pour ceux qui ignoreraient ce qu'est l'ironie, j'ai encore quelques échantillons dans mon magasin. Tenez, par exemple : "Army of the dead confirme une fois de plus le génie du réalisateur qui se permet de travailler un film d'action (nécessitant évidemment une pleine connaissance de ce qui se passe à l'écran pour avoir un peu d'intérêt) avec une profondeur de champ tellement courte que le flou commence en général dès les pavillons d'oreilles du protagoniste sur lequel la mise au point a été faite." Et n'hésitez pas : si vous y prenez goût, j'en ai encore pas mal en réserve, le sieur Zack nous livrant ponctuellement pas mal de matière première. Et oui, c'était un tacle gratuit. Et non, ces productions ne méritaient pas un article complet à mes yeux.
C'est un condensé assez magistral du genre.
Et dire qu'après ça, certains prétendront encore qu'il est légitime qu'il faille au moins quatre heures à un réalisateur bidon pour nous narrer une réunion de super-boyscouts et leur faire renvoyer un méchant générique entre les pattes de son boss ; au prix, d'ailleurs, d'une décapitation gratuite foutant en l'air tous les principes des héros concernés et hurlant à la face du monde le mépris total du cinéma pour la moindre cohérence dès que cela touche à une adaptation de comics... Oui, j'ai regardé la Zack Snyder's Justice League. Et comme vous venez de le comprendre, j'ai bien entendu a-do-ré ce que j'y ai vu. Pour ceux qui ignoreraient ce qu'est l'ironie, j'ai encore quelques échantillons dans mon magasin. Tenez, par exemple : "Army of the dead confirme une fois de plus le génie du réalisateur qui se permet de travailler un film d'action (nécessitant évidemment une pleine connaissance de ce qui se passe à l'écran pour avoir un peu d'intérêt) avec une profondeur de champ tellement courte que le flou commence en général dès les pavillons d'oreilles du protagoniste sur lequel la mise au point a été faite." Et n'hésitez pas : si vous y prenez goût, j'en ai encore pas mal en réserve, le sieur Zack nous livrant ponctuellement pas mal de matière première. Et oui, c'était un tacle gratuit. Et non, ces productions ne méritaient pas un article complet à mes yeux.
Mais revenons à nos moutons : lisez Furtif. C'est mature, intelligent et compréhensible de A à Z sans avoir un diplôme de sociologie décroché il y a moins de dix ans dans l'une des universités les plus progressistes des USA, contrairement à Excellence.
Ici, le héros est noir parce que... ben... parce que c'est sa couleur de peau, voilà tout. C'était un pompier noir, il fut choisi pour endosser l'armure du héros et voilà tout.
Et c'est bien agréable, ma foi, d'avoir un héros noir qui se définit par ses actes et non par son taux de mélanine. Il est courageux, honnête, droit mais néanmoins faillible et on ne peut plus humain. Ça le rend d'emblée mille fois plus touchant et crédible que n'importe lequel des espèces de militants raciaux dudit comic Excellence qui, pour mature qu'il soit lui aussi, oubliait trop facilement que le militantisme empêche l'universalisme.
Et c'est bien agréable, ma foi, d'avoir un héros noir qui se définit par ses actes et non par son taux de mélanine. Il est courageux, honnête, droit mais néanmoins faillible et on ne peut plus humain. Ça le rend d'emblée mille fois plus touchant et crédible que n'importe lequel des espèces de militants raciaux dudit comic Excellence qui, pour mature qu'il soit lui aussi, oubliait trop facilement que le militantisme empêche l'universalisme.
Ici, qu'il soit noir ou non, l'on s'identifie sans difficulté au héros car on le sent indéniablement humain.
Lisez Furtif, ça pourrait bien réconcilier les plus désabusés d'entre vous avec les comic books... et après le passage de Hollywood, nombre d'entre nous ont bien besoin de cela !
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