Dragon Axiom
Publié le
23.10.17
Par
Tacgnol
Les éditions Kotoji — via leur label Asian District — proposent de suivre la quête de Fenetten et de son compagnon, Lacus, à la recherche du dragon de la légende dans Dragon Axiom, courte série en trois tomes.
Ce manhua empreint de poésie, fruit d’une dizaine d’années d’élaboration [1] par Little Cloud [2], a été publié dans son pays d’origine au début des années 2000.
Fenetten, marin pêcheur aux oreilles difformes, sympathise sur le vaisseau qui l'emploie avec une nouvelle recrue — un étranger — aux antipodes de son caractère : lui est bosseur et patient, tandis que Lacus est un jeune homme doté d’un appétit féroce et de nature fainéante.
À son domicile, Fenetten lui conte la légende locale, celle de l’amitié entre un guerrier et un dragon destinés à s’affronter jusqu’à l’abandon ou la mort. Le surprenant duo s’en va parcourir le monde. Mais voilà que l’homme décède de vieillesse. L’animal immortel sombre dès lors dans la dépression et se retire en un lieu secret. Si son corps ne connaîtra jamais la décomposition, son âme, elle, peut « mourir ». Ainsi, son esprit tourmenté provoque des cataclysmes atmosphériques.
À son domicile, Fenetten lui conte la légende locale, celle de l’amitié entre un guerrier et un dragon destinés à s’affronter jusqu’à l’abandon ou la mort. Le surprenant duo s’en va parcourir le monde. Mais voilà que l’homme décède de vieillesse. L’animal immortel sombre dès lors dans la dépression et se retire en un lieu secret. Si son corps ne connaîtra jamais la décomposition, son âme, elle, peut « mourir ». Ainsi, son esprit tourmenté provoque des cataclysmes atmosphériques.
Suite à un imposant tsunami, où le marin fait preuve de courage et dévoile ses talents pour la magie, Fenetten quitte le port en compagnie de Lacus à la recherche du dragon mythique. Il ne regrette pas l'abandon de son domicile ; persécuté depuis son enfance à cause de ses oreilles, il est conscient de sa différence et curieux de ses origines.
Leurs pérégrinations les amènent à rencontrer plusieurs types de créatures, à traverser le port de Bout-du-monde, la forêt d’Ombrelune, l’Achéron...
Dragon Axiom est une œuvre sincère où l’on sent le plaisir qu’a pris l’artiste pour dessiner ses personnages et réfléchir aux détails de son univers enfantin. Son graphisme élégant nous immerge dans son monde onirique.
Little Cloud possède un trait enchanteur que ce soit dans les aquarelles qui introduisent chaque livre ou le noir et blanc des planches. Les décors soignés sont nombreux, tout en finesse et dégageant beaucoup de charme.
Là où depuis des années les mangakas et beaucoup d’autres auteurs de BD utilisent des banques d’images ou des objets modélisés [3] qu’ils intègrent dans leurs cases, Little Cloud trace chaque feuille, chaque pierre avec grâce. Des hachures maîtrisées ajoutent textures et profondeur. Cela compense les visages, déjà vus. Son trait mélange encre, graphite [4] rehaussé de trames [5]. L’auteur superpose les cases en de savantes compositions.
Là où depuis des années les mangakas et beaucoup d’autres auteurs de BD utilisent des banques d’images ou des objets modélisés [3] qu’ils intègrent dans leurs cases, Little Cloud trace chaque feuille, chaque pierre avec grâce. Des hachures maîtrisées ajoutent textures et profondeur. Cela compense les visages, déjà vus. Son trait mélange encre, graphite [4] rehaussé de trames [5]. L’auteur superpose les cases en de savantes compositions.
Dragon Axiom est une BD bavarde, disposant d’une grande liberté de ton, amenant à quelques maladresses de découpage et de mise en scène. Certaines scènes, notamment dans le premier volume (l’épisode du tsunami, par exemple), et quelques éléments s'avèrent confus. Au fil des pages, son graphisme s’améliore, compensant un scénario des plus classiques. Ses hésitations, ses idées se stabilisent. Little Cloud, dont on ressent l’inspiration nippone, a intégré les codes des mangas et elle les a réinterprétés à sa manière. Elle évite ainsi un récit au déroulement prévisible [6] bardé de poncifs indigestes, et apporte de la fraîcheur. Elle ne conserve qu’un duo de héros dont les interactions sont vivantes et pleines d’humour. Le graphisme des dragons se rapproche de celui d’Akihiro Yamada [7].
La dessinatrice propose un monde fantaisiste où l’immortalité des dragons n’est pas qu’un don positif. La folie guette. Un tribunal draconique, un langage secret, des créatures de l’ombre et de la lumière, un monstre qui vole le temps de vie des humains, apportent du corps à l’œuvre. Fenetten dans sa quête initiatique, découvre ses origines et la destinée qu’il va accomplir.
Le texte poétique illustre cette fable inspirée par la chanson Puff, the magic dragon [8] qui narre l’amitié entre un garçon et un dragon. Cependant, de nombreuses répétitions et quelques coquilles, des soucis au niveau de la ponctuation ralentissent la lecture. L'adaptation en français ne s'avère parfois pas très fluide et dure à déchiffrer.
Le texte, par le choix des polices de caractère, s’intègre bien dans les
phylactères sauf dans le cadre des incantations où il devient difficile à
déchiffrer. Kotoji propose une édition petit format de qualité : papier épais, impression fine, malgré les détails ténus, des pages couleurs, jaquettes à rabats. Toutes les onomatopées sont traduites, les bonus, les explications de l’auteur sont conservés.
Little Cloud compose un charmant récit de fantasy tout en poésie et onirisme où les bateaux volent et les dragons prennent forme humaine. Destinée aux jeunes adolescents, cette courte saga se boucle en trois volumes, sans répits ni temps mort pour les héros. Malgré les souffrances, l'optimisme, la confiance et l’amitié règnent.
Une suite existe et il n’y a plus qu’à espérer que les éditons Kotoji la sortent.
[2] Pseudonyme de l’artiste chinoise.
[3] Depuis que les logiciels de retouches d'image sont devenus plus simples à manier et accessibles, beaucoup d’auteurs incrustent des photos retravaillées en guise de décors, ou utilisent des objets modélisés (maisons, table, voiture, fourchette...) que l’on peut trouver dans des banques de données, prêts à l’emploi. Il en ressort une froideur et une affreuse impression de normalisation graphique.
[4] Ou crayon de bois, mine de plomb lorsque la protection en bois est absente.
[5] Autrefois utilisées par les dessinateurs de BD et les architectes, les trames sont de grandes feuilles plastifiées, transparentes, sur lesquelles sont imprimés — en densité de points noirs — des niveaux de gris, ou des motifs, des textures voire même des décors désormais disponibles sous forme numérique.
[6] Par exemple, le manga Superior, d’Ichtys. Si le picth de départ semble intéressant (le roi démon se lie avec le paladin venu le tuer), le récit s’enlise dans des poncifs où les atermoiements des divers personnages empêchent la progression de l’action et où le conformisme rend l’ensemble convenu et fade.
[7] On connaît le travail d’Akihiro Yamada grâce au manga La dame de Falis - Farisu no Seijo, publié en français chez Delcourt puis chez Kami. Son graphisme somptueux et ultra détaillé orne divers romans et mangas de fantasy pour lequel il est taillé.
[8] Puff, the magic dragon est une chanson écrite par Leonard Lipton et Peter Yarrow sortie en 1963.
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