Piranèse
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Au milieu d'une forme de renouveau du space-opera et des habituelles sagas de fantasy, le roman Piranèse fait figure d'exception dans le genre, à l'image de son auteur sans doute. Par son dispositif narratif, par sa manière délicate de laisser s'insérer des éléments de SF dans ce qui ressemblait davantage à une sorte de rêverie poétique, par ses personnages singuliers, ce petit roman objectivement intrigant s'avère une petite réussite à tester par tout amateur de littérature de l'Imaginaire.

Susanna Clarke
, en effet, n'est pas, loin s'en faut, un auteur prolifique : après avoir roulé sa bosse depuis sa Grande-Bretagne natale jusqu'en Italie ou en Espagne comme enseignante, puis avoir travaillé dans l'édition, elle a mis du temps avant de publier son premier roman, Jonathan Strange & Mr Norrell en 2004. Un coup de maître, salué par la critique et bombardé de prix (dont le Locus et le Hugo, excusez du peu), un roman de fantasy imposant et d'une surprenante densité. 

Nous aurions pu d'ailleurs commencer par celui-ci, mais il se trouve que son second roman, Piranèse, sorti en France en 2021, est plus facile d'accès : à l'instar des recueils de nouvelles d'Arthur C. Clarke, il pourrait constituer une excellente porte d'entrée pour découvrir le talent de cette romancière fascinante.

Imaginez un peu : Piranèse nous présente son monde, et son monde est un palais. Un immense, un gigantesque palais, aux dimensions brobdingnagesques, constitué d'une enfilade de milliers de salles dallées de marbres, emplies de statues, de socles vides, de niches et d'alcôves, et précédées d'autant de vestibules qui s'étendent dans toutes les directions. À l'étage, autant de salles traversées par les nuées et peuplées d'oiseaux. En-dessous, d'autres salles régulièrement englouties au gré de marées dont il a appris à connaître le rythme. C'est dans ces lieux qu'il pêche de quoi se sustenter et qu'il trouve des algues à sécher pour pouvoir emplir sa paillasse ou faire de temps à autre un petit feu. 


Illustration d'Hannah Lock


Il occupe son temps en parcourant ce labyrinthe infini, mémorisant les statues les plus intéressantes (tels ces Minotaures de trois mètres, ce Faune, cet Enfant aux Cymbales, ce Gorille ou encore cet Éléphant portant un Château), répertoriant dans ses précieux carnets les faits les plus notables (comme la survenue d'un albatros ou la découverte de la salle aux coraux), prenant religieusement soin des ossements plus ou moins anciens d'individus qui ont peut-être hanté ces couloirs naguère et rendant régulièrement hommage aux bienfaits procurés par le Palais. Il se vante d'avoir visité mille six cent soixante-dix-huit de ces salles.

"La Beauté du Palais est incommensurable, sa Bonté infinie." 

Armé d'un bon sens aiguisé et d'une logique exacerbée (il se qualifie lui-même de scientifique), il arpente ces corridors et ces escaliers déserts sans rechigner, répétant ses petits rituels et tentant parfois de tirer quelques conclusions sur les rares événements altérant sa routine. On sourit souvent devant sa candeur tout en s'efforçant de trouver un sens derrière ce décor solennel, ainsi que des réponses aux innombrables questions qui fleurissent au gré des paragraphes qu'il rédige. Impossible de connaître son âge : la naïveté dont il fait preuve devant certaines situations laisse parfois penser qu'il est très jeune, mais d'autres éléments indiquent le contraire. Il ne se décrit pas vraiment, tout au plus sait-on de quoi il se pare les cheveux et quelle taille il mesure. Depuis combien de temps est-il dans ce lieu étrange ? Aucun indice, mais plusieurs années sans aucun doute si l'on s'en tient à ses souvenirs. Rien sur ses parents, sa famille, sur comment il s'est procuré les stylos pour écrire (ou sa montre, ou ses chaussures, ses petits sacs en plastique et d'autres petits accessoires dont il dispose) ou les carnets qu'il remplit méthodiquement quoique de façon assez curieuse, mettant des majuscules à presque tous les substantifs, y insérant cette déférence pieuse du disciple envers son dieu : 
"J'escaladai le Mur Ouest jusqu'à ce que j'atteigne la Statue d'une Femme portant une Ruche, quinze mètres au-dessus du Dallage."
Illustration d'Hannah Lock


Le Palais est son monde et il en est le gardien et l'unique occupant conscient. L'unique ? Mais voilà qu'apparaît, et très tôt, l'Autre. L'Autre est un homme élégant que Piranèse rencontre deux fois par semaine dans une salle précise pour un entretien planifié : c'est un individu assez âgé mais au port digne, sérieux, impeccablement vêtu de costumes parfaitement taillés et qui poursuit assidûment la Quête d'un Grand Savoir Secret qui serait enfoui quelque part dans ce Palais, un Savoir qui lui confèrerait un pouvoir inimaginable. Piranèse n'a que faire de ce Pouvoir, mais une quête scientifique a le don de le motiver et il se prête de bonne grâce aux questionnements de cet homme qu'il ne nomme pas.



Voilà qui change tout. L'Autre permet ainsi de résoudre certaines énigmes initiales, tout en en introduisant d'autres : qui est-il ? Que veut-il ? Où habite-t-il (car si l'on sait précisément où dort notre Candide, ce dernier ne voit jamais l'Autre hors de cette salle dans laquelle ils se donnent rendez-vous) ? Et l'imagination de prendre le relais : autre dimension ? Monde parallèle ? Rêverie ? L'Autre est manifestement la clef pour que nous puissions enfin comprendre les tenants et aboutissants de cet univers étranger, et pourtant il semble le connaître beaucoup moins bien que Piranèse qui, lui, le parcourt dans tous les sens depuis longtemps. Et l'on ne sait pas pourquoi les statues de l'étage englouti sont aussi gigantesques, pourquoi, dans d'autres salles, elles représentent des créatures semblant émerger des murs ; et pourquoi certaines salles se sont effondrées. Chaque exploration génère un mystère savamment distillé.

C'est alors qu'un événement majeur vient rompre la relative monotonie de l'existence de Piranèse : un soir, il surprend la présence d'une autre personne. Pas l'Autre, mais Quelqu'un d'autre. Peu après, il tombe sur des emballages alimentaires et un message écrit. Dès lors, son existence est bouleversée, et il va s'atteler à retrouver cet étranger de passage, quand bien même l'Autre lui recommande de s'en méfier. Et c'est le début de révélations en chaîne qui dévoileront, petit à petit, toutes les circonstances (certaines tragiques) ayant amené notre héros dans ce monde à part.


Illustration d'Hannah Lock


Les images saisissantes décrites dans les carnets, empreintes d'une douce poésie un peu nostalgique, d'une noblesse archaïque et de cette étrangeté onirique qui résiste au réveil, installent le lecteur dans un agréable cocon de mystère tandis que sa raison lutte pour tenter de démêler le dense écheveau des conclusions qui défilent. Loin des romans de SF spatiale bardés de techno-babillage abstrait, Piranèse sait titiller notre fibre aventureuse sans verser dans le sensationnalisme : pas d'explosion nucléaire, de rayons de la mort, de robots déprogrammés ou de créatures extraterrestres, de programmes malveillants, de virus mutagènes ou de zombies irradiés.
Juste un Palais désert avec un garçon qui l'habite. 

Et cela suffit pour nous accrocher jusqu'aux dernières lignes de la trois cent onzième page de ce roman délicieusement captivant, dans un style discret et élégant difficile à comparer, même si on y trouve par moments un peu de cette douce quiétude qui transparaissait chez Philippe Curval dans La Forteresse de coton, mais sans la langueur décadente et l'atmosphère fin de siècle. Le traitement SF un peu impressionniste fait davantage penser à quelques oeuvres cinématographiques poignantes comme Never Let me go. À vous de juger.

Écho #64 : Mac Danold en VF !
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Les fans des canards sauce italienne peuvent se réjouir avec une grosse sortie ce mois !

En effet, alors que l'intégrale Disney Masters (en version originale) consacrée au personnage de Mac Danold n'en finit pas d'être repoussée (d'avril à juillet, puis septembre), le Super Picsou Géant Hors Série de ce mois - L'histoire de la dynastie Picsou, tome 5 - propose une sélection de sept récits de Marco Rota mettant justement en scène la version écossaise de Donald.

Au sommaire, l'on retrouvera :
- Le rôti de la victoire
- La malédiction de la pierre runique
- Un grand amour de Viking
- Plus puissant que l'épée
- Le noble petit Crack
- Mission impossible
- Ils sont fous ces Romains

Outre ces histoires de Mac Danold, le Hors Série comprend également trois autres récits orientés sur la même époque :

- La saga de Donaldsson
- Aïe, aïe, aïeux
- Dingorik le rouge

L'habillage de ce tome de 242 pages, qui revient sur l'histoire de la famille Duck, est soigné également. Outre la superbe couverture, on a droit à un peu de vieux norrois (traduit) ou même des inscriptions en runes afin de faciliter l'immersion dans ce passé lointain. Quelques illustrations, infos (sur les Vikings) et repères chronologiques complètent le tout. 
Au niveau du texte, on notera quelques coquilles (dont une dès le sommaire), mais rien de catastrophique.

Une bonne pioche donc, il ne manque finalement que le célèbre "Petit Crack en plein Micmac" pour que ce recueil soit complet (en tout cas, au niveau des longs récits). 
Un collector à ne pas rater !




The Incredible Hulks : Dark Son
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Spider-Man et Wolverine, à lire nos chroniques, sont les deux piliers de l’Univers Marvel. Le premier a pour lui l’ancienneté et un statut d’icône (sa face masquée ayant longtemps accompagné le logo de l’éditeur), l’autre un charisme inimitable et une popularité incontestable. Cependant, il est un troisième personnage qui a régulièrement été mentionné sur nos pages : Hulk. Ce personnage au pouvoir presque sans limite, à la furie incontrôlable dépendant de la frustration de son alter-ego à l’intellect brillant, a souvent été le héros d’épisodes ou d’arcs particulièrement réussis, parvenant à faire vibrer voire émouvoir ses lecteurs tout en proposant, sous la plume incomparable de Peter David, certaines des plus belles pages de comics de la fin du XXe siècle. Inclassable, quoique ayant de plus en plus tendance à se ranger - c’est d’ailleurs son côté Bruce Banner qui devient plus redoutable et implacable - il dégage une aura particulière et permet ainsi des scripts à rebondissements.

Qu’il ait fait face à des armées extraterrestres ou des entités cosmiques, Hulk a toujours réussi à sauver sa planète natale, dont les habitants n’ont rien trouvé de mieux pour le remercier que de l’exiler outre-espace. Bien mal leur en a pris, et vous le savez si vous avez parcouru la série World War Hulk. Si le crossover souffre des mêmes défauts de la quasi-totalité des events du genre, en aboutissant à un statu quo tiré par les cheveux, il a tout de même été engendré par une mini-série de très haute qualité, Planet Hulk, qui a permis par la suite d’amener un nouveau personnage dans la galaxie hulkienne : son fils Skaar.



L’arrivée de Rulk (le Hulk Rouge), malgré une écriture intéressante et d’excellents dessins, a divisé le lectorat. Un mystère des origines un peu forcé et des combats titanesques avec des adversaires de plus en plus puissants vont contribuer à pousser le premier Hulk dans ses retranchements jusqu’à ce qu’il parvienne à le vaincre. Voir Rulk assommer d’une pichenette des sommités galactiques, c’était fun, mais ça n’augurait rien de bon. 

D’autre part, ajouter des Hulk jusqu’à plus soif, c’était aussi courir le risque d’épuiser le filon. World War Hulks et la venue de Skaar ont été l’occasion d’arcs denses et souvent passionnants, avec un Banner aux commandes (en mode Tony Stark, jouant constamment aux échecs en tentant d’avoir en permanence un coup d’avance sur l’Intelligentsia) mais ont généré un peu trop de créatures aux pouvoirs dévastateurs. Nul doute qu’il faille élaguer, mais les scénaristes hésitaient encore en s’égarant dans la période « exploitons cette aubaine ».




Et cette aubaine, ce fut un autre fils : il se nomme Hiro-Kala, est né sur une autre planète (évidemment). Avec une autre reine extraterrestre (ben tiens !). Le fils a (bien entendu) hérité des pouvoirs de son titanesque père, mais également de l’Ancienne Force. Ça lui est monté à la tête. Il a commis des atrocités. Hiro-Kala est tout-puissant. Il revient sur Terre, armé de tout un monde, pour se venger. À moins que ce ne soit pour autre chose, que son cerveau malade a du mal à formuler. Et c’est à l’équipe des Hulk de faire face, l’ultime chance de sauver la Terre dans un remake apocalyptique d’Armageddon (le film) mais sans la fiancée qui pleure son papounet.


L’arc de six épisodes a été publié en 2010 dans la série The Incredible Hulks. On y voit Bruce Banner, entouré de ses amis fidèles Korg, Jennifer Walters/Miss Hulk et A-Bomb/Rick Jones, tentant de recoller les morceaux avec Betty (elle-même encore perturbée par sa transformation en Miss Hulk Rouge) et d’élever son fils Skaar comme il le peut. Cela donne lieu à des séquences familiales pour le moins explosives : quand les Hulk s’énervent, ils détruisent une montagne, mais ça les fait marrer. Une scène de ménage entre Bruce et Betty engendre des séismes. Imaginez donc le plan : avec une telle puissance, associée à celle de Skaar, on peut facilement dévier une planète. Ou la faire sauter. Il serait intéressant de voir s’affronter Hulk et Sangoku, tiens… juste pour voir. À tous les coups, un geek s’est penché sur la question et a pondu un petit film d’animation bien sympathique. 

Greg Pak nous a ainsi concocté quelques affrontements bien dévastateurs, et un épisode commence par une belle baston entre Hulk et les Secret Avengers, baston traitée avec une étonnante légèreté de ton. Tom Raney fait son boulot sans génie, néanmoins les deux épisodes qu’il illustre sont agréables à regarder. Les derniers sont orchestrés par un Barry Kitson bien pâle, incapable de rendre correctement les duels gigantesques du grand finale. On n’est pas loin du pétard mouillé.

Pour d’autres super-héros, cela aurait pu constituer des épisodes dans la moyenne, avec un petit « pourquoi pas ? ». Pour Hulk, c’est forcément décevant. Ceux qui voudraient tout de même tenter le coup peuvent le trouver pour pas cher chez Panini comics (édition 2011) en seconde main.





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Hulk au pluriel.
  • Des scènes de ménage boostées aux rayons gamma.
  • Banner va devoir encore sauver le monde.

  • Rien de nouveau. La redite est même agaçante.
  • Des dessins n'étant pas à la hauteur des enjeux.
Legenderry
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Un auteur exceptionnel, des personnages légendaires et à l'arrivée... un gros flop ! C'est le bilan de Legenderry - L'Aventure Steampunk.

Tout commence dans la ville de Big City, quand une jeune femme poursuivie par un groupe de clones surarmés se réfugie au Scarlet Club, tenu par Madame Pendragon, alias Vampirella. La demoiselle, courroucée par le comportement des malfrats qui ont eu l'outrecuidance d'occire une partie de son personnel, va les découper en rondelles avec l'aide d'un certain Britt Reid, richissime magnat de la presse et alter ego du célèbre Frelon Vert.
Enquêtant sur cette tentative d'enlèvement, les deux compères vont découvrir une machination obscure, dans laquelle sont mêlés les pires criminels du continent. Avec l'aide de prestigieux alliés, ils vont devoir s'interposer pour éviter l'avènement d'un terrible monstre.

Quand un auteur de la trempe de Bill Willingham développe un nouveau projet, l'on a tendance à espérer le meilleur. Le scénariste a en effet fait des merveilles sur Fables, une série devenue culte par la grande qualité de son écriture. Et le pitch de départ de Legenderry ressemblait d'ailleurs étrangement à la relecture des contes pour enfant que Willingham avait brillamment réalisé. Ici, le Grand Méchant Loup ou Cendrillon font place à Red Sonja, Zorro, Flash Gordon, Green Hornet, Vampirella ou encore Steve Austin (l'homme qui valait trois milliards, ou plutôt, dans cet univers, trois mille yars). Le tout dans un environnement steampunk, tout cela sentait donc plutôt bon.
Et pourtant, les problèmes sont nombreux à l'arrivée.




Tout d'abord, les dessins de Sergio Fernandez Davila échouent totalement à rendre la magie de l'univers décrit. Les décors sont peu nombreux, bien ternes et souvent très artificiels. Même si l'illustrateur s'en sort mieux avec les costumes et les véhicules, on est loin de l'atmosphère envoûtante d'un Luther Arkwright ou d'un Grandville par exemple. La colorisation de Wes Hartman et Robby Bevard, très flashy, n'aide pas à embellir les rares lieux qui pourraient avoir un certain charme. Et il faut dire que le choix de l'éditeur, portant sur du papier glacé, amplifie encore cet effet clinquant et sans nuances. Un papier mat aurait sans doute été plus approprié.

Mais les plus gros problèmes proviennent étonnamment de l'écriture. Tout d'abord, l'univers décrit manque de profondeur. Là encore, toujours cette impression, tenace, d'artificialité, et ce jusqu'au niveau de la carte du monde de Legenderry, dont les noms reflètent la platitude de l'ensemble : La mer s'appelle "la Mer" ; les noms de régions sont aussi originaux que "le Nord", "la Forêt" ou "la Jungle" ; la ville principale s'appelle "Big City" et le nom de l'île la plus importante est... "l'île".
L'intrigue, simpliste, n'est pas bien gérée non plus. Il y a bien des combats réguliers (assez gore d'ailleurs, avec décapitations et démembrements), mais sans véritable enjeu ni dramatisation ou suspense. D'autant que l'on se fiche aussi des personnages, dont on ne connaît rien si ce n'est le nom. C'est sans doute le plus gros couac de la série, Willingham ne parvenant pas du tout à insuffler un peu de vie dans les nombreux protagonistes qui défilent au long des épisodes. Il y a certes des noms connus, même parmi les "méchants", avec le Docteur Moreau, l'Empereur Ming ou encore Kulan Gath, mais héros comme antagonistes ne sont que des coquilles vides, sans aucune personnalité, aucun caractère.




L'on pourra objecter que l'auteur doit gérer une foultitude de personnages et qu'il n'est pas facile de leur donner à tous de l'épaisseur, mais là, en 154 planches (ce qui est énorme !), il n'y en a pas un qui ait ne serait-ce que le début d'une personnalité. Alors que Fables était passionnant dès les premières pages. Et quand bien même le format imposé empêcherait de traiter convenablement les personnages, la logique commanderait alors d'en changer. Depuis quand le format serait prioritaire par rapport à l'intérêt de la série ? Le côté très fonctionnel des scènes est étonnant également. Il n'y a aucun humour, aucun moment permettant d'étoffer les personnages et de comprendre leurs motivations, aucun moment d'émotion, aucun "habillage", rien que du très pragmatique servant à faire avancer une histoire poussive et déjà lue un bon milliers de fois.

Et ce n'est même pas tout. L'adaptation française souffre de quelques fautes (dont certaines énormes tout de même, la traductrice ne faisant visiblement pas la différence entre un "boxeur", donc quelqu'un qui pratique un sport de combat, et un "boxer", qui désigne un caleçon ou un chien), d'une ou deux erreurs de lettrage et d'une ponctuation hasardeuse (avec notamment des points d'interrogation qui n'ont rien à faire dans des phrases affirmatives). Ce n'est pas honteux non plus sur l'ensemble, mais ça aurait mérité une bonne relecture. Par contre, niveau bonus, c'est blindé : le lecteur aura droit au scénario complet du premier épisode, à des études de personnages et à un paquet de variant covers
D'autres tomes, écrits par des auteurs différents, continuent l'exploration de cet univers et sont centrés sur des personnages particuliers (Red Sonja, le Green Hornet et Vampirella). Le souci, c'est que ce premier volume est tellement insipide qu'il ne donne pas du tout envie de se plonger dans la suite. On se demande d'ailleurs comment Dynamite, l'éditeur américain, a pu valider une telle soupe tiède alors que Legenderry aurait pu servir de vitrine de luxe à son univers. Quel gâchis !
  
L'éditeur français, Graph Zeppelin, aguichait le lecteur sur la quatrième de couverture en parlant d'une "aventure illuminée aux becs de gaz et propulsée à la vapeur et à l'adrénaline". La vapeur, il n'y en a pas eu tant que ça, et l'adrénaline, on l'attend encore. Avec une intrigue convenue et plate, des personnages transparents et un univers peinant à générer le moindre intérêt, le résultat s'avère décevant. 






+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Des personnages connus, qui rappelleront certainement de bons souvenirs à certains.
  • Une partie bonus très complète.

  • Un univers manquant d'intérêt et qui paraît très factice.
  • Des personnages dénués d'âme. 
  • Une intrigue banale.
  • Une VF perfectible. 
Punisher : sang pour sang
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Univers Multiples, Axiomes & Calembredaines aime le Punisher. Si les articles qui lui sont consacrés sont relativement peu nombreux, son ombre plane sur de nombreuses œuvres de la galaxie Marvel. Cependant, nous l'avons sur UMAC davantage traité sous l'angle Garth Ennis, un auteur plébiscité qui a fait de cet anti-héros un personnage terriblement fascinant. Or, Rick Remender a réussi à relever le gant lorsqu'il a hérité de Frank Castle, et les arcs qu'il en a tirés valent le coup d'œil : le scénariste a d'ailleurs été souvent admiré ici même pour son écriture dynamique et ses histoires jouissives (cf. l'excellent Deadly Class).

Aujourd'hui, nous allons évoquer une mini-série en cinq épisodes sortie en 2011, éditée en France dans la foulée chez Panini au sein de la collection "Marvel Saga", avec une traduction de Laurence Belingard : Punisher - In the Blood.

Le Punisher est de nouveau dans la course. Bien que redevenu humain - et donc plus vulnérable que sous sa forme « Franken-Castle » - il est plus décidé que jamais à combattre les criminels tout en se vengeant de ceux qui l’ont fait récemment souffrir mille morts. Hood et son ancien acolyte Microchip sont dans son collimateur, et il a pris pour l’épauler Henry, un jeune hacker qui n’est autre que le fils du Puzzle, un de ses anciens adversaires récurrents…

Voilà Castle qui repart en croisade, toujours animé par la vengeance. On pourrait s'en lasser, mais le fait est que certains personnages ont été créés explicitement dans cette optique, et lorsque leur traitement est réussi, la lecture procure irrésistiblement un plaisir régressif d'une rare intensité. On sait qu’on aura droit à des affrontements testostéronés, violents et souvent sanglants - sans concession, pas même une punchline assassine. Ça défouraille, ça dézingue et le Punisher avance au milieu de ses victimes vers son prochain objectif, implacable, incarnation de l'inéluctabilité létale.

Il m’a taillé, taillé et retaillé. À chaque bagarre, c’était pire. Un aide-mémoire ambulant. Regarde-bien, tu peux lire sur ma tête. […] Ma gueule, c’est son affiche publicitaire.

Remender a apporté à ce schéma bien rôdé une certaine profondeur : Castle a frôlé la mort et, si ses motivations sont restées plus ou moins les mêmes, son attitude face à elles a relativement changé. Tout comme ses relations avec ses ennemis, ou avec ses rares alliés. Cela ne l’empêche pas d’être aussi, voire plus, efficace qu’auparavant, et s'il ne verse pas dans le remords, ses introspections lui confèrent un aspect plus humain qu’auparavant - et rendent le récit plus riche. Un phénomène sensible également dans les histoires de Wolverine de la même époque.
 
Cette fois, il va se retrouver pris au piège d’une machination assez subtile qui le frappera là où se trouve l’un de ses rares points faibles, en dehors du souvenir de sa famille : son associé. Ressuscité par Hood, Microchip a trahi Frank, chose qu’il ne peut absolument pas laisser passer. Mais quel risque que prendre le fils d’un criminel (qui lui voue par ailleurs une haine féroce) comme partenaire ! À moins que ce ne soit mûrement calculé : car le bonhomme a montré face à des adversaires (sur le papier) plus coriaces ou puissants que lui qu'il avait toujours un as dans la manche, un plan B, une arme secrète qui faisaient soudain pencher la balance en sa faveur. Déjà, à l'époque où il avait été proprement mis en pièces par Daken (le fils de Wolverine), bien malin qui aurait pu prédire son retour...

Sang pour sang se pose comme un récit violent et retors, et s'avère assez réussi compte tenu du cahier des charges. Roland Boschi ne fait pas dans la dentelle, ses visages grossiers et ses postures peu académiques confèrent à l’ensemble un côté mal dégrossi qui parvient néanmoins à retranscrire assez efficacement la brutalité des affrontements, tant physiques que verbaux. L’encrage très froid peut décontenancer de prime abord.
Culpabiliser rend intègre.
Ce numéro 12 de "Marvel Saga" avait la bonne idée de nous gratifier de quelques très belles couvertures en prime, ce qui le rend d'autant plus intéressant à dénicher.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le retour de Frank Castle.
  • Une mini-série menée tambour battant.
  • Remender au mieux de sa forme.
  • Une édition plutôt bon marché au regard de son contenu.

  • On peut éventuellement reprocher un manque d'originalité, surtout après l'épisode Franken-Castle.
  • Des dessins étonnamment froids et un design assez grossier.