À l'Ouest, rien de nouveau
Publié le
7.11.22
Par
Nolt
Actuellement sur Netflix, À l’Ouest, rien de nouveau s’impose comme une excellente adaptation et un très bon film sur la Première Guerre mondiale.
1917. Paul et ses camarades s’engagent dans l’armée impériale du Kaiser, le sourire aux lèvres, heureux de faire leur devoir et de bientôt marcher sur Paris. Lorsqu’ils rejoignent le front occidental, leur enthousiasme est soufflé par la violence des bombardements, la saleté repoussante des tranchées et le hurlement des blessés, déchiquetés par la mitraille.
Pour ces jeunes gens, perdus dans un conflit qui les dépasse, commence alors une longue litanie de combats, d’attente, de privations et de traumatismes. Un an plus tard, l’armée allemande, qui n’a toujours pas pu exploiter la moindre offensive pour briser la ligne de front, doit faire face à l’arrivée toujours plus massive des Américains. De longues négociations s’engagent au plus haut niveau. Mais chaque jour, chaque heure, coûte des vies. Encore plus de vies…
Il est important, dans un premier temps, de s’arrêter un instant sur le roman éponyme d’Erich Maria Remarque (Im Westen nichts Neues), dont ce film est une adaptation. Il s’agit d’un récit s'attachant au destin de soldats allemands mais touchant à l’universalité. Le propos n’est nullement manichéen ou revanchard mais tend à condamner l’absurdité d’un conflit terriblement meurtrier. Et c’est plutôt bien fait. Car si À l’Ouest, rien de nouveau est un roman qui condamne la guerre, il le fait intelligemment et sans recourir aux propos vains et mille fois radotés d’auteurs qui pensent faire un exploit en enfonçant des portes largement ouvertes. De plus, si condamner ce conflit armé et ses responsables de nos jours ne demande aucun courage, il n’en était pas de même en 1929, date de parution du roman.
Ce roman a d’ailleurs été accueilli de manière mitigée à l’époque, certains auteurs reprochant à Remarque l’utilisation de personnages à la psychologie parfois caricaturale (ce qui peut s’admettre, effectivement) mais aussi des erreurs techniques concernant certaines tenues ou quelques armes, ce qui n’a finalement que peu d’importance, le propos de cette fiction ne résidant pas dans ce genre de détails.
Le réalisateur, Edward Berger, partait donc avec sous le bras un matériel de qualité. Restait à le mettre en scène de manière convaincante. Et force est de constater que si Im Westen nichts Neues n’atteint pas la beauté crépusculaire et la maestria visuelle d’un 1917, il en a le souffle épique et désespéré. Les scènes dans les tranchées sont impressionnantes, tout comme les combats au corps à corps, les bombardements ou les charges de blindés. Les moments de la vie quotidienne sont également porteurs de sens et permettent aux acteurs de livrer des prestations hautement honorables.
Alors, certes, l’on ne peut échapper à une certaine caricature, mais c’est le sujet qui veut ça. Difficile en effet d’évoquer les tranchées sans recourir à ce qui pourrait apparaître comme des clichés (le désespoir des soldats, l’inflexibilité des officiers, la peur qui ronge jusqu’à la folie, la puanteur omniprésente…) qui demeurent pourtant des faits bien réels.
L’on peut reprocher au film de passer un peu vite sur certains passages poignants et importants du roman, comme la condamnation de ces maîtres qui envoient les gamins dont ils ont la charge poursuivre une chimère, sans leur faire part des atrocités qu’ils préfèrent taire ou, plus probablement, qu’ils n’imaginent même pas. Mais globalement, le fond est parfaitement rendu. Plus qu’une condamnation de principe du recours parfois inévitable aux armes, il s’agit ici de dénoncer l’acharnement criminel, la transformation d’une société (allemande comme française) en machine à broyer des gamins et l’absurdité d’une guerre qui a consisté pour l’essentiel (sur le front Ouest en tout cas) à sacrifier des millions d’hommes pour quelques rigoles sanglantes, perdues dans un paysage lunaire. C'est un peu plus compliqué que ça, évidemment, mais sur un pur plan factuel, cela revient tout de même à ça.
Certaines critiques actuelles dénoncent le parti pris avec lequel sont soi-disant présentés les officiers français (Foch, Weygand…) qui participent aux négociations concernant les conditions de reddition de l’Allemagne. Alors, d’une part, ces généraux sont des hommes de leur époque, et en plus des militaires, autant vous dire qu’il y a de grandes chances pour qu’ils aient été un peu… « secs ». D’autre part, il est évident que les Français se sont montrés rigides et exigeants jusqu’à l’absurde lors de ces négociations, au point d’ailleurs qu’ils perdront la paix après avoir gagné la guerre (et installeront les conditions d’un nouveau conflit qui se déclenchera quelques années plus tard).
Voilà un très bon film (qui se suit avec intérêt et même passion malgré ses 2h30) et une adaptation intelligente d’un roman dont la force reste intacte de nos jours. Certes nous ne sommes pas dans de la précision méticuleuse sur le plan technique, mais il s’agit après tout d’une fiction, non d’un documentaire.
Le fait d’être du côté allemand permet en plus (pour les spectateurs français en tout cas) de découvrir un point de vue différent, même si en réalité, les conditions furent les mêmes pour chaque camp. Cette guerre, souvent menée par des bouchers, a été vécue par des mineurs, des ouvriers, des paysans, des artisans, des enfants même, d’un côté comme de l’autre. Ils ont non seulement vécu l’horreur intemporelle de la guerre mais aussi la mécanisation et la démesure d’un conflit qui a, comme rarement, vu les pires saloperies (gaz, bombardements massifs, lance-flammes, chars…) être employées de concert.
Au final, cette histoire (le roman comme le film) ne condamne pas la guerre, ce qui serait aussi vain que de se plaindre de la pluie, mais ses effets les plus monstrueux. En cela, elle demeure indispensable et permet de faire parvenir jusqu’à nous les râles de soldats que la terre a depuis longtemps engloutis.
Plus que réussi, indispensable.
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