Sweet Home : du webtoon à Netflix



Attention, monstres et héros coréens sont au menu de Sweet Home, que l'on découvre tout de suite !

Sweet Home, à la base, est un webtoon sud-coréen édité par Naver et disponible en version française sur webtoons.com (l'adaptation française est signée Makma). Ce récit, écrit et dessiné par Carnby Kim et Youngchan Hwang, est un survival horrifique, très orienté action, et qui se déroule presque exclusivement dans un seul lieu : un grand immeuble abritant de nombreux appartements. 
Tout commence lorsqu'un jeune garçon, qui vient de perdre sa famille et a de sérieuses tendances suicidaires, vient emménager dans la fameuse tour. Très vite, il remarque le comportement étrange de certains locataires. Puis, la situation bascule et devient dramatique : une épidémie d'origine inconnue transforme certains humains en monstres épouvantables et meurtriers...

Bon, les webtoons, déjà, il faut savoir que c'est un peu particulier au niveau de la narration. Vu le support visé (les smartphones essentiellement), les scènes se lisent de "haut en bas", en faisant défiler les différentes séquences, ce qui impose certaines contraintes techniques (les effets ne seront pas les mêmes que dans une BD classique). De plus, même si Sweet Home fait probablement partie, avec unOrdinary, des meilleurs webtoons actuels (en tout cas, parmi ceux que je connais pour avoir bossé dessus), le genre reste quelque peu "amateur" au niveau de l'écriture. Ne vous attendez pas, par exemple, à une profondeur telle que celle que l'on a pu connaître sur les dix premiers tomes de The Walking Dead. Même si bien entendu il y a aussi des moments quelque peu intimistes ou émouvants, globalement, c'est une action très dynamique qui va être privilégiée, ainsi qu'une atmosphère lugubre et tendue, obtenue notamment grâce à une colorisation presque monochrome, tendant vers le rouge/brun cradingue.



Cette histoire post-apocalyptique aurait pu passer relativement inaperçue si Netflix n'avait pas lancé une adaptation en série TV, dont la première saison (10 épisodes) est maintenant disponible. 
Et finalement, sans grande surprise, la série possède à peu près les mêmes qualités et défauts que le webtoon, dont elle suit plutôt fidèlement l'intrigue (du moins, au début en tout cas).

L'immeuble où l'action se déroule.
Une "merveille" d'architecture.
Dans les points positifs, citons la grande variété des monstres, qui sont plutôt bien rendus à l'écran, ce qui n'était pas gagné vu leur... originalité (cf. quelques exemples à la fin de cet article). En effet, nous ne sommes pas ici dans du "contaminé" ou du simple zombie, chaque humain se transformant possède ses particularités propres : géant musculeux, machin ressemblant à une araignée, créature transparente ou volante, bidule possédant des yeux un peu partout, le bestiaire s'avère vaste et sympa.

Même si la photographie de la série peine à rendre l'ambiance graphique du webtoon, le côté angoissant est souvent bien présent, avec quelques scènes choc et des effets réussis pour la plupart. Dans les points plus négatifs, citons les personnages, monolithiques et générant fort peu d'empathie. Le jeu des acteurs, hésitant entre l'impassibilité complète et l'outrance, n'aide pas vraiment non plus. M'enfin, si vous souhaitez du gore et de l'adrénaline, vous devriez être largement servi.

Reste à savoir, si l'on veut élargir un peu le propos, s'il est vraiment souhaitable de tout adapter systématiquement, comme si l'industrie du divertissement s'était emballée et déclinait avec frénésie, presque à l'infini et sur tous les supports, des récits à peine construits qu'elle s'empresse de recycler dans un inquiétant cercle sinon vicieux, du moins peu qualitatif. Tout, sous prétexte d'un vague effet de mode, n'a pas forcément vocation à envahir l'ensemble des plateformes. 

Une série qui vaut surtout pour ces monstres, totalement barrés. Le reste est trop classique et superficiel pour que l'on s'y attache vraiment.


Un exemple de la variété des monstres rencontrés dans le webtoon.

Un spécimen particulièrement bien "protéiné".

Certains monstres sont à mi-chemin entre le glauque et le ridicule.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une faune horrifique variée et surprenante.
  • Une réalisation nerveuse faisant la part belle aux scènes d'action.


  • Des personnages peu attachants et pour la plupart sous-développés.
  • Une intrigue qui tourne vite en rond et dégage un net parfum de déjà-vu.

Nottingham



1192. Alors que le roi Richard a eu la bonne idée de se faire capturer par un duc un peu susceptible, son frangin Jean, affectueusement surnommé "Sans Terre" par son père (véridique), complote pour monter sur le trône. Pour cela, il a besoin de pognon et du soutien des shérifs, nommés par la couronne. Or, il se trouve que l'un d'entre eux a... une identité secrète et une conception bien à lui de la justice.

Ce premier tome de la série Nottingham, intitulé La Rançon du Roi, n'est rien de moins qu'une réécriture du fameux mythe de Robin des Bois
L'intrigue est ici basée essentiellement sur le shérif de Nottingham qui, au lieu d'être simplement l'ennemi du héros, devient héros lui-même. Une approche originale, en forme de "what if...", qui pourrait bien redonner un peu de peps à une légende déjà moult fois déclinée, même si le long dialogue du début, servant à exposer le contexte, manque clairement d'habileté. 
L'aspect graphique demeure, lui, très classique, allant du fort joli (cf. la scène d'intro, ci-dessus) au plutôt rapide et dépouillé, avec des scènes d'action à la lisibilité parfois incertaine.

Le scénario est signé Emmanuel Herzet et Vincent Brugeas, les dessins sont de Benoît Dellac

Ce premier opus, de 56 pages, publié aux éditions du Lombard, devrait être disponible le 22 janvier, au prix de 14,45 euros. 
Notons que la version numérique sera proposée à 9,99 euros sur Izneo.


Collections, figurines & symboles



Est-on immature ou trop matérialiste lorsque l’on accorde de l’importance à des figurines, des bustes, des objets, des jouets, armes et vaisseaux issus de BD, films, séries TV et romans populaires ? 
Ben, on va tenter de répondre à cette question pour savoir si oui ou non on est des vrais putains de connards.

En général, la réponse des médias, c’est "oui". Grosso modo, si on lit des BD après 15 ans ou si l’on a chez soi des petits bonhommes colorés, on est au mieux un adulescent refusant de grandir, au pire un handicapé social. Je n’invente rien, j’avais d’ailleurs longuement commenté à l’époque (sur l’ancien UMAC) les reportages d’Envoyé Spécial et 66 Minutes sur le sujet (des merdes télévisuelles très orientées et malheureusement assez représentatives du manque de travail de certains journalistes). 
Si l’on essaie de s’intéresser sérieusement et objectivement à la question, la réponse sera, pour le moins, très certainement plus nuancée. 

Tout d’abord, il y a certainement une question générationnelle à prendre en compte. Nos arrière-grands-parents ou grands-parents décoraient leurs demeures avec des bibelots et napperons qui, forcément, conviennent moins à des adultes nés dans les années 70 ou 80. Et plutôt que de subir une décoration sinistre et passe-partout (dont Renaud fait une très bonne description dans sa chanson, La Mère à Titi), bien des gens ont souhaité s’entourer d’objets représentant des univers qu’ils aimaient et qui ont été synonymes de moments forts dans leur jeunesse ou plus récemment. Une figurine de Tintin, un vaisseau de Goldorak, un buste de Spider-Man, une épée de Game of Thrones, une carte de la Terre du Milieu, tous ces objets sont des éléments de décoration modernes et ne disent rien du niveau intellectuel de celui qui les possède. Car l’on peut être mature, avoir un vrai travail, des enfants que l’on élève correctement (selon leurs propres dires une fois devenus adultes), et s’intéresser à Magic ou aux Heroclix. Être adulte n’empêche en rien de rêver, se détendre, jouer ou se passionner. Et être responsable ne signifie pas faire la gueule et devenir sinistre. 

Il faut dire qu’il existe à l’heure actuelle une mode de la déresponsabilisation qui ne va pas dans le sens de l’adulte épanoui et libre que je décris. Notamment concernant les jeux vidéo, associés dans des pubs contre l’addiction à des psychotropes et considérés comme des drogues… 
Pourtant non, un jeu vidéo n’est évidemment pas dangereux en soi. Et il n’induit aucun effet physique ou psychologique (pas plus que la collection de timbres ou la pêche à la ligne en tout cas). Si un gamin meurt en jouant parce qu’il arrête de se nourrir, ce n’est pas le jeu qui est en cause. C’est son comportement de demeuré. Mais, évidemment, il est bien plus facile de dire à des parents que leur rejeton est victime d’une cause extérieure plutôt que de leur avouer qu’il est juste trop con pour survivre (et qu’ils l’ont mal élevé en prime). 

Globalement, donc, tous ces films, BD, romans ou jeux qui nous passionnent, et tous ces objets que l’on collectionne, ne sont ni dangereux ni révélateur d’un quelconque état. 
Mais alors, qu’est-ce qu’ils représentent ? Car, mine de rien, on sent bien qu’ils sont importants pour nous. 

C’est vrai, ils sont importants. Ils sont chargés en symboles et en moments forts. Ils représentent des moments merveilleux, effrayants, exceptionnels, vécus par procuration. Donc, par nature même, des moments qui nous ont fait grandir et non stagner. Certains psychologues de pacotille oublient un peu vite le phénomène de catharsis voire d’abréaction que la fiction induit. Et même sans cette libération essentielle, cette hygiène de l’âme, il faut encore accorder à la fiction une fonction importante de divertissement et d’expérimentation qui participe au développement normal et équilibré de tout individu.
Et même si l’on mettait tout cela de côté, il reste encore essentiellement le simple libre arbitre. Pourquoi un divertissement ou un élément de décor serait-il plus noble par le simple adoubement d’une quelconque intelligentsia, des médias ou de certains rabougris à la prétention grande mais à la vue anormalement basse ?


 
Maintenant, certes, il faut prendre également en compte le côté purement matérialiste, qui est somme toute inquiétant. Il n’est pas totalement idiot de penser que, comme le veut l’aphorisme, ce que l’on possède finit souvent par nous posséder. Mais que faudrait-il faire alors ? Vivre nus dans des cavernes ? C’est mal barré pour l’instant (et peu souhaitable malgré le mythe, toujours entretenu, du bon sauvage supérieur au salaud civilisé).
Il convient en effet de relativiser cette vision, par trop absolue et sans nuances. Car, si l’on ne peut être l’esclave des choses, les choses demeurent nécessaires à une vie épanouie. 
Prenons un exemple extrême : les tombes. 
Lorsque nos proches s’en vont, bien souvent et bien paradoxalement, ils nous accompagnent. L’on sent leur présence, on leur parle, parfois, ils hantent nos pensées de manière bienveillante. L’on sait qu’ils sont plus que la carcasse sans vie qui est en terre. Et pourtant, l’on a tendance à revenir sur leur tombe, ou le lieu où l’on a dispersé leurs cendres. L’être humain est ainsi fait qu’il a besoin de concret, de symboles, de lieux où déverser ses larmes ou ses paroles. 

Comme en toute chose, il convient sans doute de conserver un juste milieu. Tout ne doit pas, tout le temps, à n’importe quel prix, s’incarner. Mais pourquoi un souvenir serait-il néfaste ? Surtout que, les symboles et souvenirs, de tout temps, ont été conservés et "collectionnés" par les civilisations. Statues, monuments, cathédrales, monolithes, pyramides… en voilà du matériel ! Timbres, pièces de monnaie, cartes postales, photos… en voilà de la collection !
À chaque époque, sur chaque continent, l’être humain a voulu combattre le temps et soutenir la mémoire, en élevant des constructions insensées ou simplement en conservant chez lui quelques pacotilles lui rappelant l’essentiel. Nous sommes donc loin du matérialisme qui aliène l’humain, l’objet faisant ici plutôt office de support pour l’esprit, de béquille symbolique, de terreau subtil pour une mémoire s’épanouissant sereinement. 

Je ne voudrais pas que l’on se méprenne sur ma démarche. Je ne me défends de rien. Je n’ai à obtenir l’aval de personne. J’explique d’une manière dépassionnée et concrète ce qui me semble être la vérité, en tout cas ma vérité. 
Mais, même si cela allait contre l’idéologie dominante, je continuerais à accorder de l’importance aux choses. Je ne les place pas au-dessus des humains ou des animaux, j’estime juste qu’elles ont aussi leur place dans un mode de vie à peu près sensé. 
Je ne suis en rien limité par ces objets. J’aime ce qu’ils représentent, ce qu’ils me rappellent, ce qu’ils disent de moi, que ce soit des figurines, des éléments de décor, des armes ou des modèles réduits.  
Je crains que ce qui cause de nos jours débats stériles et emportements stupides ne soit rien d’autre que le manque de hiérarchisation des priorités. 
Je pourrais sacrifier tous mes objets de collection pour sauver un chat.
Et je sacrifierais mon chat pour sauver un être humain (pour peu qu’il ne soit pas mon ennemi).
Et tant que le symbolique n’empiète pas sur le vivant, le symbolique a non seulement sa place dans nos vies, mais il est même d’une importance cruciale. Car contrairement à ce que les imbéciles prétendent, le symbole n’a pas vocation à se substituer à la réalité (pas plus qu’une tombe, pourtant socialement très acceptée) mais à aider à la supporter.

Dans un même ordre d'idée, je ne crois pas non plus à une quelconque communauté de la pop culture. 
Ce n’est pas parce qu’un individu aime les mêmes films, romans ou BD que moi, qu’il collectionne les mêmes figurines, jeux ou bustes, que je suis automatiquement proche de lui. Une personne ne se définit pas par ses seuls hobbies (pas plus qu’elle ne se définit par son seul métier ou ses seuls défauts). Ce n’est pas parce qu’on trouve de l’intérêt dans des symboles identiques que l’on est "frères" de je ne sais quoi. C’est l’inverse. C’est parce que l’on partage des expériences fortes et communes que l’on crée des symboles communs. Et une fiction, ce n’est pas, et ça ne sera jamais, une expérience "forte et commune". Au contraire de la guerre par exemple (c'est souvent, malheureusement, le négatif qui soude, on peut facilement devenir "frères d'armes" mais l'on devient rarement "frères de Saint Seiya"). La fiction et ses représentations symboliques demeurent un domaine certes utile, mais personnel et léger. Voilà sans doute aussi pourquoi il convient de faire peu de cas des journalistes morandinèsques, des psychologues à la formation incertaine et aux buts inavoués, ou des petits juges des réseaux sociaux, qui condamnent vite et violemment des domaines dont ils ignorent tout. Pour eux, tout est grave et matière à polémique. Mais nous, collectionneurs, savons bien que nos objets ne sont ni des entraves ni d'aliénants totems, mais des bulles et parcelles d'imaginaire, de douces et nobles parenthèses qui font partie de nous mais ne nuisent nullement à nos vies sentimentales ou professionnelles et ne font certainement pas de nous des trous du cul retombés en enfance ou des irresponsables.
Ces objets ne bornent pas nos limites mais jalonnent notre parcours. Ce sont les cailloux semés pour retrouver métaphoriquement le chemin de nos souvenirs fictionnels. Une trace dans l'imaginaire. Un panneau vers nous-mêmes. 



Nos cœurs et nos greniers sont des cimetières d'objets.
Monique Corriveau




Cannon



 
Rien de plus convenu que les premières pages des aventures de John Cannon : super-agent du gouvernement américain luttant contre la menace communiste, son torse massif résiste aux balles, son intelligence déjoue tous les plans machiavéliques et les jeunes femmes plus que dénudées qu’il croise tombent irrémédiablement dans ses bras. Que voulez-vous, il incarne cet idéal masculin, prêt à tout pour sauver la nation, obéissant aux moindres ordres de ses supérieurs, enchaînant les parties de jambes en l’air comme on grille une clope...

Les 100 premières planches de Cannon peuvent se montrer indigestes pour qui n’apprécient pas les fictions de surhomme, plus fort que James Bond, plus viril que Sean Connery, et où les chairs des femmes remplissent les cases. L’action rapide et elliptique n’est compréhensible qu’avec des cartouches et de longues tirades qui (ouf !) s’amenuisent au fil de la lecture et à mesure que le récit gagne en profondeur et laisse respirer les personnages. À ce moment-là, l’histoire s’avère passionnante, distrayante, avec une touche de situations kitsch, et des dessins à tomber. Rien de plus amusant que d’étudier toute l’ingéniosité mise en œuvre pour dénuder sans montrer le pubis des héroïnes : ombres, mains, bras, armes à feu et divers autres objets dissimulent l’offensant mont de vénus. Un savant jeu de cravates permet de distinguer des hommes en costard qui se ressemblent un peu trop... car, malgré un graphisme semi-réaliste à l’encrage virtuose, les corps des femmes sont identiques, à la tête interchangeable ; les mâles bien campés sont issus du même moule. Heureusement que Cannon porte les cheveux raz ou la barbe dans certaines parties de l’intrigue !

Cannon [1] a été lancé dans les années 70, aux États-Unis, à destination des soldats américains et il remplit un cahier des charges précis. Jusqu’à un certain point. Les auteurs, malins, vont tordre doucement les clichés et en user pour introduire le mal qui ronge le héros : avec son cerveau lavé deux fois, par les communistes et par les Américains, le super-agent entretient une relation sensuelle trouble avec l’ennemi de sa nation ; il prend des initiatives par rapport à sa hiérarchie, il pose des questions et pète les plombs avant de sombrer dans l’alcoolisme tout en couchant avec la femme de son ami... Les chairs alanguies disparaissent un temps des cases, John Cannon ne traverse plus la jungle, mais reste sur son continent, face à un danger intérieur. L’intrigue se densifie sur plusieurs strates et se pare de chassés-croisés amoureux, d’amitiés flouées et de quête d’identité au milieu d’espionnage et de conflits géopolitiques. Un maximum de figures de l’opposition sont déclinées : les rouges, les hippies (avec un ersatz de Manson), des Arabes et bien sûr, des pseudo nazis et des maris jaloux ! Les personnages masculins et féminins sortent du même tonneau : sadiques, manipulateurs, nymphomanes, fourbes, menteurs... ils ne possèdent pas une once de pureté, mais une morale douteuse qui sied à leurs intérêts.

Trois femmes se distinguent autour de John : Madame Toy, communiste, indépendante, tortionnaire au passé douloureux (guerre, famine et viols à répétition) ; Sue, la blonde faussement écervelée, quoique, ni vraiment américaine, ni vraiment russe ; et enfin, la créature de l’ombre, l’insignifiante, qui pourtant, dans la transformation intellectuelle de Cannon va acquérir de l’ampleur : la secrétaire Elena ! Avec elles, Wallace Wood introduit une sexualité libre et débridée, mais aussi des questions plus épineuses lorsqu’il s’agit de relation suivie, de mariage et même d’avortement. D’un homme qui obéit aveuglément, comme l’enfant à une figure d’autorité, John se libère et prend en charge sa destinée avant de mettre un pied dans le moule pour mieux s’en échapper !

Par contre, soyons honnête : dénuder les femmes, oui, pourquoi pas, bien que la quantité en soit indigeste, mais arracher les fringues à tour de bras en devient pénible, comme s’il n’y avait que ça pour mettre à terre une dame, et les voir se battre entre elles est totalement ridicule et ne rend pas honneur aux personnages en question. Car malgré leur indépendance et leurs manigances, ces créatures de rêves sont moins bien loties que le héros lui-même assez antipathique la plupart du temps ! Pour les autres protagonistes, imaginez un peu... Il faut s’accrocher pour pénétrer dans l’univers si particulier de Cannon et en appréhender les règles !

Wallace Wood, qui a eu le droit à une superbe exposition au FIDB de 2020, est l’un des auteurs majeurs des comics des années 60 à 80. Dessinateur hors pair, excellent encreur, il touche à presque tous les genres, de l’horreur à la fantasy, en passant par la romance ou le récit coquin et parodique. Il travailla au côté de Jack Kirby, Eisner et bien d’autres (tout cela est longuement détaillé dans cet épais recueil). Avec Cannon, il développe une série pour un lectorat principalement masculin, mêlant violence, politique et érotisme pour tenter de faire un gros doigt au comic code en vigueur à l’époque ("les kiosques débordent de parutions bien propres..." [2]).

L’album au format à l’italienne proposé par Komics Initiative se base sur l’intégrale sortie par l’éditeur américain Fantagraphics en 2014, en y incluant, entre les différentes parties du récit, des textes de Marc Duveau, Jean-Marc Lainé, Phil Cordier et Hilary Barta. Ce matériel critique permet de recontextualiser l’ensemble. Ainsi, on en apprend beaucoup sur Wallace Wood, son histoire, son encrage, sa détresse, mais aussi, la manière dont a été conçu ce comics. Tout à la fin, l’éditeur a ajouté quelques récits réalisés par Ditko.

Côté dessin, Wallace Wood déballe tout son savoir-faire : un découpage qui se bonifie et laisse respirer, des premiers plans détaillés et des simplifications d’arrière-plans pour ne pas noyer le regard, un graphisme clair-obscur, mêlant semi-réalisme et poses dynamiques de pin ups dans certaines cases — l’œil aguerrit remarquera l’emploi de modèles vivants (ou photographiés) ainsi que des photocopies/décalques d’objets (quelques images d’immeuble et de voitures [3]) — et une utilisation judicieuse des trames (nuages de points offrant des effets grisés ; que l’on a vu revenir sur le devant de la scène de la BD mondiale avec les mangas). Quelques cases ressemblent à des résurgences de ses travaux dans la fantasy.

Résultat d’un financement participatif, cette belle intégrale de Cannon comblera les curieux et les amateurs de vieux comics. En dépit de quelques aspects désuets, cela demeure un véritable plaisir à parcourir pour qui passe au-dessus d’une première partie poussive, cheval de Troie introduisant des réflexions et des thèmes plus subversifs que ce à quoi les lecteurs de l’époque étaient habitués. Parfois kitsch (lavage de cerveau, dictateur en folie...), avec des rebondissements rapides, une réelle évolution du personnage — de simple pion à acteur de son existence —, Cannon offre une lecture dense. Le trop-plein de nus, jamais vulgaire, peut gêner, mais il y en a tant qu’on en vient à se demander si cela ne torpille pas le côté érotique : quand il y en a de trop, cela devient "naturel" ; c’est lorsqu’il disparaît de certaines pages que son absence s’avère criante.
John Cannon et ses comparses de tous sexes ne sont pas des modèles à suivre. Leur univers sombre pose une intrigue où des valeurs positives s'extirpent difficilement.
Mais ce super agent qui maîtrise sa destinée rappelle à ses lecteurs-soldats qu’eux aussi ont le droit de choisir leur voie et de réfléchir au monde complexe dans lequel ils vivent. Et en poussant un peu, même les jolies jeunes femmes ne sont pas toutes des potiches et peuvent se mouvoir pour leurs propres intérêts. 

Cannon, traduit de l’anglais par Jean-Marc Lainé.
Scénario et dessin de Wallace Wood.
320 pages, 40 euro.

Site de l'éditeur

[1] Cannon n’est pas un inconnu dans le paysage de la bande dessinée francophone ; pour les plus âgés d’entre nous, l’agent a vu un album paraître en 1979 aux éditions du Fromage, dans une traduction qui s’éloignait un peu trop des textes originaux, et qui demeure désormais difficilement trouvable.
[2] P. 318 de cette intégrale.
[3] Réemploi de la même voiture : p. 213, 228, 243, 264, 286... d’un  avion p. 218 et 279 ; op. cit.



+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • Qualité d’édition (papier, façonnage, nettoyage des planches.).
  • Dessin régulier et encrage élégant.
  • Scénario un peu moins manichéen qu’il n’y parait.
  • Bon rapport qualité/prix pour un tel pavé (40€/320 pages).


  • Trop de nus tuent le nu.
  • À remettre dans le contexte pour l’apprécier pleinement. Et mieux vaut posséder un bon second degré.
  • Un livre en quantité limité.
  • Le traitement de certains personnages

Un Chat dans le Culte #3



Remontons un peu le temps. Nous sommes en 1986 et niveau ciné, cette année va proposer du lourd. On est dans le fucking futur les matous ! Ce que l’on voit sur grand écran est juste dingue. Top Gun et Aliens, notamment, défoncent le box-office à la rentrée. Et au milieu de ces mastodontes, une petite comédie d’aventure qui semble ne pas faire le poids : Les aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin. S’il va se goinfrer bien méchamment dans les salles, ce film de John Carpenter va par contre connaître un grand succès bien plus tard, en VHS puis DVD.

Big Trouble in Little China
Jack Burton est un héros très… particulier. C’est un routier qui aime blablater sur la CB (la citizen-band, 73-51 la station !) et est habillé comme le plouc lambda, mais sympathique, qu’il est. On est alors très loin d’un Marion Cobretti qui va apparaître dans le même moment dans les salles, ou d’un John McClane encore en gestation, qui ne viendra buter du terroriste germanique que deux ans plus tard.  
Kurt Russel est d’ailleurs parfait dans ce rôle non pas d’anti-héros, mais de "pas héros du tout". Le mec subit, il est maladroit, un peu lourd, pas forcément très futé ni très fort d’ailleurs… bref, un type normal, mais qui a bon fond et veut bien faire. Et qui se la raconte un peu, forcément.

Carpenter, lui, se fait plaisir dans ce long métrage très second degré, qui rend hommage, entre autres, au cinéma de Hong Kong bien avant qu’il ne se popularise réellement en Occident. L’intrigue oscille entre burlesque bon enfant, fantastique light et action trépidante (presque trop parfois, avec un montage nerveux et un rythme plus que soutenu).
Tous les ingrédients sont là pour faire de ce film un divertissement parfait : de la castagne qui reste tout public, des effets spéciaux plutôt bien fichus pour l’époque, un personnage principal ultra-charismatique, une jolie demoiselle pas si en détresse que ça, et un humour qui fonctionne aussi bien sur les répliques que les gags visuels. Presque du Tintin, le côté déconneur et sexué en plus. 

Aujourd’hui presque unanimement respecté et reconnu comme précurseur, Big Trouble in Little China est en plus auréolé de cette indéfinissable nostalgie qui baigne ces phénoménales années 80 où tout explosait, devenait plus grand, plus fou, plus novateur…
Mais c’est aussi un film très bien réalisé et qui ne se prend pas au sérieux. Une sorte de pastiche-hommage à un moment où les héros étaient encore des héros de BD… et à une époque où la BD n'était elle-même encore pas tout à fait sérieuse. Ce n’est pas un hasard si Watchmen et The Dark Knight Returns vont sortir cette année-là et signer une plongée vers quelque chose de plus âpre, plus sombre, plus douloureux. Jack Burton, son côté loser, son "non-héroïsme", ses gaffes – et son look négligeable plus que négligé – est l’un des derniers grands personnages à la fois populaire, non réaliste et profondément optimiste. Il est l’antithèse d’un Joe Hallenbeck. Il peut boire sans devenir alcoolique, se coltiner des méchants maousses sans risquer de passer l’arme à gauche, et se taper la jolie avocate en prime (qui s’appelle Gracie Law, parce que dans ce monde-là, l’on porte les noms que l’on mérite). Il est la pop culture dans son état originel. Notre regard d’enfant sur le monde. 

Signe qui ne trompe pas, à l’époque, Jack Burton obtient tout de même la note de 15/20 dans le magazine Hebdogiciel. Ce qui reste impressionnant tant l’on sait combien cette publication était féroce, notamment avec les films qui se voulaient trop bas de plafond ou racoleurs. 
Si vous voulez tenter de prolonger le plaisir, sachez qu’il existe des comics Big Trouble in Little China (25 épisodes, par Eric Powell, avec la bénédiction et la participation de Carpenter himself), une série Old Man Jack (en 12 épisodes, avec toujours Carpenter et Anthony Bunch au scénario), et enfin une mini-série (6 épisodes, par Greg Pak) développant un crossover entre Jack et… Snake Plissken. Et hop, double ration de Russel ! 
Mais bon, ne vous y trompez pas, ces BD ont été réalisées trop récemment pour être baignées dans ce parfum si capiteux et unique. Le vrai Jack, lui, est encore là-bas... dans les années 80.

— Jack, comment on va s’en sortir ?
— J’en ai aucune idée.

Tempête dans un gobelet entouré de barbelés





Retour sur une polémique ridicule, lancée il y a quelques jours par quelques indignés professionnels qui ont vraiment beaucoup de temps libre. Le problème c'est que, si les arguments sont absurdes, les conséquences de certains agissements sont parfois bien concrètes. 

On le sait, à l'heure actuelle, les auteurs, traducteurs, dessinateurs et éditeurs subissent une énorme pression de la part d'extrémistes qui tentent de mettre l'art et le divertissement sous leur coupe (cf. cet article, et notamment les nombreux liens qu'il contient).
Pourquoi les œuvres de fiction en général et les livres en particulier sont-ils la cible de ces révolutionnaires en pantoufles ? Pour deux raisons. D'abord, la puissance des mots, la liberté au moins symbolique qu'ils renferment, ont toujours effrayé les fascistes, sectaires et tarés de tout bord. Ensuite, pour un apprenti SJW sirotant tranquillement sa soupe au potiron équitable dans son appart du XVIe ou son petit village normand, évidemment, tous les combats ne se valent pas. Certains sont plus ou moins dangereux. Or, si le contenu d'un cours peut faire perdre la tête à un prof d'histoire de nos jours, il y a bien moins de risques à s'en prendre à un type qui traduit des comics.
Quoique, faites gaffe quand même, j'en connais des nerveux qui ont la main leste.

Venons-en au fait. Tout commence par un post indigné qui brille par son intelligence, forcément, d'une personne qui s'étonne d'un choix de traduction dans un Batman. 
Voilà la VO : Dangling participles. His e-mails are full of them, okay ? Where's this noun you're modifying, man ? 
Ce qui donne, dans la traduction française : Ses mails étaient bourrés d'écriture inclusive. C'est du féminisme en pantoufles, je ne supporte pas.

Ce qui a fait bondir les plus tendus, vous savez, ces fameux "humanistes tolérants" qui veulent le bien de tous, c'est le petit tacle sur ce protolangage de peigne-zizi qu'est l'écriture inclusive. 
Mais arrêtons-nous d'abord sur le principe d'adaptation d'une œuvre dans une autre langue.
Une traduction, une bonne en tout cas, ce n'est jamais du mot à mot. On rend toujours compte d'une idée générale, d'une ambiance, on ne colle pas à tout prix à une tournure ou une référence. Ici, le job est donc fait correctement par Jérôme Wicky et Urban Comics. Le fait que les propos s'écartent de ceux de la version anglaise est tout à fait normal. Donnez un même texte à traduire à 100 traducteurs, et vous obtiendrez 100 versions différentes.

En réalité, évidemment, ce qui choque ici n'est donc pas un travail mal fait, mais bien une simple plaisanterie. Car se moquer de l'écriture inclusive, une ineptie qui ne règle aucun problème dans la réalité, est apparemment un crime grave selon certains. Et là, nous allons assister à un comportement de dégénérés avides de sang. Tous ces gens, avec des grands principes plein la gueule, vont se livrer, en masse et dans la bonne humeur, à des saloperies sans aucune mesure avec l'acte qu'ils souhaitent "dénoncer".

Imaginez. Certains vont aller jusqu'à parler "d'opinions puantes" (ah ? c'est puant de ne pas sacrifier à la mode imbécile de l'écriture inclusive ?), "d'abus de confiance", "de manque de professionnalisme". Mieux, quelques petits justiciers version Lidl, certainement enivrés à l'idée de dénoncer un tel monstre, vont faire des posts contenant des listes ahurissantes de hashtags, afin d'appeler au lynchage (au moins médiatique et professionnel) du traducteur en question. On prévient également son éditeur pendant que d'autres veulent même contacter DC Comics. Carrément.  
Quant à ceux qui osent prendre sa défense, ils sont insultés, jugés "toxiques" par des fanfarons sans cervelle ni talent (oui, j'ai dit "fanfaron", mais ceux qui me connaissent savent par quoi remplacer le terme). 

Car forcément, pour ces gens qui ne peuvent admettre aucune autre forme de pensée que la leur, le traducteur sur lequel ils se jettent courageusement, en groupe et derrière des écrans, est non seulement coupable, mais il doit subir des conséquences lourdes. Sans pouvoir se défendre, sans possibilité de relativiser ou expliquer. Parce que, pour ces gens-là, la justice, le bon sens, les droits fondamentaux ou même la simple compassion, ça n'existe pas. Ils jugent vite, ils hurlent fort. Ils sont pressés de voir du sang gicler, des têtes tomber et des comptes en banque se vider. 
Tout ça pour avoir choisi une traduction tout à fait correcte, plutôt drôle et légère, et qui n'attaque évidemment en rien les femmes ou le féminisme réel... celui qui combat les actes violents en s'interposant, en posant des limites, en faisant respecter la loi, et non celui qui démantèle la grammaire à coups de point médian ou de iels, pour se donner bonne conscience rapidement, sans risques et sans efforts.

Bien entendu, je ne puis qu'adresser mon soutien plein et entier à ce traducteur (que je ne connais pas personnellement), et par la même occasion, rappeler à tous que nos libertés, en tant qu'écrivains ou éditeurs, sont essentielles mais fragiles. Nous ne pouvons pas laisser des extrémistes haineux, sans recul ni humour, sans aucun respect pour le droit ou les individus, se faire passer pour des humanistes. Encore moins "progressistes".
Depuis quand le "progrès" passe-t-il par la calomnie, la dénonciation fallacieuse, la menace, les insultes et la volonté acharnée d'éradiquer ce qui n'est pas soi ? 
Ce n'est certainement pas ma définition du progrès. Quant aux femmes qui souffrent réellement à cause d'imbéciles sans principes, je suppose qu'elles attendent surtout une aide concrète plutôt qu'une guerre grammaticale ou la tête d'un traducteur qui a juste fait son putain de job.

Je vais prendre une anecdote personnelle comme exemple concret de "lutte féministe" appliquée au réel. 
Il y a quelque temps, une proche a été harcelée, insultée et menacée par un type dans un supermarché, puis dans la rue. Heureusement, une patrouille de la police municipale, qui passait par là, est intervenue. Le type a continué ses menaces. La police nationale a été appelée. Même chose, le type n'avait pas peur, il continuait de menacer. Et, effectivement, il savait très bien qu'il ne risquait rien : après un tour au poste, il a été relâché.
La trentaine, moitié dealer, moitié clodo, il ne craignait ni les amendes ni la taule.
La personne proche a été vraiment traumatisée (on le serait à moins) par ce type. Elle parlait déjà de ne plus sortir, etc. Alors, j'ai décidé de régler le problème. Je suis allé voir ce gars, qui n'avait pas peur des flics ou des juges, et je lui ai fait comprendre qu'il devait avoir peur de moi.
Depuis, il n'emmerde plus personne. Mieux, quand il voit sa "victime" au loin, il se barre.

Il y a deux sortes d'individus dans la vie. Ceux qui se découvrent des combats faciles sur le net, bien à l'abri chez eux, et qui vont pourrir la vie de gens qui ne leur ont rien fait. Et ceux qui font parfois le ménage dans les rues, en se mettant en danger (physiquement et judiciairement). 
Vous savez quelle catégorie à mon respect.


La foule croit qu’elle sait et comprend tout, et plus elle est sotte, plus ses horizons lui semblent vastes.
Anton Tchekhov

Goldorak, enfin de retour !!



Wouaaah !!

Bon, je vais tenter de rester calme, même si en réalité, je suis surexcité.
Denis Bajram (l'auteur, entre autres, de l'excellent Universal War One) vient d'annoncer sur son site un projet de BD sur le mythique et légendaire Goldorak...

Ce n'est pas juste du lourd, c'est la plus extraordinaire news qu'on ait eu le bonheur de relayer sur UMAC !

Tout cela est officiel, fait avec l'accord de Go Nagai, et le concours de toute une bande d'auteurs : outre le déjà cité Bajram, l'on retrouve à la manœuvre Xavier Dorison, Alexis Sentenac, Brice Cossu et Yoann Guillo
Et l'album est prévu chez Kana, pour octobre 2021.

Les quelques planches dévoilées donnent envie de hurler de bonheur : c'est beau, soigné, bien pensé, ultra classe, comment on va faire pour attendre l'année prochaine bordel ?!

Après une telle nouvelle, c'est bon, on peut remballer les gaules, fermer notre site et nous en aller, heureux et le cœur léger, vers le couchant. Oui, j'ai l'air d'en faire des tonnes, mais... mais... Goldorak, quoi !! 
Si vous avez moins de 40 ans, cela vous touchera probablement moins, mais imaginer le Prince d'Euphor affronter de nouveau les forces de Vega, dans une bande dessinée moderne, de conception française en plus, c'est totalement dingue.

Inutile de vous dire que c'est LA BD attendue l'année prochaine.
Pour patienter, vous pouvez toujours vous rabattre sur cet article, chroniquant la Black Box Edition de la série originelle, sur cette Parenthèse revenant avec humour sur les "défauts" du dessin animé de l'époque, ou encore cette autre Parenthèse présentant le Fleed des origines et son Gattaiger.

Quant à cette bande d'auteurs qui ont sorti de l'oubli l'un de nos plus beaux souvenirs d'enfance, que leurs noms soient sanctifiés et que les euros affluent dans leurs comptes en banque respectifs ! Parce que confinement ou pas (allez savoir ce que 2021 nous réserve), on va l'acheter cette BD !! 
Prenez mon fric bordel, prenez-le !!



Les Voyages de Gulliver - De Laputa au Japon


Autant ne pas essayer de le cacher, vu que le titre est plutôt explicite :
 Les Voyages de Gulliver est une bande dessinée l
ibrement adaptée du roman de Jonathan Swift par Bertrand Galic,
dessinée par Paul Echegoyen et éditée par Soleil dans sa collection Noctambule.

Lundi 2 août 1701, le capitaine Robinson
Engage Lumuel Gulliver pour être médecin de bord.
Il lui promet que nul géant ni nul Liliputien ne vont
Croiser leur route en leur périple à leur bâbord ni leur tribord.

Mais périlleux est le chemin vers les Indes orientales.
Et quand la tempête laissa sa place à la piraterie,
Gulliver fut abandonné sur un archipel minéral
Avec pour unique obsession l’âpre combat pour sa survie.

C'est toutefois rapidement qu'apparaîtra un lieu volant.
La magistrale Laputa et ses habitants lunatiques. 
Gulliver y apprend les us et le langage de ces gens
Avant de tant s'y ennuyer qu'il part pour le sol asiatique. 

Durant ses inlassables efforts pour regagner son doux foyer,
Il verra bien d'autres merveilles et bien autant d'enseignements.
C'est ce chemin que notre ouvrage continuera d'explorer 
Pour qu'au final tout ce voyage semble n'être qu'enchantement.

Bizarreries et rêveries, admiration et réflexion.
Un monde nous sera ici oniriquement esquissé.
Mais même dans sa poésie, il n'oublie pas la raison
Car il interroge l'avis de son lecteur interloqué.

C'est beau, c'est bon et dessiné avec un goût pour les estampes.
C'est un objet original doté de forts jolis atours.
Les Voyages de Gulliver, c'est une aventure prenante
Ainsi qu'un projet visuel qui vaut largement le détour.

Voilà. Comme le fait la bande dessinée elle-même, je livre le fond sans négliger la forme avec même, selon moi, un accent assez prononcé sur la forme. Mais Victor Hugo lui-même ne disait-il pas que "la forme, c'est du fond qui remonte à la surface " ? En ce sens, cette libre adaptation de la troisième partie des voyages de Gulliver réussit le pari de nous délivrer une transcription graphique aussi intrigante et poétique que les écrits originaux.


Ben, où qu'ils sont, les Lilliputiens ?


Pas là. Non, vous ne les trouverez pas dans ce tome. Pas plus que vous ne trouverez de Brobdingnagiens... 

Jonathan Swith, l'auteur de Travels into Several Remote Nations of the World. In Four Parts. By Lemuel Gulliver, First a Surgeon, and then a Captain of Several Ships (ouais, c'est le titre original in extenso de Les voyages de Gulliver), a écrit son livre en quatre parties. Les deux premières sont vraisemblablement des allégories du krach de 1720 (un des premiers krachs financiers consécutif à la bulle des mers du Sud). Les changements de taille relative de Gulliver selon qu'il rencontre les petits Lilliputiens ou les géants Brobdingnagiens sont souvent analysés comme étant une métaphore de l'agrandissement puis du rétrécissement des capitaux engagés dans ce krach... Parfait point de départ pour se gausser des travers de la société de son époque. La première partie à Lilliput est la plus connue, certes. Mais dans la troisième partie dont on nous livre ici une mise en images, notre ami va rencontrer plusieurs civilisations qui seront autant d'occasions de railler certains de nos travers.

Première destination : Laputa... Non, ce n'est pas une dame mexicaine à l'affection monnayable, bande de pervers, mais une cité volante, flottant au-dessus du pays de Balnibarbi grâce à un complexe système reposant sur une pierre magnétique.
Elle est habitée par des nobles se servant de la cité comme d'une arme pour menacer leurs sujets qui refuseraient de payer les impôts.
Souvent, les habitants de Laputa, plongés dans leurs réflexions, perdent toute perception de ce qui les entoure jusqu'à ce que des gens leurs sonnent les cloches et qu'ils reviennent au monde réel.
Je dis ça, je ne dis rien, mais... la crise actuelle manque apparemment cruellement de sonneurs, au vu des décisions totalement déconnectées du réel que nos nobles hauts perchés dans leur Laputa personnelle parviennent à nous pondre ces derniers temps. Pardon ? Pas de politique ? Mais tout est politique, mon ami. Tout. Pour preuve : la suite. 

Deuxième destination : Balnibarbi. Une contrée où les fonds ne servent qu'à alimenter les recherches de la science, ce qui génère une grande pauvreté du peuple. On y découvre l'académie de Lagado où des savants à la pointe de la science spéculative perdent tout sens commun, inventant les théories les plus folles et les mettant en application envers et contre toute forme de logique ou d'adaptation au monde réel...
Cette critique de la science mise au-dessus de tout ne vous rappelle pas un peu la façon dont nos pays sont actuellement laissés entre les mains des sciences sanitaires ? Voire tout simplement et plus généralement, cette idée étrange et très moderne (moderniste ?) consistant à considérer que si la science peut le faire, alors, eh bien qu'elle le fasse... Je me suis toujours rêvé en ours... si la science parvenait à me faire devenir un plantigrade hibernant plusieurs mois d'affilée, serais-je supposé céder à la tentation juste parce que c'est possible ? Une fois de plus : je dis ça, je ne dis rien ! Et voyez en mon dernier exemple ce que bon vous semble : je ne critique aucun choix, je me demande juste si l'existence d'un choix est légitime pour la seule raison que la science est capable de nous l'offrir. C'est une interrogation, pas un jugement. Le genre de question que les gens de Balnibarbi ne se posent plus...

Troisième destination : Luggnagg. Un pays comptant parmi sa population des êtres immortels appelés Struldbruggs. Ils ne peuvent pas mourir mais vieillissent quand même. Ils sont rongés par les maladies, oublient leurs proches et finissent oubliés de tous dans une éternité de solitude... Un peu comme certains de nos anciens dans les hospices (les ehpad, pour les français), non ? Vous savez, ces gens que l'on protège de la mort sans même leur avoir demandé leur avis, les isolant du monde et de leurs proches jusqu'à ce qu'ils ne soient plus qu'un souvenir spectral... 

Quatrième destination : Glubbdubdrib. C'est une île où réside un gouverneur nécromancien. Rappelant des figures historiques au bon vouloir de Gulliver, il va petit à petit prouver au voyageur que l'histoire qu'il connaît est bâtie sur de nombreux mensonges et erreurs. À noter que, malheureusement, cette étape est expédiée et peu intéressante dans la bande dessinée. C'est bien dommage parce que, mine-de-rien-j'-dis-ça-j'-dis-rien... Une histoire redessinée selon les besoins, des décisions prises sans s'appuyer sur l'expérience des anciens... ça nous parle pas mal aussi, de nos jours ! Tout est politique, je vous dis !


Oui, mais... et la BD, alors ? 


Soyons clairs et aussi directs que possible. Cette Bd est belle pour peu que vous soyez sensible à ce trait un peu naïf qui la caractérise. Elle baigne dans une palette de tons ocre, gris, sépia qui lui confère un aspect nostalgique et antique qui lui sied bien. La palette, d'ailleurs, donne une partie de sa maturité à l'oeuvre qui, avec un choix de couleurs plus vaste, aurait sans doute semblé un peu enfantine en raison de la simplicité des traits du dessinateur lorsqu'il s'agit de retranscrire une morphologie.
Des choix artistiques ont été faits et ils sont parfaitement pertinents. Les assez nombreuses pleines pages en témoignent, d'ailleurs !

Si j'avais un reproche à faire, ce serait le survol un peu rapide de l'aspect philosophique de cette épopée. Tel Gulliver, nous sommes témoins des us et travers de différentes civilisations. Mais, là où la prose initiale, par son débit naturel, nous laisse le temps de réfléchir à la métaphore initiée par l'auteur, la bande dessinée et son rythme de lecture plus élevé nous fait tourner les pages trop vite sur certaines critiques bien vues de nos sociétés humaines... La partie consacrée à Glubbdubdrib étant en cela une réelle déception pour moi : l'aspect métaphorique n'y étant même pas simplement expédié mais quasiment expurgé.

Toutefois, si vous avez envie de lire ou offrir une belle bande dessinée à la couverture richement décorée et semblant presque couverte de feuille d'or en quatrième de couv', une bande dessinée qui fait voyager, qui fait rêver, qui fait sourire et qui fait réfléchir si l'on en prend le temps et qu'on s'en donne la peine... n'hésitez pas !



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Bel album.
  • Adaptation libre mais néanmoins assez fidèle.
  • 114 pages de dépaysement.
  • Du rêve, de la réflexion, de l'aventure.

  • Le trait peut rebuter certains. C'est un style faussement simple qui ne plaira pas à tous.
  • L'aspect philosophique et critique de l'œuvre originale est un rien trop survolé.

Quelques livres pour Noël !

Extrait de The Gutter.


Hey ami lecteur, les fêtes approchent, et du coup, hop, on se lance dans un petit rappel concernant d'excellents ouvrages toujours disponibles à l'achat. C'est carrément de la pub, oui, pour des amis et des membres d'UMAC, exact, mais il n'en reste pas moins que ce sont de très bons livres. Et puis, avec un roman, une BD, un artbook, un recueil de nouvelles et un manga, il y en a pour tous les goûts !
Miaw !



Le Sang des Héros
- roman
(adultes)

L'apparition des suprahumains a profondément bouleversé le monde. Aux États-Unis, un service militaire a été mis en place pour encadrer les nombreux jeunes qui se découvrent des super-pouvoirs, aux effets parfois dévastateurs.
C'est dans l'une des bases de l'armée que se retrouvent Amber (qui peut défier les lois de la gravité), Terry (qui pratique la télékinésie), Kiera (dotée d'un sixième sens), Mike (à la force surdéveloppée) et Ebenezer (un métamorphe). Alors que les amitiés se nouent, le groupe est confronté à un télépathe violent dont le comportement va être encouragé par un officier incompétent.
Quand un drame survient, les supras n'ont d'autre choix que de faire justice eux-mêmes et tenter d'affronter un monde qui n'a pas été rendu meilleur par la prolifération des super-pouvoirs. Mais au bout de leur périple, un secret terrifiant les attend. Un secret qui pourrait changer le monde et faire d'eux des héros. Ou des criminels.
Les pouvoirs sont dangereux. La vérité l'est plus encore.

Dispo dans toutes les bonnes librairies. Versions papier et numérique.
Liens ici
Articles presse ici



The Gutter - Édition Collector
- BD
(tout public)

The Gutter est une BD parodique sur les personnages de comics. Ces derniers sont traités un peu à la manière d'acteurs qui se retrouveraient, après leur journée de travail, dans un bar (le Gutter) afin de décompresser, se balancer quelques vannes et évoquer leurs problèmes.

L'édition classique est disponible dans toutes les librairies. L'édition collector est, elle, uniquement disponible sur le site de l'éditeur
Il s'agit d'un tirage limité proposant hardcover, cahier de croquis supplémentaire dans la partie bonus, ainsi que des goodies (4 dessous de verre et un ouvre-bouteille The Gutter).

Si vous souhaitez découvrir plus en détail ce bar agité où se rencontrent les personnages de vos comics préférés, vous pouvez vous rendre sur le site officiel de la BD !

Articles presse ici.
Dispo en version numérique sur Izneo.





Art Book Comics 2
- Artbook
(tout public)

Voilà un beau livre au contenu particulièrement varié.
Cet artbook est auto-édité par 2T2N (et disponible à la commande en écrivant à cette adresse : 2t2n.comics@gmail.com).

L'ouvrage revient très largement sur le travail de Daniel Gattone et Emmanuel Bonnet (cf. cet article sur leur Red Cat). L'on y découvre des illustrations, covers, recherches graphiques et crayonnés, le tout dans des genres très différents, allant des super-héros (avec Batman, Wolverine, Captain America, Venom ou encore Gambit) jusqu'à l'horrifique en passant par le steampunk, le polar ou la science-fiction. 

Une couverture souple, un papier glacé bien épais et une belle mise en page permettent de mettre en valeur ces créations originales, entrecoupées d'hommages (à Jack Kirby, notamment) très réussis. 
Un chouette moment d'évasion à travers des univers aussi riches que passionnants.

110 pages - 12 euros (hors frais de port)

Page facebook du studio.




Sur les Traces de Lovecraft
- recueil de nouvelles
(adultes)

Depuis la Miskatonic University d'Arkham jusqu’aux plaines sibériennes, en passant par R’lyeh ou Kadath, voyagez sur les traces de H. P. Lovecraft…

Sur les traces de Lovecraft est une double anthologie d’auteurs qui ont su rendre un hommage passionné à Lovecraft et à son œuvre.

La première anthologie (volume 1) réunit 11 nouvelles inédites et contient une nouvelle de notre ami Cyril Durr : Retour au Wewelsburg
Un capitaine allemand, féru d'occultisme, est chargé par Himmler d'aller enquêter sous couverture aux États-Unis afin de prouver l'existence de forces anciennes et terrifiantes. Après un séjour à Providence, l'officier revient avec un artefact si puissant qu'il pourrait bien faire basculer l'issue de la guerre... peut-être même condamner l'humanité entière.

Disponible dans toutes les librairies. 




L'Équipe Z 
- manga
(tout public)

Les clubs de football de Bordeaux viennent d'être rachetés par un milliardaire afin de créer une seule équipe, à l'ambition affichée : le Metropolis Bordeaux Football Club. Deux philosophies s'affrontent déjà au sein de l'organisation. Alors que l'entraîneur principal ne jure que par les résultats, son assistant, le coach Adrien, prône un football "total", plus humain et fondé sur des valeurs communes et un collectif soudé.
La fille du propriétaire du club a alors une idée : laisser Adrien former sa propre sélection de u15 qui affrontera l'équipe A. Les recalés et laissés-pour-compte commencent alors un entraînement intensif. Parmi eux, Hugo, un garçon timide et extrêmement doué, Majid, adolescent turbulent et sûr de lui, Johnny, jeune SDF ayant fui la violence familiale, ou encore l'androgyne Charles-Henry.
Ensemble, ils vont tout tenter pour aller au bout de leur passion...

3 tomes publiés à ce jour !
Du foot inspiré et intelligent, disponible dans toutes les librairies.







Extrait de Art Book Comics 2.






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