Grandeur Nature mythique : Killer



Entre Jeu de Rôles et chasse à l'homme potache, retour sur une légende du GN : Killer !

En 1988, Descartes publie la version française de Killer, un JdR conçu par Steve Jackson. Les règles en sont très simples et simulent un affrontement, plus ou moins long (plusieurs jours, semaines voire même mois !) entre des joueurs dont le but est de descendre, d'une manière originale si possible, les autres participants.
L'ensemble des règles de base, conseils, armes présentées et scénarios tient dans un livre format BD qui va contribuer à fortement populariser le jeu, notamment dans le milieu étudiant.

Le jeu connaît bien des variantes et peut se décliner dans de multiples versions. Au départ, chaque joueur reçoit un contrat qui va comprendre diverses informations comme les coordonnées du Maître de Jeu, les armes autorisées, l'emplacement du panneau d'information de la partie, les limites de la zone de jeu et divers autres détails.
Le joueur va alors pouvoir tenter d'assassiner sa cible, son propre assassin s'il découvre son identité, ou toute personne portant une arme qu'il va repérer. Témoins ou complices peuvent avoir un rôle dans chaque assassinat selon les règles choisies.




Les armes sont, elles, extrêmement variées. Cela va d'une chaussette-grenade à un pistolet-banane, en passant par du poison (mettre une étiquette "poison" au fond d'un verre que la cible va boire) ou de l'uranium (planquer un cylindre peint en orange vif sous le lit de la cible). C'est sans doute l'un des éléments qui ont fait le succès du jeu : l'inventivité concernant la manière de flinguer une cible est quasiment sans limite. Virus, bombe, électrocution et pièges en tous genres, tout est bon pour déglinguer l'adversaire ! Le livre décrit un grand nombre d'armes, classées d'ailleurs en 4 catégories selon leur dangerosité réelle : de A, sans danger, à D, absolument interdites. Les classes B et C étant à employer avec précaution et en suivant certaines règles.
Rien n'interdit, bien entendu, d'inventer son propre piège "mortel" à faire valider par le MJ.

Jackson propose plusieurs variantes au jeu de base (vous avez une cible désignée et devez en même temps échapper à un assassin que vous ne connaissez pas, si vous éliminez votre cible, la personne qu'elle devait éliminer devient votre nouvelle cible), engendrant déjà pas mal de paranoïa.
La variante la plus connue est celle du dernier survivant, les participants connaissant alors l'identité de chaque joueur. Mais bien d'autres sont proposées, avec une partie "roleplay" plus ou moins importante : "le parrain", version dans laquelle des gardes du corps protègent leur boss des tentatives d'assassinat d'une faction rivale ; "les Borgia", une variante médiévale opposant des familles ; l'option "vampires", ou un unique tueur en début de partie peut éliminer ses cibles ou choisir de les mordre pour créer un clan ; l'excellente variante "la chose venue d'ailleurs", qui permet à un joueur incarnant une créature extraterrestre prenant possession des humains de changer de corps, la nouvelle victime devenant la créature tueuse !

L'ouvrage se termine sur des conseils de jeu (un grandeur nature peut vite générer des problèmes si l'on ne respecte pas certaines règles), un contrat type à photocopier, quelques certificats de décès et une table des armes (avec les dégâts qu'elles infligent ainsi que leur prix si de l'argent fictif est employé dans le jeu).

Au final, Killer s'avère un jeu très simple mais demandant un minimum d'organisation (et des joueurs un peu rigoureux) pour qu'il se déroule bien. Avec un bon scénario et une aire de jeu suffisamment vaste, cela promet de longues journées tendues, passées à éviter les pièges adverses tout en mettant au point les méthodes d'assassinat les plus discrètes, efficaces ou farfelues.
Bref, un classique. 





+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Simple mais addictif.
  • Des variantes nombreuses et intéressantes.
  • L'aspect développement des armes et pièges.
  • Des conseils sensés mais probablement pas inutiles à rappeler régulièrement.
  • L'ouvrage est encore trouvable d'occasion pour un prix correct.


  • Les seuls points négatifs ne seront pas généré par le jeu mais pas des joueurs stupides et/ou irresponsables.

Écho #47 : Dupuis à genoux devant les censeurs



Hier, Dupuis a pris la décision de retirer de la vente l'album Spirou et la Gorgone Bleue, de Yann et Dany.

Pour quel motif ? Eh bien, encore une fois, un éditeur tremble devant quelques excités fanatiques sur twitter. En effet, plus d'un an après la sortie de cet album, certains demeurés ont jugé que les Noirs et les femmes étaient "mal représentés" dans cette BD. L'album, et donc son dessinateur, seraient racistes et sexistes. Rien que ça.

Évidemment, cela pose d'immenses problèmes. 

1. Tout d'abord, dans son communiqué, Dupuis indique réagir suite aux "prises de parole qui se multiplient". Or, quelques wokistes sur le net, ce n'est en rien représentatif du lectorat, encore moins de la population. Pourquoi faudrait-il tenir compte de l'avis d'extrémistes qui condamnent sans rien connaître de cette BD et de son auteur ? Et rappelons que même quelques milliers de commentaires (et on en est loin !) seraient de toute façon négligeables d'un point de vue statistique. Il y a quelque temps, les mêmes avaient pleurniché à propos de Friends. Mais il ne s'agit pas d'une "génération", juste des plus cons de la bande. Ou des plus cyniques, pressés de démontrer à moindre frais à quel point ils sont de "bonnes personnes".
Est-ce aux activistes dorénavant de décider de ce qui sera lisible ou non ? Rappelons-nous les autodafés au Canada, où des écoles organisaient la destruction de milliers de livres jugés "inbon" (comprendre "sexistes" ou "racistes"). 

2. Comment une maison d'édition, qui a validé le travail d'un auteur et d'un dessinateur, peut-elle ensuite, plus d'un an après la publication, laisser croire que ce travail serait raciste et sexiste ? Et donc, entacher la réputation du dessinateur, sans qu'il puisse évidemment se défendre. Un auteur n'est-il pas en droit d'attendre un minimum de soutien de la part de sa propre maison d'édition ?
La manière de réagir de Dupuis, violente, lâche et définitive, en dit long sur le courage intellectuel de ses dirigeants.

3. Ce qui est mis en cause dans cet album, c'est le style graphique du dessinateur. Certains n'aimeraient pas la manière dont les Noirs sont dessinés. Mais, rappelons qu'il s'agit d'un style non réaliste, très caricatural et propre à bien des BD franco-belges. C'est exactement le même genre de polémique qui a été soulevée, il y a quelques années, sur la représentation de la vigie du bateau pirate dans Astérix (cf. cet article). Représenter un Noir avec des grosses lèvres ou un Asiatique avec des yeux bridés n'est en rien "raciste". Ça n'induit pas une forme de hiérarchisation des races. 
Au pire, on peut trouver que c'est mal dessiné, mais les auteurs ont le droit, évidemment, d'être mauvais, de se tromper, de ne pas aller dans le sens du vent, d'être simplistes, caricaturaux ou de faire simplement ce qu'ils veulent ! C'est le principe : si ce n'est pas illégal, alors c'est permis.


Extrait d'un incroyable brûlot "raciste et sexiste".


4. Comment se fait-il qu'un album pédopornographique comme Petit Paul (qui, lui, tombait sous le coup de la loi) ait été commercialisé dans l'indifférence générale (et avec le soutien des gauchiasses, évidemment, il faut dire qu'il n'y a pas si longtemps, leurs représentants - politiciens, journalistes, philosophes, artistes... - n'hésitaient pas à signer une pétition publique, parue dans la presse, pour réclamer la légalisation de la pédophilie... ceci explique cela) alors que ce Spirou est interdit pour un style graphique jugé "inapproprié" ?

5. L'accusation de sexisme (parce que le dessinateur ose représenter des femmes... en bikini !), on l'a déjà vu (cf. cet article), est systématique [1] dès qu'un auteur représente une femme (qu'elle soit féminine ou qu'elle possède des caractéristiques habituellement attribuées aux hommes). Et si un auteur met de côté les personnages féminins, c'est également jugé sexiste. Avec la grille de lecture de la moraline gauchiste actuelle, un auteur ne peut pas ne pas être sexiste. Ce qui est évidemment ridicule.
Le nombre d'œuvres accusées de sexisme est d'ailleurs proprement ahurissant : Astérix, les Schtroumpfs, Martine, Crocodile Dundee, Il était une fois l'Homme, Blanche Neige, SOS Fantômes, Wargames, Retour vers le Futur, Indiana Jones, Petit Ours Brun, Le Club des Cinq, Sissi... cette accumulation délirante serait drôle si elle n'était pas révélatrice de la menace qui pèse sur les auteurs actuels et les œuvres anciennes. Or, à part ne pas écouter ces revendications scélérates et résister, il n'y a rien à faire. On ne peut gagner dans un débat face à l'absurde (cf. cet article). Car pour les wokistes, l'homme blanc est raciste (ou sexiste, ou homophobe) de base. Et s'il nie ce fait, pour eux, ça prouve simplement qu'il l'est encore plus. 

6. Bien entendu, cela ne fait pas disparaître la BD qui est devenue une véritable aubaine pour les spéculateurs. Elle se vendait à 60 euros ce matin, cette après-midi, elle est proposée sur Le Bon Coin entre 100 et 300 euros. Les auteurs n'en profiteront pas (on leur retire une source de revenu sans raison ni jugement légal) mais les opportunistes se régalent. 
Cela démontre aussi l'ineptie du comportement de Dupuis qui vient juste de rendre culte et collector une BD qui était passée complètement sous les radars.


Pour résumer, voilà donc un acte de la part de Dupuis qui fragilise les auteurs, qui renforce le pouvoir d'une meute virtuelle avide de sang, qui valide des diffamations et un jugement à l'emporte-pièce, qui soutient la censure dans ce qu'elle peut avoir de plus abjecte et qui salit la réputation d'un artiste totalement innocent de ce dont on l'accuse. Pas mal pour une seule décision. 




[1] Prenons un exemple déjà traité ici : le Club des Cinq de Blyton. Le cas est intéressant car, non seulement l’œuvre est écrite par une femme (si le sexe d’un individu gêne le raisonnement des wokistes, il n’est subitement plus pris en compte), dans les années 30 (les faits ne sont jamais contextualisés, ce qui est pourtant à la base d’une analyse sérieuse, qu’elle soit historique, littéraire ou même judiciaire), mais vous allez voir que, quelle que soit la manière dont l'écrivain construit son personnage, il est perçu comme sexiste.
Ainsi, la journaliste qui à l’époque s'exprimait sur Slate (un nid à débiles) condamnait le personnage d’Annie, parce que la jeune fille est féminine, timide, douce, gentille, etc. Trop caricaturale, selon elle (une femme ne peut donc pas être... féminine ?). Par contre, Claudine, qui a un caractère affirmé, est courageuse, sûre d’elle, là, ça ne va pas non plus. C’est sexiste parce que c’est… trop caricatural. 
Quand un comportement est perçu comme sexiste et que son exact inverse est perçu comme sexiste également, ce ne sont pas les auteurs qui sont tous systématiquement des affreux défenseurs du patriarcat, c’est la grille de lecture qui est fausse.