The Irish Man
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Le nouveau Martin Scorsese est une gigantesque fresque mafieuse produite par Netflix.
Bilan d'un film "testament".

The Irish Man désigne en fait Frank Sheeran, syndicaliste mais aussi gangster notoire qui s'est éteint à l'âge vénérable (vu son job) de 83 ans. Avant de passer l'arme à gauche, l'homme confessa avoir tué Jimmy Hoffa et Joe Gallo, levant ainsi le mystère sur une disparition et un assassinat célèbres.
C'est peut-être d'ailleurs l'un des "défauts" (toute proportion gardée) de ce film : si l'on connaît bien l'Histoire du crime organisé américain, rien dans ce récit ne sera surprenant, puisqu'il fait défiler les grands noms (et les dates importantes) de la mafia. Mais The Irish Man est bien plus qu'une énième plongée dans le monde des gangsters...

Scorsese s'entoure de quelques-uns de ses acteurs fétiches, comme Robert de Niro ou Joe Pesci (déjà à l'affiche de Casino et des Affranchis). Il s'agit d'ailleurs d'un casting 5 étoiles, puisque l'on retrouve également Al Pacino ou encore Harvey Keitel. Et évidemment, tout ce beau monde a vieilli. Le réalisateur va d'ailleurs largement jouer sur cet aspect, mettant en avant les ravages du temps et le côté crépusculaire et mélancolique de la fin d'une époque.

Ici en effet, l'on ne va rien retrouver du côté "flamboyant" d'un Casino, ou de l'ascension pleine de promesses d'un Henry Hill dans Les Affranchis. Sheeran va au charbon comme il irait à l'usine, sans grand enthousiasme, conscient qu'il doit faire son job pour gagner une vie qu'il est pourtant en train de gâcher.
Bien que Scorsese soit relativement complaisant avec un Sheeran qui attire la sympathie malgré son extrême violence et sa morale inexistante, il ne l'épargne pas en le mettant face à des démons qui lui coûteront l'une de ses plus belles amitiés et l'amour de l'une de ses filles.


L'ambiance, on l'aura compris, est plutôt sinistre tant le prix à payer est énorme pour ces hommes qui ont forgé leur propre perdition en pensant s'affranchir des règles de la société. Impossible également de ne pas faire le parallèle entre cette fin de règne nostalgique et la carrière de certains géants du cinéma.
Les légendes italo-américaines sont ici fatiguées, en fin de course, délivrant une poignante et ultime prestation hallucinée dans une digne révérence, non dénuée de charme.
Niveau interprétation donc, pas de souci, quand on s'offre des Rolls, ça a forcément de la gueule. Par contre, autant l'on peut sans problème vieillir artificiellement un acteur, autant il est compliqué de le rajeunir (ce qui a été tenté ici dans certaines scènes). À ce niveau-là, c'est franchement raté, l'on frôle même parfois le ridicule quand Pesci présente De Niro comme un "petit jeune" alors qu'il a l'air d'un grand-père. D'autres acteurs incarnant les personnages quand ils sont jeunes auraient sans doute constitué un meilleur choix.

Si le film est long (3h30) et croise plusieurs lignes temporelles dans un complexe jeu de flashbacks, il n'est jamais ennuyeux et s'offre même quelques scènes à l'humour d'autant plus dévastateur qu'il est rare (cf. notamment l'une des rencontres entre Hoffa et Tony Pro). Mais même si The Irish Man affiche une ambition légitime, il n'arrive pas à se hisser au rang d'un chef-d'œuvre tel que Il était une fois en Amérique. Sans doute parce qu'il lui manque un brin de lyrisme et de flamboyance.
Reste à savoir si l'opération sera ou non rentable pour Netflix en termes d'abonnés supplémentaires. Le film a en tout cas engrangé 26 millions de vues dès la... première semaine.

Une œuvre qui marque la fin d'un cycle et prend le temps de rendre un dernier hommage à des acteurs qui en ont été ses piliers.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un casting de haut vol.
  • Le parallèle entre le crépuscule d'un certain règne mafieux et la fin de carrière d'acteurs légendaires.
  • Précis et factuel en ce qui concerne l'Histoire du crime organisé américain.
  • Quelques (trop rares) scènes à l'impact émotionnel ou humoristique énorme.

  • Un pathos trop appuyé, qui manque clairement de lyrisme.
  • Certains personnages à peine ébauchés.
  • La relation entre Sheeran et sa fille Peggy, émouvante mais basée sur un silence quelque peu aride, à l'image du film.
  • Peu de surprises, évidemment, puisqu'il s'agit de personnages réels, au destin connu.