La Vague
Publié le
24.11.23
Par
Nolt
Après Die Welle, adapté du roman de Todd Strasser, La Vague s'est déclinée en version dessinée. Est-on emporté par le tsunami ou pataugeons-nous dans une petite flaque ?
Lorsqu'un professeur d'Histoire aborde avec ses élèves l'épineux sujet de l'Allemagne nazie, les réactions sont partagées. Certains, bouleversés, ne comprennent pas comment des hommes ont pu se transformer en bourreaux froids et implacables. D'autres pensent qu'il faut laisser le passé là où il est et que de tels évènements ne pourraient plus survenir aujourd'hui, dans un pays "démocratique" et éclairé.
Le professeur a alors une idée. Afin de faire prendre conscience à ses élèves des risques, parfois cachés, que peuvent comporter des actes ou attitudes en apparence anodins, il va tenter une expérience basée sur la discipline, la communauté et l'action. La Vague est lancée. Très vite, elle va échapper à tout contrôle.
Le film de Dennis Gansel, Die Welle, était à la base adapté du roman de Todd Strasser, l'écrivain s'étant lui-même inspiré de faits réels survenus aux États-Unis. Et si le film donnait envie de lire le roman, c'est déjà beaucoup moins le cas de cette BD qui maltraite le sujet à l'aide de gros sabots malpropres.
Voyons cela de plus près. Tout d'abord, d'importantes différences existent entre le film et cet ouvrage. Stefani Kampmann, qui signe scénario et dessins, a en effet décidé de souligner le propos, pourtant évident, par des références très appuyées et directes à Hitler et à la montée du nazisme. C'est du coup plutôt redondant et même un peu maladroit, d'autant qu'il s'agit plus à la base d'une passionnante expérience sociologique, basée sur les mécanismes utilisés par un pouvoir autocratique, plus que d'une énième condamnation politique du national-socialisme. D'ailleurs, pour se focaliser sur le nazisme en particulier, il faudrait tenir compte du contexte socio-culturel et géopolitique de l'époque, ce qui n'est pas le cas ici, puisque l'on aborde une expérience contemporaine. Tout cela est donc très bancal.
La conclusion du récit est également incroyablement aseptisée, faisant perdre à l'ensemble l'essentiel de ce qui faisait la force de la thématique originelle. Enfin, de petits détails gênent également. La vague stylisée, symbolisant le mouvement, ou le salut des membres s'écartent de leurs modèles filmés, autrement plus réussis.
Et là, il faut aborder un aspect primordial de ce livre : la question du public visé. Le ton est terriblement enfantin, les dessins plutôt simplistes sans être laids, la narration presque "scolaire", bref, on se dit qu'il s'agit en fait tout simplement d'une bande dessinée pour enfants, pour très jeunes enfants même, ce qui n'est évidemment pas condamnable en soi, seulement, un tas d'éléments viennent contredire cette hypothèse : le sujet (l'analyse comportementale), la couverture (plutôt dépouillée et âpre), les photos utilisées (particulièrement horribles si destinées à un jeune lectorat) et même l'appellation, ronflante, de "roman graphique" tendent à prouver que l'auteur visait des lecteurs adultes. Si c'est le cas, c'est raté. Et si c'est une BD pour enfant, l'emballage devient bien prétentieux pour le coup.
Bref, entre le traitement bien trop gentillet, la fixation sur le régime nazi (qui n'est pas vraiment le propos du roman et du film) et les raccourcis nombreux, la plus grande partie de ce qui rendait attrayant - autant sur le fond que la forme - Die Welle s'est perdue en aboutissant dans le ressac de cette vague, tiède et saumâtre.
La traduction (de l'allemand) est correcte et l'album est publié par JCG (Jean-Claude Gawsewitch), un petit éditeur qui surfe (c'est le cas de le dire) sur le succès d'estime du film (l'affiche est même reproduite sur le replis de la couverture) malgré le manque évident de filiation.
Un sujet passionnant maltraité par une artiste qui n'a visiblement pas bien su quoi en faire ni à qui l'adresser. Dommage.
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