10 "secrets" de fabrication sur Jour de Neige
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Tout comme je l'avais fait pour L'Ombre de Doreckam et Le Sang des Héros, je vous propose de découvrir un petit "making-of" concernant Jour de Neige (cf. cette page pour en savoir plus sur ce recueil).


1. Quand les idées font leur chemin…
Jour de Neige
part d'une idée très banale. Un jour, après des années d'écriture, et alors que j'avais déjà publié mon premier roman et fini d'écrire le deuxième, je me suis demandé si j'avais écrit assez de bonnes nouvelles pour publier un recueil. Attention, je n'avais pas dans l'idée de publier un recueil, je voulais juste savoir si c'était possible, dans l'absolu. Mais les idées restent rarement cantonnées à leur domaine d'origine. Elles enflent, elles progressent, elles cheminent, jusqu'à revenir sous une autre forme, insistante et lancinante.
Au final, j'ai considéré ce jour-là, un jour où j'étais loin de penser que ce projet se concrétiserait, que j'avais environ une vingtaine de textes que je jugeais suffisamment solides et intéressants pour constituer un recueil. Après un écrémage et une deuxième sélection plus sévère, quinze nouvelles finiront pas donner Jour de Neige...

2. Une préface prestigieuse
J'avoue qu'avoir pu obtenir une préface de Maître Roland Habersetzer demeure pour moi une grande fierté. Là encore, l'idée qui a abouti à ça est tortueuse et a cheminé longuement. J'admire depuis longtemps le travail et le courage de ce grand monsieur, devenu l'un des plus grands spécialistes au monde des arts martiaux. J'ai eu l'occasion de le rencontrer (virtuellement) alors que je travaillais encore dans la presse écrite. Ce qui n'était au départ qu'une simple interview s'est transformé en correspondance, relativement régulière. Depuis, j'ai de nouveau posé moult questions à ce "Monsieur Miyagi du réel" (cf. ce long entretien pour UMAC), et il avait également eu la gentillesse de relayer, sur son site, Blessures de Lame, un conte martial que j'avais écrit il y a bien des années. Il n'en a pas fallu plus pour que j'aie l'idée de lui demander de préfacer le recueil où ce même texte allait prendre place. Après avoir lu l'ensemble des récits, il a accepté et a écrit une préface fantastique, dans laquelle il évoque le "bunkai" des récits. Et je crois effectivement que toute bonne histoire devrait avoir son bunkai... être divertissante avant tout, mais posséder une richesse interne permettant à ceux qui veulent s'aventurer entre les lignes d'aller un peu plus loin et de trouver matière à réflexion. Je remercie encore Maître Habersetzer pour ces mots sans doute trop élogieux mais qui me vont droit au cœur. 

3. L’aventure 2T2N
Pour Jour de Neige, je n'ai pas procédé comme d'habitude. Tous mes autres livres (romans et BD) ont été publiés à compte d'éditeur, donc d'une manière "standard" pour un écrivain professionnel. Là, je savais très bien qu'un recueil de nouvelles n'allait nullement intéresser un éditeur classique, pour la bonne raison que ça ne se vend pas (cf. aussi le point #9 à ce sujet). Il faut nuancer un peu. Un recueil de nouvelles de Stephen King ou de Lovecraft, ça va se vendre. Ces auteurs ont une telle aura que même ce qui est habituellement invendable se vend tout de même. Mais pour un écrivain méconnu, ce n'est évidemment pas la même compote. Je n'ai donc pas perdu mon temps avec la filière classique et je me suis simplement adressé à un ami, Emmanuel Bonnet, fondateur avec Daniel Gattone du label 2T2N. Les deux compères publient en général du comic old school, ce qui n'avait évidemment pas grand rapport avec mon recueil et le genre de textes qu'il contient. Mais, un soir, alors que nous échangions au téléphone, Manu et moi, à propos de la bande originale de L'Ombre de Doreckam (cf. cet article pour en savoir plus), il m'a annoncé qu'il allait sortir un livre sur son parcours musical (aussi drôle qu'émouvant parfois, un putain de bon bouquin pour qui aime plonger dans l'envers du décor et suivre les aléas d'un groupe, on vous en reparlera sur UMAC). Oui parce que le gaillard, en plus d'être coloriste et auteur, il est aussi compositeur et bassiste. Bref, je me dis "tiens, si le label s'ouvre à des livres autobiographiques et musicaux, pourquoi pas un recueil de nouvelles ?". Une fois les nouvelles lues, non seulement Manu a accepté de se lancer dans ce projet, mais il m'a même proposé un truc assez inattendu : que chaque texte soit illustré par Daniel ! Évidemment, j'ai accepté et signé des deux mains (le magnifique résultat est en partie visible sur cette page). 

4. Deux nouvelles liées à Doreckam
L'Ombre de Doreckam, mon deuxième roman à ce jour, en plus d'être un thriller fantastique se déroulant en Moselle, pose également quelques bases d'une sorte de multivers (doté de sa cosmogonie, ses mythes, ses mondes...) dans lequel se déroule toutes mes histoires. Certaines sont donc reliées par des "ponts" (des points communs évidents) et d'autres par de plus discrètes passerelles (une référence, un terme particulier, un personnage). Dans Jour de Neige, deux textes sont spécifiquement liés à L'Ombre de Doreckam : Les Remparts de Doreckam (dont l'action se situe donc dans la même ville) et La Chose qui fit trembler d'effroi un Vampire (qui se déroule dans une autre ville mosellane imaginaire mais très inspirée également d'un lieu réel). Certaines nouvelles du recueil sont également reliées par ce genre de passerelles, évidentes ou discrètes. De plus, la nouvelle Plus léger que l'air, plus lourd que les larmes présente également de nombreux éléments importants de ce "multivers". 

5. Parmi les textes non retenus…
Passer d'une première sélection de vingt textes pour en retenir les meilleurs n'a pas été évident. Certains ont vite été écartés car je les trouvais datés ou trop proches de nouvelles déjà retenues. Pour d'autres, ce fut plus compliqué. Celui qui a été éliminé en dernier s'intitulait "Girls and Ammunitions". C'était une histoire de mafieux et d'auteurs, mélangeant cynisme et scènes censées être drôles. Mais ce texte était assez proche, au moins dans l'esprit, à la fois de Meusienne Rhapsodie (sans être aussi efficace et percutant) et de Quatre Saisons (en étant moins drôle). Du coup, le but n'étant pas d'avoir le plus de textes possibles mais seulement les meilleurs, je l'ai remisé dans le Grand Tiroir Cosmique des histoires destinées à n'être point lues.

6. Le cadeau d’Alain Absire
J'ai abordé le sujet dans la postface du recueil, mais je me devais de développer un peu cette anecdote. Quand je me suis lancé dans l'écriture, je savais que ce que j'écrivais tenait la route, mais j'avais besoin d'être validé. De me l'entendre dire. J'avais besoin que l'on m'autorise à écrire, en quelque sorte. J'ai donc envoyé des nouvelles aux magazines qui en publiaient (seulement deux à l'époque, j'en parle plus en détail dans les points 7 et 8). Les deux nouvelles ont été retenues et publiées. Je me suis alors tourné vers les concours. Et des concours, il y en avait plein (je suppose que c'est toujours le cas) mais peu d'intéressants. En fait, je me fichais bien des concours dont le jury n'était composé que de lecteurs. J'avais besoin de l'avis, aiguisé et tranché, de professionnels de l'édition. J'ai donc dégoté cinq concours qui me paraissaient sérieux, et dont le jury comprenait au moins un éditeur ou auteur professionnel. Mes textes ont été primés dans quatre d'entre eux (liste exhaustive ici pour ceux que ça intéressent). Mais le déclic est venu à la buvette. C'est toujours un bon coin les buvettes. Mais commençons par le début. En 2008, je suis contacté par une dame qui m'explique que je suis lauréat d'un des prix Vedrarias et qu'elle compte sur ma présence (ça se passe en région parisienne). En fait, suite à un quiproquo, je pense que l'organisation me paie l'hôtel (sinon, je n'y serais jamais allé). Il se trouve que non, mais... au final, ça valait le déplacement quand même. Lors de la cérémonie, je reçois le deuxième prix. Il m'est remis par le président du jury (chaque membre du jury choisit en fait le texte qu'il veut le plus "défendre"). Je suis content, je bredouille quelques mots, puis je file à la buvette pour me mettre une race. Ouais, en matière d'écrivain, je ne suis pas du tout genre "parisien snobinard", perso, je serais plutôt dans le style "paysan assoiffé". Donc, je picole un vin blanc qui est loin d'être ma boisson favorite, mais bon, on fait avec, quand ledit président, alias Alain Absire, vient de lui-même me dire quelques mots. Je n'avais même pas tenté de l'approcher car il était entouré d'une cour d'auteurs-courtisans qui virevoltaient autour de lui. Je n'avais nullement l'envie de me frayer un chemin à travers ça. Et pour dire quoi ? Quémander quel conseil ? Quel passe-droit ? De toute façon, je n'avais rien à faire éditer à l'époque. Donc, je reste à la buvette. Et Alain Absire (qui m'impressionne quand même hein, le gars est l'auteur d'une foultitude de romans, c'est le président de la Société des Gens de Lettres, et lui, en matière de prix, il a "juste" obtenu le Femina, donc l'un des plus gros prix professionnels français) vient jusqu'à moi et me sort une phrase dont je me souviendrai toute ma vie. Il me dit "putain, mais tu as terminé la dernière bouteille ?"... non, je plaisante. Il n'a pas dit ça. Il a dit : "C'est bien ce que vous faites, il faut continuer."
Eh bien ça, ça a été le déclic. Je l'avais enfin, ma "validation". 

7. Première publication…
Blessures de Lame
, l'une des nouvelles présentes dans ce recueil, a été ma première publication en tant qu'auteur. Elle a été publiée en 2006 dans le magazine Khimaira (qui n'existe plus aujourd'hui, en tout cas pas dans sa version papier). Je n'ai pas touché un centime pour ça, mais à ce moment-là, j'étais déjà bien content de voir mon histoire figurer dans un magazine. Quand on n'a encore rien prouvé, difficile d'être très exigeant en matière de pognon de toute façon.

8. … et première rémunération en tant qu'auteur !
Mes premiers euros en tant qu'auteur me vinrent peu de temps après du magazine Lanfeust Mag, dans lequel fut publiée la nouvelle Jeu d'Auteur, qui ne figure pas dans le recueil Jour de Neige. Elle faisait pourtant partie des vingt textes présélectionnés, mais aussi des premiers que j'ai écartés. Pourquoi ? Difficile à dire... ce n'est pas mauvais en soi, l'histoire aborde la thématique de l'écriture, avec un ton un peu humoristique et un cadre fantastique, mais ça reste bien trop terne, fade et, au final, peu ambitieux. C'est juste un texte "honnête" mais bien trop "vert" pour figurer dans un recueil. 
Pour l'anecdote, j'avais touché 200 euros je crois pour cette publication. C'est peu mais j'en étais très fier.

9. Les recueils de nouvelles ne se vendent pas
Oui, les recueils de nouvelles, les recueils de poésie, les autobiographies, tous ces trucs-là (sauf rares exceptions) ne se vendent pas. Déjà un roman, ça se vend peu. Un roman d'un auteur inconnu (qui ne passe pas à la télé, donc), ça se vend encore moins. Et toute personne bossant dans l'édition sait que les recueils de nouvelles d'auteurs inconnus, c'est un truc qui va rester à tout jamais dans les rayons du libraire inconscient qui a eu la faiblesse de commander un tel ouvrage. Et pourtant, c'est une généralité. Et une généralité, ça admet des exceptions. Ainsi, par exemple, à mon grand étonnement, Jour de Neige a été bien plus vendu, lors de ma dernière séance de dédicace (chez Tome 5 à Thionville), que mes deux romans. Et les chiffres de vente jusqu'ici (j'ai une meilleure vision sur les ventes avec ce livre que lorsque je publie des romans chez des éditeurs traditionnels, sans rentrer dans les détails, j'ai des retours mensuels au lieu de bilans annuels) sont loin d'être mauvais. En tout cas, loin d'être mauvais pour un recueil de nouvelles. Écrit par un inconnu. Ouais, ça reste relatif quoi.

10. De l’ordre des textes
Je termine par un truc tout bête mais qui n'est pas forcément évident pour le lecteur : l'ordre des textes au sein du recueil. Certains s'en doutent certainement, mais l'ordre des histoires n'a pas été choisi au hasard. Pour un tas de raisons d'ailleurs. D'abord parce qu'il existe des références internes à ce recueil qui ne prennent sens que si on lit les histoires qu'il contient dans un certain ordre. Ensuite parce que, en tant qu'auteur, je sais ce que je veux vous faire ressentir avec ces textes. Je sais où je veux vous emmener. Et c'est plus facile si je m'aide d'un texte pour accentuer les effets d'un autre. Ou vous offrir une pause surprenante. Le début est important aussi, bien sûr. Tout comme le texte final. 
Imaginez un spectacle, un opéra, conçu du début à la fin pour vous faire vivre une expérience particulière, avec des crescendo et des temporisations, des scènes tragiques et des moments drôles, des paragraphes légers et d'autres plus profonds et introspectifs. Là, c'est un peu pareil, ça a l'air d'un assemblage de trucs indépendants, mais ça a été travaillé comme un tout, cohérent et réfléchi. 
J'en profite donc pour vous donner ce conseil, qui vaut pour tous les recueils : ne piochez jamais "au hasard" dans un recueil. Faites confiance à l'auteur. Il vous a dessiné un chemin idéal à travers les histoires qu'il est le seul à parfaitement connaître. Considérez-le comme un guide bienveillant. Il est normal de ne pas apprécier tous les écrivains, mais ceux qui vous ont bouleversés ou divertis méritent votre confiance. Laissez-les décider du chemin. 
Vous verrez, le voyage n'en sera que plus fantastique...



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