Lady Georgie
Publié le
13.12.16
Par
Tacgnol
Elle court, elle court dans les champs, les forêts, au milieu des kangourous, des émeus… Son abondante chevelure dorée reflète le soleil, ses yeux clairs brillent de mille feux. La jolie Georgie qui a fait rêver tant d’enfants est de retour dans une nouvelle version papier complète, chez Black Box.
Cette courte mais dense série de manga est scénarisée par Mann Isawa et sublimée par le dessin de Yumiko Igarashi, connue surtout pour son travail sur la fameuse Candy Candy, mais aussi L’épée de Paros, Anne… Lady Georgie était prépubliée de 1982 à 1984 dans le magazine « sho-comi » de l’éditeur nippon Shôgakukan qui compilera l’histoire en 5 volumes avant que celle-ci ne soit adaptée en épisodes animés et diffusée à la télévision française dès 1988.
Si Candy et Georgie partagent une abondante chevelure blonde, des yeux hautement expressifs et des aventures tumultueuses, Georgie ne vit pas en Europe et n’est pas en quête de son « Prince des Collines », mais de son identité.
Lady Georgie place son intrigue en Australie, au 19e siècle. Un fermier, Monsieur Buttman, tombe sur une femme agonisante au milieu de la forêt. Celle-ci lui confit sa très jeune fille, Georgie, ainsi qu’un bracelet, preuve de sa lignée. Le brave homme l’élève au sein de sa famille, sans jamais lui révéler son passé.
L’orpheline s’épanouit en pleine campagne, ignorante de tout, avec ses frères : le chevaleresque Abel et l’introverti Arthur. Espiègle, courageuse, dynamique, d’une agréable compagnie, sa présence fait naître des émois au-delà des liens fraternels chez les deux garçons. L’aîné, Abel est au courant pour l’adoption : il aime sa sœur et souhaite lui avouer ses sentiments ; mais Arthur, lui, ne connait pas le passé de l'adolescente. Ses désirs incestueux le tourmentent.
Lors du retour d’Angleterre d’Abel, après de 6 mois d’absence, Georgie rencontre le petit fils du gouverneur de Sydney, Lowell J. Grey, un jeune homme délicat dont les charmes ne la laissent pas insensible. Elle apprend également qu’elle n’est pas liée par le sang avec ses frères et comprend pourquoi sa mère est si sévère avec elle. De plus, brûlant de jalousie, Abel lui déclare sa flamme ! Bouleversée par toutes ses révélations, n’écoutant que son courage, l’adolescente choisit d’embarquer pour l’Angleterre, se faisant passer pour un mousse. Elle a décidé de percer le secret de ses origines... afin de pouvoir revenir, sereine, chez elle.
Sans dévoiler l’intégralité des 4 volumes de l’édition Black Box, forts riches en rebondissement, Lady Georgie propose une aventure tragico-sentimentale, tumultueuse. Georgie découvre l'existence loin du cocon douillet de la ferme, s’éveille à la sexualité et au monde. La jeune fille s’épanouit au fil de l’imagination féconde du scénariste et elle ne possède pas comme seul et unique objectif celui de la conquête d’une âme sœur. Secrets de famille scandaleux, lutte fratricide, complots, assassinats, jalousie, mensonges et trahisons remplissent les pages de ce manga, sans oublier, bien sûr, les multiples facettes de l’amour : l’affection fraternelle, l’inceste, le désir, la passion… mais aussi la figure allégorique du prince charmant, représentée par le noble Lowell auquel il faut renoncer, l’homme tourmenté et fougueux, symbolisé par Abel ainsi que l’amour serein, celui qui accompagne sur le chemin de la vie, Arthur. Les amitiés ne sont pas en restes, qu’elles soient spontanées ou résultantes d’un pardon. La société victorienne est épinglée par les piques des auteurs. Les différences de classe pèsent sur les destinées.
La fin est tout de même précipitée : tout se bouscule, s’enchaine, dans un déploiement d’émotions… cela demeure lisible, mais un volume de plus aurait été salutaire pour développer les derniers événements.
Cette nouvelle édition remplace celle publiée par Tonkam entre 2006 et 2007. Ici, pas de jaquette, mais une couverture cartonnée richement illustrée, un format plus grand (21 x 14.5cm) que les manga standards, des planches couleurs, un signet en tissu et des illustrations pleines pages, pour un prix tout à fait raisonnable.
La bande dessinée garde son sens de lecture japonais et les onomatopées sont soient sous-titrées (sons divers), soient adaptées (cris, paroles...) Les images sont retouchées pour faire disparaitre les traces des bruitages originaux et autres textes en surimpression sur les cases. Le résultat est propre, agréable à lire. Seul regret, l’absence des différents entretiens avec les auteurs présents dans la première édition française.
Les graphismes demeurent caractéristiques de leur époque et du public originel visé (les jeunes filles), mais ils conservent une élégance certaine, faisant la part belle aux grands yeux constellés, aux chevelures abondantes, aux détails vestimentaires soignés ainsi qu’aux décors ciselés. Les navires, les architectures et les paysages urbains — tracés à la main — ajoutent au dépaysement. Les plantes foisonnent entre les cases par milliers. Quant aux émotions, la mangaka sait les brosser avec ce qu’il faut d’exagération. L’habileté de Yumiko Igarashi se retrouve dans la construction élaborée des planches à la scénographie étudiée.
Lady Georgie est un titre tout public indémodable, un manga d’apprentissage et d’initiation, où l’aventure et la romance cohabitent en une harmonieuse alchimie qui suit l'émancipation d’une jeune fille oscillant entre un romanesque échevelé et un comique de situation. Malgré son âge canonique, cette bande dessinée continue de fasciner, conservant la force de son propos.
Un bel achat pour les fêtes.
+ | Les points positifs | - | Les points négatifs |
|
|