La Parenthèse de Virgul #6
Publié le
12.2.18
Par
Virgul
Fantômas bien sûr ! Mais pas forcément la version que vous connaissez...
Gratouillous les matous !
L'Homme aux Cent Visages
La plupart du temps, à l'évocation du nom de Fantômas, ce sont les films avec Louis de Funès, Jean Marais et la jolie Mylène Demongeot qui vous viendront à l'esprit. Malheureusement, et bien que les gesticulations au cinéma de l'inspecteur Juve parviennent à divertir encore aujourd'hui, elles ont eu comme conséquence néfaste de faire oublier l'œuvre originelle, à savoir les romans de Pierre Souvestre et Marcel Allain.
Le véritable Fantômas, bien plus sombre que celui incarné sur grand écran, fait ses débuts à la Belle Époque, dans des récits feuilletonnants au rythme ahurissant. En effet, l'éditeur, Arthème Fayard (Arthème, ça c'est pas mal perdu comme prénom, non ?), leur impose la sortie d'un roman par... mois. Résultat, les deux compères vont tenir les délais et produire pas moins de 32 volumes en 32 mois, soit environ 15 000 pages (même si le terme "page" ne veut rien dire et ne donne aucune indication sur la longueur réelle des écrits).
Le succès est au rendez-vous, Guillaume Apollinaire lui-même dira de ces histoires le plus grand bien en les saluant comme "un extraordinaire roman-fleuve, plein de vie et d'imagination". Fantômas fascine d'autant plus que ses auteurs vont puiser dans les faits divers, parfois sordides, pour alimenter ses frasques (le naufrage du Titanic, la bande à Bonnot et ses bains de sang...). Le slogan publicitaire de l'époque fait d'ailleurs dans la surenchère, Fantômas étant censé être "plus inquiétant que Cartouche, plus subtil que Vidocq, plus fort que Rocambole !"
Le trente-deuxième tome semble se terminer sur une fin aussi stupéfiante qu'idéale : Fantômas avoue à Juve, inspecteur de la Sûreté qui a juré sa perte, qu'il est son frère. Les deux hommes périssant dans le naufrage du paquebot Gigantic sur cette fracassante révélation... qui sera malheureusement reléguée aux oubliettes par Allain lui-même lorsqu'il reprendra, seul, l'écriture de la série après la disparition de son collègue.
La notoriété de Fantômas aidant, les romans des années 1911, 1912 et 1913 seront réédités, dans des versions abrégées (heurk !), au début des années 30, avec des titres plus "vendeurs", mettant le criminel en valeur. Le Mort qui tue devient ainsi Fantômas se venge, Le Pendu de Londres se transforme en Aux Mains de Fantômas, etc. Il faudra attendre 2013 pour que les originaux soient enfin de nouveau publiés, dans une intégrale en huit volumes, chez Robert Laffont.
Depuis leur création, Fantômas, Juve et le journaliste Jérôme Fandor ont été adaptés de multiples façons, que ce soit en feuilleton radiophonique, en BD ou en série de téléfilms. Cette dernière, datant de 1980 et produite par Antenne 2, bien que revenant à un ton plus dramatique, ne parviendra cependant jamais à éclipser, dans l'imaginaire populaire, les éclats de De Funès et l'interprétation surannée de Marais. Ces épisodes furent néanmoins réalisés par des noms plutôt connus, à savoir Claude Chabrol et Juan Luis Buñuel, les rôles principaux étant interprétés par Helmut Berger (Fantômas) et Jacques Dufilho (Juve).
Des problèmes de droits n'ont pas permis l'aboutissement de remakes récents. Notons que les films des années 60 ne furent pas les premiers. En effet, c'est Louis Feuillade qui, en 1913, adapte pour la première fois l'univers de Fantômas au cinéma. Par la suite, accusé par des benêts (déjà, oui) de faire la promotion de la criminalité, il réalisera un autre film, avec pour personnage principal un héros positif cette fois : Judex, qui est considéré par certains comme l'une des sources d'inspiration de The Shadow, voire de... Batman.
Vertigineux, non ? En tout cas, c'est un fait, parfois, la rapine et le crime paient.
Miaw !
Extrait de l'affiche du film de Louis Feuillade, Fantômas, le mort qui tue (1913). |
Quelques couvertures des romans originaux. |