Anthologie de Stephen King à l'écran
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Analyse complète du tout frais D'après une histoire de Stephen King, un ouvrage recensant toutes les adaptations ciné et TV issues des romans et nouvelles du plus célèbre auteur du Maine.

Cette anthologie de plus de 280 pages, publiée par Hachette Pratique dans sa collection Heroes, est l'oeuvre de Matthieu Rostac et François Cau. Les deux auteurs se sont attaqués à un projet plutôt ambitieux : recenser toutes les adaptations des récits de King, tout en présentant ces derniers, le contexte de leur création, les différences entre versions écrites et filmées, ou encore les thématiques revenant le plus souvent, le tout sur un ton qui se veut plutôt détendu, voire humoristique parfois.
Il est vrai que la somme de travail semble considérable, et que même un fan purement littéraire de King pourra apprendre quelques anecdotes sur les différents tournages. Malheureusement, bien que la volonté de bien faire soit évidente, l'ouvrage est parsemé de petits défauts qui finissent rapidement par agacer.
Voyons cela plus en détail.

Au chapitre des points positifs, on peut par exemple citer les icônes (32 en tout) symbolisant les différentes thématiques présentes dans plusieurs œuvres (original et bien trouvé), tout comme les nombreuses illustrations, la mise en page plutôt soignée ou encore les maisons d'édition et date de publication de chaque récit (VO et VF). L'on peut aussi souligner la présence de fresques chronologiques listant les événements ayant impacté par exemple les villes de Derry et Castle Rock, centrales dans l'univers de King. Ainsi d'ailleurs qu'une carte basique du Maine (difficilement lisible cependant quand les villes sont proches).
Les points négatifs sont, eux, bien plus nombreux.


Tout d'abord, certains choix de couleurs s'avèrent vraiment peu judicieux. Lire un texte blanc sur fond rose, avec en plus parfois des illustrations qui gênent, n'est pas très agréable. Heureusement, les fonds varient et il ne s'agit que de quelques pages.
Au niveau de la forme, le texte contient son lot de coquilles ("Cela en fait-un bon film pour autant ?" par exemple) et de problèmes concernant la ponctuation (dès les premières pages d'ailleurs). Rien de dramatique vu le volume de texte, mais des fautes qui reviennent trop souvent pour les passer sous silence.

Passons au style du texte, relativement... surprenant. Les auteurs alternent entre langage très soutenu voire désuet ("faquin"...) et expressions familières ou même vulgaires ("putain de...", "foutredieu"...). Rien de choquant, l'on peut fort bien utiliser des gros mots dans un texte, mais ces revirements maladroits désarçonnent plus qu'ils ne parviennent à installer une "complicité" avec le lecteur. Certaines expressions utilisées ne sont même pas réellement maîtrisées ("à la cool" à la place de "à la coule" [1]).
Mais le plus étrange provient du très grand nombre d'anglicismes employés. Le texte en est truffé : bullies, all-american hero, sidekick, jump scare, scream queens, constant reader, rookie, easter eggs, woke, chief happiness officers, full frontal... rien de compliqué pour qui maîtrise un peu la langue de King, mais pour les autres, ben... démerdez-vous en gros. Et paradoxalement, ce recours systématique à l'anglais n'empêche pas des fautes grossières ("le comics").

Au niveau du fond, le résultat est mitigé. Les résumés des récits sont souvent corrects, bien que parfois étranges, un peu comme si les auteurs n'avaient pas vraiment lu, ou compris, chaque œuvre. En ce qui concerne La Tour Sombre, on nous parle notamment d'une troupe "réunie par ka", ce qui ne veut rien dire (il faudrait écrire "par le ka"). Peut-être juste une coquille, mais la présentation des personnages principaux, mal fichue et peu précise, incite à penser qu'il y a là plutôt un manque de connaissances.
D'ailleurs, ce manque se fait sentir dès les premières pages, encore une fois, où l'on nous affirme que "professeur" et "écrivain" sont les deux seuls métiers jamais exercés par King. Même sans s'intéresser à la vie privée de l'auteur, il a suffisamment écrit de longues postfaces ou des ouvrages techniques où il parlait de ses difficultés financières dans ses jeunes années pour se souvenir de son job dans une blanchisserie. Une simple recherche sur le net permet de confirmer cette vague réminiscence en 30 secondes. Là encore, pas de quoi crier au scandale, mais l'accumulation de maladresses commence à se faire sentir.


Toujours au niveau du fond, certaines analyses et conclusions sont pour le moins discutables. Les auteurs affirment notamment que Shining serait la "meilleure adaptation (libre) de King". Juste parce que c'est Kubrick ? Parce que, sans trop chercher, des films comme La Ligne Verte ou Les Évadés sont à la fois plus proches du style de King et bien plus universels et intemporels dans leur approche narrative. Mais bon, admettons que tout cela soit subjectif.
Les auteurs parlent également, comme si c'était un fait admis et sans jamais donner d'exemples concrets, de la "misogynie" et de "l'homophobie latente" du roman Le Fléau ! Alors là, on est au niveau des accusations stupides de certains extrémistes qui voient dans Astérix, Martine, Le Club des Cinq ou Crocodile Dundee de dangereux brûlots (cf. cet article). Il n'y a évidemment rien d'homophobe ou misogyne dans Le Fléau, c'est uniquement la manière d'aborder certains thèmes qui a changé de nos jours chez des personnes particulièrement fragiles et se choquant plus des inventions de la fiction que des exactions réelles.

Ce n'est pas fini. En plus d'un incessant radotage sur les liens supposés (certains sont réels) entre les addictions de King et ses romans, les explications psychologiques censées démontrer ces liens sont parfois ridicules. Par exemple : "Cujo est un saint-bernard, donc un chien de montagne, donc qui dit montagne dit neige (il n'y en a pas du tout dans le roman), et qui dit neige dit... cocaïne", ce qui est censé prouver que Cujo est un roman sur l'addiction à la coke... wow ! Putain de wow même, pour reprendre le style des auteurs.
On continue avec Ça (It), et une scène conspuée de manière très violente : le moment où Beverly couche avec tous les membres du Club (dit comme ça, ça a l'air violent) serait "une partouze juvénile qui s'étale sur neuf pages et constitue la dévastatrice apogée du mauvais goût de King". Avec une telle description, on a l'impression d'avoir affaire à un porno. Un porno pédophile en plus ! Or, tous ceux qui ont lu le roman savent bien que cette scène est très "soft" (dans le sens où King ne s'appesantit pas sur l'acte) et avant tout symbolique. Surtout, il y a tout un contexte à expliquer. Si l'on dit "des gamins sautent tous la même fille", c'est clair que c'est glauque. Mais, cette scène (encore une fois symbolique et tout sauf voyeuriste) ne peut se comprendre si l'on élude tout le propos, le passif des personnages, leur situation à ce moment-là et les liens puissants qui les unissent. Donc, non, ce n'est pas une "partouze", ça se rapproche plus d'une fusion, d'une communion, compréhensible dans le contexte (et uniquement dans le contexte, qui est ici mis de côté). Cette scène rejoint même la thématique, centrale chez King, de la peur et de la découverte de la sexualité.
Allez, encore un dernier exemple d'approximation : en évoquant Désolation, Rostac et Cau critiquent (là encore sans jamais donner d'exemples ou d'arguments) la traduction française. Pourquoi pas, il y en a de très mauvaises, c'est vrai. Mais comment expliquer leur silence sur la traduction de Dôme, la pire VF tirée des romans de King à ce jour ? [2]

Pour terminer, on a droit à un récapitulatif de toutes les apparitions de King dans des adaptations. C'est une bonne idée, sauf que les photos utilisées pour illustrer tout ça ont une définition dégueulasse et sont en noir & blanc. Un peu comme la cerise pourrie sur le gâteau que l'on rêvait de dévorer mais qui s'avère trop indigeste pour que l'on ne soit pas barbouillé dès la deuxième bouchée.
Tout cela est finalement bien frustrant, car, on l'a dit, ce bouquin a aussi des qualités. Mais ses tares sont trop nombreuses pour que l'on puisse réellement le conseiller. Des maladresses répétées et un manque de rigueur le destinent avant tout aux curieux qui voudraient simplement une jolie liste de films et séries. Le fan un peu connaisseur, lui, aura trop à redire, tant sur la forme que le fond, pour se réjouir de cet achat.
Tellement dommage.




[1] "À la coule" (ou "à la coul") est une vieille expression argotique française (qui n'emprunte donc rien au terme anglais "cool") tirée des jeux de cartes dans lesquels le fait de jouer "dans la couleur" du partenaire lui donne l'avantage (la belote par exemple). Cela ne veut donc pas dire "être cool" mais plutôt être avantagé, expérimenté, rusé, en position de force.
[2] La VF de Dôme fut un véritable désastre : coquilles, fautes "volontaires" (par ignorance), manque d'adaptation et même opinions personnelles du traducteur en note, un festival ! Des exemples ? Ce n'est pas ça qui manque. Un steak "médium" ("à point" en gros), qui est évidemment une expression connue chez nos amis américains ou anglais, mais qui chez nous n'a pas lieu d'être et qui est dans le roman utilisée de manière appuyée. Grand nombre également d'élisions douteuses, comme "ç'a" (au lieu de "ça a" ou "cela a"), ainsi que des tonnes de coquilles (des adjectifs disparaissent ou des termes impropres surgissent au milieu d'une phrase). Le pire reste encore une note de bas de page expliquant le crash-a-rama. Voilà la définition : "Version moderne, en plus répugnant encore, des courses de stock-cars". OK, donc le traducteur donne son opinion personnelle sur une course de bagnoles sans que l'éditeur fasse une remarque... spécial.
Parfois, il s'agit même d'incompréhension crasse : "Apollo Creed" est employé comme s'il s'agissait d'un stade et non d'un homme, le "Food City", qui est un magasin, est désigné indifféremment comme une ville ou un supermarché ("à Food City", "au Food City"). Et ce ne sont que quelques exemples du ratage complet dénoncé à l'époque (pas forcément dans les médias grand public). D'ailleurs, Albin Michel a tout de suite redressé la barre dans les romans suivants.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une liste exhaustive (pour le moment) des adaptations tirées des récits de King.
  • Les fresques chronologiques concernant les villes.
  • Un réel effort d'illustration et de mise en page.
  • De nombreuses anecdotes sur les différents projets et tournages.

  • Des informations parfois approximatives.
  • Trop de coquilles et d'erreurs.
  • Un choix de polices et de couleurs discutable, ce qui nuit au confort de lecture.
  • Des analyses assénées comme des coups de massue, sans démonstration, exemples ou arguments.
  • La qualité de certaines photos.