Movie ghosts 1/2
Publié le
10.9.22
Par
GriZZly
Jerry Fifth est un privé de Los Angeles qui communique avec les étoiles défuntes du cinéma.
Cela lui permet de résoudre des cold cases mais aussi de s'éprendre de l'une de ces étoiles, éperdument.
Outre sa connaissance des arcanes de la Cité des Anges, Jerry Fifth va bientôt se découvrir un don pour le moins étrange : communiquer avec nombre de vedettes et responsables du cinéma d'antan désormais décédés. Ces âmes ont encore une tâche à accomplir avant d'atteindre leur destination finale et Jerry va s'employer à en aider certaines.
Nous assistons à la prise de conscience de son pouvoir par Jerry et le moins que l'on puisse dire est que l'acceptation en est pour le moins rapide. Il abandonne vite son étrange explication à base d'acouphènes (un acouphène qui ressemble à une voix et non à un sifflement, c'était de toute façon une explication pour le moins étrange) au profit de la piste surnaturelle. Et le voilà du jour au lendemain enquêteur paranormal guidé par des indics fantomatiques.
La rapidité de cet aspect du récit nous renseigne vite sur la nature du projet que l'on tient entre les mains : il ne se veut guère crédible mais œuvre davantage à titiller notre fibre poétique et à installer une ambiance adéquate tout au long de la lecture.
La collection Grand angle de chez Bamboo prend ici le pari de viser un public nostalgique des belles heures du cinéma (quelques grandes vedettes sont même citées dans l'album) ou suffisamment curieux pour s'essayer à un roman noir fantastico-romantique.
Si vous vous attendez comme nous à un ouvrage fantastique qui respecterait les codes du genre, détrompez-vous. Ici, ce qui compte surtout est l'atmosphère noire, les relations troubles et la soif de vie désespérée des âmes perdues. Même les enquêtes sont, en définitive, assez cousues de fil spectral.
Certaines idées sont désarmantes et traitées de belle façon, comme ce fantôme d'actrice incapable d'avoir une matérialité physique mais qui veut être aimée une dernière fois. La sensibilité du récit rend ce personnage émouvant et sa frustration plausible.
Stephen Desberg (IR$, Le Scorpion, Empire USA) livre ici un récit agréable mais qui se permet de nombreuses facilités. Aucune n'est dérangeante au point de gêner la lecture mais il est nécessaire d'être réceptif à ce type de récit pour s'y immerger suffisamment et parvenir à ne pas les sentir nous sauter au visage en nous hurlant leur existence.
Attila Fukati (Severed : destins mutilés), quant à lui, nous gratifie d'un dessin réaliste très soigné, d'un découpage intéressant, d'angles de vue assez consensuels mais efficaces et d'une mise en couleurs privilégiant l'atmosphère et la sémantique au réalisme... étant en cela cohérent avec son auteur.
Alors certes, l'ambiance est lourde à en être caricaturale. Certes, la narration joue sur trop de clichés et la voix off peut sembler bien trop présente.
Certes, les personnages sont davantage des archétypes que des êtres auxquels on croit...
Mais ce sont là des caractéristiques du polar, auquel Movie Ghosts emprunte sa forme. Il y apporte de façon assez originale une dose de surnaturel qui parvient lui aussi à se conformer à la musicalité générale.
Que l'on soit séduit ou non par la proposition, il faut admettre son originalité et le soin apporté à sa concrétisation.
Un album intrigant mais, surtout, qui reste un peu en nous après l'avoir fermé, pour peu que l'on soit sensible à la démarche ou tout simplement à l'idée qu'un amour soit la communion de deux âmes, qu'importent les corps.
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