Wolverine : Black, White & Blood
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La collection "Black, White & Blood" a tout de l'opération opportune, une initiative purement commerciale s'appuyant sur la popularité d'un personnage et de certains artistes tout en s'affranchissant du carcan de la série d'origine. Le but est d'en mettre clairement plein la vue au lecteur, en emballant des récits courts dans un album surdimensionné.
Les amateurs et collectionneurs apprécieront, même s'il leur faudra se creuser la tête pour trouver comment insérer le volume dans leur bibliothèque : 33,5 x 24 cm, on navigue dans une dimension très inhabituelle pour du comic book (même l'intégrale Watchmen est plus modeste, c'est encore plus grand que Fluorescent Black - mais ceux qui apprécient le format XXL trouveront que ça reste largement en-dessous des cotes de la récente réédition "oversized" de L'Arme X, dont nous reparlerons).

Demander ainsi de créer des histoires sur Logan, destinées à n'être illustrées que par le biais de ces trois couleurs, relevait autant de la gageure que de la logique : le "Meilleur dans sa partie" s'est en effet régulièrement illustré dans un contexte sombre et il y a toujours de grandes chances que le sang jaillisse lors de ses confrontations aussi violentes qu'inévitables ; s'il a régulièrement fait couler celui de ses malheureux adversaires, il a aussi souvent perdu de grandes quantités du sien, au point de frôler la mort à de nombreuses reprises. Après la déception d'un Kill Island un peu trop tendre à notre goût, c'était l'occasion de repartir sur les traces d'un héros sauvage et bestial qui maintient toutefois, à grand peine, son honneur et son humanité à la surface - des caractéristiques qui, déjà, transparaissaient dans les premières histoires en solo, avec Frank Miller ou Chris Claremont aux commandes. Ça tombe bien : Claremont fait justement partie de la pléthore d'artistes invités au sommaire de ce volume ! On en reparle ci-dessous.

Nous voici donc avec une compilation maligne de douze petites aventures (10 pages chacune) de notre mutant griffu, qui apportera sans doute ce qu'il faut de joie et d'énergie aux fans, parvenant malicieusement à illustrer quelques interstices de la vie très remplie de Wolverine. Le gars ayant vécu assez longtemps, il y a largement la place pour imaginer quelques nouvelles péripéties, tout en s'efforçant de rester raccord avec la trame générale. Tout ou presque y passe, on navigue entre Madripoor, le Japon, l'Europe de l'Est, l'Amérique du Nord mais également Mars avec un Logan qui agit souvent pour lui-même ou sous son autre identité civile ("le Borgne"), parfois en tant que X-Man ou espion à la solde de Nick Fury, ou encore dans le cadre de X-Force. On commence d'ailleurs très tôt puisque le premier épisode se situe à l'époque de l'Arme X, avec le mutant canadien déjà chargé d'adamantium mais encore sous la bride des concepteurs du projet. Le lecteur consciencieux remarquera à ce sujet, assez vite, des problèmes dans la maquette : les deux premières aventures voient leur titre repoussé à la dernière page, mais ils sont inversés dans la table des matières, et les auteurs ne sont pas les mêmes. Pour autant, la traduction de Mathieu Auverdin tient la route.




Si les partenaires habituels (c'est-à-dire en gros les mutants œuvrant dans le cadre des groupes plus ou moins affiliés à Charles Xavier, mais aussi, ne l'oublions pas, les Avengers) n'apparaissent guère ou ne font que passer , les femmes de la vie de Logan tiennent ici une place nettement plus importante : Tyger Tyger, Kitty Pryde, Mystique et surtout Mariko viennent faire de l'ombre à notre héros pour lequel on propose des trames finalement peu ambitieuses ou originales. Vengeance, honneur et quête d'humanité constituent les thèmes les plus fréquents, le sang coule - bien entendu - mais la violence n'est pas toujours au premier plan. Cet encrage particulier sied particulièrement aux crayonnés de quelques petits nouveaux mais également à certains revenants dont Salvador Larroca. Ce dernier, après s'être occupé de la série Darth Vaderillustre un script proposé par le vénérable Claremont qui parvient à ne pas décevoir (après tout, il est dans son élément, c'est lui qui, au travers des X-Men, a mis en valeur le personnage : cf. par exemple cet arc co-réalisé avec John Byrne) avec un récit aussi épuré que profond : Do we die today.  Cet épisode intéressant précède sans doute le plus réussi de l'album : 32 warriors and a broken heart de John Ridley (l'un des auteurs de Future State Barman) & Jorge Fornès, dans lequel notre héros devra assumer l'un de ses plus gros échecs face à un Samouraï d'argent qui se fera un malin plaisir de lui rappeler des responsabilités qu'il a esquivées ; sans doute le seul récit qui laisse une impression amère sur les choix de Wolverine. Juste après, Burn de Donny Cates se voit mis en images par un Chris Bachalo décevant : la singulière mise en couleurs nuit fortement à ses esquisses qui en deviennent illisibles. Le scénario a le mérite de conserver une pointe d'humour qu'on ne trouve pas dans les premiers épisodes, plus directs. Greg Land - qui sort de sa participation au Spider-Versene fait pas mieux dans Unfinished Business, mais son style trop hiératique convient davantage aux couvertures qu'aux histoires échevelées : Logan n'est pas un héros qui pose et il a besoin d'un artiste qui colle à sa dynamique intrinsèque. Mention bien toutefois pour Red Planet Blues qui fait ouvertement référence à la saga House of X/Weapon of X de Hickman avec des dialogues piquants et le design épuré mais efficace de Jesus Saiz - que nous avions déjà remarqué dans le dernier Swamp Thing. 

Pour le reste, cela va du très dispensable (mais jubilatoire) au surprenant, même si aucun épisode ne s'avère être un réel chef-d'œuvre. Quelques-uns souffrent de l'ombre des précédents récits complets, ou des grands moments de la série, peu sortent des sentiers battus. Cela dit, s'ils ne surprennent guère, ils sauront contenter les admirateurs de ce personnage à nul autre pareil, passé très vite de tête brûlée un peu fort en gueule à porte-étendard de la flotte Marvel, éclipsant même la popularité de Spider-Man.

Un album moins sérieux qu'il n'en a l'air, doté d'un humour plutôt bien dosé et proposant une violence à géométrie variable : c'est sanglant mais il y a eu bien pire (The Best there is de Huston & Juan José Ryp ou même Ennemi d'État). Loin d'être indispensable, il saura prendre une (grande) place de choix dans la bibliothèque de tout un chacun.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un choix éditorial qui sied plutôt bien au personnage du mutant griffu.
  • Un album gigantesque (par rapport aux normes des comics) qui met en valeur les graphismes. Toutefois sa couverture demeure souple.
  • Des épisodes répartis tout au long de la (longue) vie de Wolverine.
  • Une liberté de ton bienvenue.
  • Une palette de grands noms parmi les auteurs et dessinateurs. 


  • Des intrigues très légères, prétextes à des séquences loufoques ou brutales.
  • L'inconvénient habituel des compilations, avec une forte inégalité dans la qualité des textes et des dessins.
  • Les références à la carrière de Logan pullulent, au point qu'elles peuvent perdre le lecteur profane.
  • Une maquette un peu bizarre, avec des erreurs dans la table des matières.