Doomsday Clock
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Une suite au célèbre Watchmen, forcément, ça ne laisse pas indifférent. Tout de suite, on se penche sur Doomsday Clock.

Il y a 30 ans, le justicier, génie et homme d'affaires Ozymandias a mis au point une terrible machination pour sauver l'humanité d'elle-même. Aujourd'hui, ses manigances ont été révélées au grand jour et son monde court à sa perte. Bien décidé à trouver une solution, Ozymandias va tout tenter pour retrouver le Docteur Manhattan, seul être capable de stopper la catastrophe.

Il y a cependant un problème, Jon Osterman a quitté cet univers pour celui de la Ligue de Justice. C'est donc là qu'il faudra aller le chercher. Dans un monde lui aussi au bord de la guerre totale à cause d'une crise mondiale causée par ces armes nouvelles que sont les surhumains...

Voilà le pitch, alléchant il faut le reconnaître, proposé par Geoff Johns. Le scénariste va développer, sur environ 400 pages, un récit qui se veut être à la fois une suite et un hommage à Watchmen. Premier problème qui se pose : c'est compliqué d'allier les deux. Pour faire une bonne suite, il faut plutôt s'éloigner du récit originel, en innovant, donc en "oubliant" un peu ce qui a été fait, alors que pour réaliser un hommage, il faut sans cesse se référer à l'œuvre de base. Ce qui donne un jeu d'équilibriste très casse-gueule.

Heureusement, Johns a suffisamment d'expérience pour éviter un naufrage complet, il apporte même une thématique intéressante et de bonnes idées. Notamment tout ce qui concerne l'aspect métaphysique, plus que politique. La crise politique qu'il expose a quelque peu une saveur de déjà-vu (la gestion géopolitique des surhumains a été abordée dans de nombreuses séries, que ce soit Supreme Power (cf. ce dossier), Stormwatch/The Authority et bien d'autres titres), alors que le thème de l'affrontement sans fin, d'une opposition se déclinant dans de multiples versions, fait écho aussi bien au concept de multivers qu'à la continuité des comics. Il s'agit également, à travers Superman et le Docteur Manhattan, d'opposer deux visions des comics super-héroïques mais aussi du monde : l'une est positive mais manichéenne, l'autre plus réaliste mais désenchantée. 



Bien entendu, ce que l'on attendait surtout, c'était la confrontation entre deux mondes légendaires. Or, et c'est sans doute le principal problème de l'histoire livrée par Johns, tout cela manque de lyrisme et de moments épiques. C'est intelligemment fait la plupart du temps, mais cela reste très (trop !) froid. Difficile de vibrer vraiment, même le grand final échouant à générer un véritable moment d'intense émotion.
La représentation des personnages est également loin d'être parfaite. Si le Docteur Manhattan est très bien mis en scène (tout comme Ozymandias, dans une moindre mesure), on ne peut pas en dire autant d'un Rorschach aseptisé et bien moins charismatique que son modèle. Grosse déception aussi pour le Comédien, que l'on tire d'entre les morts pour faire de la figuration.

Du côté de DC Comics, ce n'est guère mieux. En fait, c'est surtout Superman (et Batman, bien qu'ayant un rôle moins central) qui vont être mis à contribution. Le reste est un défilé d'apparitions très souvent anecdotiques. Ce qui peut se comprendre aussi, dans un tel récit, tous les personnages ne peuvent pas être développés, mais là, c'est quand même très peu en comparaison du nombre de planches. 
Au niveau graphique, c'est le bien connu Gary Frank qui officie. Alors, visiblement, le parti pris, c'est de coller au style de Gibbons. Pourquoi pas en ce qui concerne la mise en scène (les gaufriers, les cases symétriques, qui se "répondent", etc.), mais le dessin a un côté très terne. On a déjà vu Frank faire bien mieux, que ce soit sur Shazam ou Batman par exemple. Du coup, les confrontations, déjà peu efficaces d'un point de vue narratif, sont également plombées par un style qui convient parfaitement aux petites cases mais pas du tout aux rares plans plus larges.

Maintenant, est-ce qu'il faut lire quelque chose avant ce Doomsday Clock ? Alors, oui, le plus évident, c'est Watchmen, histoire de comprendre tout de même de quoi il retourne. Par contre, c'est plus ou moins le seul passage obligé, même si l'album Le Badge (également publié par Urban Comics) peut être utile, non seulement parce qu'il fait office d'intéressante introduction (en compagnie de Batman et Flash), mais aussi parce qu'il contient un résumé succinct de points importants (surtout centrés sur Flashpoint en réalité). 
Niveau traduction, le texte a été confié à Edmond Tourriol, une valeur sûre donc.

Au final, voilà une saga qui est quelque peu décevante, même s'il faut dire que l'on en attendait peut-être trop. Elle n'a en tout cas rien de honteux, malgré les pleurnicheries des habituels ronchons qui n'aiment pas qu'on touche à "leur" jouet. On se demande bien pourquoi... même si demain DC sortait Les Watchmen font du ski, cela n'enlèverait rien à l'œuvre de Moore (et je serais prêt à payer pour voir sa tête à ce moment-là !).
À conseiller donc, si vous aimez les personnages cités plus haut, même si clairement on ne peut s'empêcher de ressentir une pointe de déception à la lecture de planches certes honnêtes mais qui ne parviennent pas à créer le maelstrom d'émotions et les confrontations épiques que le lecteur était en droit d'attendre, surtout avec un tel sujet. 




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une thématique intéressante.
  • La rencontre de personnages mythiques.
  • La construction de certaines planches.
  • Les éléments hors BD qui parsèment le récit (articles, lettres, etc.).


  • Un manque de lyrisme et d'audace lors des scènes clés.
  • Un style graphique parfois bien terne.
  • Un Rorschach expurgé de pratiquement tout ce qui le rendait fascinant.