L'effet Hawking
Publié le
17.3.18
Par
Nolt
[1] |
L’homme était un scientifique
exceptionnel, dont la qualité des travaux, notamment sur la gravité quantique
et les trous noirs, sont unanimement reconnus par la communauté scientifique.
Mais Hawking était plus que
cela.
Il était un vulgarisateur.
Ce rôle est fondamental. Car
Hawking ne s’est pas contenté de faire des recherches en s’enfermant dans la
pourtant si enivrante course au savoir. Il fait partie de ces gens qui ont
décidé d’expliquer ce qu’ils font. Ce qu’ils comprennent de l’univers.
Hawking était une passerelle.
Et les passerelles sont d’autant plus précieuses qu’elles sont rares et relient
des points éloignés. Il a permis à des gens, incapables de résoudre des
équations complexes, de s’imaginer un peu ce que celles-ci signifiaient. Il a
contribué, par son ouverture d’esprit et ses ouvrages, notamment Une Brève
Histoire du Temps, à rendre le merveilleux accessible.
Car oui, la science, l’univers,
la physique ont un côté merveilleux, magique et contre-instinctif qui fascine
et surprend. Personne n’a besoin d’équations, si ce n’est quelques
spécialistes. Mais tout le monde a besoin de réponses.
De réponses accessibles.
Cet homme fait partie de ces
gens qui vous rendent meilleurs. Qui vous font sentir tout petit aussi, parce
que le gars luttait contre une maladie de merde, qui l’a laissé paralysé et le
condamnait. Malgré cela, le mec a obtenu un doctorat, s’est marié, a écrit des
livres et publié des recherches impactant durablement le monde scientifique.
Le parcours de cet homme est proprement
ahurissant. À côté de lui, Indiana Jones, Rambo et Luke Skywalker sont des
petites choses fragiles.
En 1985, après une pneumonie
qui le laisse encore plus handicapé, on propose à son épouse de le « débrancher ».
Elle refuse.
Walt Waltosz, un informaticien
américain, va alors construire un dispositif permettant à Hawking d’utiliser un
ordinateur, ses propos étant relayés par un synthétiseur vocal.
La maladie progresse encore.
Le mec tient.
En 2001, perdant l’usage de
ses mains, c’est un système hallucinant, détectant les infimes contractions des
muscles de sa joue, qui vont lui permettre de continuer à communiquer…
Cet Homme, et là, la majuscule
s’impose, a continué, malgré son état, à écrire, donner des cours, et vivre,
tout simplement.
Ce génie, enfermé dans un
corps en ruine qui le lâchait peu à peu, a connu un destin tragique. Mais aussi
merveilleux, dans le sens où tout le monde (ou presque) connait ce scientifique
(et pas seulement à cause de The Big Bang Theory) et dans le sens où tout le monde
peut apprendre de ce gamin anglais, né pendant la Deuxième Guerre mondiale.
L’effet Hawking, celui qui
impacte bien au-delà du monde scientifique, c’est probablement cela. Un mélange
de courage et d’abnégation, couplé à un désir de partager le savoir, de
réenchanter le monde. De transmettre des clés. De tenir un rôle de passerelle
branlante entre des gens et des sphères d’intérêt en apparence éloignés.
L’effet Hawking, c’est la
croyance fondamentale que les Ténèbres ne sont que provisoires. Et que la
lumière a ceci de bénéfique qu’elle éclaire tout le monde, sans distinction.
Par un hasard assez douloureux,
nous avons lancé, sur UMAC, une rubrique de vulgarisation scientifique la
veille de la mort de Stephen Hawking.
Bien que cette rubrique soit
supervisée par Cédric, un véritable physicien, chercheur et enseignant, ayant
lui aussi l’envie de transmettre, d’expliquer, d’émerveiller, nous n’avons
évidemment pas la prétention d’égaler ce que les grands vulgarisateurs ont pu
faire jusqu’ici. Nous essayons simplement, par fascination pour la science et
ce qu’elle a de fantastique, de partager ce que nous savons. De faire reculer
les ombres et l’ignorance. De susciter des vocations, pourquoi pas ?
Mais cette inspiration, cette
passion, cette curiosité, nous les devons à de grands pionniers, et notamment à
Stephen, qui restera à jamais un génie, un type inspirant et, en tout cas je le
crois, ce qui se rapproche le plus de ce que l’on peut qualifier de
super-héros. À cette différence près que lui n’a pas eu à combattre des super-vilains fictifs mais la froide saloperie du réel.
UMAC dédie
respectueusement ce modeste article à la mémoire de Stephen William Hawking (1942-2018).
[1] Crédit photo : David Montgomery