Ours, Finlande et Heavy Metal
Publié le
13.7.18
Par
Nolt
Avec Perkeros, c'est à une plongée dans le quotidien d'un groupe de metal amateur que l'on est convié.
Axel est un jeune étudiant, passionné de musique, qui est guitariste et chanteur dans un groupe. Son groupe. Celui pour lequel il est prêt à tout sacrifier, même sa vie amoureuse.
Autour de lui, la jolie Lily est au synthé, Kervinen, un vieux concierge, est à la basse, et les percussions sont aux mains d'un... ours.
Mais Axel a deux défauts majeurs. Il a un énorme trac, qui le conduit parfois à gerber sur scène au lieu de chanter, et il se met parfois à... bégayer au plus mauvais moment. Un nouveau chanteur semble donc indispensable pour que le groupe puisse prendre son envol. Mais pour cela, il va falloir mettre sa fierté de côté...
Le duo aux commandes de cette bande dessinée finlandaise, sortie en 2014 chez Casterman, est composé de JP Ahonen et KP Alare. Deux parfaits inconnus, mais des mecs qui aiment le hard rock et la BD ne peuvent pas être de mauvais bougres.
Le récit se concentre donc, comme on l'a compris, sur les déboires et petits succès d'un groupe de passionnés qui tentent de percer dans le monde de la musique, en écumant les bars pour accumuler un peu d'expérience et de public. Mais, et c'est là où ça devient intéressant, l'histoire va bien plus loin que ce simple cliché et parvient à se transformer tour à tour en love story contrariée, en métaphore brillante sur le pouvoir de la musique et même en récit fantastique à tendance horrifique.
C'est riche, très riche. Et bien foutu.
Niveau dessins, c'est aussi beau qu'inventif. On ressent "physiquement" la puissance des riffs et des mélodies inspirées lors des concerts : rarement un objet pourtant silencieux aura été aussi loin dans l'évocation du son et des sensations qui vont avec (nous n'avons pas mis ce genre d'exemple dans les photos qui illustrent cet article, car en général, il s'agit de doubles-pages, précédées par une construction et mise en condition complexes, qu'il vaut mieux découvrir lors de la lecture).
Pourtant, inutile d'être un mélomane (ou un metalleux) pour apprécier ces 180 pages. Le propre d'une bonne histoire est de transcender son sujet, et Perkeros y parvient de bien des manières. L'humour tout d'abord est constant. Certaines répliques fusent avec brio et intelligence et nous cueillent lorsque l'on s'y attend le moins. Et le personnage principal est un monument de savoir-faire : passionné, maladroit, buté, parfois de mauvaise foi, il n'en est que plus humain, réel et sympathique.
Quant aux références musicales, elles sont bien présentes et plutôt bien trouvées. Elles sont même parfois utilisées pour balancer des vannes. Par exemple quand le leader du groupe annonce qu'ils vont faire un "petit Ace of Base pour se chauffer", avant de se reprendre et de préciser, paniqué : "Ace of Spades ! Spades !"
Il faut connaître Motörhead et le groupe précité pour apprécier la vanne, mais avec la tronche des personnages en plus, elle est purement magique.
Il y a bien sûr également quelques "reprises" dans l'ouvrage, notamment de Protest the Hero et Pain of Salvation. Pas la peine de s'attendre à trouver ces groupes sur NRJ ou à la télévision, c'est un peu trop "pointu" on va dire.
Pas de panique, il y a cependant aussi (pour les besoins de vannes, souvent) des références à des trucs plus connus, comme Britney Spears. Les termes techniques (djent, tapping, outro...) sont rares et relativement compréhensibles dans le contexte.
Mais ce qui emporte vraiment le morceau (c'est le cas de le dire), c'est cette facilité à rendre tout crédible, d'une situation dramatique à un moment de doute, en passant par un questionnement amoureux ou même un trajet (très rock n'roll aussi) en scooter. On est dedans, du début à la fin (et pourtant, le batteur est un ours !).
D'un point de vue pratique, c'est du grand format avec hardcover. Et pour le prix très raisonnable de 17 euros ! (180 pages tout de même).
On trouve à l'intérieur un petit fascicule qui présente les membres du groupe et liste leurs sources d'inspiration ou leurs formations antérieures (Kervinen étant le plus vieux, on va remonter jusqu'à Simon & Garfunkel, King Crimson ou Genesis).
La traduction est nickel à part deux "kestu" et "kesta", qui n'ont pas lieu d'être (en quoi un "qu'est-ce tu" serait moins signifiant ?). Vraiment pas grand-chose à reprocher sur l'ensemble.
Une excellente BD, véritable hommage graphique à la musique en général et au metal en particulier.
Drôle, beau, original, intelligent : un putain de "perfect" !
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