Avant-première : L'Assistante de la Baba Yaga
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Après Diesel, chroniqué il y a peu, continuons d'explorer le catalogue de la nouvelle maison d'édition Kinaye, spécialisée dans l'adaptation française de comics pour enfants, avec le premier fleuron de l'autre collection, "Graphic Kids" : L'Assistante de la Baba Yaga.

Sélectionné aux Eisner Awards 2016 dans la catégorie "Best Publication for Kids", ce roman graphique de 136 pages sera disponible dans le commerce à partir de janvier 2019.
L'auteur, Marika McCoola, qui l'a dédié à sa grand-mère, délivre ici une histoire hautement référentielle où l'initiation d'une jeune fille passe non seulement par son opiniâtreté et ses dons innés, mais également par l'importance capitale des traditions héritées des aînés : ici, le folklore tout comme les récits de sa mamie constituent un savoir capital pour le passage des épreuves qu'elle est amenée à traverser. Mais quelles épreuves ?

Masha se sent seule. Sa mère, partie trop tôt, l'a laissée avec un père trop focalisé sur son travail pour s'occuper d'elle. Ce dernier finit par lui présenter sa nouvelle compagne dont la fille s'avère être une horrible peste. C'en est trop pour Masha qui n'a plus sa chère grand-mère auprès de qui elle a grandi, savourant comme il se doit ses histoires à mi-chemin entre le conte de fées traditionnel et les rêveries d'enfant, où elle se mettait en scène face à la redoutable Baba Yaga, la méchante sorcière slave qui dévore les enfants qui ne sont pas sages. Or, il se trouve que cette dernière recherche une assistante par le biais de petites annonces. À une famille recomposée dans laquelle elle ne trouve pas sa place, Masha décide alors de préférer la compagnie d'une créature qui a hanté ses souvenirs de jeunesse, sans savoir réellement quelle part de vérité recelaient les aventures qu'on lui narrait naguère.



Seulement, entrer au service de la Baba Yaga ne se fait pas automatiquement : la première épreuve consiste à pénétrer dans sa demeure, une maisonnette en bois perchée sur de gigantesques pattes de poulet (un peu à la manière du Château ambulant de Miyazaki, le côté steampunk en moins). C'est là que Masha va devoir faire preuve d'imagination, d'astuce et puiser dans les souvenirs des contes traditionnels (Hansel et Gretel ne sont pas loin !) et des anecdotes de sa grand-mère qui aurait été, gamine, elle-même prisonnière de la sorcière. Et ceci ne constitue que la première de toute une série de tests que la jeune fille devra passer...

Très vite, ce qui frappe dans l'album, c'est un réel souci de lisibilité et de qualité : le travail de relecture a été parfaitement mené au point qu'aucune coquille n'est à déplorer. Le lettrage en script est parfaitement intelligible et on a droit à plusieurs notes de bas de page destinées à éclairer les jeunes lecteurs (à qui l'ouvrage est principalement destiné) sur certains points, comme le plat américain traditionnel apporté lors des funérailles ou la référence à la route de briques jaunes du Magicien d'Oz. L'aspect graphique constitue en outre un réel plus : Emily Carroll nous propose des planches agréables à l'encrage généreux, tout en couleurs pastel et alternant un découpage classique avec des pleines pages éclatantes. En outre, l'artiste s'applique à traduire les souvenirs de Masha et les extraits des contes de fées sur lesquels elle s'appuie constamment en dotant ses cases d'encadrements stylisés tout en adoptant une palette graphique différente, plus douce, qui estompe les traits et ravira les adultes amateurs de beaux ouvrages.



L'album est beau, assurément, séduisant le regard de l'esthète tout en délivrant un radieux message d'espoir et d'accomplissement. S'accrochant à l'antienne de sa chère mamie, "Rien n'est jamais trop difficile dans la vie. Il n'existe rien qui ne puisse être arrangé", Masha s'accomplira en tant que jeune femme en devenir, puisant dans des ressources qu'elle ne soupçonnait pas tout en se référant autant que possible aux expériences issues des contes, se fondant sur l'héritage des anciens.
Un remarquable et rassurant discours humaniste plein de poésie, de nostalgie et d'un charme tout particulier, celui des histoires qui font naître la magie dont elles parlent.

Une leçon de vie dont les petits écoliers d'aujourd'hui devraient sans aucun doute s'inspirer.



+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un bel album, aux graphismes séduisants.
  • Une histoire fondées sur des bases classiques mais délivrant des messages pertinents.
  • Une héroïne qui souffre sans s'apitoyer sur son sort et choisit d'affronter la vie.
  • La volonté de ne pas faire du héros un "élu" condamné à réussir, mais un personnage entreprenant qui n'oublie pas les leçons de ses aînés.
  • De nombreuses références aux contes populaires bien mises en valeur par un remarquable travail éditorial.

  • Un découpage parfois un petit peu abrupt nuisant à la fluidité de la lecture.