Marvel Knights Spider-Man : 99 Problèmes



Une mini-série Marvel Knights Spider-Man dont le titre est un peu exagéré. Ce comic n'a en fait qu'un seul problème, mais il est de taille.

Le label Marvel Knights nous a pourtant habitués à des titres de qualité par le passé. Citons, parmi ceux-ci, Inhumans, Angel ou encore Fantastic Four : 4
Le point commun de ces séries tenait dans un ton adulte, voire sombre, et un style graphique léché, s'écartant parfois des sentiers battus. C'est un peu ce que l'on retrouve avec 99 problems, sorti aux États-Unis en 2013/2014 puis publié en France par Panini. Malheureusement, un gros souci condamne cette publication au domaine de l'anecdotique.
Voyons cela en détail.

Le scénario est écrit par Matt Kindt (co-auteur de BRZRKR), les dessins sont de Marco Rudy.
Le point de départ du récit est plutôt alléchant : Parker répond à une annonce pour une séance photo. Se faisant, il tombe dans un piège. Le Tisseur va en effet devoir affronter un nombre hallucinant d'ennemis, tous rassemblés pour enfin précipiter sa perte.
Pourquoi pas ?
Sauf qu'en réalité, l'intrigue se résume au même schéma répétitif et ennuyeux : Spidey affronte un ennemi puis passe au suivant. Et encore, en fait d'affrontement, il s'agit surtout à chaque fois d'une rencontre rapide et brumeuse.


La performance de Rudy sauve un peu les meubles mais tombe souvent à plat. Les techniques employées et l'ambiance générale font immédiatement penser à David Mack, et notamment à son chef-d'œuvre, Echo. La mise en scène audacieuse, le travail sur certains éléments textuels ou l'utilisation de certains symboles sont autant de points communs. Pourtant, un monde sépare les deux comics. 
Mack se servait de cette forme expérimentale et ingénieuse pour appuyer son propos et notamment nous faire ressentir la gêne et le handicap de Maya, en utilisant le plein potentiel du medium BD. Rudy, lui, multiplie les expériences dans le vide, sans réel scénario pour les soutenir. 
Là où Mack bouleversait nos repères et nous forçait à rompre avec l'habitude pour rentrer en empathie avec son personnage principal, Rudy ne parvient qu'à rendre les péripéties du Tisseur brouillonnes et nauséeuses. L'on peut même s'interroger sur la pertinence de certains "gadgets", comme le texte inversé qu'il faut lire dans un miroir.

Si l'on ressortait du formidable Echo heureux et fébrile (et en ayant tout compris, car si Mack innovait, il n'en devenait pas pour autant abscons), ce n'est pas vraiment le cas ici.
Les cinq épisodes, incroyablement répétitifs, se limitent à des changements de lieux (une maison hantée, un avion, une île...) et à quelques monologues intérieurs. Entre deux apparitions de vilains (Arcade, Venom, Carnage, le Hibou, le Rhino, Electro, l'Homme-Sable, Kraven, Mysterio, Nitro...), Peter se remémore quelques souvenirs sans intérêt et cherche à savoir s'il rêve ou s'il est sous l'effet d'une drogue. 
Ce qui aurait pu convenir pour un épisode devient rapidement problématique lorsque la même recette bancale est longuement appliquée à toute la mini-série. Quant à la conclusion, elle n'est guère plus convaincante : révélation plate et morale minable viennent terminer de plomber le tout. 

Au final, difficile de ne pas être déçu. Le potentiel technique était là mais l'ambition de l'aspect graphique aurait mérité une histoire solide pour éviter de tourner à la démonstration vaine et vide de sens. 




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un dessinateur qui pourrait certainement faire des merveilles s'il était associé à un bon scénariste.


  • Un défilé de personnages, sans but véritable.
  • Absence totale d'intrigue construite.
  • Des planches parfois difficilement lisible à cause d'une démonstration technique au final bien vaine.

La base pour envisager un métier dans le secteur de l'édition

Peu importe les fausses notes ou les cordes cassées, c'est le travail qui conduit au "talent".


Voilà un article très particulier, qui s'adresse pour une fois plutôt à un lectorat très jeune qui envisagerait de tenter une carrière dans l'un des nombreux métiers tournant autour du livre.

Lorsque je parle de métiers associés au livre, je vise spécifiquement les auteurs, traducteurs, relecteurs et éditeurs en devenir. Ce que je vais développer concerne déjà moins les graphistes, lettreurs, coloristes, dessinateurs et cetera (encore que, ça ne fera pas de mal, évidemment, mieux vaut avoir plusieurs cordes bien tendues à son arc plutôt qu'une seule).
Il m'arrive régulièrement, dans un cadre professionnel, d'évaluer le niveau en français de candidats à divers postes (traducteurs, adaptateurs, lettreurs, relecteurs...). Globalement, pas de surprise, c'est une catastrophe, même quand ces candidats ont suivi un parcours littéraire et ont obtenu des diplômes pourtant censés valider leur niveau.

Il y a toutefois, fort heureusement, régulièrement des exceptions [1]. Et ces exceptions sont toujours liées à un fait et un seul : ce sont des gens qui lisent. Et qui lisent beaucoup. 
Il n'y a pas de secret, vous ne pouvez pas bien écrire (au sens littéraire mais même au sens scolaire) si vous ne lisez pas. C'est la lecture, notamment de romans (car les BD ne sont pas suffisantes), qui vous permet d'acquérir des automatismes, d'intégrer un savoir-faire, une aisance, de pouvoir reformuler une phrase bancale, de déceler les "accrocs", de faire passer des nuances subtiles ou de reconnaître un effet qui ne doit surtout pas être modifié.

Normalement, si vous avez une attirance réelle pour ce genre de métiers, vous aimez lire. Ce n'est donc pas une corvée de dévorer des romans. J'avais l'habitude de dire qu'un auteur, un traducteur ou un relecteur devrait lire au moins 50 romans par an. Ce qui est assez peu dans l'absolu, puisque ça fait moins d'un roman par semaine (or, un roman de taille moyenne se lit en deux ou trois soirées).
Mais, évidemment, cette moyenne s'adresse à des jeunes gens. Une fois les bases acquises (et alors que l'on a probablement moins de temps, car plus de responsabilités), il n'est pas forcément nécessaire de maintenir un tel rythme. Pour en avoir discuté avec mon boss et néanmoins ami Edmond Tourriol (auteur et traducteur), nous en sommes venus à considérer que le minimum requis se situait entre 500 et 1000 romans. Ça a l'air énorme, mais pas tant que ça.

Admettons que vous lisiez un roman par semaine (ce qui n'est donc pas un rythme de fou) à partir de 15 ans (ce qui est assez tard), à 25 ans, vous avez déjà englouti plus de 500 romans et vous avez donc un niveau qui, sur le marché actuel, vous place parmi l'élite. Et je ne plaisante pas.
Ceci dit, il reste tout de même un point épineux à aborder. Quoi lire ?
Eh bien d'abord et avant tout ce que vous aimez et ce qui vous fait plaisir. Encore heureux !
Mais, ce n'est pas toujours suffisant. Il faut introduire un peu de variété pour bien faire. Et c'est justement ce que l'on va aborder. Bien entendu, ce qui suit n'est pas forcément à suivre à la lettre, si vous faites l'impasse sur un auteur ou un genre, vous n'allez pas pour autant être nul ou entretenir de coupables faiblesses. Mais le principe, lui, reste valable : un seul genre ou quelques auteurs contemporains ne sont pas suffisants.

Ce qui suit n'est donc pas un "programme" à suivre scrupuleusement, mais un exemple de "cocktail", permettant de s'abreuver à toutes les sources essentielles. Vous pouvez fort bien remplacer un auteur classique par un autre, ou un trou du cul écrivant de l'autofiction par un autre (ça se voit que je n'aime pas ça, hein ? Ben, pourtant, il m'arrive d'en lire).
Comme j'aime bien les listes et les trucs bien nets, on va séparer ce qui suit en sept étapes (leur ordre est interchangeable, le tout est, à un moment donné, de les avoir toutes passées). 


1. Les Friandises
Dans un premier temps, déterminez ce qui vous intéresse vraiment, ce qui vous attire, vous fait vibrer. Cela peut être un genre, une époque, un auteur en particulier, une collection, peu importe. C'est cela, ce que vous aimez, qui va vous fournir le gros des bataillons de livres dont vous allez vous délecter.
Perso, étant jeune, j'étais très attiré par l'épouvante. Le côté effrayant, surnaturel, transgressif me faisait sans doute vibrer. Puis, j'ai remarqué que dans le lot (quand je dis "dans le lot", à l'époque, je me tapais même la collection Gore, qui très honnêtement n'a pas brillé par sa qualité), il y avait un gars qui se détachait : Stephen King. J'ai donc commencé à acheter ses livres à lui, spécifiquement. Tout en conservant un intérêt pour tout ce qui sortait de l'ordinaire... je me laissais souvent séduire par une illustration ou un résumé de quatrième de couverture. L'important ici, c'est de satisfaire son intérêt, sa propre inclination.

2. Les Poids Lourds Incontournables
Si vous souhaitez demeurer un simple lecteur, ce qui est tout à fait honorable, lire uniquement ce qui vous intéresse est bien suffisant. Mais normalement, si l'édition en général vous attire, vous devriez être suffisamment curieux pour expérimenter un peu.
Et au-delà de l'expérimentation, il existe selon moi trois auteurs classiques incontournables dont tout auteur, traducteur, relecteur ou éditeur devrait avoir lu au moins une œuvre : Shakespeare, Racine et Rousseau. 
Pour des raisons différentes.
Shakespeare, c'est presque devenu une expression courante. Lorsque l'on dit "c'est pas du Shakespeare", tout le monde comprend que l'on n'est pas en train de faire un compliment. Pourtant, peu ont la curiosité d'aborder les pièces de l'auteur (ce n'est pas très dur à lire en plus). Quand on bosse dans les bouquins, il faut connaître les légendes des bouquins. Un footeux (ce que je ne suis pas) sait qui sont Maradona ou Platini (enfin, j'imagine). Un homme ou une femme de lettres devrait goûter au moins une fois à cette légende de l'écriture.
Racine, c'est moins une expression, mais c'est selon moi encore plus important. Déjà, les francophones ont la chance de pouvoir le lire "dans le texte", sans une couche de trad par-dessus. Ensuite, c'est écrit en vers. Alors, je sais que le premier réflexe, c'est de se dire "oh, putain, c'est chiant". C'est normal, personne ne parle comme ça, donc, oui, c'est gênant au début. Je ne conseille d'ailleurs pas de lire du Racine à 12 ans, ni même à 16 (encore que, ça dépend des gens). Mais, une fois adulte, une fois acquis un bagage littéraire minimum, je ne puis que conseiller de s'y atteler. Non seulement parce que c'est aussi une légende, mais parce que c'est d'une musicalité, d'une efficacité et d'un lyrisme étourdissants.
C'est un passage obligé, ne serait-ce que pour avoir une idée de la diversité des genres littéraires et pouvoir remettre en perspective les théories de certains fâcheux qui pensent avoir inventé l'eau tiède. 
Bien sûr, inutile de se limiter à ces trois seules références, encore une fois, il s'agit là d'un exemple, basé sur trois grands Noms, à mon sens complémentaires. Je terminerai par le plus cher à mon cœur : Rousseau. J'ai découvert tardivement ce diable d'écrivain. Mais l'aurais-je seulement apprécié à sa juste valeur si j'avais dévoré ses écrits dans l'impatience et l'effronterie de la jeunesse ? Rien n'est moins sûr. Rousseau est probablement ce que j'ai pu lire de plus honnête, de plus intelligent et de plus beau. Il magnifie même l'abject, parvient à rendre compte des plus bas penchants de l'Homme en conservant l'élégance de la forme, tire des leçons de tout ou presque, et balance trois ou quatre phrases phénoménales, pouvant servir autant de citations que de point de départ à une longue réflexion, par paragraphe. Se passer de Rousseau lorsque l'on est Homme ou Femme de Lettres, c'est comme se passer de chaussures lorsque l'on souhaite marcher longtemps et emprunter des sentiers peu battus. C'est possible, mais guère conseillé. Cet auteur est à lui seul une source inépuisable d'inspiration et une leçon constante au niveau du style et de la formulation. Il ne s'agit pas de le singer, bien entendu, mais de mesurer à quel point une plume peut être efficace, juste, brillante et magique. Trop de gens passent à côté de Rousseau parce qu'on les a obligés à l'étudier (au collège) au lieu de le lire (une fois adultes). Il n'y a rien là à étudier (pas au sens scolaire en tout cas), l'on va aux écrits de Rousseau comme l'on va à la source, claire et limpide, lorsqu'il fait soif, ou comme l'on va à l'être aimé lorsqu'un froid métaphysique mais douloureux recouvre notre âme. Son apport va bien au-delà de la simple littérature. Mais, bien entendu, il permet, grâce à sa maîtrise, de séparer le bon grain littéraire (quel qu'en soit le style) de la saloperie inaboutie.
Vous l'aurez compris, j'ai pour Rousseau un amour infini. Mais peut-être ne vous conviendra-t-il pas. L'idée, c'est de trouver votre Rousseau, votre phare dans la nuit, du moins, du point de vue littéraire (car les phares, dans une vie, sont en réalité multiples).  

3. La Valse des Genres
La première chose pour varier vos lectures et muscler vos biceps littéraires, c'est d'aller puiser un peu dans tous les genres. Tout ne vous conviendra pas, c'est normal, mais il existe tout de même suffisamment de bons auteurs pour passer un bon moment, même lorsque l'on s'éloigne de sa zone de confort.
Pour ma part, j'éprouve peu d'intérêt pour les polars classiques, du genre "whodunit" [2]. Mais il existe bien des polars qui ne correspondent pas à ce genre très codé et se révèlent intéressants. Je conseille un bon Lindemuth ou un Panowich pour ceux qui aiment le côté rugueux et redneck du polar musclé. Ce ne sont pas des "passages obligés", mais la preuve que l'on peut dénicher des romans bien foutus et qui nous conviennent dans tous les genres.
En ce qui concerne l'heroic fantasy par exemple, sauf de rarissimes exceptions, j'ai un peu de mal avec ce genre. Mais j'apprécie Abercrombie, notamment pour son humour, son côté réaliste et sa narration brillante. L'on peut donc apprendre même d'un genre qui, a priori, ne nous attire pas. 
L'idée avant tout ici est d'éviter de se restreindre en inventant des frontières absurdes. 

4. Les Merdes Utiles
J'ai évoqué plus haut l'autofiction, ceux qui suivent un peu UMAC savent à quel point "j'apprécie" Christine Angot, une bécasse médiatique sans talent, sans technique et sans pudeur. Eh bien, je conseille de tenter à l'occasion d'aller au bout d'un de ses... trucs. Il ne s'agit pas de se torturer pour autant, bien entendu, mais il est toujours bon de savoir jusqu'où la déchéance peut aller en matière de littérature. C'est aussi, assez logiquement, en lisant des saloperies que l'on prend la mesure du gouffre qui sépare l'écrivain habile du bobo dégénéré. 
Je ne suis pas tendre, OK, mais à un moment, il est bon de rappeler qu'il ne suffit pas de chier sur une toile pour devenir peintre.

5. Retour à la Littérature pour Enfants/Ados
Voilà un domaine sur lequel nous, auteurs et professionnels du livre, devrions toujours garder un œil. Même s'il existe des exceptions, la tendance générale en la matière est de tout simplifier. Par exemple en utilisant exclusivement le présent, en ne fonctionnant que par phrases simples et courtes, en réduisant la taille de certains anciens romans à la tronçonneuse, etc.
Or, si l'on se met au niveau (supposé) de l'enfant, le livre ne sert à rien. Pour tirer vers le haut le lectorat, l'auteur et son éditeur doivent toujours viser un "cran" au-dessus du niveau supposé du lecteur, le forcer à franchir une "marche" supplémentaire. Peu importe si un mot est compliqué, c'est comme ça que l'on apprend. Peu importe si l'on utilise l'imparfait du subjonctif, le nivellement par le bas n'est pas une fatalité. D'autant que les éditeurs, en se comportant ainsi, croient satisfaire ceux qui... ne lisent pas (et qui ne liront pas plus ces livres de second choix), alors qu'en réalité, ils privent les rares enfants encore intéressés par la lecture d'un contenu de qualité.
Cela permet aussi de constater que, malgré la grande tendance du moment qui consiste à glorifier tout ce qui est ou a été plus ou moins "populaire", eh bien, tout ne se vaut pas (cf. notamment la comparaison récente entre les Bob Morane à la ramasse techniquement de Vernes et les Langelot d'un Volkoff brillant) !

6. Essais, Bibliographies et Livres apparemment "chiants"
Le titre semble impliquer des lectures bien casse-couilles, mais en réalité, là encore, il suffit de trouver ce qui vous intéresse et le "bon" auteur. Étant jeune, j'étais notamment intéressé par la Seconde Guerre mondiale. J'ai eu la chance de tomber sur La Dernière Guerre (ou histoire controversée de la Deuxième Guerre mondiale), par Eddy Bauer, historien, journaliste et ex-colonel de l'armée suisse. Il s'agissait de l'édition publiée par Atlas, en 40 volumes. J'en garde encore aujourd'hui un souvenir fantastique. L'auteur décrivait machinations diplomatiques et actions militaires avec un grand sens de la narration, au point que cela se lisait comme un roman (même à 13 ou 14 ans). L'œuvre contient en plus des tonnes d'encarts sur les armes employées, des mini-biographies sur les belligérants principaux, des cartes très bien fichues, etc. Et surtout, Bauer a effectué là un travail d'historien, dépassionné, sans tomber toutes les cinq minutes dans le jugement de valeur comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui. Ouvrez donc un livre consacré à l'époque, pas moyen de passer un paragraphe sans en venir aux "monstres", aux condamnations de principe et autres avis personnels. On ne demande pas à un historien de juger des actes, mais de les présenter, dans leur contexte, avec le plus de précision possible. C'est au lecteur, ensuite, de juger si c'est ou non monstrueux. On n'est pas débiles, on le verra bien que c'est horrible la guerre, les bombardements, les camps, tout ça.
Bon, c'est un exemple parmi tant d'autres, si vous aimez plutôt l'Antiquité, ou un personnage historique particulier, si vous préférez les traités de philosophie, ou les ouvrages de vulgarisation scientifique, ça marche aussi. C'est même mieux de piocher un peu dans tout si vous souhaitez "muscler" votre jeu et ne pas tomber de votre chaise d'étonnement dès qu'il vous faudra traduire ou corriger quelque chose qui dépasse votre domaine de compétence habituel. 

7. Prix et Livres Imposés
Dans cette catégorie, l'on va retrouver les fameux prix littéraires très connus (Gongourt, Femina...). Bien souvent, c'est très sectaire comme sélection, certains ahuris considérant que la littérature de genre ne peut remporter de tels prix. Sans doute parce que ces snobinards n'en ont qu'une connaissance superficielle (car difficile de penser que 1984 ou Des Fleurs pour Algernon ne sont pas des œuvres littéraires majeures). 
Je vous encourage à être plus intelligents que ces gens et à vous intéresser à ce qu'ils récompensent, d'autant que parfois, ça vaut le coup, comme par exemple Pierre Lemaitre, décrochant le Goncourt en 2013 pour Au revoir, là-haut. Ah, ils ne lui ont pas donné pour l'un de ses excellents polars hein, faut pas déconner, il fallait un sujet "sérieux" (comme si le polar, la SF, le fantastique, l'épouvante ou n'importe quel genre n'abordaient jamais des thèmes profonds, intelligents et dramatiques...).
Là encore, laissez-vous tenter par ce qui vous plaît. Parfois, même la rigidité intellectuelle et le conformisme peuvent vous faire découvrir un auteur qui était passé sous votre radar personnel.


Voilà, on a fait le tour. Encore une fois, c'est une façon de faire, il en existe d'autres. Mais si vous piochez dans ces sept catégories, tout en passant le cap des 500 romans, vous devriez commencer à avoir un joli bagage intellectuel et technique. Si en plus vous écrivez en parallèle, ça ne peut qu'aider. Et bien entendu, ça ne vous empêche nullement de lire des BD également.
Je vais maintenant vous révéler un secret qui va vous dégoûter mais vous faire économiser un peu d'argent : pour "bien" écrire, il n'y a justement pas de secret. Ceux qui vous vendent des méthodes pour "aller plus vite", "brûler les étapes" ou "réussir à coup sûr" sont des escrocs. 
Bien souvent, les commerciaux vous expliquent qu'il faut trois choses pour réussir : le travail, le talent et la chance. La chance, convenons que l'on ne peut guère la provoquer (et si on la provoque, c'est alors une stratégie, pas un "coup de chance"). Occupons-nous donc des deux autres. Le travail, eh bien oui, il faut lire, beaucoup (mais est-ce un travail si pénible lorsque l'on aime ça ?), il faut écrire, analyser, comprendre les aspects techniques et logiques de l'écriture, aiguiser son style. Quant au talent, il y a deux façons de le définir. Soit c'est une simple prédisposition (qui ne suffit pas et qui ne permet aucunement l'économie du travail, simplement, l'on apprend alors plus vite). Soit c'est la capacité à venir à bout rapidement d'un travail complexe et à donner l'illusion de la facilité au profane, grâce à l'expérience accumulée. Dans les deux cas, le talent, c'est en réalité... du travail. Soit sa digestion et son appropriation plus rapide, soit son accumulation et la mise en place même inconsciente des routines et réflexes qui en découlent.

Je vais terminer par une anecdote connue. J'ignore si elle est vraie, mais même si elle est fausse, ce qu'elle dit du métier artistique reste correct et instructif. Je précise que l'on retrouve de nos jours cette anecdote dans de multiples variations sur le net, par exemple avec Picasso dessinant un portrait dans un parc. Je vous livre ici la première dont j'ai eu connaissance.
Un industriel avait commandé à Picasso, déjà très connu et reconnu, un logo pour son entreprise. S'adressant à un artiste renommé, il n'avait pas hésité à payer d'avance 50 000 francs (ce qui est énorme à l'époque). Le chef d'entreprise le rencontre un jour dans un restaurant et lui demande s'il a avancé sur le projet.
Picasso, qui avait totalement oublié cette histoire de logo, arrache une partie de la nappe en papier qui recouvre la table, il griffonne pendant quelques minutes, trois ou quatre, tout au plus, et tend son esquisse à l'industriel. Ce dernier est ravi, le logo est magnifique, élégant, original, encore mieux que ce qu'il aurait pu imaginer. Mais... quelque chose le turlupine.
— Monsieur Picasso, excusez-moi mais... ai-je vraiment payé 50 000 francs pour cinq minutes de votre temps ?
— Non monsieur. Vous avez payé 50 000 francs pour les trente années qu'il m'a fallu pour apprendre à faire ce travail en cinq minutes. 

Si vous êtes futé, vous avez déjà compris.
Le talent, ce n'est rien d'autre que le travail, réel mais invisible, qui permet la réalisation exceptionnelle (dans sa rapidité ou son aboutissement) d'une œuvre. 
Il n'existe donc pas de raccourcis pour la destination qui est la vôtre. Mais soyez-en heureux, car lire est souvent un bonheur, et si ce n'est parfois pas le cas, ce n'est ni la mine ni l'usine. Alors, faites avec. 

Qui ne sait pas supporter un peu de souffrance doit s'attendre à beaucoup souffrir.
Jean-Jacques Rousseau






[1] Ça a l'air contradictoire mais ça ne l'est pas. Un événement statistiquement rare peut survenir très régulièrement. Vous avez par exemple très peu de chances de gagner une grosse somme au loto si vous jouez, mais des gagnants raflent régulièrement, chaque mois, plusieurs millions.
[2] Littéralement "qui a fait ça ?", dans le sens "qui est le coupable ?". Il s'agit de romans proposant une enquête, suivant une construction classique (exposition du crime, fausses pistes, etc.), et dont la résolution de l'énigme est le point d'orgue. Les romans d'Agatha Christie, par exemple, font partie du sous-genre "whodunit". 

Cruel Summer



Sortie ce mois d'une bonne surprise sur Prime Video : Cruel Summer.

Le début du premier épisode installe tout de suite l'ambiance et la mécanique de cette série, écrite par Bert V. Royal. On retrouve une jeune fille, dans sa chambre, le matin de son anniversaire, trois ans d'affilée. 
En 1993, Jeanette Turner fait partie de ces filles qui ne sont pas très populaires au lycée. Elle a des lunettes, un appareil dentaire, un style vestimentaire encore approximatif. Pourtant, elle est souriante, heureuse d'être réveillée par ses parents et son frère lors de ce jour si spécial.
En 1994, Jeanette a bien changé. L'action se déroule toujours dans sa chambre, le matin de son anniversaire. La jeune fille est transformée physiquement, plus jolie, plus sûre d'elle, et c'est cette fois son petit ami qui vient la sortir du lit.
En 1995, nouvelle transformation. Jeanette a les cheveux courts. Elle ne sourit plus. Pour cet anniversaire, son père vient de nouveau la réveiller. Mais il est seul, froid, cassant, et surtout il lui annonce que son avocate est là.
Qu'a-t-il bien pu se passer pour qu'en à peine deux ans, la vie de cette adolescente soit à ce point bouleversée ?

Cette introduction, brillante, fonctionne parfaitement et intrigue suffisamment pour que l'on ait envie d'en savoir plus. Elle permet aussi de présenter le fonctionnement narratif très particulier de la série. Chaque épisode retrace les événements de trois époques distinctes (le personnage, voire même la photographie de la série, sont suffisamment modifiés pour que l'on n'ait aucun problème pour se situer chronologiquement à chaque changement). De plus, à chaque épisode, le point de vue change également. L'on va ainsi alterner entre Jeanette et Kate Wallis, une jeune fille très populaire (mais pas du tout pimbêche), qui va mystérieusement disparaître, permettant indirectement à Jeanette de "prendre sa place" auprès de son petit ami et de ses amies.
Ce sont donc en tout six fils narratifs qui s'entrecroisent, ce qui pourrait sembler pénible, mais c'est orchestré avec suffisamment d'habileté pour demeurer parfaitement compréhensible.



Difficile d'en dire plus sans dévoiler des éléments qui valent la peine d'être découverts à chaque épisode. D'autant que les fausses pistes et les certitudes s'enchaînent, se défont, s'effondrent, reviennent encore plus solides, le tout modifiant sans cesse la vision que l'on peut avoir de l'intrigue et des personnages.
Le coup de maître de cette écriture efficace réside sans doute dans le fait de faire ressentir une forme de gravité et de drame dès les premières minutes, alors que l'on ignore parfaitement ce qui a pu se passer. Chaque révélation, chaque nouveau détail dévoilé, permet d'éclaircir un peu un mystère fait de mensonges, de secrets, de non-dits, tout en dévoilant une nouvelle face de deux personnages riches, complexes, et tour à tour sympathiques ou détestables. 

Mention particulière pour les deux jeunes actrices principales, Olivia Holt et Chiara Aurelia, qui rendent à la perfection la candeur puis la noirceur ou le désespoir de leur personnage. Les seconds rôles sont plutôt bons également (avec par exemple une Joy Wallis délicieusement détestable).
Le jeune âge des personnages principaux pourrait faire penser à une série pour ados, mais à partir du moment où c'est bien réalisé et intéressant, difficile de restreindre le public à une seule tranche d'âge. D'autant que les thématiques (le changement, l'apparence, la rumeur, le mensonge...) sont suffisamment universelles pour concerner tout le monde.
La première saison comprend 10 épisodes, une deuxième fournée a d'ores et déjà été commandée. 

Divertissant et tendu jusqu'au dénouement, même si certaines scènes demeurent un peu téléphonées.




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Le casting.
  • La construction narrative, complexe mais claire et efficace.
  • Un équilibre parfait entre deux personnages principaux attachants.
  • L'atmosphère tendue et dramatique, malgré un contexte parfois très "girly".
  • Les rebondissements entraînant un changement de perception total des événements.


  • Quelques scènes parfois prévisibles.
  • Une profusion ridicule d'avertissements à chaque début d'épisode, alors que l'ensemble n'a absolument rien de choquant, même pour un jeune public.

Spider-Man - No Way Home : la bande-annonce



La bande-annonce de Spider-Man : No Way Home a enfin été dévoilée, et contre toute attente, elle donne plutôt envie. 

Même si la plupart des adaptations Marvel au cinéma se révèlent décevantes et convenues [1], nous ne sommes pas à l'abri d'une possible bonne surprise (vous le sentez l'optimisme forcené, là ?).
Le film de Jon Watts, attendu pour décembre 2021, semble pourtant bien souffrir des mêmes tares que ces prédécesseurs : action se voulant spectaculaire mais en réalité soporifique car servant un scénario d'une rare indigence [2] ; vannes attendues peinant à arracher un demi-sourire ; effets spéciaux clinquants que même un amateur de tuning hésiterait à employer, etc.

Ce qui est normal, ce sont des films trop formatés et "produits" pour donner quelque chose de véritablement surprenant et intéressant. Mais... quand même, cette fois, sur le papier, l'idée est franchement excitante. En gros, l'identité de Parker étant connue de tous, ce dernier demande au Docteur Strange de jeter un sort pour remédier à cela et le replonger dans l'anonymat. Il faut cependant parfois se méfier de ce que l'on souhaite. Car un sort mal formulé peut avoir des conséquences catastrophiques.
Outre le fait que certains proches de Peter ne sauront plus qu'il est Spider-Man, le sort aura des effets apparemment désastreux sur le multivers, certaines réalités en venant à se "mélanger".

C'est dans cette percussion d'univers parallèles que se situe la possible bonne idée, notamment parce qu'elle permet de ramener sur le devant de la scène des personnages issus de la première trilogie, de Sam Raimi (qui était nulle, mais bon, l'idée reste sympa), ou des films de Marc Webb (qui étaient un peu mieux), mais aussi parce que cela permet d'unifier, au sein d'un multivers cohérent, les différentes adaptations (films ou séries) ayant été produites ces dernières années.
Encore une fois, en théorie, un tel mélange peut être savoureux. Dans les faits, on sait ce que ça donne, en comics par exemple. La saga Spider-Verse et ses suites (basées sur un principe similaire), même si elles alignaient un nombre phénoménal de Spider-Men et Spider-Women, se sont révélées poussives, mal torchées et sans grande ambition au final. D'un autre côté, Spider-Man : New Generation a tout de même été une belle surprise, ce film d'animation profitant lui aussi d'un mélange de différents personnages arachnéens (mais bénéficiant surtout d'un excellent scénario). 

Du coup, à voir. On ne se fait pas trop d'illusions, parce que bon, on va pas nous la faire, mais on gardera tout de même un œil sur le binz à l'approche des fêtes.


[1] Pour un cinéphile adulte, ce sont toutefois de très bons films pour enfants.
[2] À comparer avec l'excellent Defendor, probablement le meilleur film de super-héros à ce jour.





Rewind : Le Temps des Colonies




Retour sur un titre tournant en dérision le colonialisme mais perçu encore aujourd'hui comme "raciste" par certains ahuris.

En 1977 sort le single Le Temps des Colonies, de Michel Sardou. Titre lui-même issu d'un album riche en chansons polémiques, sorti l'année précédente. 
Avec des titres comme Je suis pour, J'accuse, voire Les Ricains ou Les Villes de Solitude, issus d'albums précédents, le chanteur cristallise la haine et l'intolérance de certains extrémistes qui ne supportent pas d'entendre un avis différent du leur [1]. Cela va très loin, des manifestations sont organisées lors de ses concerts, pire encore, une bombe est retrouvée dans la salle de Forest National, en Belgique.
Prêts à tout pour jeter de l'huile sur le feu et empocher un peu de pognon au passage, deux obscurs béotiens vont même pondre un pamphlet intitulé "Faut-il brûler Sardou". Amis du bon goût...

C'est dans cette ambiance tendue et sordide que sort Le Temps des Colonies, titre qui devrait permettre à Sardou de "souffler" un peu, étant donné qu'il s'agit d'une chanson très second degré, se moquant des habitudes et réactions de certains colons. 
Mais c'est bien entendu compter sans les professionnels de l'indignation qui, déjà à l'époque, avaient très peu de neurones et beaucoup de temps libre. Mais voyons donc en détail ces paroles censées véhiculer une idéologie pro-coloniale et une nostalgie coupable.

Moi monsieur j'ai fait la colo,
Dakar, Conakry, Bamako.
Moi monsieur, j'ai eu la belle vie,
Au temps béni des colonies.
Les guerriers m'appelaient Grand Chef
Au temps glorieux de l'A.O.F. [2]
J'avais des ficelles au képi,
Au temps béni des colonies.

Passons rapidement sur ce premier couplet qui plante le décor et installe le personnage. L'on comprend que le narrateur (et pas le chanteur) est un ancien colon qui regrette sa vie passée. Pour le moment, ça pourrait effectivement passer pour du premier degré, mais le "moi monsieur", pédant et répété, annonce pourtant déjà la couleur.

On pense encore à toi, oh Bwana. [3]
Dis-nous ce que t'as pas, on en a.
Y a pas d'café, pas de coton, pas d'essence
En France, mais des idées, ça on en a...
Nous, on pense !
On pense encore à toi, oh Bwana.
Dis-nous ce que t'as pas, on en a.

Dès le refrain, le doute n'est plus permis, il s'agit bien d'un titre humoristique, qui égratigne même l'ancienne politique coloniale au passage. Impossible de ne pas déceler la critique dans l'énumération des produits que la Métropole va chercher en Afrique et en Asie, ou encore la moquerie dans l'évocation des "penseurs" français.

Pour moi monsieur, rien n'égalait
Les tirailleurs Sénégalais
Qui mouraient tous pour la patrie,
Au temps béni des colonies.
Autrefois à Colomb-Béchar, [4]
J'avais plein de serviteurs noirs
Et quatre filles dans mon lit,
Au temps béni des colonies.

Le deuxième couplet s'offre le luxe de rappeler le tribut payé par les Africains lors notamment de la Première Guerre mondiale. Sardou ici rappelle un fait historique mais se moque en plus du colon qui, lui, trouve ça "normal" et éprouve une forme d'admiration pour ces gens servant de chair à canon et qui, au fond, ne comptent guère à ses yeux. 
En prime, les paroles soulignent la possible débauche de certains, loin du jugement de leurs pairs et de la "bonne société".

Moi monsieur j'ai tué des panthères,
À Tombouctou sur le Niger,
Et des hyppos dans l'Oubangui,
Au temps béni des colonies.
Entre le gin et le tennis,
Les réceptions et le pastis,
On se serait cru au paradis,
Au temps béni des colonies.

Là encore avec ce dernier couplet, pas de soutien au colonialisme mais au contraire une nouvelle moquerie, visant cette fois ce que l'on appelait "l'œuf colonial" [5]. On bouffe, on picole, on bute une pauvre bestiole de temps en temps, et l'on s'encroûte. 
Au final, il faut être d'une grande mauvaise foi pour lire (ou écouter) ce texte et en déduire qu'il soutient un quelconque colonialisme. En réalité, il s'en moque. Et il s'en moque en plus assez intelligemment puisqu'il se base sur des faits historiques tragiques et des habitudes peu glorieuses. Si un ancien colon entendait cette chanson, il ne se sentirait nullement flatté mais très probablement insulté tant le portrait qui est délivré ici est acide et à charge.
Eh bien, ça n'empêche pas pourtant certains journalistes d'encore considérer qu'il s'agit là d'un texte carrément "raciste", comme l'écrit en 2018 Alice Dutray dans Ouest-France (cf. l'image ci-dessous).


Ben alors Alice ? Trois conneries dans un paragraphe aussi court ? On en est où au niveau de la déontologie, de la nécessité de faire des recherches, du devoir d'objectivité, tout ça ? 
Déjà, non, ce n'est pas la chanson la plus controversée de Sardou. La chanson la plus controversée, c'est Je suis pour. Ça a même failli très mal se terminer.
Ensuite, non, Sardou ne décrit pas une France coloniale "idéalisée", tu as vu ça où Alice ? Au contraire, il s'en moque de la France coloniale, d'une manière très évidente (mais encore faut-il prendre le temps de lire le texte de la chanson... ou avoir les capacités cognitives permettant de le comprendre). Et non, ce texte n'est pas "profondément raciste", c'est hallucinant ! À quel moment il le serait ? Quand il est précisé que le colon avait des serviteurs noirs ? Mais... c'est un fait ça, déjà. Et, si le colon regrette cette époque, Sardou, lui, se moque justement du colon et de ses habitudes.
J'ignore qui s'occupe du recrutement chez Ouest France, mais visiblement, ça a l'air d'être plus proche des "portes ouvertes" que de la sélection minutieuse... car même si la conclusion de l'article est plus nuancée (sans doute pour des raisons judiciaires), le procédé est malhonnête et les affirmations fausses.

L'on peut ou non apprécier Sardou et ses prises de position (changeantes d'ailleurs, car à l'évidence, un individu peut changer d'opinion au cours de sa vie), il s'agit là d'inclination personnelle. Mais pour lui faire des reproches et l'accuser de xénophobie, il faut des faits, des arguments. Et pour que ces arguments soient recevables, encore faut-il comprendre ce qu'on lit (ou ce que l'on entend). 
Le Temps des Colonies est une chanson amusante et caustique, qui ne fait nullement l'apologie de cette époque mais en souligne avec férocité les dérives. Le narrateur [6] est une sorte de tire-au-flanc embourgeoisé qui regrette son oisiveté passée et son statut social. L'on peut penser que le trait est trop appuyé, pas assez, que ce n'est pas si drôle que ça, ou au contraire que c'est hilarant, mais les mots, eux, ont un sens précis, qui s'étudie dans un contexte lui aussi précis. Et une chanson qui se moque aussi ouvertement des travers de certains colons et du système en place à l'époque ne peut aucunement être soupçonnée d'en faire l'apologie. 

Allez, pour terminer, on va se l'écouter, quand même ! Ah, c'est sûr, c'est pas du Motörhead, mais on devrait revenir à du bon vieux metal d'ici peu de temps. Et puis, le côté rock, c'est pas juste dans les notes, parfois, c'est avoir les couilles de chanter à contre-courant. Et à ce niveau-là, Sardou n'a probablement rien à envier à personne.




[1] Guy Bedos ira jusqu'à dire que lui aussi était "pour... pour la peine de mort pour Michel Sardou". Une déclaration d'une stupidité et d'une violence stupéfiantes, qui reflète bien la fameuse logique des "grands humanistes tolérants", prêts à tout pardonner aux pires criminels (rappelons que la chanson parle d'un père dont on a assassiné l'enfant), mais n'hésitant pas à souhaiter la mort d'innocents qui ont l'audace de ne pas être sur la même ligne de pensée qu'eux.
[2] Afrique Occidentale Française ; gouvernement général regroupant, de 1895 à 1958, la Mauritanie, le Sénégal, une partie du Soudan, la Guinée, la Côte d'Ivoire, le Niger, la Haute-Volta, le Togo et le Dahomey.
[3] Terme swahili signifiant "chef", "patron".
[4] Commune algérienne, aujourd'hui renommée Béchar.
[5] En référence à l'aspect ventripotent de nombreux colons qui, entourés de serviteurs et n'ayant bien souvent qu'une activité physique modérée en regard de leur solide appétit, avaient tendance à emmagasiner les kilos.
[6] Il s'agit donc d'un personnage, que Sardou interprète. De la même manière, lorsqu'il chante "ne m'appelez plus jamais France" (dans Le France), l'on peut légitimement penser que Michel Sardou n'est pas un paquebot. Il se contente de le personnifier le temps d'une chanson. Oui, je sais que ça a l'air con à expliquer comme ça, mais c'est au cas où Alice passerait par là.


Wonder Woman : Dead Earth

Dans un futur proche, la Terre a été dévastée par une guerre nucléaire. Les tentatives des super-héros pour l’empêcher ont échoué. Des siècles plus tard, les descendants des rescapés se sont organisés pour se maintenir dans un milieu hostile habité par de dangereux mutants.
Lors d’une chasse qui tourne court, une petite escouade découvre un sarcophage de survie et réveille par inadvertance son hôte : Wonder Woman.

La jeune femme de la couverture avec son regard noir et sa tenue rudimentaire annonce une Wonder Woman qui refuse de se faire marcher sur les pieds. La voici prête à en découdre. C’est vrai, elle a des comptes à régler : avec elle-même, mais aussi avec sa mère et l’humanité.

Daniel Warren Johnson, édité chez Delcourt avec Extremity, se charge du dessin et du scénario de cette variation autour de la super-héroïne, au sein du DC Black Label [1]. Il dépeint une Wonder Woman du futur qui va aider une communauté afin de la guider vers une terre d’accueil, Themyscira [2]. Rien de transcendant, l’histoire est somme toute classique. Nombre d’élus, de héros ont ainsi conduit des peuples : symbole d’un chemin vers la liberté, au fil des vicissitudes du trajet, où le temps permet de méditer sur ses peurs, le sentiment de fatalité et ses errances. Dans cet opuscule, l’auteur appuie les notions de pardon, de faute et de rédemption. Le convoi ne sera bien sûr pas épargné par des assauts de créatures terrifiantes. Wonder Woman, Diana, en cheminant avec son clan d’adoption, recouvrera ses souvenirs, alternés par tant de siècles assoupis. Elle devra prouver sa bravoure, son courage et conquérir sa place de guide. Ses pouvoirs, diminués par la guerre, la rabaissent à une presque humaine. Elle ne peut plus s’envoler. Elle doit jouer de sa persuasion et des forces qui lui restent, supérieures à celles que possèdent les locaux. La jeune femme, en quête de sens, reconnaît la portée de ses actes qui ont en partie engendré ce cataclysme. Perturbée par les enjeux politiques d’alors entre les humains et les Amazones (ses compatriotes), elle n’a plus su accorder sa confiance. Pourtant, elle souhaite aider tant l’un que l’autre et, si possible, les réconcilier. En elle s’entrechoquent les paroles haineuses de sa mère, les révélations concernant sa naissance, l’emprisonnement de ses pouvoirs, la rencontre avec un aviateur...

Tel un Golem, Wonder Woman fut façonnée avec de l’argile et du sang subtilisé à chacun des Dieux, Zeus inclus [3] [4]. Ce mélange de nectar divin la rend si puissante qu’elle est capable de surmonter un holocauste nucléaire. Sa "mère" vivait recluse avec les Amazones, car elle n’a pas pu supporter les trahisons des divinités et des humains qu’elle trouve sournois, égoïstes, fourbes. Sa fille est le produit d’une forme de haine et d’une soif de revanche. Mais elle redoutait sa progéniture, à qui elle enjoignit de porter des bracelets, façonnés dans un métal rare qui ne se trouve que sur leurs terres, pour brider ses dons.

Dans ce monde apocalyptique, les Amazones rôdent, métamorphosées en Haedras, des prédateurs sanguinaires, suite aux retombées nucléaires. Combien de temps s’est-il écoulé entre le Grand Feu et le réveil de Diana ? Dur à dire... des siècles, aux dires des autochtones, mais - on touche du doigt un des soucis scénaristiques - cela n’est pas visible. Le groupe de 1000 âmes que va rejoindre la jeune femme habite dans un château fortifié, "Fort Nouvelle Demeure" (camp new hope, en VO), non loin du Vieux Gotham, tout en expliquant qu’il se déplace en caravane et qu’il existe des clans rivaux (absents de l’album). Theyden, le maître des lieux, sévère et cruel, se comporte en tyran colérique condamnant à mort ses subalternes pour le plaisir ou pour faire respecter sa loi (sans penser à l’utilité d’une paire de bras, même enchaînés, en ces temps difficiles...), et s’octroyant l’avantage de prendre plusieurs femmes ; l’archétype d’un "méchant d’opérette" qui va vite s’aplatir devant Diana.

Leur bastion, un décorum digne du Moyen Age, possède des remparts que gardent des soldats en armures pourvus de lances, d’arcs et d’épées. Une taverne sert de salle commune et de réunion. Peu de vestiges des lieux et des objets préapocalyptiques, excepté des seringues pour endormir (avec quel produit ?), quelques canapés, des cadres pourris au mur, et un soupçon de véhicules... L’auteur effleure leur existence sans développer des points importants comme l’émergence de cultes, de pratiques artistiques, de philosophie, de projets de société surtout si des siècles se sont écoulés depuis le Grand Feu ! Brossés en quelques traits, ces éléments apporteraient la consistance et la cohérence à son univers. Comment se vêtent-ils ? Forgent-ils leurs armes ?

Ces humains n’ont développé aucune stratégie suite aux assauts répétés des Haedras. Fort nombreux, ils sont bien dociles. Ils ne font que suivre leur chef et, sans hésiter, lorsque celui-ci est vaincu par Diana, ils s’en remettent à elle. Pourtant, ils ont pris le temps de bâtir une arène dédiée à des jeux sanguinaires. Les carences alimentaires et les maladies affectent à peine la population. Ne vivent-ils que de chasse et de cueillette ? Leurs ancêtres se sont-ils tapis sous terre dans des bunkers suite aux bombardements atomiques ? Quid des retombées radioactives sur le long terme... la végétation a tout de même repoussé ! Aucun d’entre eux n’a eu l’idée de cultiver ? 

Si l’auteur a tenté une analogie avec des réfugiés de guerre, dans ce cas-ci, elle tombe à plat. Ces personnages ne l’ont pas connu ; les récits liés au Grand Feu se transmettent de bouche à oreille. Son univers apparaît comme un prétexte pour mettre en scène son idée de Wonder Woman, son envie de l’introduire dans un monde qui ne nous est pas contemporain, trouvant une excuse pour tout raser et y poser un contexte médiévalo-fantaisiste. Barbara, croisement entre une Amazone et un morceau de léopard, s’affiche comme un autre exemple : son hybridation est le fruit de scientifiques cruels qui n’ont pas lésiné à la faire souffrir tout en sacrifiant des animaux. Rien de plus qu’une justification pour expliquer son allure différente.
Sans oublier que l’humanité se cantonne uniquement aux États-Unis, son président [5] étant le principal responsable du déploiement des armes nucléaires contre les Amazones. Aborder la géopolitique mondiale aurait sûrement alourdi l’album, mais il existe forcément une manière de caser des enjeux plus complexes et subtils.

Diana se réveille dans une grotte : la Batcave ; le cadavre de Batman gît à l’étage, dans un canapé, toujours dans son costume, une bouteille près de lui ; il a abandonné la partie. Le manoir Wayne, très solide face aux explosions nucléaires, n’a pas été vaporisé. Quant à Superman, dans son palais accessible à dos de Pégase, il occupe son trône, tout aussi moribond. Un superman robot le supplée et refourgue à Diana et sa fine équipe gadgets et armes. La guerrière ira jusqu’à arracher la colonne vertébrale et le crâne de l’homme d’acier pour en revêtir son fouet de vérité (craignait-elle d’entendre des choses déplaisantes ?).
Quel avenir Wonder Woman, a-t-elle à offrir à ces milliers de pauvres hères ? Saura-t-elle endiguer les passions ? Le lecteur ne l’apprendra jamais... l’album se conclut bien avant d’avoir résolu ses questions : il ne se concentre que sur le cheminement intérieur de la super-héroïne.

Les thèmes du pardon, de la rédemption, du salut... courent tout au long de l’aventure. Loin d’être intégrés en finesse, savamment dosés et distillés d’une manière astucieuse dans les dialogues, les protagonistes ont une fâcheuse manie de s’excuser, de pardonner à tout bout de champ, de faire preuve de gentillesse et de bienveillance. Pénible ! L’histoire s’en voit alourdie, les personnages se figent dans ces instants alors que l’ensemble tient sur quatre chapitres. On sent la volonté de l’auteur de transformer Diana en Christ, un aveugle le remarquerait à travers le brouillard. L’écriture balance sa symbolique à la truelle, pour qui serait incapable de décrypter. Trop, c’est trop. L’overdose guette.

Les planches sont aguicheuses, fort belles. Le coloriste Mike Spicer apporte des ambiances (pesantes, oppressantes, désespérées...) à l’encrage parfois bourrin de Johnson. Son trait vivant, tantôt boueux, tantôt dynamique et violent, sied à ce monde ravagé et brutal.
Son graphisme, proche du travail de Paul Pope, est bercé par des influences communes, dont les mangas (Appleseed, Akira...). Cela s’en ressent dans le découpage des scènes d’action, le dessin des onomatopées incluses dans la composition, le choix de la police de caractère. Des plans larges et des pleines pages s’attardent sur les temps forts. Wonder Woman : Dead Earth n’est pas avare en images percutantes : l’extraction de la colonne de Superman, la mère de Diana devenue une Haedra, Diana contre Barbara (digne de figurer dans le manga Devilman, de Go Nagai), Wonder Woman qui chevauche pégase...
L’édition française bénéficie des traditionnels bonus tels qu’une galerie de couvertures, des croquis et la retranscription d’un entretien entre Daniel Warren Johnson et Jim Lee, tout en autocongratulations...

Cet album autoconclusif apparaissait séduisant : une relecture post-apocalyptique de Wonder Woman, des planches au graphisme dynamique appuyées par un découpage efficace ainsi qu’une mise en couleur soignée. Hélas, le scénario s'enlise et n’offre guère de pistes de réflexion ni d’émotions fortes, et les personnages affichent un abyssal vide psychologique. L’univers déployé oublie la vraisemblance... Difficile d’être enthousiaste passé un feuillage rapide.
Si Diana n’était pas Wonder Woman, mais une super-héroïne inventée pour l’occasion, la face du monde n’en serait pas changée. Inutile de connaître l’Amazone, cette histoire est indépendante des autres comics.
Une tentative ambitieuse mais ratée.


[1] DC Black Label est une collection d’albums éditée par Urban comics. Le premier numéro est paru en octobre 2018. Elle réunit des récits courts, censément plus sombres et plus matures que les histoires super-héroïques habituelles.
[2] Une île de fiction dans l’univers DC où ne vivent que des femmes guerrières, les Amazones. 
[3] Et on suppose aussi Athéna, Aphrodite.... bien qu’elles ne soient pas représentées sur la case en question dans ce livre. 
[4] Diana possède-t-elle une âme ou n’est-elle qu’un pion ? Le mystère reste entier. 
[5] Même pas une présidente, dite donc !




+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • La partie graphique avec des dessins vivants, un découpage dynamique, une police de caractères et des onomatopées bien intégrées, le tout sublimé par la mise en couleur.
  • Une couverture saisissante : Diana est une barbare qui interdit l’accès au contenu du livre.
  • Son lot d’images frappantes.
  • Pour les connaisseurs de l’œuvre, un rappel rapide des faits marquants de la vie de Wonder Woman ; pour les non-initiés, cela ne gâche pas la lecture.


  • Cela n’aurait pas été WW que ça ne changerait rien.
  • Un scénario linéaire et passe-partout, sans aucune de prise de risque : le bâillement n’est pas loin.
  • Un monde post-nucléaire qui manque de vraisemblance et de cohérence.
  • Des caractérisations trop caricaturales (Batman qui renonce… Un non-sens).
  • Difficile de ne pas renoncer à terminer le livre lorsqu’un personnage prononce une énième excuse.

L'Appel de Cthulhu



Avant la sortie de l'édition collector, retour sur l'adaptation illustrée de L'Appel de Cthulhu éditée par Bragelonne.

Tout d'abord, avant de nous intéresser à cette adaptation particulière, il n'est sans doute pas inutile de revenir sur cette nouvelle de H.P. Lovecraft, qui deviendra l'une des pierres fondatrices du mythe qu'il a inventé et sera même popularisée par le célèbre jeu de rôles qui porte son nom. Écrite dès 1926 et publiée en 1928, cette nouvelle raconte la découverte d'un culte ancien par un anthropologue héritant des biens de son oncle. Après une enquête et diverses rencontres, le brave homme est obligé, non sans effroi, d'admettre l'existence d'épouvantables et gigantesques entités venues des profondeurs de l'espace.
D'un point de vue pratique, le récit est basé sur des éléments épars, comme des coupures de presse, des notes, des carnets, etc. C'est donc peu à peu que le narrateur assemble les éléments du puzzle qui lui dévoile une menace aussi antédiluvienne que sinistre.

Sur le fond, rien de spécial, il s'agit d'un récit d'épouvante plutôt classique, basée sur la peur de l'inconnu et des "choses" cachées, vivant dans les ténèbres. Sur la forme, il y a déjà plus de choses à dire, le texte étant, de l'aveu même de l'auteur, plutôt moyen.
En réalité, la nouvelle souffre surtout du style de Lovecraft. L'auteur a en effet une particularité : il ne développe jamais ses personnages. Ceux-ci sont parfaitement interchangeables et sans âme. Ainsi, contrairement à un Stephen King qui, lui, se sert de ses personnages comme de vecteurs d'émotion, en les installant minutieusement, en les dotant d'un passé, d'un caractère, d'une "épaisseur", ceux de Lovecraft ne sont que des témoins d'événements les dépassant et n'ayant que très peu d'impact sur une vie personnelle dont ils semblent dépourvus. Le personnage lovecraftien raconte, témoigne, décrit, mais il ne vit rien.

Forcément, cela rend l'histoire moins intense (cf. cet article sur la peur dans les romans). D'autant que Lovecraft a aussi la manie de se répéter et d'utiliser des descriptions qui certes sont chargées d'adjectifs et de superlatifs, mais qui demeurent parfois dans un flou poétique qui nuit à l'immersion du lecteur, voire à la compréhension des différents éléments présentés dans l'intrigue. Tout est toujours "incommensurable" ou "vertigineux". L'on va ainsi découvrir des "blocs de pierre imprégnés d'horreur larvée", "quelque chose d'affreusement étranger à l'humanité, qui évoquait des cycles de vie immémoriaux et impies", "une indescriptible horde d'humains monstrueux", "d'horribles légendes", "des ombres immenses et répugnantes", "une géométrie faussée", "une statue malsaine", ou encore "des hiéroglyphes repoussants". Bien entendu, le choix d'un tel lexique contribue à installer une atmosphère inquiétante, mais difficile de savoir ce qu'est exactement une ombre "répugnante" ou des hiéroglyphes "repoussants". Lovecraft, assez maladroitement, impose la conclusion d'une démonstration au lecteur au lieu de justement démontrer en quoi ce qu'il décrit est aussi horrible et monstrueux.



Tout cela a deux conséquences. D'une part, L'Appel de Cthulhu, malgré les horreurs qui parsèment le récit, reste assez froid et peu générateur d'émotion. Difficile en effet de frissonner réellement lors de ces lourdes descriptions d'événements rapportés, et donc déjà "terminés". D'autant que le manque de personnages "habités" et l'aspect vague de l'ensemble des éléments fantastiques n'aident pas.
D'autre part, il est très difficile de se représenter, et donc a fortiori d'illustrer, les monstres ou paysages cyclopéens que Lovecraft dépeint. Rappelons que selon l'auteur, la seule vision d'une entité ou d'une géométrie monstrueuse peut faire perdre la raison ou même tuer un homme normal. 
Dans cette adaptation, grand format et plutôt luxueuse, c'est donc le défi principal que doit relever François Baranger. Ce dernier, dans un style sombre, minutieux, à la précision parfois photographique, va notamment représenter de fort belle manière les flots déchaînés, une R'lyeh menaçante ou un Cthulhu gigantesque. 

Mieux encore, le côté "glacé" et parfois "flou" des descriptions de Lovecraft est lui aussi rendu, pour le meilleur et pour le pire. Certes les dessins sont fort beaux et contribuent à renforcer l'ambiance et l'aura de mystère qui englobe le récit, mais là encore, l'on va demeurer dans l'évocation plus que la démonstration parfaite. Tout ou presque est nimbé d'ombre, d'écume, de brume et de fumée, jetant ainsi un voile pudique sur ce que l'on nous décrit pourtant comme épouvantable et repoussant. Bien sûr, l'on est tout de même bien au-dessus de l'adaptation, par exemple, des Montagnes Hallucinées par Culbard, qui employait un style naïf et plat qui passait complètement à côté de l'ambition lovecraftienne, mais l'on demeure en dessous d'un Neonomicon, œuvre-hommage dans laquelle Moore insufflait de l'humanité et de l'émotion, tandis que le crayon de Burrows parvenait enfin à rendre visuellement ce côté dérangeant et défiant la raison. 

Au final, voilà une très belle édition dotée d'illustrations ambitieuses, mais dont l'effet est limité par un flou artistique qui va à l'encontre de l'aspect répugnant et de la folie qui devraient imprégner l'univers des Grands Anciens. 
Notons qu'une édition collector, baptisée Édition R'lyeh, est prévue pour octobre. La pagination annoncée est bien supérieure (112 planches eu lieu de 64), l'on peut donc sans doute parier sur des illustrations supplémentaires ou, tout au moins, quelques crayonnés. 




+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Une belle présentation.
  • Des illustrations soignées et jolies.
  • Une traduction de qualité.
  • Une nouvelle mythique !


  • Le style Lovecraft, très limité.
  • Un manque évident d'émotion, expliqué par l'absence de vecteurs, donc de personnages "épais" et incarnés.
  • Des dessins très beaux mais qui, finalement, échouent à rendre l'aspect monstrueux, inhumain et immémorial du mythe.

LUGOSI : Grandeur et décadence de l'immortel Dracula


Qui était l'homme sous la cape ? Qui était Béla Lugosi ? Qui était... Béla Blaskó ?


La Boîte à Bulles nous livre la version francophone de la dernière biographie graphique signée Koren Shadmi. Après son excellent L'homme de la quatrième dimension où il dépeignait la carrière du talentueux et visionnaire auteur de La quatrième dimension que fut Rod Serling, Shadmi s'attaque à un autre monument du fantastique en remontant aux origines horrifiques de ce genre au cinéma. 
Pour ce faire, il invoque le spectre blafard de Béla Lugosi, l'inoubliable et iconique interprète de Dracula dans ses premières incarnations au cinéma, dans les fameux films Universal. 
Si tout le monde a encore cette interprétation du comte de Transylvanie en mémoire (même si, paradoxalement, de moins en moins de gens peuvent s'enorgueillir d'avoir bel et bien visionné ces films), c'est qu'elle est devenue une icone, une image d'Épinal, une sorte d'incarnation "par défaut" du personnage qui plane sur toutes les autres interprétations comme une espèce de mètre étalon.
Mais derrière ce rôle, derrière le mythe, qui était donc Béla Lugosi... ou, plus précisément, Béla Blaskó ? C'est là tout le propos de cet album de 155 planches : s'intéresser à la vie du comédien et non à son alter ego. C'est d'autant plus intéressant que la légende urbaine veut que le comédien, dans ses vieux jours, n'arrivait plus à faire la distinction entre lui et son rôle emblématique. En réalité, aucune biographie ne fait état d'un tel trouble et si l'on a bien enterré Béla Blaskó avec une cape de Dracula, ce ne fut pas sur sa demande mais selon la volonté de son ex-femme et de son fils.
J'avais, pour l'ouvrage précédent de Shadmi, un énorme respect autant dû à sa qualité intrinsèque qu'au sujet dont il traitait... Et nous allons voir avec ce livre-ci que les sentiments qu'éveillent en nous une biographie vont évidemment de pair avec ceux que nous nourrissons envers la personne qui fait l'objet de la biographie.
Or, si Rod Serling a toute mon admiration et ma sympathie, Lugosi va quant à lui peiner à me convaincre de son intérêt en dehors de son jeu d'acteur...
Vous verrez que, dans cette chronique, je vais souvent me faire subjectif (et c'est mon droit !) mais c'est surtout parce qu'une biographie parle d'un homme et de ses failles. Qu'il soit permis à un autre homme de dire ce qu'il en pense. Gardez bien en tête que mon avis n'est rien de plus que cela : un avis ! Et si mon avis sur Lugosi importe, c'est parce qu'il sera crucial de le séparer de celui que j'ai sur le travail de Koren Shadmi.

Mais résumons d'abord la vie de Béla Blaskó en quelques lignes.


La biographie...


Béla Blaskó est un jeune hongrois de 11 ans lorsque, en 1893, il entre en conflit avec son père banquier pour son seul choix de devenir comédien. Voilà qui a tout pour attirer ma sympathie : j'aime les gens se battant pour leur passion.
Bien vite, il fut ostracisé au sein de sa propre famille en raison de ce choix et il lui sera même reproché d'avoir sans doute précipité le décès de son paternel par la déception qu'elle engendra chez lui. Ah ben oui, ça ne rigole pas chez les banquiers hongrois, visiblement. Les bonnes grosses phrases qui traumatisent, ça ne semble guère les encombrer longtemps : s'ils en ont une en tête, ils te la balancent à la face sans états d'âme !

Vers 1917, Béla Blaskó est déjà devenu Béla Lugosi (en référence à la ville de son enfance). Il porte ce nom de scène en tant que pensionnaire du prestigieux théâtre national de Budapest. Mais Lugosi est cantonné à des seconds rôles en raison d'une hiérarchie interne qui favorise la tradition et les élites. Lorsque, après la révolution soviétique, naquit le Syndicat National des Acteurs (tout premier syndicat d'acteurs au monde, soit dit en passant), Lugosi s'engouffra dans la brèche et ne manqua pas de militer pour un statut d'acteur affranchi de l'ancien système, un statut plus égalitaire et donc plus "méritocrate". Sûr de son talent, Béla ne doute pas une seconde qu'il va bientôt endosser des rôles principaux et ainsi éponger les dettes que son train de vie dispendieux ne manque pas de générer partout où il passe. Et là, il commence déjà moins à me plaire, ce bonhomme...
Résumons : il milite pour un système qui mettra en avant la qualité du travail. C'est honorable. Mais il fait cela en sachant pertinemment qu'il a un talent personnel lui permettant de surpasser ses pairs sans trop de travail, précisément. C'est facile, non ? En plus de cela, il vit au-dessus de ses moyens... ce qui n'est pas en soi un défaut qui m'horripile mais, en plus, au lieu de se remettre en question, il accuse en cela le système et adopte même une posture de rebelle à deux balles au prétexte que ce serait "en vivant comme un premier rôle qu'il finirait par en devenir un"... Ça semblera sans doute d'un grand panache à certains mais moi, ça me rappelle juste un vieux dicton wallon que l'on pourrait traduire par "Hâte de chier mais rien dans la panse".

En homme de convictions qu'il est (je rigole, hein !), Lugosi va bien vite fuir sa chère Hongrie dès que la République Soviétique de son cœur sera renversée (d'un autre côté, il était dans le collimateurs de gens qui pendaient à tour de bras les partisans soviétiques... ne soyons pas hypocrites, on aurait sans doute tous fui !). Il partira à Vienne avec sa jeune épouse Ilona et ils se rendront bien vite compte que, sans l'aide financière de la belle-famille, leur vie confortable cède bien vite la place à la pauvreté. Face aux vaines promesses de son mari, la jeune femme reprendra très vite la route vers Budapest et demandera le divorce.


Attiré par la terre promise qu'était l'Amérique, le finalement-sans-doute-pas-si-soviétique-que-ça Lugosi prendra bien vite le bateau pour rejoindre New York où, faute de savoir parler anglais, il intègrera une troupe d'acteurs jouant pour sa communauté dans leur langue d'origine. Son talent incontestable y fait merveille mais c'est toujours, pour lui, la même vie de cachets un peu minables aux bras d'une nouvelle épouse : une autre Ilona !
Remarqué par le gérant de théâtre Henry Barton, il jouera dans The Red Poppy qui fut un flop mais qui lui ouvrit les portes vers des rôles en anglais et les cuisses de trop nombreuses admiratrices et comédiennes. Cela lui vaudra, bien entendu, un deuxième divorce. À l'époque, il apprenait ses rôles par cœur, sans maîtriser l'anglais. Sans doute l'époque où il travailla le plus.
C'est en 1927 qu'il interprètera pour la première fois Dracula sur scène. Son accent hongrois séduisit au plus haut point, donnant un côté "exotique" au personnage.
La pièce aura un tel succès qu'elle l'emmènera jusqu'aux planches du Baltimore Theatre de Los Angeles. Elle lui permettra aussi de rencontrer Clara, la femme qui inspirera plus tard Betty Boop, et qui l'emmènera dans une orgie de folles nuits débridées à l'excès. Ce sera le troisième mariage de Lugosi. Et il durera quatre jours.

Pendant que Béla continuait à briller sur scène et à se comporter comme un irresponsable partout ailleurs (oui, c'est gratuit mais le comportement de ce gars m'énerve : quand tu as la chance de rencontrer le succès, tu n'en éclabousses pas la Terre entière en te comportant comme le pire des connards), à Hollywood, chez Universal Pictures Corporation, la direction passe du père au fils et ce rajeunissement va bouleverser le cinéma : le jeune Carl Laemmle Jr veut plus de spectacle, plus de budget, plus de musique, plus de prestige pour ses films. Alors, au vu du succès théâtral de Dracula, il décide d'en faire une adaptation cinématographique ambitieuse !
Lon Chaney, pressenti pour le rôle-titre, décède avant le début du tournage. Tod Browning, qui avait travaillé avec Lugosi sur La treizième chaise, le recommande à la production. Et là, la légende est en marche !
Lugosi s'adapte vite au jeu cinématographique et, malgré une production chaotique, le film rencontre un succès phénoménal : 50 000 entrées sur les deux premiers jours d'exploitation ! 
Toujours aussi bon en affaires (oui, c'est ironique), Béla avait accepté de jouer pour la broutille de 500 petits dollars par semaine. Vous voyez venir le problème ? Gloire instantanée mais peu de moyens... Lugosi retrouve ses travers d'antan et se jette à corps perdu dans un mode de vie extravagant, dépensant des fortunes qu'il n'a pas et n'aura jamais. 
Capricieux, il refusera des rôles qu'il estimera indignes de lui, comme celui de la créature de Frankenstein qui incombera à Boris Karloff. Lorsque Karloff magnifiera ce rôle de brute en lui insufflant une humanité déchirante, Lugosi sera détrôné de son statut de roi du film d'horreur... et tombera dans un autre piège classique de la célébrité : la dépendance. Une dépendance aux femmes, comme auparavant. Une dépendance à la reconnaissance et à la gloire, bien entendu. Mais aussi une dépendance aux produits morphiniques suite au traitement qu'on lui administra pour une douleur chronique à la jambe.
Parmi les affronts qui lui furent faits, on compte par exemple les films où un autre comédien campa Dracula de son vivant. La vive douleur qu'il éprouva, cette trahison qu'il ressentit, alimentèrent les rumeurs sur son identification au personnage.

La suite de sa vie professionnelle est presque l'illustration parfaite de l'expression bien connue "carrière en dents de scie". Mais, en 1935, parut le "code Hays" (voir plus bas) qui porta un coup sévère aux productions horrifiques hollywoodiennes. 
Ce n'est que trois ans plus tard que des rediffusions de classiques de Lugosi, lors de soirées thématiques au cinéma, remportèrent un succès suffisant pour redonner de l'intérêt au genre et relancer les carrière des poules aux œufs d'or qu'étaient Lugosi et Karloff. Ils joueront même parfois ensemble, dans une atmosphère tantôt complice, tantôt d'une extrême rivalité.
De succès en bides, de périodes confortables en périodes de vache maigre, les années suivantes verront Lugosi vaciller comme une flamme dans le vent, tant professionnellement qu'amoureusement ou physiquement.
Lillian, l'unique femme lui ayant offert un enfant, finira elle aussi, comme toutes les autres, par le quitter à la suite d'une soirée où, ivre de jalousie, il aura levé la main sur elle.

Le dernier chapitre de la vie de Lugosi est sans doute le plus étrange pour les cinéphiles et il se résume en un seul patronyme : Ed Wood ! Celui qui ne devra sa célébrité dans la postérité qu'au seul fait d'avoir été qualifié de "plus mauvais cinéaste de l'histoire du cinéma" par les critiques Michael et Harry Medved dans leur livre de 1980 The Golden Turkey Awards. Toutefois, toutes nanardesques que furent ces productions, l'on y sent pour Lugosi une véritable amitié et un authentique respect. Béla y retrouvera le plaisir simple et viscéral de jouer... et c'est étrangement à cette époque et à cette seule époque que l'homme m'est sympathique car c'est aussi, à mon sens, la seule période de sa vie où il fut véritablement authentique.


Le livre en lui-même...


Passons rapidement sur la qualité de l'édition qui est irréprochable. La version française s'offre une préface de François Theurel, plus connu des visiteurs de Youtube sous le surnom du Fossoyeur de Films. On pense tout ce qu'on veut du bonhomme (en ce qui me concerne, il a mon intérêt, ma sympathie et mon respect... ce que n'ont que peu de cinéastes d'internet) mais on ne peut en aucun cas lui ôter une passion évidente pour le cinéma de genre. Il est donc parfaitement légitime ici et gageons que cette préface sert bien plus encore la petite maison d'édition qu'est La Boîte à Bulles que le très connu Fossoyeur. Quand une petite célébrité fait ainsi profiter de sa visibilité à des gens dont la qualité de travail est aussi indéniable, je n'ai d'autre choix que de valider la démarche ! 

Venons-en à Koren Shadmi. Là non plus, rien à reprocher sur le travail graphique ou le travail de recherche. Comme pour sa bio de Rod Serling, on sent ici une démarche d'une honnêteté intellectuelle et d'une rigueur inattaquables servie par une patte aussi reconnaissable que soignée et maîtrisée. Comme pour son album précédent, la narration est faite d'habiles flashbacks inspirés par les derniers jours d'un Lugosi se racontant... c'est classe, sans conteste.
Les passages les plus intéressants demeurent néanmoins ceux traitant de l'évolution des mœurs et de la censure dans les médias américains... on sent que ça tient à cœur à l'auteur !


Par contre, je m'interroge davantage sur la pertinence de l'angle d'approche du sujet... J'imagine que tout l'intérêt réside en ces quelques mots signés François Theurel : "Gratter l'image pour trouver l'humain." Mais l'humain que l'on découvre gagne-t-il à être connu ? Ne fallait-il pas aller un rien plus loin que la simple exposition de cette vie relativement caricaturale de comédien hollywoodien surendetté et à l'ego boursouflé ?


Il répondait au nom de Béla...


Béla Lugosi dans son interprétation de Dracula.
Oh oui, certes, c'est un parallèle facile : Dracula a une dépendance envers le sang et Lugosi en a une envers la drogue, l'alcool, les femmes et les ovations du public... C'est facile. Mais ce n'est pas dénué d'intérêt pour autant. 
Vous l'aurez compris, je suis nettement moins enthousiasmé par la lecture de cette bio que par celle de Rod Serling... mais parce que L'homme de la quatrième dimension m'avait donné à connaître un homme dont j'aurais aimé me faire un ami. Un homme fort, portant des convictions, se battant pour que son avis soit connu, un visionnaire, un homme exemplaire à bien des égards.
Lugosi, au contraire, lève la cape sur un être bien plus veule. Cela ne remet en rien en question la qualité de l'ouvrage mais peut-être... son intérêt. En effet, la biographie de Serling n'était pas que cela, elle avait aussi valeur exemplative, elle était inspirante. Ici, au contraire, elle n'expose quasiment que ce que l'on pourrait conseiller d'éviter à toute personne avide de s'engager dans une carrière artistique publique.
J'ignore évidemment si les 155 pages de Shadmi offrent un portrait vraiment complet de Lugosi mais j'ai lu de-ci de-là que rien de ce qui y était narré n'était faux... Sans doute avait-il (je l'espère) des facettes plus reluisantes mais, celles qui nous sont ici présentées font de lui, sous le masque de Dracula, une sorte d'antithèse du comte vampire.
Je m'explique.
Dracula est une créature qui, malgré une fragilité extrême (due au soleil et à son seul moyen de subsistance possible), dégage une aura de puissance glorieuse et un charisme envoûtant.
Lugosi, malgré une gloire certaine et un charisme évident, n'a eu de cesse de prouver son extrême fragilité.

Dracula peut charmer les femmes et les garder sous son influence pour l'éternité ? Béla ne parvient qu'à les séduire pour ensuite les faire fuir.
Dracula puise sa force dans la nuit ? Lugosi s'acharne à y trouver autodestruction et débauche sans fin.
Dracula a certes une dépendance mais uniquement parce qu'elle est l'origine de sa force et la source de sa survie. Les dépendances de Lugosi seront quant à elles autant de clous de cercueil.
Il est ironique de constater à quel point ce jeu de miroir s'applique entre Lugosi et son alter ego lorsque l'on sait que, pourtant, Dracula n'a pas de reflet dans les films avec Lugosi.

La fameuse scène où Dracula constate qu'il ne se reflète pas
dans le miroir de cette boîte à cigarettes
C'est que, n’étant pas un reflet, et ne reflétant rien, le vampire n’est pas notre double négatif. Bien au contraire, il nous précède, il est primal, antérieur à nos civilisations et à nos codes moraux. Immortel, surhumain, c'est lui l’archétype dont les vivants ne sont que pâles copies…
Le vampire est le réceptacle de puissants instincts remontant au fond des âges et que voudrait rendre inoffensifs notre système de civilisation... mais même en n'étant rien d'autre qu'une évocation, qu'un imaginaire "tout droit sorti de l'imagination fertile d'un Irlandais alcoolique à moitié fou" (comme l'aurait déclaré Bram Stocker lui-même, si l'on en croit certains)... même en ces conditions de non-existence plus drastiques encore que la non-vie qu'il est supposé incarner, il parvient quand même encore à damner ceux qui effleurent son mythe de trop près. Comme cet être peu reluisant que fut Lugosi et qui succomba au charme du Comte au point de ne plus être grand-chose en dehors de lui, au point... de se laisser vampiriser son existence par Dracula qui, d'eux deux, restera bel et bien le seul immortel !

En conclusion, si le traitement de Shadmi est élégant, l'approche purement et systématiquement biographique de ce sujet n'est pas la plus intéressante qui pouvait en être faite. J'eus sans doute aimé un angle d'attaque plus psychologique... Voilà pourquoi il me serait extrêmement malaisé d'évaluer cet album : il ne souffre d'aucune imperfection notable, c'est un bon album mais qui, selon moi, selon ma vision très subjective des choses, rate une magnifique occasion d'analyser avec brio (car je ne doute pas que tel aurait été le cas au vu du talent de Shadmi) l'impact que peut avoir un personnage fictif emblématique et "plus grand que soi" sur une personne réelle qui se rêve magnifique elle aussi mais s'avère n'être qu'un très piètre représentant des bassesses et des veuleries qui nous rendent si fragiles.


+Les points positifs-Les points négatifs
  • C'est du Koren Shadmi : élégant, documenté, rigoureux. Difficile de dire du mal du travail effectué.
  • Lugosi : dans l'histoire du cinéma, il fait figure d'icone, essentiellement grâce au rôle du comte Dracula.
  • Par contre, l'approche purement et simplement biographique manque un peu d'intérêt... La vie de Lugosi vaut moins par sa chronologie que par sa psychologie..