Ouroboros #1 - L'amulette de Saladin


Autant le dire dès le chapeau : non, je ne vous rappellerai pas ce que désigne le terme "ouroboros". Des centaines d'œuvres de la pop culture mentionnent ce symbole de dragon se bouffant la queue et invoquant en même temps les idées de mouvement, de continuité, d'autofécondation et d'éternel recommencement.
Du coup, non, je ne vous dirai pas ce que... eh merde ! 


Les éditions Soleil n'ont de cesse de lancer de nouvelles séries et si, parfois, l'on se demande ce qu'elles attendent de nous tant certaines sorties semblent dispensables, il arrive qu'une de ces nouvelles venues nous convainque assez pour que l'on lève un sourcil intrigué et l'on se permette un : "Hey, c'est pas mal, ça ! Ca mériterait quelques suites, histoire de voir où ça mène...".

Ouroboros est de celles-là. Cette BD à l'énigmatique couverture (assez éloignée des habitudes de la maison, qui plus est) s'ouvre sur un récit des origines nous exposant une vérité inattendue sur les prémices de l'univers impliquant une maman dragon sur le point de mettre bas. De cette opération seraient nés trois dragons incarnant respectivement la force, l'esprit et la magie. À la mort de leur mère, ces trois créatures surpuissantes et ivres de chagrin s'entredéchirèrent dans de titanesques combats qui mirent à mal le monde les environnant. Le jour où les hommes prirent les armes contre eux, ils optèrent pour une solution de repli consistant à se transformer en hommes et à se fondre parmi nous. 

Nos femmes pouvaient, de cette façon, procréer avec eux et ils enfantèrent ainsi de nombreux sang-mêlés dont ne survivaient que de rares garçons. Bientôt, il y eut des clans entiers d'hommes unis par ce même sang draconique mais rivaux et en guerre perpétuelle. Ils influèrent sur la destinée de nations entières et sur l'histoire de l'Humanité. Notre vérité n'est que mensonges. Puis un jour naquit et survécut une jeune fille avec du sang de dragon : une nouvelle mère pour l'espèce ! 

La BD raconte ensuite les aventures physiques et psychiques d'Azram, un aventurier initié à nombre d'arts occultes. L'on fait sa connaissance alors qu'il vient de dérober l'énigmatique babiole qui donne son nom à cet album au nez et à la barbe de ses propriétaires. Il aura en effet besoin de cet artefact pour entrer dans l'esprit d'un enfant du nom de Xiao, de lignée draconique, et l'y aider à contenir le dragon qui sommeille en lui. La mission d'Azram est des plus primordiales car ce petit pourrait bien être l'unique et prophétique sang-mêlé capable de bientôt empêcher la ruine de notre monde...

Ce que l'on remarque de prime abord est l'originalité et l'efficacité de ce scénario qui ne se dévoile qu'assez peu dans ce tome 1 mais laisse entrevoir un univers étendu d'une grand richesse se permettant de convoquer sans avoir à en rougir quelques ressorts classiques des récits d'aventures et quelques figures imposées de récits fantastiques. L'histoire est plaisante et met en place des personnages charismatiques en diable, même si parfois caricaturaux à l'extrême. Ainsi, Azram est une sorte de gentleman-cambrioleur-précepteur-aventurier-sorcier infaillible à la classe et au flegme insolents. Mais il est plaisant de suivre ses aventures et le tome 2 déjà annoncé sera le bienvenu.

Ceyles et Olivier signent ici un scénario équilibré et intrigant laissant à Ceyles l'opportunité de s'exprimer dans de larges cases dynamiques que Lou colorise avec bonheur dans des teintes de bon goût, faisant de cet ouvrage une BD d'une lisibilité sans faille. Il est d'autant plus agréable de constater cela que l'on a déjà parlé du dessinateur d'Ouroboros puisque c'est à lui que l'on devait les dessins de l'unique tome des Archives d'Okrane. Or, à l'époque, l'on n'avait guère été convaincus par son appropriation hésitante de certaines caractéristiques propres aux mangas. Mais, aujourd'hui, son travail nous captive davantage et offre même certaines cases qui ont tout pour rester en mémoire. 

Il est malaisé de deviner quelle série trouvera la voie du succès dans le catalogue pléthorique de cet éditeur mais, si Ouroboros venait à ne pas rencontrer un public suffisant, ce ne serait pas en raison d'un manque de qualités intrinsèques.

Il y a ici bien assez d'audace et d'élégance pour mériter la curiosité d'un assez large lectorat. Puisse cette humble chronique vous aider à franchir le pas, si vous hésitiez à vous lancer dans les traces d'Azram.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Scénario et dessins intéressants et parfaitement intelligibles.
  • Pas mal d'originalité pour un récit dont on aurait pu craindre qu'il se repose sur des poncifs.
  • Un tome 1 qui éveille un réel intérêt pour la suite.
  • Un personnage central juste assez énigmatique pour intriguer mais juste assez sympathique pour amuser. 
  • La mise en couleurs manque de temps à autres de relief et de profondeur mais c'est un style qui convient bien à l'univers.
  • Même si l'on appréciera son originalité, l'on peut reprocher à ce tome 1 de raconter, au final, peu de péripéties.

Something is killing the children


Urban Comics
semble miser beaucoup sur la nouvelle série de James Tynion IV, le scénariste eisnerisé (on dit bien "oscarisé" non ? Alors je tente un néologisme de plus, on est comme ça chez Univers Multiples Axiomes & Calembredaines) surtout connu pour son travail de longue haleine sur Batman. Depuis une demi-douzaine d'années, le gars semble transformer en or tout ce qu'il écrit, et transcende le matériau qui lui est confié, avec une prédilection pour le thriller et les ambiances sombres. Le Caped Crusader convenait ainsi parfaitement à ses penchants, et il s'est vu confier la rédaction de ses aventures depuis 2012, avec un succès certain, complété par un run sur Batwoman qui a fait date, comme son crossover Batman/Tortues Ninja. Et s'il a été sollicité un peu partout (faisant même quelques incursions chez Marvel avant de revenir à la maison mère pour le projet sur DC Infinite dont on vient de vous parler ici-même), c'est au sein de Boom! Studios qu'il a développé les récits qui ont le plus marqué les lecteurs et les critiques, avec notamment Wynd dont notre GriZZly a fait un de ses coups de cœur.

Something is killing the children
est le dernier en date : prévu à l'origine pour constituer une mini-série, le succès a été tel qu'il a poussé l'éditeur à prolonger le contrat. On en est à présent à vingt épisodes, regroupés en quatre albums dont Urban a entrepris la traduction et la publication en France. Un spin-off est déjà en route et (ô surprise !) les droits ont déjà été cédés pour une adaptation sur petit écran.

De prime abord, l'on comprend difficilement ce raz-de-marée populaire, cette déferlante de critiques enthousiastes qui en font d'ores et déjà un objet de hype incontournable. Ni le contexte, ni les personnages, ni la narration ou les dessins ne paraissent originaux, brillants ou stupéfiants. Un vieux lecteur de comic books, surtout un peu blasé par les productions actuelles, aurait de ce fait bien du mal à analyser l'engouement. Et puis, les pages tournent, on réserve notre jugement et, petit à petit, la magie opère : habitué ou non des productions orientées "horrifique", le lecteur se verra irrésistiblement happé, entraîné presque malgré lui dans le mystère et l'horreur, cherchant à définir ce qui se tapit dans les recoins sylvestres cernant Archer's Peak, assistant au massacre implacable des enfants et guettant avec un vain espoir l'irruption salvatrice de celle qui pourra, peut-être mettre un terme à ces abominations.


Il se trouve qu'à Archer's Peak, des enfants disparaissent. Sans raison. Les autorités locales, peu habituées aux débordements criminels propres aux grandes cités, n'ont pas vraiment cherché à expliquer, n'ayant aucun début de piste, et laissent la situation pourrir sans qu'elles puissent faire autre chose que rappeler à chacun les consignes de sécurité élémentaires. Jusqu'au jour où, après une excursion ratée, un gamin réapparaît seul sans ses camarades, visiblement choqué par ce qu'il a vu. D'abord enfermé dans son mutisme, il finit par avouer l'impensable : ses copains sont morts, tués, déchiquetés par les ombres qui hantent la forêt. Un monstre a fait ça. Sauf que les monstres, ça n'existe pas. N'est-ce pas ? Alors quand surgit Erica, une jeune fille au regard fiévreux, venue de nulle part, qui décide de prendre au pied de la lettre les allégations du rescapé et d'aller en finir avec ce qui tue les enfants du village, on commence à jaser : le grand frère d'une des disparues, soupçonnant toujours le dernier témoin, décide de leur filer le train ; le shérif préfère leur mettre des bâtons dans les roues jusqu'à un mystérieux coup de fil le convainque qu'Erica est la seule à même de faire cesser la vague de disparitions. Quant à Erica, elle fait ce qu'elle sait faire : dénicher les indices, suivre les pistes et les remonter jusqu'au repaire de la chose qui massacre les enfants. Car c'est son job : elle tue les monstres.

Pris séparément, chaque élément de l'intrigue fera resurgir inévitablement un souvenir de lecture ou de série B, fera écho à un moment déjà lu ou vu. Mais le fait est que l'ensemble est remarquablement assemblé pour constituer un récit malin, haletant, au tempo infernal, peuplé de cadavres, éclaboussé de sang, où les enfants sont les seuls à voir les horreurs qui arpentent les ombres et les recoins de notre réalité. Tous ceux qui ont été biberonnés à Ça et de nombreux autres récits de Stephen King y trouveront leur compte, et résonneront en cadence avec chaque incompréhension des adultes, chaque meurtre évitable, chaque coup du sort qui mettra la mission d'Erica en péril. D'autant qu'il ne s'agit pas seulement de cela : l'irruption de la jeune fille engendre autant de questions qu'elle apporte de réponses. Qui est-elle ? Comment sait-elle ce qui arrive ? Pour quelle organisation, visiblement bien organisée et suffisamment puissante pour contraindre les forces de l'ordre à collaborer, travaille-t-elle ? Qu'est-ce qui lui permet d'être aussi efficace dans son job de tueuse de monstres ? Et puis, c'est quoi cette immonde peluche de poulpe avec laquelle elle semble avoir d'étranges conversations ?

Erica Slaughter est l'atout maître de la série, qui aurait pu sans elle demeurer simplement au niveau de nombreux autres récits d'épouvante. Elle n'est pas la seule monster hunter de la littérature, mais elle parvient à être unique en son genre. À peine plus âgée que les victimes (plus vraiment une enfant, pas encore une adulte), sa détermination sans faille et son regard troublant exsudent une dureté, une force de caractère qui lui confèrent l'assurance d'un vampire millénaire. Aussi perspicace que lucide, elle en remontre à tous les adultes qu'elle croise et qui l'interpellent, lesquels doivent bien souvent s'avouer vaincus par sa sèche répartie et ses silences pleins de sous-entendus. Néanmoins, on voit sa cuirasse se fissurer lorsqu'elle est face à un enfant, et son discours se teinte de compassion : manifestement, elle en a vécu de dures, et son expérience sans doute traumatisante ne l'empêche pas de montrer un peu d'empathie devant la détresse des plus jeunes. Sa création a sans aucun doute été le point d'orgue de la conception de la série et, après plusieurs essais graphiques (comme on procède à un casting), c'est avec ce bandana qu'est véritablement née Erica. Le bandana glauque et ces yeux, ces grands yeux aux cernes immenses qui la rendent inoubliable pour quiconque la croise.


La partie graphique est à l'avenant. Évidemment, si vous êtes partisans de la ligne claire ou de la précision des traits d'un George Pérez, vous allez faire la grimace. Dell'Edera privilégie en effet les crayonnés flous, les silhouettes imprécises en focalisant l'attention sur quelques détails plus accentués (notamment les regards) et profite d'une colorisation adéquate pour souligner le caractère surnaturel des créatures : ces grands aplats noirs ne permettent jamais de vraiment déterminer le contour distinct de ces monstres éthérés, plus sombres que la nuit, sur lesquels se détachent ces yeux cruels et les flots de sang qu'ils font gicler de leurs victimes. Le rouge et le noir se mêlent ainsi comme autant de leitmotivs et certaines cases, même si beaucoup moins détaillées que ce que proposent d'autres dessinateurs œuvrant dans un genre similaire (cf. Crossed par exemple), engendrent malaise et inquiétude, parfois simplement par un hors champ habile ou quelques réflexions désabusées d'un témoin. 

Ce qui n'empêche pas d'assister aussi à plusieurs lacérations, éventrations et éviscérations en règle : ce n'est pas à mettre entre toutes les mains. 
D'autant que les enfants y sont régulièrement victimes : la tâche d'Erica s'avère plus rude que prévu, et les cadavres s'amoncellent – on est loin des récits plus orientés grand public. Même les personnages qu'on commençait à connaître risquent d'être tués, et cette lancinante incertitude fait tout le sel d'un récit qui s'enrichit dans le second tome de la traditionnelle quête des origines (car l'organisation dont fait partie Erica va venir mettre son grain de sel). James Tynion n'est peut-être pas le nouveau Stephen King, mais il s'avère particulièrement crédible lorsqu'il expose les peurs, les doutes et les préoccupations des plus jeunes, qui prennent sous sa plume davantage de substance que dans nombre d'autres récits analogues : on tremble ainsi pour eux, et leur sort souvent funeste marque les esprits. Le scénariste ne verse pourtant pas dans la facilité en zigouillant les têtes blondes comme autant d'épis trop mûrs, mais appuie sur une forme de fatalité empruntée à la dark fantasy qui rehausse d'autant plus le mérite de ceux qui parviennent à survivre avec le souvenir de scènes innommables. 

Une réussite en tant que récit à suspense, un véritable page turner qu'on suit avec ce mélange d'appréhension et de délice sauvage qui augurent de plaisirs durables. Trois tomes sont déjà disponibles chez Urban, le quatrième sort le 24 juin 2022, le même jour que le spin-off House of Slaughter, ; de quoi alimenter le scénario de la future série télévisée. Une opération promotionnelle éphémère propose d'ailleurs les deux premiers volumes pour dix euros seulement depuis quelques jours (au format cartonné après un certain flop du précédent, souple et orienté jeunesse, qui a relancé l'attrait pour la fiction).


+
Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit habile, au suspense haletant.
  • Des personnages bien définis, une héroïne charismatique conservant une grande part d'ombre.
  • Du sang, de la violence, de la souffrance mais sans excès.
  • Une grande maîtrise des dialogues, parfois cyniques ou désabusés.
  • Une partie graphique servant l'atmosphère oppressante du récit.
  • Les deux premiers tomes reliés sont proposés à un tarif avantageux.


  • Pas vraiment original, ni dans son thème, ni dans son traitement.
  • Les dessins manquent de précision, la colorisation noie les détails et les contours.

Le deuxième tome des comics "Star Wars - La Haute République"

Après un premier volume enthousiasmant mais non sans défauts évidents, que vaut la suite de Star Wars - La Haute République en comics ? Critique du deuxième tome (sans titre définitif pour l'instant).

Un aparté introductif est de mise. Ce volume dans son format 100% (c'est-à-dire compilant cinq chapitres) sortira le 19 avril prochain (cf. couverture provisoire ci-dessous à gauche). Mais son contenu a déjà été publié dans le « petit format » des comics, c'est-à-dire ceux en couvertures dures et contenant deux chapitres de la série. Le cinquième est en vente depuis peu (16 février, à 6,99€ au lieu de 5,99€ l'an dernier – cf. couvertures ci-dessus) et malheureusement ce sera le dernier dans ce format…

En effet, malgré les bonnes ventes (mais probablement pas assez rentables), Panini Comics a décidé d'arrêter la publication des deux épisodes tous les deux mois. Pour ceux ayant pris ces cinq volumes « petit format », il faudra donc poursuivre l'aventure avec le troisième tome « classique » (100%) qui sortira en août 2022.

Aucun doublon à prévoir puisque les dix chapitres publiés dans le « petit format » (en cinq volumes donc) étaient dans les deux premiers tomes du format 100%. Tout le monde suit ? Pour ceux s'étant contentés des 100%, rien ne change évidemment. Pour une fois qu'on pouvait lire au plus près de sa sortie aux États-Unis une série de comics en France dans un bel écrin à prix correct, c'est dommage…

En attendant le titre de ce second tome en 100%, place aux deux histoires étalées sur cinq chapitres (#6 à #10). Trois constituent l'arc intitulé Le Cœur des Drengir (L'Union de la galaxie, Sith et ombres et À la racine de la terreur) et deux forment L'Ombre des Nihil (Laisse le Jedi derrière toi et La Fin de l'équilibre).

Le Cœur des Drengir fait directement suite aux épisodes précédents. On y retrouve une alliance inédite entre les Jedi, emmenée par Avar Kriss, et des Hutts, dirigés par Myarga, face aux puissantes créatures carnivores Drengir. Sskeer, toujours piégé dans la conscience collective des Drengir, est rejoint par Keeve Trennis (le binôme principal de la série). Tous deux trouvent le point faible de leurs ennemis végétaux : la grande progénitrice, située dans un endroit très éloigné, sur Mulita dans le Système Sauvage. Tous les Jedi disponibles partout dans la galaxie sont conviés à prendre part au combat contre les Drengir… Problème : les Nihil continuent d'être une autre menace. L'occasion pour Keeve de croiser Orla Jareni (un des personnages les plus fascinants et charismatiques de cette ère, une « cheminante » longuement suivie dans le roman L'Ombre des ténèbres).

L'Ombre des Nihil nous emmène à la Foire de la République (sur Valo). Une cérémonie transformée en champ de ruines par les Nihil, faisant des milliers de victimes… Et si l'attaque coordonnée des Drengir était une feinte pour empêcher les Jedi du Flambeau Stellaire d'intervenir ? Les Jedi traquent les Nihil mais plusieurs tensions se ressentent entre eux, notamment entre Stellan Gios et Kriss/Trennis… Keeve et Terec (l'un des gémélliés Jedi vu dans le premier tome – un jumeau donc) vont carrément infiltrer l'organisation des Nihil !

 
Entre séquences de cauchemars pas très utiles et qui font perdre quelques précieuses pages, apitoiement sur son sort et pleurs soudains, Keeve perd un peu en superbe, son écriture n'étant pas très subtile pour passer d'une émotion à une autre, cela manque un peu de crédibilité. De même, la bascule entre les deux arcs est un peu abrupte, donnant une impression de survol, voire d'ellipse. C'est malheureusement normal car pour avoir les détails autour de l'attaque de la Foire de la République, il faut se tourner vers deux romans (bientôt chroniqués sur UMAC) : le titre jeunesse La Tour des Trompe-la-mort et, surtout, L'Orage gronde, écrit par le même auteur que les comics, Cavan Scott.

Son travail ici est dans la continuité du premier tome, avec les mêmes qualités et défauts : les personnages sont toujours plutôt attachants, le rythme est haletant bien qu'un peu rapide, l'originalité de certaines séquences est plaisante (avez-vous déjà vu un Jedi chevaucher un Hutt ? Maintenant oui.), l'exploration d'un pan novateur de Star Wars est stimulant, etc. Les fameux « sss » de Skeer sont hélas toujours présents dans les dialogues (cf. le tome précédent pour les détails).

On peut compter sur les dessins pour s'en prendre plein les rétines. Ario Anindito est toujours présent, le temps de deux épisodes (#8-9), remplacé par Georges Jeanty [1] pour les autres (#6-7 et #10). Tous deux ont un style assez similaire (peut-être un brin plus « lisse » pour Jeanty), permettant de conserver une cohérence graphique bienvenue. Il faut dire que la colorisation hors-pair fait encore des merveilles (clairement l'un des points forts des comics, y compris de l'autre série Star Wars : Les Aventures). Tour à tour confiées à Annalisa Leoni (déjà présente pour le premier volume), Rachelle Rosenberg et Carlos Lopez, les palettes chromatiques sont riches et variées, avec un subtil jeu d'éclairage – que ce soit les impacts de luminosité des sabres laser sur des visages ou les tonalités diurnes/nocturnes par exemple, sans oublier les décors, arrière-plans et fonds de case parfois hypnotisants.

L'enrichissement de l'univers de Star Wars est toujours aussi prononcé, complémentant des éléments déjà connus (les Drengir, leur aura maléfique et leur conscience collective télépathique – dans laquelle se retrouvent Keeve et Sskeer – d'une force incroyable, menée par la grande progénitrice) et des nouveaux (la mystérieuse « conjonction du cauchemar », évènement d'antan non précisé, pour l'instant le système Mulit, etc.). La fiction montre aussi le retour de Lourna Dee (croisée dans La Lumière des Jedi), l'apparition rapide de Reath et Vitus (En pleines ténèbres) et une illustration, au propre comme au figuré, de la jolie connexion de Force entre les Jedi.

Comme toujours, si la série reste sympathique et divertissante, elle gagne en « impact et cohérence » à condition que l'on suive toutes les autres œuvres liées à La Haute République - et particulièrement pour ce second tome. Ce qui est donc à la fois sa force et sa faiblesse. Lus indépendamment du reste, ces comics n'auraient pas grand intérêt ; mais dès qu'on connaît un peu mieux l'ensemble auxquels ils se rattachent, c'est un vrai régal de poursuivre l'aventure !

 

On rappelle que tous nos articles sur Star Wars - La Haute République sont compilés dans cet index.

[1] Jeanty a œuvré pour DC Comics et Marvel sur quelques séries (Green Lantern, Superman, Deadpool, X-Men…) mais est surtout connu pour avoir illustré plusieurs saisons de Buffy contre les vampires, notamment les 8, 9 et 12 – il reçoit même  en 2008 le célèbre Eisner Award dans la catégorie Meilleure nouvelle série pour Buffy.

+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • Des dessins de bonne facture qui bénéficient d'une superbe colorisation.
  • Une homogénéité graphique de l'ensemble malgré deux équipes artistiques différentes.
  • Une seconde histoire très différente et prometteuse.
  • Un enrichissement toujours sympathique à l'ensemble des œuvres de Star Wars - La Haute République.



  • Une transition abrupte entre les deux récits.
  • Ça va (encore) un peu trop vite.
  • (Un format éditorial intéressant qui s'arrête déjà au bout de cinq volumes…)



Thorgal n°39 : Neokóra

Tous les amateurs de la série Thorgal attendent les fêtes de fin d'année avec impatience, sachant que le prochain tome sera édité avec la régularité métronomique d'un grand éditeur.

Avec ce trente-neuvième tome des aventures de notre Viking préféré sur le papier, on sait à présent comment fonctionnent les remplaçants du duo originel - et multirécompensé - d'artistes (Van Hamme & Rosinski) : Vignaux & Yann s'emploient, après une légère période de flottement, à repartir sur les bases du mythe Thorgal en explorant son passé et en tentant de développer des nouvelles trames à partir d'anciens éléments. Cela engendre plusieurs avantages pour le lecteur assidu : le plaisir de retrouver des références à ses lectures d'origine, la certitude d'être en terrain connu et de ne pas aller vers un développement qui trahirait les principes de la saga et la joie de pouvoir apporter quelque éclairage à certaines zones d'ombre volontairement ou non laissées de côté. 

Une stratégie maligne, et plutôt probante, même si cela conduit à penser que le filon serait en passe de s'épuiser. On pourrait aussi reprocher une certaine facilité du coup dans les intrigues, n'ayant plus besoin que d'appliquer les recettes habituelles sur les bases d'un univers déjà bien en place. C'est tout le problème des longues séries : le renouvellement dans la continuité. Les chefs de projet des grands éditeurs de bandes dessinées et comics sont continuellement confrontés à ce dilemme.

Ici, c'est carrément vers la Magicienne trahie et l'Ile des mers gelées qu'on regarde, c'est-à-dire le tout début de la saga (cf. notre "First Look" sur les origines de la saga) : après de longs voyages (tel Ulysse), où Thorgal avait trouvé en Afrique d'autres survivants du peuple des étoiles, l'on revient à la case départ et donc au premier vaisseau. Il suffisait pour lancer le scénario de dénicher un témoin vivant des premières aventures et de réincorporer le meilleur ennemi de notre héros...

Tout commence donc lorsque Thorgal, de retour sur son île en compagnie de ses enfants, sauve l'occupant d'une embarcation fantôme avant de faire face à une malédiction pesant sur le village et sa population : tout le monde, y compris sa douce Aaricia, est sous l'emprise d'un sortilège qui le mènera à... Kriss de Valnor, son éternelle rivale (et ancienne amante). Leur fils Aniel (cf. notre article sur le tome 35 : le Feu écarlate) est à l'origine de ce méfait qui doit leur permettre d'accomplir quelque sinistre projet, mais ils se sont entre-temps acoquinés avec le naufragé mystérieux qui leur propose de pénétrer la Forteresse de métal de Slive. C'est là qu'ils pourront trouver des armes fabuleuses qui leur permettront de dominer les peuples alentour : Kriss a vu à l'œuvre l'Épée-soleil (une sorte de pisto-laser) et la Couronne d'Ogotaï (un amplificateur d'ondes cérébrales - cf. les albums éponymes) et ne doute pas des possibilités que pourrait receler cet endroit où vivaient les "Dominants" ; le naufragé précise cependant que seul Thorgal (sans doute de par son ascendance) est à même d'entrer sans dommage dans ce lieu maudit : aucun autre être humain n'a pu franchir les défenses de l'édifice extraterrestre. Notre Viking accepte de mauvaise grâce dans le but de sauver sa famille, comptant sur l'aide de Jolan pour retourner la situation à son avantage lorsque l'occasion se présentera.


Malgré le schéma habituel (comme le lui avait rappelé Kriss naguère, si Thorgal rechigne à partir à l'aventure, il ne tarde jamais à retrouver le goût du risque qui a fait de lui un pirate sans merci), l'impression d'ensemble est étrange : cela va vite, trop vite peut-être, au point qu'on se demande pourquoi essayer de caser autant d'éléments dans si peu de pages. Une fois sur place, nos héros vont suivre bon an mal an une structure narrative connue avec quelques ressorts usés, mais cela fonctionne à peu près, la magie de la découverte et l'élégance de la narration en moins. Certaines situations sont téléphonées, d'autres amenées sans subtilité, cela manque de liant et de justesse de ton, mais on suit ça sans déplaisir, sans passion non plus. Il faut dire que Thorgal, encombré par un Jolan surpuissant mais incapable d'user de ses pouvoirs quand il le faut (bien pratique), bridé psychologiquement par un nombre incalculable de mauvais choix effectués par le passé pour la sauvegarde de sa famille, n'est plus le héros qu'on adulait une fois privé de sa liberté de jugement et de mouvements. Depuis la Forteresse invisible et la parenthèse Shaïgan, on le sent engoncé dans ses responsabilités et ses principes moraux, constamment en porte-à-faux et chaque péripétie suivante n'a fait que confirmer que le capital sympathie qu'il générait allait en s'amenuisant. Sans doute aurait-il mieux valu qu'il tourne définitivement la page, d'autant qu'on avait lancé Jolan (le fils doté de pouvoirs télékinésiques hérités des ancêtres Atlantes), Louve (sa fille, capable de parler aux animaux) et même Kriss sur des aventures en solo qui auraient pu représenter l'avenir de la franchise. Mais non, il semblerait que la trame principale de la saga devienne le creuset de ces spin-off et que chaque récit converge vers elle, un peu comme dans le Marvel Cinematic Universe, où les films Avengers bénéficient des développements créés dans les autres. Peut-être aussi que ni Louve ni Jolan n'ont pu capitaliser sur leur aura héroïque, largement inférieure au Thorgal des Archers ou de toutes ses aventures au cœur du Deuxième Monde (on regrette la séduisante Gardienne des clefs). La saga semble se déliter irrésistiblement depuis la Couronne d'Ogotaï et Thorgal perd chaque fois un petit peu de son charisme, un petit peu de sa grandeur et de sa noblesse d'esprit, devenant un héros poussif qui passe son temps à maugréer sur son destin. Néanmoins, ses qualités physiques font de lui un aventurier redoutable qui, s'il refuse d'ôter la vie à la légère, n'en demeure pas moins un combattant farouche, un limier affûté et un archer incomparable. 


Quant aux dessins, ils sont agréables, avec un encrage très similaire à ce qu'on connaissait, quoique moins porté sur les rouges sombres. Toutefois les visages apparaissent plus durs, plus fermés, moins esthétiquement expressifs que ceux de Rosinski : les gros plans laissent transparaître des profils plus massifs, des traits moins fins qu'auparavant (c'est particulièrement notable sur ceux de Jolan et Kriss). La gestion de l'action apparaît parfois plus brouillonne, mais on peut considérer que le flambeau est bien passé et on n'y perd pas vraiment au change, d'autant qu'on retrouve quelques pages presque muettes où les cases s'épanchent et les décors prennent le pas sur les dialogues.

Un épisode qui s'achève sur un happening annonçant sans doute quelques profonds changements dans l'avenir qui mettront en péril le fragile équilibre que Thorgal tentait, envers et contre tous (hommes et dieux, surtout les dieux, ces sacripants tout-puissants), de préserver.

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • Un récit enlevé, sans temps morts.
  • Une reprise des principales références au mythe Thorgal avec un retour sur le lieu de sa première aventure.
  • Kriss de Valnor : on l'aime autant qu'on la déteste.


  • Cela manque de subtilité et d'originalité.
  • L'intrigue sent le réchauffé et se repose sur des péripéties comme autant de figures imposées.
  • Des dessins honnêtes mais des visages moins expressifs.
  • Kriss de Valnor : alors qu'on pensait qu'elle avait évolué pour le meilleur (surtout en devenant maman), on nous la refourgue comme elle était à ses pires moments.

La novélisation de STAR WARS IX "sauve-t-elle" le film ?

 

Fin 2019, L'ascension de Skywalker sort au cinéma. Ce neuvième épisode de la saga Star Wars a la lourde tâche de conclure une nouvelle trilogie extrêmement bancale, pour ne pas dire décevante, dont les coulisses de la création sont une aberration (voir encadré). Le long-métrage de J.J. Abrams tente de répondre aux interrogations soulevées dans les deux précédents volets (Le réveil de la Force et Les Derniers Jedi) et de finaliser l'ensemble des neufs films, regroupés sous le titre La saga Skywalker. Critiqué négativement pour plusieurs raisons légitimes – cf. encadré à nouveau –, L'ascension de Skywalker trouve une « seconde vie » à travers sa novélisation (en vente depuis juin 2020, puis au format poche depuis juillet 2021), qui comporte des scènes supplémentaires et des explications plus poussées. Mais cela « sauve-t-il » le film pour autant ? Critique.
 
Le roman de Rae Carson [1] reprend évidemment la structure du long-métrage, c'est-à-dire avant tout le parcours croisé de Kylo Ren et de Rey. Le premier découvrant que L'Empereur est toujours « vivant » (sous forme de clone) et qu'il manipulait Ren via sa création Snoke mais aussi les voix dans son esprit. La seconde se révélant être la petite-fille de Palpatine, expliquant ainsi les pouvoirs démesurés de la pilleuse d'épaves. Rey et Kylo Ren sont vecteurs d'une dyade de la Force, justifiant leur connexion mentale (et parfois « physique »). Leur relation si particulière prend sens. Autour d'eux gravitent bien sûr d'un côté la Résistance, d'un autre le Premier Ordre – Palpatine promet le Dernier Ordre à Kylo Ren s'il le rejoint, une armée de fidèles, gigantesque et puissante.
 
Une ultime bataille s'engage alors, naviguant entre plusieurs mondes.  Sur la nouvelle planète Exegol, se terrent l'Empereur et ses sbires. Sur Ajan Kloss, se situent Leia et une partie de la Résistance. Sur Pasaana, endroit désertique, Poe, Finn, Rey, C-3P0 et Chewbacca vont retrouver Lando Carlissian afin de chercher un artefact pouvant les mener sur l'ancienne Étoile de la Mort ; sur laquelle se situe un autre objet précieux (un Orienteur) pouvant les conduire à Palpatine. Ils passeront aussi par les paysages enneigés de Kijimi où Poe croisera Zorii, son ancienne complice. Les lecteurs de Star Wars - L'ascension de Skywalker ont très certainement vu le film qu'il adapte (dont quelques affiches inédites ornent cette critique) ; inutile, donc, de nous attarder davantage sur le résumé.

Alors, qu'est-ce qui change concrètement ? Tout d'abord, l'ordre de certaines scènes. Ainsi, le livre s'ouvre sur l'entraînement de Rey puis la recherche de l'Orienteur par Kylo Ren ; c'est l'inverse dans le long-métrage. Cela ne modifie pas le fond, si ce n'est que la version romancée permet de s'attarder un peu plus et, de facto, de détailler quelques éléments. Ensuite, et c'est là tout l'intérêt du titre, il permet d'ajouter de nombreuses scènes (parfois incluses dans le scénario initial mais n'ayant pas été tournées ou bien coupées au montage pour réduire la durée de la fiction). Un chapitre est presque entièrement consacré à Zorii, montrant comment elle s'échappe de Kijimi avec Babu Frik avant de rejoindre le combat final sur Exegol. Un très long passage à la fin du roman explique comment Palpatine a pu survivre dans l'ombre et manigancer son plan. Kylo Ren croise une créature arachnoïde : l'Œil du marais Webbish (aperçue dans les croquis préparatoires du film). De quoi enrichir le bestiaire de l'univers et découvrir aussi le nom de certaines races, comme les Symeong (via Albrekh, alchimiste Sith qui reforge le masque de Ren) ou les Anzellan (Babu Frik, qui titille les circuits de C-3P0). Les pensées de Ben Solo étant exposées plusieurs fois (l'avantage du roman qui a un narrateur omniscient), on ressent mieux sa volonté de s'allier avec Rey pour être invincible à deux.

On note aussi que Wicket, le célèbre Ewok du Retour du Jedi, dialogue avec son fils durant la conclusion. Un moment drastiquement réduit dans la version cinéma puisqu'on ne sait même pas que les deux Ewoks présents à l'écran sont de la même famille ni ce qu'ils échangent… Il fallait se tourner vers un making-of dans les bonus du DVD/Blu-Ray pour comprendre que cette scène aurait dû être plus longue. Toujours dans la novélisation, on apprend également que Hux n'aime pas les cheveux de Ren (!), qu'il juge non réglementaire et on sait très tôt qu'Hux est le traître. Finn étudie les langues dont le shyriiwook pour comprendre Chewbacca, le droïde D-O parle ici « normalement » (pas besoin donc de répéter et traduire les sons qu'il émet), Lando apparaît un brin plus, Ochi de Bestoon est mentionné deux ou trois fois pour se raccrocher un peu à l'épisode VII, Rey a trouvé son pouvoir de guérison en étudiant les livres Jedi de Luke, son retour sur Tatooine à la fin est un peu plus détaillé, Ben Solo a grandi avec « Oncle Chewie » et a bien du mal à se concentrer pour lire dans l'esprit du célèbre Wookie, etc. Quelques « zooms » sur des figurants sont appréciables, comme la Capitaine Chesille Sabrond du Dernier Ordre, permettant de comprendre comment des humains sont voués à cette armée – « souvent des enfants d'Impériaux ».
 
Il y a donc un peu de tout, des ajouts pertinents mais aussi des anecdotes un peu insolites, pas forcément utiles… Voici pour l'essentiel de ce qu'on a retenu. C'est toujours appréciable bien sûr, mais il subsiste tout de même un goût d'inachevé.
 
Car même s'il était impossible de modifier l'ADN du film – qui tentait tant bien que mal de résoudre le puzzle d'incohérences initié dans les épisodes précédents – rien n'empêchait d'apporter une matière plus conséquente sur quelques frustrations évidentes. Par exemple, les Chevaliers de Ren ne bénéficient pas d'un développement poussé dans l'ouvrage alors qu'on aurait pu en savoir davantage sur eux en deux ou trois pages. Sans rentrer dans trop de détails, il était légitime d'attendre un enrichissement autour de ce groupe de mercenaires annoncés dès l'épisode VII (Le Réveil de la Force). Quelques uns sont nommés (Trudgen, Kuruk, Vicrul…) mais seule la bande dessinée L'ascension de Kylo Ren apporte un très bref éclairage sur eux. Rose aurait également pu être mise en avant suite à son rôle secondaire poussé dans l'épisode VIII (Les Derniers Jedi) mais elle reste ici cantonnée à de la figuration.
 
L'interprète de Leia, Carrie Fisher, malheureusement décédée avant le tournage du neuvième film. Ce sont des scènes coupées des précédents métrages qui sont donc dedans (et il faut saluer le travail remarquable des artisans numériques qui ont intégré cela avec une certaine fluidité). Le roman pouvait sans problème la rendre bien plus présente mais ne le fait pas vraiment. Elle intervient davantage pour communiquer avec Rey, surtout lors de ses entraînements, mais ça reste assez sommaire. Elle échange aussi avec Luke, ce qui est plus plaisant. Lors du combat final entre Rey et Palpatine, la jeune femme entend les voix de plusieurs Jedi qui s'unissent à elle. Dans le film, on reconnaît quelques timbres évidents d'acteurs/personnages, comme Ewan McGregor/Obi-Wan Kenobi. Le générique de fin révèlera d'autres prestigieux noms, provenant d'anciens films et des fictions d'animation, comme la série Rebels. Étrangement, aucun nom de Jedi n'est cité dans le livre alors que ça aurait ajouté un certain cachet – paradoxalement, plusieurs vaisseaux de la flotte de la Résistance sont, eux, expressément nommés (ajoutant quelques connexions avec l'univers étendu, comme le Ghost de Rebels justement, ou la pilote Zay Versio de l'Escouade Inferno, fille d'Iden Versio – cf. le jeu vidéo Battlefront II et le roman Renaissance…), un comble ! Bref, tout cela est dommage…

En revanche, quelques scènes fonctionnent parfois mieux, comme la fausse mort de Chewbacca. On n'y croit pas du tout dans le long-métrage puisqu'elle n'est pas montrée/filmée ; dans la novélisation, c'est plus délicat de le savoir et ça passe donc mieux mais… la probabilité de lire le roman avant de voir le film est quasiment nulle. Malgré les défauts de la réalisation de J. J. Abrams, on appréciait le spectacle de quelques séquences impressionnantes (des combats épiques) ou émouvantes (grâce à une certaine retenue et une musique soignée – même si la dramaturgie provoquée s'annulait souvent un peu plus tard comme lorsque l'on apprend que Chewbacca n'est pas mort ou que C-3P0 recouvre sa mémoire après son « formatage », etc.). Dans le roman, ces moments-là ne fonctionnent plus vraiment : il y manque l'accompagnement sonore et la mise en scène propres au support. Par ailleurs, comme on sait à peu près vers quoi on se dirige, il n'y a pas de surprise et on s'ennuie un peu, malgré un style d'écriture relativement efficace et un rythme correct.
 
En synthèse, la novélisation de L'ascension de Skywalker est, sans surprise, identique au film à 90% et donc, mécaniquement, ne le modifie pas suffisamment pour que l'entièreté de l'histoire en soit meilleure. Les 10% ajoutés ou modifiés sont globalement pertinents mais ça ne « sauve pas » pas l'ensemble (si tant est qu'on n'avait pas accroché au long-métrage bien sûr). Si vous aviez globalement apprécié la version cinéma et que vous êtes passionnés de Star Wars, nul doute que ce roman vous apportera un complément sympathique qui enrichit un petit peu l'univers.


Un autre livre pour comprendre les coulisses et aberrations de la trilogie sous l'ère Disney

Aussi surréaliste que cela puisse paraître, les trois épisodes de la postlogie n'ont pas été pensés en amont comme un tout ! Bien sûr, il ne s'agissait pas d'écrire un scénario de chaque volet dès le début du projet mais, à minima, aurions-nous pu espérer que soient anticipées les grandes lignes narratives et les évolutions de chaque personnage. Par exemple, quand Rey fut présentée au public, personne ne savait en interne qui elle était vraiment et d'où venaient ses pouvoirs. Elle ne devait pas être la petite-fille de l'Empereur pour justifier cela mais bien une protagoniste « quelconque » sensible à la Force. Après avoir proposé plusieurs informations contradictoires dans les deux premiers films, tout s'est construit au fur et à mesure et a été improvisé pour recoller les morceaux au mieux.
La trilogie a souffert d'un remplacement de plusieurs scénaristes d'une part et, surtout, d'un modèle d'écriture type « cadavre exquis » d'autre part. Pas de concertation entre les auteurs d'un film à l'autre (surtout entre Le Réveil de la Force et Les Derniers Jedi) et pas de cohérence narrative globale... Il est incroyable de constater cela dans les années 2010 pour cette célèbre franchise dans laquelle tous avaient presque une carte blanche totale pour poursuivre un univers déjà solidement installé ! Pour en savoir plus sur l'envers du décor, nous vous conseillons le très bel ouvrage Star Wars - Disney et l'héritage de Georges Lucas, de Thibaut Claudel chez Third éditions. C'est une synthèse très efficace, factuelle et sourcée pour mieux comprendre ce qui a causé tant de problèmes. Le livre balaye la nouvelle trilogie mais aussi les films spin-off comme Rogue One et Solo, ainsi que les projets de série, incluant le célèbre Mandalorian.
L'épisode IX, quant à lui, pioche dans une facilité scénaristique pauvre (le retour de l'Empereur) et un énième affrontement entre les Rebelles et l'Empire (enfin, les Résistants et le Dernier/Premier Ordre). Il loupe ses moments épiques (la fausse mort de Chewie, de C-3P0…) mais en réussit d'autres (l'apparition de Han, la mort de Leia, la scène de conclusion). Ses protagonistes courent après des MagGuffin inutiles et jamais mentionnés auparavant, changent de discours par rapport au film précédent pour rester un peu cohérent dans celui-ci, etc. Techniquement abouti, il manque d'une écriture solide et d'un développement soigné pour ses personnages – à l'exception de Rey et Kilo Ren, le binôme qu'on retiendra de toute cette nouvelle trilogie bancale et décevante.

[1] Elle a signé un autre roman Star Wars avant celui-ci en 2019, Mort ou vif, qui s'attarde sur les jeunes années de Han Solo et Qi'ra, tous deux étant au centre du film Solo. L'histoire se déroule donc avant le long-métrage et est canonique. Rae Carson est une habituée de la science-fiction et la fantasy : on lui doit, entre autres, la trilogie De braises et de ronces.

+ Les points positifs
- Les points négatifs
  • Des ajouts pertinents par rapport au film, certains étant des compléments essentiels, d'autres en revanche très anecdotiques.
  • Une « visualisation » des scènes très facile si on a vu le long-métrage.


  • De mauvaises idées à l'écran restent de mauvaises idées à l'écrit.
  • On retrouve les mêmes défauts de cohérence.
  • Moins « épique » et moins émouvant sans la musique et la mise en scène.
  • Des passages auraient pu être améliorés par rapport au film grâce au médium littéraire mais ce n'est pas le cas.
  • Malgré un rythme correct, on s'ennuie un peu car on sait où l'on va.

DC Infinite, phase 1 : analyse d'un omnivers aux possibilités infinies


Dans une implacable prestation au concours de celui qui a la plus grosse,
DC ridiculise les multivers de la concurrence en nous posant sur la table son omnivers !
Analyse d'une victoire au poids.


DC Infinite
 déboule en version française chez Urban Comics. Pour rappel, l’année 2020 a été chez nous celle du très intéressant arc Death Metal. Maintenant qu’il touche à sa fin dans DC Future State, Scott Snyder, James Tynion et Joshua Williamson se lancent dans un énième renouveau supposé vivifier l’univers DC sans nier tout ce qui avait été installé auparavant. Loin de là, même, puisque l’on a l’arrivée chez DC d’un omnivers : une infinité de multivers hébergeant donc toutes les histoires possibles et imaginables écrites et à écrire. Voilà qui est bien commode pour rendre tout canon… mais n’est-ce pas aussi un piège, que cette porte ouverte à tout et n’importe quoi ? L’avantage premier en terme éditorial est que cela peut attirer les anciens lecteurs comme les nouveaux. Cette unification des DCU présent, passé et futur ouvre en effet des tas de nouvelles possibilités et l’on se prend à rêver de comics modernes prenant le look d’anciens, par exemple… ce que le présent album commence à suggérer avec le destin de Flash. Il y a là de quoi être aussi enthousiaste que méfiant : lorsque le pire comme le meilleur est possible, DC se montre souvent capable des deux. Alors, qu’en est-il du lourd recueil ouvrant cet arc chez Urban Comics ?
 
DC Infinite fait suite aux événements de DC Rebirth (2016 à 2021) qui faisait déjà suite à DC Renaissance – New 52 en VO (2011 à 2016), juste après Flashpoint (sans doute le reboot le plus connu de tous, résultant du voyage dans le temps de Barry Allen pour sauver sa mère qui chamboula l’espace-temps). DC Infinite ambitionne de proposer des récits proches des personnages montrant où ils en sont dans leur vie et leur faisant franchir de nouvelles étapes ou surmonter certaines épreuves. Et c'est sans doute une bonne chose : proposer une infinité d'histoires à offrir serait casse-gueule si l'on s'y autorisait en plus tous les mélanges de personnages imaginables.

DC INFINITE FRONTIER : un recueil pour les gouverner tous. Un recueil pour les trouver.
Un recueil pour les amener tous et dans l'Omnivers les lier.


DC Infinite, c’est avant tout DC Infinite Frontier, un album-teaser de 360 pages comprenant l’histoire principale écrite par Joshua Williamson où une terrible menace fait son grand retour. Allez, à ce stade de l’article, disons-le : il s’agit ni plus ni moins que de Darkseid dans sa version la plus aboutie. Le recueil contient le numéro zéro d’Infinite Frontier, les six numéros de la mini-série dessinée par Xermanico et les six numéros de la mini-série Infinite Frontier Secret Files. 

Depuis la fin de la guerre contre Perpetua et le Batman Qui Rit dans Death Metal, notre Terre fait partie d’un ensemble de dimensions parallèles. Darkseid refait surface et engendre la coalition de héros et vilains de multiples horizons. Du multivers composé de 52 réalités parallèles, DC Infinite Frontier nous propulse dans un omnivers dont le multivers précédent n’est qu’une infime parcelle. Voyez l’omnivers comme un multivers infini, où tout est canon… c’est beau comme un poème, non ? DC Infinite Frontier n’est donc en rien un reboot (contrairement aux New 52, par exemple). C’est la continuation logique de ce qui précéda mais, aussi, un parfait point de départ pour les nouveaux lecteurs en ce qu’il offre des histoires mettant l’accent sur l’avenir des personnages.

Tout débute avec ce qu'il advient de Wonder Woman après son sacrifice récent : elle rencontre la Quintessence et prend connaissance d'où en sont ses amis et alliés dans leur cheminement personnel. Avouons-le, ça a tout d'un épisode rétrospectif permettant aux nouveaux de tout comprendre et aux anciens de raccrocher le wagon. Mais le dessin et la colorisation y sont agréables. Et la narration y est si fluide qu'il est plaisant de retrouver une Diana s'enquérant de l'avenir de Kal-El, Flash, Shazadam (oui, Black Adam joue les Shazam), Batman, Oracle et les Batgirls, Grifter, Montoya, Nubia, Yara Flor (la très intéressante nouvelle Wonder Woman brésilienne), Jade, Obsidian, Allan Scott, Jonathan Kent, Roy Harper, Courtney (Stargirl, la détentrice du spectre cosmique... qui a l'air assez fun), son beau père Pat Dugan, Keli (la Teen Lantern surdouée qui nous intrigue pas mal... une ado détentrice d'un anneau de pouvoir, ça augure de surprises diverses), Barry Allen, Wally West et... la Teen Titans Academy. Toutes ces micro-histoires n'ont pas la même patte graphique mais aucune ne démérite vraiment. Elles sont toutes l'objet d'une critique ou d'un espoir de Diana qui les regarde depuis son nouveau statut et annoncent, bien entendu, les séries à venir dans Infinite. À noter, d'ailleurs, l'absence d'Aquaman parmi les classiques oubliés... et ce ne semble pas être un simple oubli de Diana : aucune sortie le concernant n'est annoncée pour cet arc et c'est assez étrange. Nous retrouverons, par contre, la suite de l'existence de Wonder Woman sous peu dans son parcours vers son après-vie dans DC Infinite Frontier Wonder Woman #1 - Les Mondes au-delà (voir ci-dessous)

Dans le présent recueil, nous allons ensuite suivre nombre de héros dans une de leurs versions alternatives, venant de dimensions plus méconnues du grand public. La Quintessence, composée d’êtres surpuissants, y est en effet neutralisée en quelques secondes par une nouvelle menace qui va nécessiter l’alliance de héros plutôt exotiques : 
- Roy Harper (un ex sidekick de Green Arrow qui fut tour à tour nommé Speedy, Red Arrow et Arsenal) désormais débarrassé de son addiction à la drogue mais tourmenté par un anneau noir que les fans reconnaîtront sans peine.
- Calvins Ellis, le fameux président Superman de Terre-23, ce personnage qui fait régulièrement bouillir de rage sur internet une quantité phénoménale de débiles ne pigeant rien au concept de multivers au titre qu’on leur « volerait leur enfance » en donnant une peau noire à Superman. Sauf que non : Clark Kent reste bel et bien un petit blanc-bec de Smallville au cul rose, les mecs. Calvin Ellis est un autre Superman dont a hérité un autre monde et autant vous dire qu’en dehors de leurs origines kryptonniennes et donc de leurs pouvoirs, on ne peut voir que peu de points communs entre les deux héros.
- Thomas Wayne, le Batman venu de la ligne temporelle de Flashpoint (père d’un Bruce Wayne assassiné dans Crime Alley) qui a voué sa vie à devenir le justicier qu’on connaît en combattant un Joker féminin qui n’est autre que son épouse Martha. Il est notoirement connu pour avoir aidé Flash à restaurer le cours de l’Histoire et pour être, selon nous, un Batman couillu comme pas deux.
- Allan Scott, premier Green Lantern humain, fondateur de la Société de Justice d’Amérique dans les années 1940. Il n’a jamais fait partie du Corps des Green Lantern et est père des jumeaux Jennie-Lynn-Hayden (Jade) et Todd Rice (Obsidian) tous deux présents ici également et incarnant respectivement la lumière et les ténèbres.
- Barry Allen, le Flash le plus connu de tous, ici trompé par l’ennemi central de ce recueil : Psycho-Pirate. Pour rappel, Psycho-Pirate est le seul survivant de Terre-2. Se souvenant de tout le passé des Terres Infinies et du « Mal » généré par les diverses crises d’envergure cosmique, il est en quête de vengeance et use pour ce faire du pouvoir du masque de Medusa lui permettant de contrôler les émotions de ceux croisant son regard.

Avec ces 360 pages, le décor est planté et la machine DC lancée pour une fournée de séries variées jouant peu ou prou la carte de l'omnivers... certaines anciennes continuent, de nouvelles se lancent, certaines ne comptent que quelques numéros ; il y en a pour tous les goûts ! On trouvera : Action Comics, Aquamen, Batgirls, Batman, Batman : Urban Legends, Batman/Superman, Catwoman, Deathstroke Inc., Detective Comics, The Flash, Future State : Gotham, Green Lantern, Harley Quinn, I Am Batman, The Joker, Justice League, Legends of the Dark Knight, Nightwing, Robin, Suicide Squad, Superman, Superman : Son of Kal-El, Teen Titans Academy, Wonder Girl, Wonder Woman mais aussi de nombreuses séries limitées comme Justice League vs. the Legion of Super-Heroes de Brian Bendis, Dark Knights of Steel de Tom Taylor (c'est de la fantasy !), Supergirl : Woman of Tomorrow de Tom King ou The Swamp Thing de Ram V. Tout cela paraîtra-t-il chez nous dans la langue de Macron ? Sans doute pas. Et c'est évidemment dommage... Mais nous pouvons déjà lire les trois albums qui suivent et qui portent l'estampille DC Infinite. Tour d'horizon de ces premières sorties enthousiasmantes : Batman, Wonder Woman et Superman, nous voici ! [1]


DC INFINITE BATMAN #1 - Lâches par essence


On a ici un Batman dépossédé de ses biens, ruiné et reprenant à zéro son activité de justicier hardcore suite aux événements de Joker War. James Tynion IV fait décidément vivre à Bruce Wayne des périodes bien difficiles depuis qu’il le tient sous sa plume et c’est aussi ce qui peut être réjouissant : tant que le confort pourrit Wayne, pourquoi ne pas l’imaginer jouant avec ses multiples gadgets pour sauver Gotham du crime, tel un Tony Stark de chez DC ? Mais plus rien de cela, ici. Fini, le héros adulé, finis les gadgets à plusieurs milliards de dollars, les drônes de surveillance et la complicité de la police. À la tête du commissariat, feu le brave Gordon a fait place à Christopher Nakano que l’on ne peut soupçonner de faire partie du fan club de Batou. Il fera même tout pour que le héros au costume de chauve-souris soit mis hors circuit. Et il n’est pas le seul à Gotham à nourrir un sentiment de rejet envers les super-héros. Ce sentiment a déjà souvent été traité dans des comics comme Spider-Man, par exemple, mais il est ici d’une toute autre agressivité. On y trouve en effet, outre une police bien remontée, un collectif anarchiste nommé Unsanity au style fluo les désignant d’office comme des anti-Batmen mais qui sont bien plus intéressants que ça et avec qui Bruce va établir des liens surprenants.

Dans Gotham, de plus en plus de gens sont révoltés contre les héros depuis le Jour A, nom donné à ce jour tragique où un gaz toxique s’est répandu dans l’asile d’Arkham, n’épargnant que quelques soignants et un garde sauvé par Batman. Tous les pensionnaires sont morts, ce qui fait table rase des méchants de très grosse envergure comme Bane, par exemple, et offre donc à Batou une Gotham qui n’est plus infestée de super-vilains, même si certains sont encore d’actualité.

Pour preuve, l’on soupçonne Unsanity d’être allié de gré ou de force à l’Épouvantail qui est bel et bien toujours vivant et qui a rarement été mis en scène de façon plus terrifiante, grâce au dessin de Jorge Jimenez. En parlant d'Unsanity... Jimenez ne serait-il pas un joueur du jeu de plateau Necromunda ? Parce que leurs looks semblent être de véritables copies de celui du gang Escher... ce qui me motive à peindre un gang aux couleurs des Unsanity, moi. Argh ! Encore du boulot...
 
À noter que le garde sauvé par Batou nourrit une haine grandissante pour les actions du héros qu’il considère responsable de l’émergence de super-vilains (un thème déjà abordé avec le Syndicat des Victimes dans les Detective Comics) et que l’on s’attend à voir ce personnage devenir un sérieux caillou dangereusement pointu dans la botte de Bruce. Remarquons aussi la présence du Ghost-Maker (défenseur de Gotham depuis Joker War) et de Harley Quinn dans un duo aussi improbable que sympathique à suivre mais aussi, quelque part sous Gotham, celle de Poison Ivy qui réserve encore des surprises, à n’en pas douter.

Ce nouveau cru de Batman est enthousiasmant en tous points, tant par ses nouveaux protagonistes et antagonistes intrigants que par le traitement exceptionnel réservé aux anciens. Scénaristiquement, il surprend et tient en haleine. Visuellement, il y a depuis quelques temps chez l’homme chauve-souris une patte qui impose le respect. Les traits sont impeccables, les couleurs vivantes et vibrantes, le découpage est signifiant. Il est le porte-étendard de DC et il claque au vent avec fierté, se permettant même de faire plus d’une fois allusion à l’actualité ; il pousse par exemple les citoyens à se cloîtrer chez eux et à acquérir des masques afin d’échapper à la toxine de l’Epouvantail… si ça ne vous rappelle pas un certain confinement contemporain de l’écriture de ce volume, vous avez dû vivre en orbite ces deux dernières années ! 

Un vrai bon Batman moderne qui n'hésite pas à secouer son personnage central une fois de plus !


DC INFINITE WONDER WOMAN #1 - Les mondes au-delà


Wonder Woman n'est plus. Mais bon, c'est une demi-déesse, fille de Zeus, hein... son aventure ne fait que commencer ! Après ce qu’elle vécut avec la Quintessence, Diana se réveille à Asgard au milieu d’un champ de bataille où Thor et Siegfried livrent d’incessants combats mortels. Ce n’est bien entendu pas sa place mais l’Olympe lui est momentanément refusée pour une raison que nous n’apprendrons que plus tard. Pour l’heure, elle est amnésique et dépourvue de ses pouvoirs, se lançant comme tous les autres dans d’innombrables batailles finissant par sa mort et sa résurrection au banquet des dieux nordiques dans le Valhalla… où elle noue une amitié assez torride avec Siegdfried. Ne plus avoir de pouvoir et mourir sans cesse… voilà qui est ironique pour une héroïne ayant récemment accédé à l’invulnérabilité et à l’immortalité divines.Elle apprend bien vite qu’Yggdrasil, l’arbre au centre du monde, se met à dépérir et que les Walkyries ne ramènent plus les morts à la vie. L’ordre des choses est remis en question et, comme on ne se refait pas, Diana va accepter la tâche de remettre de l’ordre dans tout ça. 
 
Dans la suite du tome, elle voyagera de mondes mythologiques en mondes parallèles en compagnie de Ratatosk, l’écureuil messager du monde d’Asgard, à la poursuite d’une divinité rebelle et meurtrière de masse planifiant d’écrire un futur selon ses ambitions propres. Le passage d’un monde à l’autre coïncide avec des changements graphiques radicaux (oui, le même principe que dans Into the Spider-Verse dont la suite s’annonce user plus encore du procédé) et c’est avec plaisir que l’on découvrira les pattes de Travis Moore, Andy McDonald, Jill Thompson et Becky Cloonan pour illustrer ce périple.
 
Asgard est belle et réaliste, Elfhame a la féérie d’un conte pour enfants… et les autres mondes ont tous leur approche graphique spécifique qui est la plupart du temps une réussite.
Wonder Woman se réinvente graphiquement à chaque monde mais conserve sa personnalité guerrière et l’assurance qui lui est propre. Il y même a longtemps qu’elle n’a plus bénéficié d’une telle aura d’insouciance due à sa grande puissance et lui retrouver un ton léger face au danger est très agréable.

L’histoire a l’intelligence de répondre à chacune des interrogations qu’elle sème (Pourquoi arrive-t-elle à Asgard et non en Olympe ? Qui donc est cette divinité rebelle ? Pourquoi fait-elle tout cela ?) avant de nous offrir un ultime retournement de situation certes inattendu mais foncièrement logique et, surtout, avant de nous proposer un final justifiant sans nul doute un retour de Diana à un statut différent pour la suite des événements.
 
Un album qui vous emporte sans complexe dans divers univers avec bonheur et maîtrise. Une réussite, ni plus ni moins. À dire vrai, il est même potentiellement apte à séduire bien au-delà du cercle des fans de la belle Amazone. Il pourrait même convaincre en dehors des amateurs de comics. En effet, son accessibilité, sa légèreté, son isolement du reste de l'univers des comics et son humour lui permettent de faire du pied à un très large lectorat (si ledit lectorat est assez ouvert d'esprit pour empoigner un gros pavé de chez Urban bien entendu). On y retrouverait presque l'émerveillement tout enfantin que l'on avait lorsque, gamin, l'on feuilletait les premiers tomes de Thorgal où magie et mythes côtoient batailles épiques et sentiments sincères...


DC INFINITE SUPERMAN #1 - L'ascension du Warworld


Superman a un coup de mou : ses pouvoirs semblent diminuer depuis son affrontement avec les créatures de la brèche. Se pourrait-il que l’Homme d’Acier faiblisse ? Batman, du coup, craint pour la sécurité de la planète et demande à Clark de suggérer à son fils Jon de réfléchir à devenir un jour le nouveau Superman. Mais ce passage à vide n'empêche aucunement Superman de vouloir encore et toujours prendre en mains la plupart des soucis d'ordre extraterrestre que la Terre peut rencontrer. Et dans le genre souci, ça va y aller fort ! En effet, Clark est prévenu de l'arrivée de vaisseaux warsiens dans l'atmosphère terrestre, au-dessus de l'Atlantique nord. A bord du seul de ces vaisseaux que la "Super Family" ne va pas atomiser, Clark trouve des fuyards asservis par le nouveau Mongul qui semblent étrangement parler un très ancien dialecte kryptonien. 
 
Outre ces gens visiblement très affaiblis et souffrant depuis des années de multiples traumatismes témoignant d'une vie d'esclavage et de mauvais traitements, le vaisseau (désormais au fond de l'océan... et donc sous la protection jalouse d'Atlantis) renferme également un fragment d'un matériau inconnu et gravé de symboles dont émane une puissance incroyable. Malheureusement, le bidule va attiser les convoitises des Atlantes comme des gens de la surface et... il va encore falloir que Superman se mouille au propre comme au figuré pour empêcher qu'éclate un conflit de grande ampleur. En plus de cela, Superman ne saura s'empêcher de nourrir l'ambition de partir sauver, sur Warworld, les compagnons d'infortune de Thao-La, la seule réfugiée avec laquelle ils entreront vraiment en contact.
 
Évidemment, tout cela est un piège. Superman le sait. Et son fils s'en doute lui aussi, lui qui a vécu dans le futur et qui sait que les derniers événements relatés de son père y étaient son combat près de la brèche... il se doute bien que son père est sur le point de disparaître. Mais Superman est ce qu'il est : il va bien entendu voler au secours de ce peuple opprimé parlant un ancien langage de Krypton. 

Superman Infinite #1 sert de prologue à la saga Warworld qui amènera l’Homme d’Acier à quitter la Terre (en la confiant au passage à son fils Jon Kent). Ce premier volume collecte les numéros d’Action Comics #1030 à 1035 écrits par Phillip Kennedy et dessinés par Daniel Sampere, ainsi que d'Action Comics 2021 Annual #1 écrit par le même Kennedy et illustré par Siya Oum.La série Superman Infinite va donc nous offrir un Superman bien plus jeune en la personne de Jon à partir du tome 2.
 
En ce qui concerne, ce tome 1, il offre à notre super mec une nouvelle noble cause, une cohésion familiale autour de lui qui fait plaisir à voir, de superbes planches de bravoure graphique et... quelques très belles idées scénaristiques. J'en veux pour exemple l'explication selon laquelle la réfugiée du vaisseau warsien n'accepte pas de se libérer de ses chaînes malgré le fait qu'on lui dise qu'elle est libre : chaque maillon de sa chaîne a été prélevé sur celle d'un ennemi vaincu. Elle représente donc sa force et le nombre d'ennemis qui la craignent tout en ayant le double "avantage" (c'est vachement relatif) de lui faire gagner en amplitude de mouvement en allongeant la chaîne et de la faire devenir plus forte en la musclant grâce au poids de la chaîne... là où les vaincus perdent en amplitude et s'affaiblissent. Cette façon d'imaginer une justification à l'esclavage par les esclaves eux-mêmes est aussi osée que bien construite. Par contre, j'arrête tout de suite les Jean-Kévin qui diront : "Ouais, et en plus, elle est noire, Thao-la, alors ça rappelle..." Ta gueule ! Non mais ta gueule ! Tous les peuples de la planète ont été esclaves un jour ou l'autre et qui que soient lesdits esclaves, l'esclavage est une horreur inacceptable, okay ? En plus, tu es un con, Jean-Kévin : les compagnons de Thao-La ne sont pas noirs, eux. Alors, ta gueule !


Alors oui : un omnivers, c'est casse-gueule au possible. Oui, ça promet la légitimation de plein de trucs vraiment moyens. Oui, un des mondes visités par Wonder Woman dans son album sent déjà un peu le n'importe quoi (mais je n'en parlerai pas, histoire de rester calme). Oui, c'est risqué mais c'est aussi le plus beau, le plus vaste, le plus ouvert à l'imagination de tous les terrains de jeux pour les scénaristes et ça... ça, c'est bien ! Oui, on aura sans nul doute des catastrophes industrielles devenant canons. Mais si le nombre de celles-ci est très inférieur aux albums de la qualité de ce Wonder Woman, de ce Batman et de ce Superman... eh bien, je signe à deux mains avec un marqueur indélébile !


[1] Urban Comics a déjà annoncé les publications de Joker Infinite, Harley Quinn Infinite, Nightwing Infinite, Batman Detective Infinite et Robin Infinite, soit cinq séries Infinite autour du Chevalier Noir ! Heureusement, Flash Infinite et Superman - Son of Kal El Infinite viennent compléter le tableau – pour l'instant. Toutes seront en vente d'ici fin avril 2022.


+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'omnivers est une porte désormais grande ouverte par DC permettant de tout rendre canon, absolument tout ! Et jusque là, c'est géré d'une main de maître.
  • Les scénarios sont (pour l'instant) bien foutus et suffisamment axés autour d'un nombre de personnages limités pour être compréhensibles par tout le monde.
  • Graphiquement magnifique (pour le moment) !
  • L'omnivers est une opportunité qui peut sans effort devenir une menace pour DC, en cela qu'il autorise la justification de n'importe quoi... espérons qu'il y aura peu de dérapages.
  • Même si les histoires restaient toujours impeccablement écrites et illustrées, attention à bien restreindre le plus possible le nombre de Terres et de héros par album : il faut que ça reste compréhensible !