Fausse censure, vrai buzz et limites légales
Publié le
1.10.18
Par
Nolt
Étant donné que c’est un sujet un peu chaud en ce moment, et qu’on peut lire énormément de conneries sur les sites d’actualité, on va tout de même aborder le cas du Petit Paul de Bastien Vivès.
Auteur moi-même, je suis
évidemment, par principe, contre toute forme de censure. C’est-à-dire l’interdiction
d’un ouvrage ou d’un auteur pour des raisons idéologiques. Même lorsqu’il s’agit
de publications avec lesquelles je ne suis pas d’accord, j’estime que les
interdire n’est vraiment pas une solution acceptable. Parce que la circulation
des idées, même d’idées qui peuvent paraître choquantes, est (la plupart du
temps) une bonne chose.
Cependant, l’aversion éprouvée
à l’égard de la censure a bien entendu également ses limites. Le respect de la
vie privée, l’interdiction de la diffamation, par exemple, font que l’on ne
peut pas publier n’importe quoi sur n’importe qui. Cela "limite" quelque peu la liberté des auteurs, mais l’on peut sans peine comprendre en
quoi cette limitation est sensée, voire souhaitable.
En ce qui concerne la représentation
de la pédopornographie, c’est encore plus simple : elle est très clairement interdite.
Diffuser l’image (ou la représentation)
d’un mineur dans des scènes pornographiques est puni de cinq ans d’emprisonnement
et de 75 000 euros d’amende (cf. cet article du code pénal).
Ce sont les peines maximales hein, ce n’est pas automatique, mais ça montre qu’on
ne rigole pas trop avec le sujet.
Dans Petit Paul, il y a bien
des scènes pornographiques, mettant en scène un mineur, l’album tombe donc sous
le coup de la loi, et l’auteur comme l’éditeur devraient être condamnés (même
les libraires qui le vendent en réalité, même si dans les faits, ça n’ira pas
jusque là).
L’argument des scènes
humoristiques ne tient pas… outre le fait qu'il soit difficile d'imaginer en quoi un gamin qui est obligé de bouffer la chatte de son institutrice soit
une scène irrésistible de drôlerie (mais bon, question de point de vue sans
doute), l’argument est irrecevable légalement. L’article ne dit pas "on
ne représentera pas de mineurs dans des scènes pornographiques, sauf pour se
marrer un bon coup". C'est totalement interdit, point.
Il ne s’agit pas dans ce cas
de limiter la liberté d’expression d’un artiste, puisque la représentation de
mineurs dans des scènes pornographiques, même avec l’alibi fallacieux de l’humour "gras", ne fait tout bonnement pas partie de cette liberté. [1]
Pas à l’heure actuelle en tout
cas si l’on en croit le code pénal.
Il n’y a pas à demander l’interdiction
de l’album, la pétition qui circule actuellement est aussi inutile qu'incompréhensible, car l’album
est déjà interdit par la loi.
Simplement, la loi n’a pas été
appliquée (pour le moment en tout cas).
Tout le reste, les débats
fallacieux sur la censure ou les appels à défendre la "liberté d’expression",
avec des trémolos dans la voix, est du vent.
Par contre, cela soulève des
questions intéressantes :
- pourquoi l’album est-il
encore en vente ?
- comment les avocats de
Glénat (ils ont bien des avocats, non ?) ont-ils pu valider ça ?
- comment Céline Tran, ex-hardeuse et directrice de cette collection à vocation assumée comme pornographique, peut-elle dire autant d'inepties dans la préface (notamment défendre cet album comme étant un "pied de nez à la sexualité bien pensante qui rassure et qui emmerde") ? La pédopornographie, c'est un remède contre le cul trop plan-plan ? Il y a des neurones encore en activité chez cette nana ?
D’une manière moins pragmatique,
l’on peut aussi s’interroger sur les limites imposées à la fiction, que j’avais
déjà évoquées dans cet article (pour cette fois prendre plutôt la défense de la
liberté relative dans la fiction).
Je tiens d’ailleurs à affirmer
de nouveau qu’un auteur ne doit pas être limité par l’idéologie du moment ou
les caprices des bien-pensants. Mais la loi, elle, me paraît difficilement
contournable. Des élus d’un pays démocratique (ou en tout cas déclaré comme
tel) ont fait passer un texte interdisant toute représentation, même imagée, de
la pédopornographie, il est donc illégal de faire commerce d’une BD
représentant un enfant dans des scènes pornographiques. C’est aussi simple que
ça.
Parfois, certaines lois
peuvent ne pas être "bonnes". Mais je me demande qui pourrait
véritablement s’élever contre celle-ci. Et avec quels arguments. Car enfin, il
faut vraiment être complètement coupé de la réalité pour penser que la
représentation de la pédopornographie doit absolument faire partie de l’arsenal
fictionnel des auteurs. D’autant que la pédopornographie n’est pas évidemment
pour autant un sujet interdit, de très nombreux auteurs l’abordent, très
souvent bien entendu pour la condamner, mais sans pour autant la représenter de manière légère et complaisante (et encore moins en rire comme un benêt décérébré).
Il ne s’agit nullement d’opposer
deux camps, les soi-disant partisans de la "liberté" et ceux de la "censure",
mais simplement de faire un constat : ce livre est illégal et n’a rien à
foutre en librairie. [2]
Pour changer cela, il ne faut
pas démontrer que le livre est drôle ou parodique, il faut faire changer la
loi. Donc demander à des députés de réviser les précautions légales légitimes
prises contre la pédopornographie.
Et c’est peut-être un peu trop
cher payer pour défendre un auteur médiocre obsédé par les gamins et les bites…
[1] Nous avons d'ailleurs été obligé de masquer une partie des planches illustrant l'article, car si nous les avions publiées en l'état, nous aurions pu être condamnés au même titre que Vivès et Glénat.
[2] Certains tentent parfois "d'enculer des mouches" en essayant d'extraire le dessin de l'interdiction visée par la loi. Rappelons que la loi englobe toutes les représentations d'un mineur dans des scènes pornographiques. Un dessin est une représentation d'un personnage. C'est à la loi, éventuellement, de préciser des exceptions à son application, elle n'a pas à lister toutes les formes que sa formulation recouvre, car par défaut, elles sont toutes concernées.
[1] Nous avons d'ailleurs été obligé de masquer une partie des planches illustrant l'article, car si nous les avions publiées en l'état, nous aurions pu être condamnés au même titre que Vivès et Glénat.
[2] Certains tentent parfois "d'enculer des mouches" en essayant d'extraire le dessin de l'interdiction visée par la loi. Rappelons que la loi englobe toutes les représentations d'un mineur dans des scènes pornographiques. Un dessin est une représentation d'un personnage. C'est à la loi, éventuellement, de préciser des exceptions à son application, elle n'a pas à lister toutes les formes que sa formulation recouvre, car par défaut, elles sont toutes concernées.